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Quand le monde de la politique rencontre le monde interlope

Anonyme, Viernes, Mayo 16, 2008 - 06:44

Le Bureau des Affaires Louches

Profitant de l'affaire Julie Couillard, le BUREAU DES AFFAIRES LOUCHES dresse un inventaire des diverses affaires de collusion entre le monde de la politique et le crime organisé qui défrayèrent les manchettes au Québec et au Canada au cours des vingt dernières années. Les douze cas de collusion sélectionnés par le Bureau illustrent que ce phénomène n'épargne aucun parti politique et s'étend de la Colombie-Britannique jusqu'au Nouveau-Brunswick, en passant bien sûr par le Québec mais aussi l'Ontario. Mais pour commencer, nous reviendrons sur les récents déboires du ministre Maxime Bernier (voir aussi: Un ministre des Affaires étrangères qui n'est pas étranger aux affaires louches).

En novembre 2005, lorsque le chef du Parti conservateur du Canada, Stephen Harper, déposa une motion de censure pour défaire le gouvernement libéral minoritaire de Paul Martin, il n'hésita pas à lier le scandaleux programme des commandites au crime organisé. Plus de deux ans après l'arrivée au pouvoir des conservateurs de Harper, c'est au tour d'un membre important de son gouvernement, soit le ministre des Affaires étrangères Maxime Bernier, d'être sur la sellette en raison des liens de son ex-petite amie, Julie Couillard, avec le milieu des motards criminalisés.

Ex-mannequin, Couillard est agente immobilière de profession. Ses accointances avec le milieu interlope remonteraient au moins aux années '90, soit à l'époque où les Hells Angels et une coalition de rivaux appelée l'Alliance se livrait une guerre sans merci particulièrement meurtrière. De 1993 à 1996, Couillard fut la conjointe de Gilles Giguère, un narcotrafiquant décrit comme une relation d'affaire de Maurice «Mom» Boucher, un des présumés dirigeants des Hells Angels québécois. Giguère était en attente de procès pour la possession de quatre mitraillettes et de cinquante livres de marijuana lorsqu'il fut assassiné, en 1996. Couillard fréquenta ensuite Stéphane Sirois, qui était membre des Rockers, un club école des Hells. Sirois quitta les Rockers et épousa Couillard, en 1997. Le couple divorça deux ans plus tard.

La relation entre le ministre Bernier et Mme Couillard dura plus de six mois et n'a prit fin que récemment. Bien qu'elle fit couler beaucoup d'encre, l'affaire Julie Couillard n'est peut-être qu'un feu de paille. Rien ne prouve que l'ex-copine du ministre conservateur joua un rôle quelconque dans les activités criminelles de ses conjoints respectifs. Et personne n'a prétendu que Couillard entretenait toujours des liens avec le milieu des motards criminalisés.

Cela étant, il reste que la population aurait été en droit de recevoir une petite explication de la part du gouvernement conservateur, ne serait-ce que pour mettre un terme aux spéculations sur les implications possibles de la relation entre Bernier et Couillard. Après tout, la fonction de ministre des Affaires étrangères qu'occupe Maxime Bernier est un poste délicat. En tant que chef de la diplomatie canadienne, le ministre Bernier se retrouve en effet à fréquenter les grands de ce monde et à manipuler toutes sortes de documents top secret.

Mais la réaction des ténors du gouvernement Harper consista à dire : cette histoire ne nous regarde pas, elle ne vous regarde pas, elle ne regarde pas personne. Non, les membres du cabinet n'ont de comptes à rendre à personne, pouvait-on comprendre en lisant entre les lignes. Bref, les conservateurs ne semblaient plus d'humeur à tenir de grands discours sur l'importance de la lutte au crime organisé. Mais en entrenant le flou, les conservateurs courent le risque de laisser le doute s'installer dans l'opinion publique. Ne dit-on pas qu'il n'y a pas de fumée sans feu ?

Alors que l'affaire Julie Couillard battait son plein, La Presse publia dans son édition du samedi 10 mai une photo si controversée qu'elle avait incitée la GRC à interroger le ministre Bernier. Prise à la mi-janvier 2008 lors d'une d'une activité de financement de l'association du parti conservateur dans la circonscription de Papineau, la photo montrait le ministre Bernier posant tout sourire en serrant la main de Michael Chamas, un homme d'affaires qui dirige une multitude de sociétés, incluant Global Village I.R.S., basée à Rosemère, au nord de Montréal.

Dans l'article de La Presse accompagnant ladite photo, on apprenait que Chamas avait été arrêté le 26 mars dernier en compagnie de vingt-huit autres personnes lors d'une vaste opération anti-drogue qui mobilisa 300 agents de différents corps policiers. Baptisée «Projet Cancun», l'enquête policière donna lieu à des perquisitions sur les réserves Mohawks de Kahnawake, de Kanesatake et d'Akwesasne, ainsi qu'à Montréal et à Hogansburg, dans l'État de New York. Les policiers saisirent trois lance-grenades, des mitraillettes de type AK-47 et M-16, une dizaine de voitures de luxe, près de 2 millions $ en espèces et de la marijuana.

Chamas doit aujourd'hui répondre de dix chefs d'accusation reliés à la possession illégale d'armes à feu en rapport avec cette affaire. Ce globe-trotter n'en serait d'ailleurs pas à ses premières embrouilles avec la loi. À l'automne 2007, des douaniers suisses l'arrêtèrent en possession de 2 millions d'euros. L'importante somme d'argent fut saisie en attendant que les autorités helvétiques concluent leur enquête. L'Agence du revenu du Canada s'intéresse aussi à Chamas, à qui elle réclame 952 355 $ en impôts impayés pour les années 2001 à 2005. Afin de s'assurer de récupérer les sommes dues, des inspecteurs fiscaux prirent une hypothèque légale sur sa maison de Lorraine et sur quatre autres propriétés de Laval, Saint-Colomban, Saint-Eustache et Sainte-Thérèse. Dans un jugement rendu en 2005, un juge fédéral écrivit que Chamas «a fourni des renseignements faux et trompeurs à la Banque Laurentienne afin d'obtenir du crédit».

Selon Neil Hrab, l'attaché de presse du ministre, Maxime Bernier déclara à la GRC qu'il ne connaissait pas Chamas. «Leur premier et seul contact s'est produit lorsque le ministre posait avec des invités à l'événement pour des photos de courtoisie», insista Hrab lors d'un bref entretien avec La Presse. Ce qui n'empêcha pas la compagnie Global Village d'utiliser à des fins promotionnelles la photo avec Bernier, et plusieurs autres qui furent prises lors du même événement, en les affichant sur son site web.

Ces récentes controverses mettant en vedette le ministre Bernier viennent rappeler que les hautes sphères politiques canadiennes ne sont nullement à l'abri de l'infiltration du crime organisé. Après tout, qui dit crime organisé, dit aussi un pouvoir économique. Et qui dit pouvoir économique, dit aussi influence politique.

Au Québec, il y a longtemps que les gros bonnets de la pègre jouissent d'entrées privilégiées dans le monde politique. Mentionnons à titre d'exemple le cas du légendaire caïd Lucien Rivard, dont la vie vient d'être portée au grand écran, qui avait été à l'origine d'un énorme scandale de corruption politique qui avait ébranlé le gouvernement libéral de Lester B. Pearson, en 1963. Rappelons aussi le cas du vice-premier ministre québécois Pierre Laporte, qui, avant de trouver la mort durant de son enlèvement par une cellule du FLQ, en 1970, avait bénéficié du soutien de la famille Cotroni lors de la course au leadership du Parti libéral du Québec.

Dans un article intitulé «Le crime organisé menace la démocratie au Canada», publié dans l'édition de La Presse du 25 mars 1995, le journaliste André Noël cita plusieurs extraits d'un document produit par des analystes de la police de Montréal, de la Sûreté du Québec et de la section québécoise de la Gendarmerie royale du Canada. Dans l'extrait ci-dessous, les auteurs soulignent l'influence politique exercée par la mafia sicilienne au Québec :

«Nous sommes particulièrement inquiets de voir se reproduire au Canada le modèle italien où la mafia a complètement pris le contrôle du Parti démocrate-chrétien, en investissant dans sa caisse électorale, notamment. Au Canada, certaines décisions prises par les différents niveaux de gouvernement démontrent clairement que ceux qui contribuent aux caisses électorales des partis sont favorisés. Que ce soit dans l'attribution de contrats publics, dans la modification des règles de zonage, dans la réglementation des travailleurs de la construction, ou encore dans la gestion des courses de chevaux ; de nombreuses décisions gouvernementales favorisent des intérêts proches du crime organisé.»

Ce qui suit est un inventaire non-exhaustif de diverses affaires louches impliquant des personnalités politiques avec des figures du crime organisé au cours des vingt dernières années, au Canada.


1. L'affaire Frank Majeau

Durant vingt-cinq ans, Frank Majeau, un ex-propriétaire de club de danseuses nues, et Roch LaSalle, député conservateur de Joliette de 1968 à 1988, ont été de bons amis. Il arriva que Majeau soit engagé pour jouer les fiers-à-bras lors d'assemblées partisanes du Parti conservateur. En 1983, Majeau avait été trouvé coupable d'agression armée causant des lésions corporelles suite à une bagarre dans un bar. La même année, Majeau s'associa avec Réal Simard – un tueur à gages du clan Cotroni qui deviendra délateur après avoir confessé quatre meurtres – dans une agence de danseuses torontoise du nom de «Prestige Entertainment».

En janvier 1987, lorsque le magazine Maclean's révéla son passé judiciaire et ses connexions pègreuses, Majeau travaillait depuis neuf mois comme assistant spécial de LaSalle, alors ministre d'État aux Travaux publics du gouvernement conservateur de Brian Mulroney. L'affaire devint une source d'embarras pour le gouvernement, car Majeau avait réussit à se soustraire à la procédure de vérification d'antécédents judiciaires qui est obligatoire pour tout nouveau membre du personnel politique fédéral. Majeau fut congédié peu de temps après.

On apprit par la suite que Majeau fut aussi associé à une affaire de pot-de-vin entourant l'acquisition d'avions d'attaque par Ottawa, en 1979. Majeau avait alors approché la compagnie McDonnell Douglas afin de lui solliciter un pot-de-vin représentant 15 % de la valeur du contrat, qui s'élevait à 5,5 milliards $. À titre de ministre de l'Approvisionnement et des Services dans l’éphémère gouvernement minoritaire de Joe Clark, LaSalle était responsable de l’achat de ces avions. Aucune accusation n'a toutefois été déposée relativement à cette affaire.

(Sources: The Toronto Star, «Tory aide fired over criminal background», January 12 1987 ; The Globe and Mail, «Fortune hunt took wrong turn out of St. Louis», Stevie Cameron, November 1 1991 ; CAMERON Stevie, «On the take – Crime, Corruption and Greed in the Mulroney Years», MacFarlane Walter Ross (1994), p. 109 à 114.)


2. L'affaire Conrad Bouchard

En janvier 1987, le Journal de Montréal révéla que Conrad Bouchard, un ex-chanteur de cabaret reconverti en narcotrafiquant lié au clan Cotroni, s'était vanté auprès d’un de ses codétenus que des «pressions politiques» l'aideront à sortir du pénitencier, où il purgeait une peine de cinq années d'emprisonnement pour une affaire de drogue. À l'époque, Claude Lanthier, le député conservateur de LaSalle-Ville Émard, avait d'ailleurs écrit au ministre fédéral de la Justice pour demander la libération de Bouchard.

Conrad Bouchard, qui était représenté par Me Daniel Rock, un avocat très proche des conservateurs, présenta une première demande de libération durant le printemps 1985, soit treize jours après la nomination d'un «fervent supporter» du ministre Roch LaSalle, Louis Laporte, à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC). Laporte siégea sur la CNLC lors de deux audiences consacrées à la demande de libération de Bouchard.

La première audience permis à Bouchard de recevoir la permission de sortir de prison sans escorte à raison de 48 heures par mois. À la seconde audience, il obtint l'autorisation de s'absenter de jour de la prison. Bouchard fut définitivement libéré le 2 juin 1986, pour être arrêté de nouveau quatre mois plus tard, cette fois-ci en rapport avec la saisie de 13 kilos de cocaïne péruvienne d'une valeur de 13 millions $. Il fut ensuite condamné à vingt-quatre années d’emprisonnement. La SQ et la GRC enquêtèrent sur les allégations de trafic d’influence à la CNLC, mais aucune accusation ne sera portée.

(Sources : Le Journal de Montréal, «Un avocat conservateur a accéléré la libération de Conrad Bouchard», Michel Auger, 28 janvier 1987 ; The Toronto Star, «Tory didn't help inmate get parole, official says», January 30 1987 ; The Gazette, «Political ties not a factor in drug trafficker's parole, lawyer says», January 30 1987.)


3. L'affaire Pari Montanaro

Un nouveau scandale de trafic d’influence relié aux libérations conditionnelles éclata sept ans plus tard. Soupçonné d’être à la tête d’un «important réseau de corruption», l'agent de libération conditionnelle et ex-conseiller municipal de Saint-Léonard Pari Montanaro fut arrêté en avril 1994 après avoir été pris au piège en acceptant une somme d'argent offerte par un agent en civil de la GRC. Bien qu'il n'avait aucun pouvoir en matière de libération conditionnelle, Montanaro demandait de l'argent à des prisonniers ou à leur famille en échange d'une amélioration de leurs conditions de détention ou d'une accélération du traitement de leur dossier à la CNLC.

Au cours de son enquête sur cette affaire, la GRC s'intéressa au rôle qu'aurait joué deux avocats criminalistes de renom et l'ex-députée conservatrice de Mercier, Carole Jacques, ainsi que le principal organisateur politique de celle-ci, Jean-Yves Pantaloni. La GRC découvrit notamment que Jacques avait référé à Montanaro le dossier d'un important narcotrafiquant proche de la mafia sicilienne, Raynald Desjardins, alors accusé dans une affaire d'importation de 740 kilos de cocaïne au Canada. Richard Blanchette, un ex-avocat condamné à trois ans de prison pour avoir conspiré en vue d'importer 64 kilos de cocaïne, aurait été un autre bénéficiaire présumé du réseau.

Toutefois, seuls Montanaro et Bernard Lebel, un criminologue à l'Institut Pinel, furent formellement accusés. En mars 1996, Montanaro évita un procès qui promettait d'être embarrassant en plaidant coupable aux accusations de complot et d'abus de confiance portées contre lui. Montanaro, qui comptait quinze années de service au sein des libérations conditionnelles, fut condamné à purger trois mois de prison, à payer une amende de 35 000 $ et à exécuter 90 heures de travaux communautaires.

(Sources : The Gazette, «2nd official suspended pending probe of corruption at prisons», Rod MacDonell, May 7 1994 ; The Gazette, «Former MP named again in RCMP search warrant», Rod MacDonell, May 14 1994 ; The Gazette, «Parole officer gets three months», Rod MacDonell, March 9 1996.)


4. Les hauts et les bas de Sidney Lallouz

Sidney Lallouz est un narcotrafiquant de calibre international issue de la pègre juive. Il fut tour à tour associé aux frères Dubois, à la mafia sicilienne et au gang de l'Ouest. En 1972, la police de Zurich émit un mandat d'arrestation à l'égard de Lallouz, qu'elle soupçonnait d’avoir introduit 31 kilos de haschich en Suisse. Le mandat n'a toutefois jamais été mis à exécution. Arrêté en 1979 au terme d'une enquête conjointe de la GRC et de la police britannique, Lallouz paya cash sa caution de 100 000 $. En 1983, il plaida coupable à une accusation réduite d'importation de 700 kilos de haschisch afghan. Lallouz fut alors condamné à deux ans et demi de prison et à 100 000 $ d'amende.

Possédant plus d'une corde à son arc, Lallouz était plus qu'un simple narcotrafiquant. En 1990, le quotidien The Gazette révéla que deux sociétés para-municipales de la ville de Montréal (la SIMPA et la SODIM) s'étaient associées à Lallouz dans le cadre de deux projets immobiliers (Quartier des Écluses et le Parc d’Entreprises du Canal) d'une valeur combinée de 1,5 milliard $. Pour éviter de rembourser des prêts immobiliers de plus de 5 millions $, Lallouz s'enfuya du Canada, en 1991, avec en poche les 2 millions $ que la ville lui versa pour racheter ses parts dans le projet de la SODIM.

En 1997, la Sûreté du Québec enquêtait sur des transactions suspectes effectuées par la SIMPA une décennie plus tôt. Divers promoteurs avaient réalisés des profits s'élevant à 27,7 millions $ lors de la vente d'immeubles dont la valeur aux livres n'était plus que de 35 millions $. Toutes ces transactions durent recevoir l'approbation du comité exécutif de la ville de Montréal, faisant en sorte que les dirigeants du Rassemblement des Citoyens de Montréal (RCM), au pouvoir entre 1986 à 1994, furent plongés dans l'embarras. Le décès de Michel Bergeron et de Jean Des Rosiers, les deux associés de Lallouz, ne facilita toutefois pas la tache de la SQ, de même que la disparition de certains documents de la ville. Les leaders du RCM furent soupçonnés d'avoir cherchés à enterrer l'affaire, mais l'enquête de la SQ n'aboutissa à aucune accusation.

Lallouz refit parler de lui lors de l'affaire du Marché central, un projet immobilier qui se solda par une faillite frauduleuse de 164 millions $, incluant des pertes de plus de 80 millions $ pour les Soeurs du Bon-Pasteur, durant les années '90. En 2001, Lallouz confessa à Radio-Canada son implication comme prête-nom dans des compagnies à l'étranger utilisées afin de détourner l'argent des soeurs, mais ne sera jamais accusé. Devenu délateur en échange d'une sentence de soixante-cinq mois de prison, l'avocat Jean-Pierre Cantin témoigna contre le promoteur Jean-Alain Bisaillon et le conseiller financier des soeurs, Denis Schmouth. Cantin affirma que des pots-de-vin avaient été versés à des responsables de l'administration Doré (RCM), puis à un haut dirigeant du parti Vision Montréal, pour accélérer un changement de zonage, ce qui a été nié par toutes les parties concernées. En 2006, Lallouz fut arrêté à la suite de la saisie de 22,5 tonnes de haschisch par la GRC dans l'Atlantique Sud, au large de l'Angola. Il fut condamné à six ans et demi de prison après avoir enregistré un plaidoyer de culpabilité.

(Sources : The Gazette, «Convicted drug dealer a partner in city land deals», William Marsden, Rod MacDonell, Lewis Harris, July 12 1990 ; The Gazette, «Developer fled $5.1-million debt: bank», William Marsden, November 21 1991 ; La Presse, «La SQ enquête sur des transactions faites par une agence de la Ville», André Noël, 8 avril 1997 ; La Presse, «L'administration Doré a tenté d'étouffer l'affaire du quartier des Écluses», André Noël, 9 avril 1997 ; La Presse, «Une quinzaine de gangs juifs actifs au Québec», André Cédilot, 28 mai 1997 ; La Presse, «La SQ mettra fin à son enquête sur le Quartier des écluses», André Noël, 10 décembre 1997 ; La Presse Canadienne, «Jean-Pierre Cantin passe aux aveux quant à la fraude du Marché central», 31 août 2000 ; Le Devoir, «Marché central – Les Soeurs du Bon-Pasteur obtiennent satisfaction», Brian Myles, 27 avril 2001 ; La Presse, «La GRC saisit 22 500 kg de haschisch», Marcel Laroche, 6 juin 2006.)


5. Le cas d'Alfonso Gagliano

Député libéral du comté de Saint-Léonard de 1984 à 2004, Alfonso Gagliano fut sans doute le politicien fédéral dont le nom a été associé le plus souvent à La Cosa Nostra. À chaque fois qu'il se retrouva dans l'eau chaude, Gagliano bénéficia du soutien indéfectible de Jean Chrétien, qui fut premier ministre du Canada de 1993 à 2003. Ce soutien s'explique par le fait que Gagliano avait été de ceux qui aidèrent Chrétien à devenir le chef du Parti libéral du Canada (PLC), en 1990. Gagliano fut ensuite le responsable de la levée de fonds du PLC lors des élections générales 1993 que remportèrent les libéraux de Chrétien. Contre toute attente, Gagliano n'accéda toutefois pas au cabinet des ministres du gouvernement Chrétien.

La raison ? Lors d'une enquête de sécurité mené à son sujet, la GRC découvrit ses diverses connexions avec certains personnages du milieu interlope montréalais, en particulier avec le puissant clan sicilien Caruana-Cuntrera. Publié en 2001, le livre «Les liens du sang», des journalistes Antonio Nicaso et Lee Lamothe, révéla qu'à l'apogée de sa puissance, le clan Caruana-Cuntrera avait corrompu des hommes politiques au haut plus niveau au Venezuela, au Brésil, en Italie, dans l'État mexicain de Quintana Roo et à Aruba, dans les Caraïbes. Lorsque le présumé dirigeant du clan au Canada, Alfonso Caruana, fut arrêté à Woodbridge (Ontario), en 1998, l'inspecteur Ben Soave de la GRC alla jusqu'à le décrire comme le Wayne Gretzsky du crime organisé.

Comptable de profession, Gagliano a tenu les livres de deux compagnies appartenant à Agostino Cuntrera pendant plus d'une quinzaine d’années. Cuntrera, qui est décrit comme une «figure dominante» du clan Caruana-Cuntrera, avait été condamné, en 1978, à cinq ans de prison après avoir reconnu qu'il avait comploté en vue de tuer Paolo Violi, le parrain de la mafia montréalaise de l'époque. En mai 1991, la police de Montréal perquisitionna le bureau de comptable de Gagliano, alors basé dans le sous-sol de sa demeure, pour y saisir les états financiers des entreprises de Cuntrera. À l’époque, Cuntrera était soupçonné d'être lié à une série d'attentats contre un restaurant Pizza Hut avec lequel il était en compétition. Notons que Gagliano et Cuntrera ont tous deux été présidents à tour de rôle de l'Association de Siculiana, du nom d'une petite ville sicilienne d'où sont originaires les deux hommes.

La GRC appris aussi que des opérations de filature portant sur des individus soupçonnés de narcotrafic avaient mené des enquêteurs de la police au domicile de Gagliano à plus d'une occasion. Par exemple, en juin 1985, Filippo Vaccarello et autre individu avaient été vu par les policiers en train d'entrer chez Gagliano, où ils restèrent une vingtaine de minutes. Trois semaines plus tard, Vaccarello était arrêté en rapport avec la saisie de 59 kilos d'héroïne, à l'aéroport de Montréal. Il fut par la suite condamné à vingt ans de prison. Puis, à la fin des années '80, un dénommé Dima Messina, décrit comme un des «blanchisseurs» du clan Caruana-Cuntrera, avait lui aussi rendu quelques visites au bureau de Gagliano. En 1994, Gagliano admis qu'il avait commis «une erreur de jugement» en omettant de rayer Cuntrera de sa liste de clients, mais affirma par contre qu'il ne connaissait pas Vaccarello, ni Messima.

En 1996, le Journal de Montréal révéla que la GRC mena une nouvelle enquête de sécurité à l'égard de Gagliano. À cette occasion, Gagliano fut confronté à une photographie de lui qui avait été prise alors qu'il se trouvait devant le café Club Social Cosenza, à St-Léonard, que la police considérait être un lieu de fréquentation des membres de la mafia. Gagliano fut aussi questionné relativement au fait que le numéro de téléphone de son bureau de député avait été retrouvé parmi les effets personnels d'un ancien résident de St-Léonard, Antonio Ezio Salvo, après que celui-ci eut été assassiné d’un coup de fusil de chasse, en Sicile, en 1991. Lié au clan Caruana-Cuntrera, Salvo vivait au-dessus de ses moyens, tant au Canada qu'en Italie, ce qui avait finit par lui attirer des embrouilles avec Immigration Canada. Pour éviter la déportation, Salvo avait sollicité l'intervention de Gagliano, ce qui n'avait toutefois pas permit d'empêcher son expulsion du Canada.

Lorsqu'il fut enfin admis au sein du gouvernement Chrétien, en 1996, Gagliano hérita du ministère du Travail. L'année suivante, il fut nommé ministre des Travaux public, poste qu'il conservera durant plus de quatre ans et demi. Au cours de cette période, le nom de Gagliano fut à nouveau associé à la mafia. En 2001, La Presse révéla que le bureau de député de Gagliano était intervenu auprès d'Immigration Canada dans le dossier d'une demande de résidence permanente faite par Maria Sicurella di Amodeo, l'épouse de Gaetano Amodeo. Dépeint comme un intime du clan Caruana-Cuntrera, Amodeo était un fugitif sicilien qui était recherché pour meurtre par les autorités de deux pays européens. Lorsque Mme Sicurella obtint le statut de résidente permanente, elle parraina une demande de résidence permanente pour son mari en cavale, qui vivait supposément secrètement à Montréal depuis quatre ans. Lorsque l'affaire Amodeo éclata, Gagliano reconnu qu'une de ses employées avait «effectué le suivi administratif normal afin d'apporter des réponses à Mme Sicurella». Arrêté par la GRC, Amodeo consentit à son extradition en Italie, où il fut condamné à l'emprisonnement à vie.

En mars 2004, Gagliano fut à nouveau embarrassé lorsque La Presse révéla qu'il s'était associé à la compagnie de publicité P.R. Média, qui était dirigée par un ancien proxénète et financée par un usurier lié aux Hells Angels. Les camions de P.R. Média avaient sillonné les villes québécoises en arborant les couleurs libérales avec le slogan «Je vote libéral» lors des élections générales de novembre 2000 lors desquelles Gagliano agissait comme organisateur en chef du PLC au Québec. Gagliano n'avait d'ailleurs pas hésité à se laisser photographier devant un des camions de P.R. Média lors d'un rassemblement électoral à son bureau de député. Quelques mois plus tôt, le directeur général de P.R. Média, Pierre Gagnon, avait plaidé coupable à des accusations de proxénétisme. L'État québécois avait saisit ses biens, incluant deux automobiles Jaguar et un bateau de 28 pieds. Quant au financier de P.R. Média, il s'agissait de Robert Baillargeon, qui possédait des antécédents judiciaires en matière d'extorsion.

Mais le «meilleur» restait encore à venir. En novembre 2004, le New York Daily News cita un rapport du FBI rapportant que Frank Lino, un ancien caïd mafieux new-yorkais devenu délateur, avait allégué que Gagliano aurait été un «soldat de longue date de la famille Bonanno». Lino, qui s'avoua coupable de six meurtres, affirma en effet au FBI qu'il avait rencontré Gagliano lors d'une réunion secrète réservée exclusivement aux membres en règle de La Cosa Nostra qui s'était tenue à Montréal, en 1992. Le rapport mentionnait aussi que Joe LoPresti, un membre réputé de la pègre locale qui fut abattu d'une balle dans la tête la même année, aurait affirmé que la mafia montréalaise jouissait de «vastes relations, incluant Gagliano, un politicien». À la Chambre des communes, les conservateurs voulurent embarrasser les libéraux en reprenant ces allégations lors de la période des questions. De son côté, Gagliano nia tout, mais ajouta qu'il avait peut-être rencontré des membres de la mafia à son insu.

Au moment où cette controverse éclata, Gagliano était déjà sur la sellette pour son rôle dans le scandale des commandites. C'est en effet au cours des quatre années et demi où Gagliano fut responsable du programme des commandites, à titre de ministre aux Travaux publics, que des agences de publicité proches du PLC purent empocher pas moins de 147 millions $ sur les 332 millions $ consacrées à promouvoir la «visibilité canadienne au Québec». À la suite du rapport Gomery, Gagliano fut exclu du PLC par le successeur de Chrétien, Paul Martin. En 2005, Gagliano devint l'organisateur officiel au Canada d'un parti italien, l'Union des démocrates chrétiens (UDC), durant les élections italiennes lors desquelles les membres de la dispora italienne, incluant les italo-canadiens, ont le droit de vote. Notons que l'UDC est l'héritier du Parti démocrate-chrétien, ce même parti infiltré par la mafia que les analystes policiers québécois mentionnaient avec appréhension dans le rapport «Le crime organisé menace la démocratie au Canada»...

(Sources: The Windsor Star, «Police arrest alleged Mafia kingpin», Richard Brennan, July 16 1998 ; La Presse, «Le député de St-Léonard entretient des relations avec un caïd de la mafia», André Cédilot et André Noël, 26 avril 1994 ; La Presse, «Le député de St-Léonard admet avoir commis une «erreur de jugement»», Philippe Dubuisson, 27 avril 1994 ; Journal de Montréal, «Avant qu’il ne devienne ministre du Travail – La police a interrogé Gagliano», Michel Auger, 5 juin 1996 ; La Presse, «Gagliano s'est enquis du dossier Amodeo», André Cédilot et André Noël, 23 février 2001 ; La Presse, «Le ministre Gagliano nie – L'opposition demande une enquête», Gilles Toupin, 24 février 2001 ; La Presse, «Publicité tapageuse – Un proche des Hells et un proxénète ont participé à la campagne d'Alfonso Gagliano», André Noël, 27 mars 2004 ; La Presse, «Le Daily News allègue qu'il était en cheville avec la mafia de New York – Gagliano nie tout», Joël-Denis Bellavance, André Cédilot et Judith Lachapelle, 19 novembre 2004 ; The Globe and Mail, «Revelations expose Mafia family turmoil», Tu Than Ha and Shwan McCarthy, November 19 2004 ; La Presse Canadienne, «Gagliano dit qu'il aurait pu rencontrer des mafieux, mais sans le savoir», Jim Brown, 21 novembre 2004 ; La Presse, «Gagliano fait un retour en politique», 13 octobre 2005, p. A11.)


6. Le fric gênant de Joseph Sigalov

En 1997, le Parti libéral du Canada cherchait un moyen de se débarrasser des contributions financières que lui avait versé Joseph Sigalov, un homme d'affaires torontois lié à la mafiya russe (aussi appelée «mafia rouge»). Selon le FBI, Sigalov trempait dans le narcotrafic, la vente d'arme et l'extorsion et agissait à titre de lieutenant canadien de Vyacheslav Ivankov, dit Iapontchik. Surnommé le «Parrain rouge», Ivankov est un vory v zakone (littéralement, «voleur dans le code») décrit par les autorités américaines comme étant le plus puissant caïd du crime organisé russe aux États-Unis. L'écoute électronique des conversations téléphoniques de Sigalov révéla que le torontois était en contact avec plusieurs des gros noms de la mafiya russe, incluant Ivankov. En 1995, Sigalov participa même à un «sommet» du crime organisé russe dans un hôtel de Porto Rico.

Lors des élections générales de 1993, Sigalov avait versé des contributions totalisant 33 000$ à quatre candidats libéraux, dont deux qui devinrent ministre au sein du gouvernement Chrétien. Le futur ministre des Finances Paul Martin reçut 10 000 $, le ministre, tandis que l'ex-maire de Toronto qui allait être nommé ministre de la Défense, Art Eggleton, bénéficia d'un don de 5000 $. Deux autres candidats qui se firent élire à Toronto, soit Maurizio Bevilacqua et Jean Augustine, reçurent respectivement 10 000 $ et 8000 $. Le générateur donateur décéda d'une tumeur au cerveau en 1996. Ne sachant pas trop comment disposer de ces sommes d'argent embarrassantes dont les libéraux ne voulaient plus, l'avocat du parti déposa les dons dans un compte «in trust». Par la suite, la veuve de Sigalov intenta une action en justice contre les quatre politiciens pour récupérer le magot.

Publié en 2000, le livre «Red Mafiya : How the Russian Mob Has Invaded America» du journaliste américain Robert Friedman révéla que l'ex-ministre libéral Robert Kaplan avait travaillé pour Sigalov à titre de conseiller d'affaires. Kaplan fut député fédéral de Don Valley (Toronto), de 1968 à 1972, puis de York Centre (Toronto) de 1974 à 1993. En 1980, le premier ministre Pierre Elliott Trudeau le nomma solliciteur général du Canada, c'est-à-dire ministre responsable de la GRC, des services secrets et des prisons, un poste qu'il occupa jusqu'en 1984. Kaplan affirma qu'il ignorait tout de l'implication de Sigalov dans le crime organisé russe, et mit même en doute la véracité des allégations portées à l'endroit de son ancien client.

(Sources: Toronto Star, «Is this face of Russian crime? – Lawyer, wife deny Metro man is a big-time mobster», Dale Brazao and Moira Welsh, July 10, 1996 ; Le Soleil, «À donner : cadeau gênant – La caisse de Paul Martin et Art Eggleton alimentée par la mafia russe américaine», 7 juillet 1997, p. A8 ; The Ottawa Citizen, «Former minister worked for alleged gangster: Robert Kaplan says he knew nothing of Russian mob ties», Ian MacLeod, May 8 2000 ; The Ottawa Citizen, «Alleged gangster's widow wants money back from Mps: Prominent Liberals put funds in trust when they learned donor was mob suspect», Ian MacLeod, May 9, 2000.)


7. L'affaire YBM Magnex

En novembre 1999, l'ex-politicien libéral David Peterson fut traîné devant la Commission des valeurs immobilières de l'Ontario (CVMO) en compagnie de neuf autres personnes et deux firmes de courtage pour leur rôle dans l'affaire YBM Magnex. Peterson, qui avait été premier ministre de l'Ontario de 1985 à 1990, et ses co-accusés se voyèrent reprochés d'avoir dissimulés des renseignements d'une importance cruciale aux actionnaires de YBM Magnex. En 1997, YBM Magnex figurait sur l'indice TSE 300, soit le palmarès des trois cents plus importantes entreprises inscrites à la Bourse de Toronto. En devenant un de ses directeurs, Peterson contribua certainement à accroître l'attrait de YBM Magnex auprès des investisseurs à la recherche d'une bonne affaire.

Or, pendant que les actions de YBM Magnex s'échangeaient fébrilement sur les marchés financiers canadiens, la compagnie était dans le collimateur du FBI aux États-Unis. L'enquête américaine révéla que la mission officielle de YBM Magnex, soit la fabrication et la distribution d'aimants industriels, n'était en fait qu'une vulgaire façade lui permettant de faciliter la véritable raison d'être de l'entreprise, soit le blanchiment d'argent pour le compte du crime organisé russe. Ainsi, l'homme derrière YBM Magnex était nul autre que le sinistre Semion Mogilevitch, un puissant caïd de la mafiya russe qu'un journaliste américain avait déjà décrit comme étant le «gangster le plus dangereux au monde».

En 1998, lorsque la vérité éclata sur YBM Magnex, la valeur de ses actions fut réduite à néant. Les investisseurs avaient engloutis quelque 635 millions $ dans YBM Magnex, ce qui en fit un des plus importants scandales financiers de l'histoire canadienne. En 2003, la CVMO banissa la moitié des dix anciens directeurs de YBM Magnex des conseils d'administration d'entreprises canadiennes pour diverses périodes, dans certains cas à vie. La CMVO imposa également des amendes totalisant 1,3 millions $. La CVMO épargna toutefois Peterson, bien qu'elle le critiqua pour son manque «de perspicacité et de leadership» dans cette affaire.

(Sources: The Village Voice, «The Most Dangerous Mobster in the World», Robert I. Friedman, May 20 - 26, 1998 ; Les Affaires, «Les leçons à tirer de la déconfiture de YBM Magnex», Dominique Beauchamp, 30 mai 1998 ; La Presse, «Scandale YBM Magnex – La Financière BN paye pour ses prédécesseurs», Réjean Bourdeau, 3 juillet 2003.)


8. L'affaire Glen Clark

En 1999, le premier ministre néo-démocrate de Colombie-Britannique Glen Clark dût démissionner lorsqu'il fut révélé que la GRC enquêtait sur le rôle qu'il joua dans l'autorisation de principe qui avait été accordé à un projet de casino à l'hôtel North Burnaby, malgré les objections du conseil de ville de Burnaby. L'un des demandeurs dans ce projet était le voisin de Glen Clark, Dimitrios Pilarinos, qui était déjà sous enquête à l'époque relativement à une affaire de maison de jeu illégale. Pilarinos avait fait construire un balcon d'une valeur de 10 000 $ au deuxième étage de la maison de Clark, à Vancouver, quelques mois avant de recevoir une réponse positive du gouvernement néo-démocrate au sujet de son projet de casino. En 2000, Clark fut inculpé d'accusations criminelles de bris de confiance et de fraude aux dépens du gouvernement. Pilarinos dût quant à lui répondre de neuf accusations, notamment d'avoir offert à Clark une part ou des intérêts de 15 % sur les revenus du casino, en échange du permis d'exploitation de la maison de jeu.

L'enquête dans cette affaire avait débutée après que la GRC soit alertée par un fonctionnaire de Revenu Canada, Dimitri Vrahnos, qui craignait que le projet de casino ne soit lié au crime organisé. Le partenaire de Pilarinos dans le projet, Steve Ng, était le propriétaire du North Burnaby et détenait des parts dans le club Number 5 Orange et l'hôtel Marble Arch, qui furent au centre du Projet Nova, une des plus importantes enquête anti-drogue de l'histoire de la Colombie-Britannique. En 2001, deux membres des Hells Angels furent trouvés coupables de s'être livrés à la vente de drogue à l'intérieur de ces deux endroits. Les Hells étaient aussi responsables du booking de danseuses nues au Marble Arch. Ng fut également l'un des premiers actionnaires de Starnet Communications International, un site Internet pornographique qui diffusait des spectacles de strip-tease se produisant à l'hôtel North Burnaby, et qui dirigeait plusieurs sites web de jeu de hasard.

C'est la controverse soulevée par le rôle du leader néo-démocrate dans cette affaire qui eut finalement raison du projet de casino. En 2002, Clark fut acquitté après un long procès, bien que le tribunal critiqua son «manque de jugement». Pilarinos fut quant à lui déclaré coupable de six des neufs accusations portées contre lui. L'affaire connut un nouveau rebondissement peu après lorsque le commissaire à l'éthique de Colombie-Britannique critiqua la conduite de Clark en disant qu'il avait exercé «des pouvoirs officiels alors qu'il y avait apparence de conflits d'intérêts», et qu'il avait accepté «un avantage personnel directement ou indirectement lié» à ses fonctions officielles. En 2006, la maison de Vrahnos fut sérieusement endommagée par un incendie criminel. Vrahnos s'est dit convaincu que l'incendie constituait un acte de représailles pour son rôle de dénonciateur dans l'affaire. Cette hypothèse était soutenue par le fait qu'il avait déjà reçut des menaces de la part de certains membres de la communauté grecque de Vancouver par le passé.

(Sources: La Presse, «Un ministre se porte à la rescousse de Glen Clark», 5 mars 1999, p. A16 ; The Province, «Inn has links to cybersex, Web gambling», Barbara McLintock and Greg Middleton, March 7 1999 ; The National Post, «B.C. court to hear why search warrants should remain sealed», Mark Hume, March 15 1999 ; The Vancouver Sun, «Many Hells Angels charges stayed», Mike Howell, January 31 2001, p. B3 ; La Presse Canadienne, «Dimitri Vrahnos craignait que les criminels infiltrent l'industrie du jeu», Dene Moore, 28 février 2002 ; La Presse Canadienne, «Clark est reconnu non coupable de toutes les accusations pesant contre lui», Dene Moore, 29 août 2002 ; La Presse Canadienne, «Blanchi en cour, l'ex-premier ministre Glen Clark est blâmé dans un rapport», 19 novembre 2002 ; The Vancouver Sun, «Whistleblower's home torched», Neal Hall, February 11 2006.)


9. L'affaire Éric Doiron

En 2002, un membre bien vue du Barreau de Moncton, Me Éric Doiron, fut accusé d'entrave à l'administration de la justice et de blanchiment d'argent. Doiron était un proche collaborateur et un ami personnel de longue date du premier ministre conservateur du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, qui dirigea la province de 1999 à 2006. Doiron avait été l'agent officiel du candidat Lord lors de l'élection partielle de 1998 ainsi qu'aux élections générales de 1999, en plus d'agir à titre de représentant officiel de l'association conservatrice de Moncton-Est. Doiron versa également plus de 2500 $ au parti de Bernard Lord. Après l'arrivée au pouvoir des conservateurs, Doiron fut nommé vice-président de la Commission provinciale d'appel en matière d'urbanisme et des commissions régionales de révision des évaluations.

Les accusations portées contre Doiron découlaient de l'incendie criminel du Goodfella's Pub, en 2000, qui avait causé des dommages évalués à 5 millions $ et avait laissé un trou béant au centre-ville de Moncton. Éric Lefebvre, un membre des Damners de Québec, un club-école des Hells Angels, avait admis être celui qui avait mit le feu à la place. Or, l'avocat Doiron avait ensuite offert 35 000 $ à Lefebvre pour qu'il retire son plaidoyer de culpabilité et qu'il refuse de témoigner contre son client, le propriétaire du Goodfella's Pub, Jeff Cormier, un narcotrafiquant bien connut qui était alors en attente de procès. La discussion entre Doiron et Lefebvre avait toutefois été enregistrée à leur insu. En 2003, un jury trouva Doiron coupable d'avoir entravé la justice. Condamné à trois ans de prison, Doiron fut libéré en attente de son appel.

Doiron contesta le mode de sélection des jurés, et obtint l'annulation du verdict et la tenue d'un nouveau procès, en 2005. Entre-temps, Doiron fut acquitté des cinq accusations de blanchiment d'argent et de possession de produits de la criminalité qui pesaient contre lui. Le tribunal en était arrivé à ce verdict après avoir écarté deux conversations incriminantes entre Doiron et Lefebvre. Lors de son deuxième procès pour entrave à l'administration de la justice, Lefebvre refusa de témoigner contre Doiron, en se plaignant que la GRC n'avait pas respecté sa parole de le protéger, lui et sa famille. Après six heures de délibérations, le jury trouva Doiron à nouveau coupable d'entrave. L'ex-avocat porta encore une fois sa cause en appel, mais ne parvint pas à obtenir gain de cause. En 2007, Doiron commença à purger sa sentence, qui s'élevait désormais à quatre ans et demi d'emprisonnement.

(Sources: L'Acadie Nouvelle, «Me Éric Doiron était un proche collaborateur de Bernard Lord», Philippe Ricard, 2 mai 2002 ; L'Acadie Nouvelle, «Des conversations enregistrées incrimineraient Éric Doiron», Steve Hachey, 24 septembre 2003, p. 5 ; L'Acadie Nouvelle, «Le jury trouve Éric Doiron coupable de tentative d'entrave à la justice», Steve Hachey, 3 octobre 2003 ; L'Acadie Nouvelle, «Éric Lefebvre ne témoignera plus contre Éric Doiron», Steve Hachey, 27 janvier 2005 ; L'Acadie Nouvelle, «Éric Doiron commence à purger sa peine», 2 juin 2007, p. 7.)


10. L'affaire David Basi

À la fin de l'année 2003, une vaste enquête policière baptisée «Project Everywhichway» portant sur le narcotrafic, le blanchiment d'argent et la corruption policière et politique mena la GRC à perquisitionner le parlement de Colombie-Britannique. Au cours d'une conférence de presse qui suivit peu après, le chef de police de Victoria déclara que cette perquisition spectaculaire était liée au démantèlement d'un réseau de contrebande de drogue qui écoulait de la marijuana de Colombie-Britannique aux États-Unis en échange de cocaïne, qui elle était revendue au Canada. Par la suite, la GRC procéda à la saisie d'une plantation de marijuana sur une propriété de Shawnigan Lake appartenant à David Basi, qui était l'assistant du ministre des Finances de Colombie-Britannique, Gary Collins. À ce moment-là, le congédiement de Basi avait déjà été annoncé par le gouvernement libéral de Gordon Campbell.

Organisateur politique redoutable, Basi était actif tant sur la scène provinciale que fédérale. Il fit sa marque de commerce en dirigeant une équipe de militants libéraux aguerris, surnommée les «Basi's Boys», qui était spécialisée dans les opérations de recrutement massif et le «paquetage d’assemblées» en vue de prendre le contrôle d'associations libérales de comté. Les «Basi's Boys» avaient joués un rôle fort actif dans la campagne de Paul Martin pour la chefferie du Parti libéral. Durant cette course, les partisans de Martin réussirent à prendre le contrôle de trente-trois des trente-quatre associations libérales de comté de la province. Par ailleurs, la section provinciale du PLC était passée de 4000 à 37 000 membres en seulement dix-huit mois. Cependant, ce succès en laissa plusieurs perplexes, car une partie de ces nouveaux membres n'existaient que sur papier.

Après les perquisitions au parlement, certains commentateurs politiques, et même quelques vétérans libéraux, se demandèrent ouvertement d'où avaient pu venir les fonds qui servirent à financer la campagne de Martin, qui venait alors de devenir le premier ministre du Canada. Si leurs questions restèrent sans réponse, les développements entourant le Projet Everywhichway alimentèrent les soupçons que l'argent du narcotrafic pourrait avoir joué un rôle dans la conquête de la Colombie-Britannique par les partisans de Martin. En 2004, Basi fut inculpé de possession et de production de marijuana en vue d'en faire le trafic. Mandeep Sandhu, un proche de Basi, fut accusé de conspiration pour faire le trafic de marijuana. Sandhu avait brièvement siégé sur l'exécutif de l'association libérale du comté d'Esquimalt-Juan de la Fuca avant d'en être expulsé pour cause de membership au NPD fédéral. Un an plus tard, la couronne abandonna discrètement les accusations contre Basi et Sandhu, sans fournir la moindre explication.

(Sources: Victoria News, «Criminal Probe Target Liberal Staffers», December 31 2003 ; The Times Colonist, «Liberals will have to wear fallout from raids», Jody Paterson, January 9 2004 ; The Vancouver Sun, «Race-based membership drives could haunt next PM, group warns», August 13 2003 ; The Vancouver Sun, «Police raided grow-op on Basi's property», Lori Culbert, January 12 2004 ; The Globe and Mail, «Tangled police investigation rattles B.C.'s liberal party», January 12 2004 ; The Province, «Liberal official: Who paid for memberships?», Steve Berry, Adrienne Tanner and Keith Fraser, Janunary 8 2004 ; The Vancouver Sun, «Minister's assistant, 7 others charged with drug offences», Neal Hall and Chad Skelton, September 16 2004 ; The Globe and Mail, «Crown drops marijuana charges against ex-aide Basi», Rod Mickleburgh, June 30 2005.)


11. L'affaire GSI Technologies

Le 12 septembre 2005, le député vétéran du Parti québécois André Boulerice annonça brusquement son retrait de la vie politique après avoir représenté le comté montréalais de Sainte-Marie-Saint-Jacques au cours des vingt dernières années. Sa décision pris tout le monde par surprise, y compris les membres de son équipe. Le «hasard» voulut que Boulerice avait été rencontré par la journaliste Solveig Miller le 8 septembre, soit six jours avant l'annonce de sa démission. Mme Miller préparait alors un reportage portant sur le blanchiment de l'argent sale des Hells Angels, qui sera diffusé à l'émission Zone Libre de Radio-Canada, le 7 octobre suivant.

Le reportage porta principalement sur l'entreprise multimédia GSI Technologies, qui avait été fondée en 1998 par Gilles «Trooper» Mathieu, un des leaders des Hells Angels qui purge présentement une peine de vingt ans de prison pour complot de meurtre, trafic de drogue et gangstérisme. GSI Technologies bénéficia du soutien enthousiaste de Boulerice, qui recommanda l'entreprise à des ministres du gouvernement péquiste. Boulerice alla jusqu'à accompagner les représentants de GSI lors de voyages promotionnels en Europe et en Afrique du nord. GSI, qui profita de crédits d'impôts de 700 000 $, était si satisfaite des services de Boulerice qu'elle lui proposa même de quitter son siège de député pour occuper le poste de directeur des relations publiques. Boulerice déclina l'offre après consultation auprès d'un fonctionnaire haut placé, qui lui conseilla de garder «un bras de distance» avec GSI.

GSI Technologies connut une croissance fulgurante. L'entreprise multiplia les acquisitions de filiales, pris de l'expansion en Europe, et vit sa valeur atteindre des sommets à la bourse. En 2000, la filiale américaine de GSI s'associa avec Canada Payphone Corporation, une compagnie de Colombie-Britannique qui était dirigée par Bruce Clark. Membre influent du PLC, Clark devint ensuite le directeur de la levée de fonds pour la campagne au leadership de Paul Martin en Colombie-Britannique. Soupçonnant GSI de servir de façade pour le blanchiment d'argent sale, les policiers perquisitionnèrent ses bureaux lors de l'opération Printemps 2001 qui avait donné lieu à l'arrestation de 122 individus liés au milieu des motards criminalisés. Mais les policiers arrivèrent trop tard, l'entreprise était déjà en train de faire faillite. Les petits investisseurs qui achetèrent des actions de GSI perdirent quelques cinq millions $. L'enquête policière sur GSI ne déboucha sur aucune accusation.

(Sources; Échos, «Le député André Boulerice quitte la vie politique», Denise Di Candido, Octobre 2005 ; Zone Libre, «Où est allé l'argent des Hell's Angels?», 7 octobre 2005 ; «Canada Payphone Corp. - GSI Technology USA Inc. Joint Venture to Boost Ad Revenue», October 3, 2000.)


12. Les remous de l'«Opération Fusion»

En 2006, différents corps policiers démantelèrent un réseau d'importation et de distribution de cocaïne dirigé par un membre du chapitre des Hells Angels de Trois-Rivières. L'enquête policière, baptisée «Opération Fusion», donna lieu à la saisie de 428 kilos de cocaïne et de plusieurs armes à feu, ainsi qu'à des arrestations au Québec, en Ontario et en République Dominicaine. Parmi les personnes arrêtées, on retrouvait Tommy Nittolo, un homme d'affaires de Beauport proche des milieux politiques, impliqué dans l'industrie du spectacle et du divertissement... ainsi que dans l'import-export.

Notons qu'à l'heure actuelle, Nittolo n'a toujours pas subi son procès, lors duquel il devra répondre d'accusations de complot en vue d'importer des stupéfiants, d'importation illégale de stupéfiants et d'importation de stupéfiants sous la direction d'une organisation criminelle. L'arrestation de Nittolo créa des remous jusqu'à l'hôtel de Ville de Québec. La veille de la rafle policière, l'administration municipale de la défunte mairesse Andrée Boucher avait autorisé Nittolo à aller de l'avant avec un important projet immobilier dans Beauport impliquant la vente de vingt-six terrains et la construction d'une trentaine d'habitations unifamiliales.

Nittolo avait lui-même tenté sa chance en politique en se présentant dans Limoilou sous la bannière du Parti progressiste conservateur du Québec lors des élections générales provinciales de 1985. Selon le site Internet du Directeur général des élections, Nittolo versa plus de 2300 $ à la caisse électorale du Parti libéral du Québec, en 2003. L'année suivante, le Bloc québécois l'honorait lors d'une soirée à 150 $ le billet sous le thème «hommage aux bâtisseurs» de la région. En 2005, Nittolo appuya le candidat du Renouveau municipal à la mairie de Québec, Claude Larose. Au moment de son arrestation, Nittolo occupait le poste de représentant des membres associés du mess des officiers de la Citadelle de Québec.

(Sources: Le Soleil, «Projet Fusion – Un des suspects était candidat aux élections provinciales de 1985», Élisabeth Fleury, 12 mai 2006 ; Le Soleil, «Feu vert de la ville à Nittolo», Isabelle Mathieu, 16 mai 2006 ; Le Soleil, «Nittolo, un bâtisseur...», Raymond Giroux, 18 mai 2006.)


[ EDIT (Mic pour le CMAQ)
* mis en manchettes pour sa qualité et d'intérêt public
* ajout d'un lien vers l'article précédent
* ajout des rubriques: Droits | Économie
* mis les sous-titres en gras.]



Asunto: 
du nouveau...
Autor: 
bureau_affaires...
Fecha: 
Vie, 2008-05-16 13:44

Ce matin, La Presse a publié de nouvelles infos sur les liens entre Julie Couillard et le milieu interlope, qui remonteraient maintenant jusqu'à 2005 :

www.cyberpresse.ca/article/20080516/CPACTUALITES/805160884/1025/CPACTUAL...


[ ]

Asunto: 
nouvelle version de l'affaire...
Autor: 
bureau_affaires...
Fecha: 
Mié, 2008-06-18 01:47

compte-tenu de tous les nouveaux développements qui sont survenus depuis les dernières semaines dans l'affaire Julie Couillard, le B.A.L. a cru bon de publier une nouvelle version de ce texte. pour ceux que ça intéresse, c'est disponible sur le site web du B.A.L.:

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