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POUR L’ABOLITION DU PROLÉTARIATAnonyme, Lunes, Noviembre 25, 2002 - 22:14
Gavroche
POUR L’ABOLITION DU PROLÉTARIAT L’erreur de la théorie révolutionnaire jusqu’à ce jour est d’avoir inoculé une nature révolutionnaire dans le prolétariat. À partir de ce concept, toutes les déviations opportunistes et autoritaires ne furent qu’une question de conséquence. Le prolétariat est le produit du capital, sa nature est de reproduire les catégories du capital : la production de valeur, la marchandise, le salariat, le marché, etc., tout ce qui compose le rapport social d’exploitation, dans le seul et unique but de se reproduire lui-même comme prolétariat, de s’affirmer comme classe face au capital. Ici, il faut bien comprendre que la lutte de classes est un produit du capital et qu’un des termes ne peut exister sans l’autre. Ce qui implique que la conscience de classe ne conduit pas logiquement à une conscience révolutionnaire (sur ce point, nous y reviendrons plus loin). La nature du prolétariat, de par ses limites comme un des éléments qui composent les prémisses du capital, c’est-à-dire la lutte des classes, est contre-révolutionnaire. C’est cette nature contre-révolutionnaire du prolétariat qui fut la grande faiblesse des théories révolutionnaires fondatrices du XIXème siècle et c’est encore cette même grande faiblesse qui se reproduit dans les nombreuses théories révolutionnaires contemporaines. Depuis Marx, la théorie révolutionnaire a cru saisir dans l’activité du prolétariat plus que la simple contradiction qui fait le mouvement du rapport social d’exploitation qu’est le capital : la lutte de classes. Le prolétariat, au travers son activité dialectique à l’intérieur du capital, était saisi comme potentiel révolutionnaire, donc que son activité était de par sa nature communiste et révolutionnaire. Et qu’à partir de ces conditions comme classe à l’intérieur du capital, le prolétariat pouvait devenir classe consciente d’elle-même et ainsi réaliser son potentiel communiste emprisonné par le capital. Voilà comment par la logique hégélienne, le prolétariat devient un sujet révolutionnaire. LA QUESTION D’ORGANISATION Ce qui découle de ce que je viens d’exposer sur la prétendue nature révolutionnaire du prolétariat est l’élément central qui va maintenant nous permette d’essayer de comprendre ce qui ne va pas avec l’organisation révolutionnaire. Nous avons vu que le prolétariat ayant été faussement inoculé d’une nature révolutionnaire et ayant par conséquent à l’intérieur de lui-même un potentiel virtuel, le communiste, il ne restait plus qu’à ce sujet révolutionnaire de prendre conscience de lui-même pour que la révolution advienne. Mais voilà, le prolétariat étant en fait intégré au capital et ne pouvant sortir de cette réalité, il se trouva donc aliéné de sa conscience. La conséquence de cette aliénation première, c’est qu’une deuxième médiation aliénante devait s’interposer pour apporter cette conscience de classe : c’est l’organisation révolutionnaire. Cette organisation qui se veut l’expression consciente de la nature révolutionnaire du prolétariat, en exprime aussi le programme et ce programme n’est rien de plus que la tâche historique du prolétariat de faire la révolution, soit la prise en main de l’économie (l’autogestion) qui est supposé réaliser le communiste. Mais puisque la réelle nature du prolétariat est de reproduire les catégories du capital afin de se reproduire comme classes, il est impossible pour lui de réaliser le communisme en affirmant sa nature puisque sa nature est intégrée à la reproduction des prémisses du capital. Ce qui explique pourquoi la conscience de classes ne pose pas les limites de cette conscience. Et le programme qui n’est rien de plus que l’affirmation de la nature du prolétariat, donc l’expression de sa conscience, contient aussi ses limites comme programme de la contre-révolution. D’où, finalement, la nature nécessairement contre-révolutionnaire de toutes organisations révolutionnaires qui ne pose pas les limites de la conscience de classe, qu’elles soient communistes, anarchistes, social-démocrates, anarcho-syndicalistes, bolcheviks, conseillistes ou même situationnistes. La contradiction qui hante ces organisations se résume dans le « programmatisme » qui d’un côté veut affirmer la nature révolutionnaire du prolétariat et de l’autre veut construire le communisme qui fondamentalement commence par la destruction du prolétariat et des conditions de son existence : les prémisses du capital. Ce n’est pas d’une conscience de classe que nous avons besoins mais d’une conscience révolutionnaire qui est aussi l’expression des limites du prolétariat comme sujet révolutionnaire. LA CONSCIENCE RÉVOLUTIONNAIRE Donc, puisque nous avons vu que le prolétariat ne peut être un sujet révolutionnaire de par sa nature même et que la conscience de classe est insuffisante à déterminer la tâche révolutionnaire, il nous faut maintenant définir qu’est-ce que la conscience révolutionnaire et qui en est le sujet. Également, nous avons soulevé que la conscience (révolutionnaire ou de classe) dans le rapport d’exploitation capitaliste est aliénée par ce même rapport, d’où a émergé le concept situationniste de « spectacle », et qu’aucune médiation extérieure ne peut apporter cette conscience sans devenir elle-même aliénante et autoritaire (ce qui est le cas de la NEFAC par exemple). Mais essayons de dépasser ce paradoxe. Si en effet, la conscience de classe implique l’aliénation par l’organisation révolutionnaire, la conscience révolutionnaire doit en être la négation et le dépassement. Ce qui veut dire que la conscience révolutionnaire actuellement ne peut être de prime abord que l’expression des limites de la conscience de classe. Mais qu’est-ce que ça veut dire dans le concret ? En fait, la conscience révolutionnaire pose les limites de la lutte de classes en tant que la lutte de classes ne débouche pas de façon naturelle sur la révolution et donc qu’elle contient ses propres limites. Ici, la lutte de classes, c’est ce que nous avons maintenant l’habitude, entre nous, de nommer le « citoyennisme », et dans les pays du Moyen-orient, c’est ce qui a été diabolisé par « islamisme ». Ce sont deux formes culturelles et sociales de la lutte de classes, du prolétariat qui défend ses intérêts contre ceux du capital, qui s’affirme comme classe de façon, il est vrai, inconsciente mais réelle. Bien entendu, le « citoyennisme » et l’ « islamisme » contiennent leurs propres limites sur leur propre champ culturelle et sociale, qui ne sont pas les mêmes que celles du « programmatisme », c’est-à-dire de la révolution vue comme l’affirmation du prolétariat en tant que classe révolutionnaire, mais il en reste pas moins que c’est au travers ces mouvements culturels et sociaux que s’exprime la lutte de classes aujourd’hui et c’est au travers cette expression bien réelle qu’il faut se situer comme conscience des limites et comme volonté du dépassement révolutionnaire. Finalement, ce que je cherche à démontrer par ce point de vue c’est que l’un ne va pas s’en l’autre. Que la question culturelle est effectivement intégrée au développement du rapport social d’exploitation capitaliste, à la dialectique de la lutte de classes, mais que toutefois, cette question ne se réduit pas à ce développement. Bien au contraire, car la question révolutionnaire se pose aussi en terme de culture (voir plus loin), mais surtout en question de vie quotidienne. Ce qui pour moi revient à dire que l’activité réelle des individus à l’intérieur de leur communauté sociale et culturelle se pose inévitablement sur le terrain du capital sans que ce denier soit le seul et unique terrain sur lequel se pose la question des rapports sociaux. LE SUJET RÉVOLUTIONNAIRE Maintenant que nous savons que la conscience révolutionnaire est l’expression des limites de la conscience de classe et de leurs différentes variantes culturelles, il nous faut trouver le sujet à partir d’où se développe cette conscience révolutionnaire. Mais avant d’aller plus loin, j’aimerais souligner davantage que la conscience révolutionnaire n’est pas seulement l’expression des limites de la conscience de classe, mais en est aussi la volonté de dépassement. Ce dernier point est primordial pour comprendre la suite. En effet, la conscience révolutionnaire est plus qu’une simple expression des limites, sinon cela voudrait dire que le sujet est révolutionnaire qu’à partir de contingences extérieures seulement et donc que la subjectivité du sujet est niée. C’est justement cette logique objectiviste et totalitaire que j’ai voulu démontrer en décortiquant le « programmatisme » comme logique contre-révolutionnaire et qui tire ses sources dans la philosophie de l’histoire de Hegel et dans le matérialisme historique de Marx. Au contraire, la conscience révolutionnaire ne peut être conscience et révolutionnaire que si elle est aussi l’expression de la volonté du sujet à faire la révolution et à construire le communisme. Et c’est là à mon avis que la question culturelle revient au galop. Dans la question culturelle, pour reprendre la pensée de Nietzsche dans ce qu’elle a d’intéressante, c’est la question des valeurs qui est posée. En d’autres mots, quelles valeurs attribuons-nous à l’individu, aux plaisirs, à la raison, à la morale, à l’histoire, au travail… ? C’est effectivement à partir d’un tel questionnement qu’il est possible au sujet de développer sa conscience subjective et de refuser les conditions de son exploitation, sa prolétarisation. Et c’est peu dire que c’est lorsque la théorie révolutionnaire a posé l’individu et le plaisir au premier plan contre la raison, la morale, l’histoire et le travail - abstraction qui trouve leur incarnation réelle dans une forme quelconque d’État ou d’Église - que le sujet révolutionnaire a trouvé sa meilleure expression. Il n’existe rien au-delà de l’individu qui puisse lui dicter le sens de son activité quotidienne; ni travail, ni patrie, ni raison universelle, ni religion, ni même l’humanisme, ni la même la citoyenneté…, la conscience révolutionnaire ne joue pas avec la métaphysique. Ce qui fait la force du sujet révolutionnaire, c’est qu’il se pose lui-même comme médiation de sa conscience. En sommes, le sujet révolutionnaire ne peut qu’être l’individu affirmant sa souveraineté, l’Unique en quelque sorte. Pas cet individu abstrait de la réalité sociale, mais plutôt cet individu qui prolonge sa souveraineté, sa liberté, avec celle des autres, cet individu dont la principale activité est de vivre et avoir du plaisir en s’associant avec d’autres individus. QUE FAIRE ? Tout ça s’est bien joli, mais on ne peut rester à rien faire, on a besoin de s’organiser quelque part, non ? C’est exact. Cependant, la question organisationnelle ne se pose pas de la même façon que peut la poser la NEFAC. Ici, l’intérêt n’est pas de faire de la propagande, ni d’avoir un programme auxquels les gens puisent se rallier. Au contraire, l’intérêt de l’association est de valoriser l’individu comme sujet révolutionnaire, donc d’affirmer les limites du « programmatisme » et de ses nombreuses variantes et de le déconstruire comme aliénation idéologique. En d’autres mots, c’est de discuter et d’apprendre à se connaître comme individu unique, libre et souverain en se débarrassant de toutes les références idéologiques et métaphysiques qui nous abstrait de nous-mêmes. Donc, de développer une organisation fondée sur la souveraineté de l’individu et sur ses relations d’amitié. Dans la vie de tous les jours, une association d’individus libres et souverains ne devrait pas se fonder comme institution permanente avec sa constitution de droits et devoirs et son programme de buts et principes, car une telle institution devient très vite autonome par rapport à ses membres et fonctionne quand transformant ses membres en fonctionnaires (ou bureaucrates). Toutes associations ne devraient tenir son existence que de façon contingente, c’est-à-dire que lorsque les individus qui s’associent en jugent la nécessité et fonder cette association sur cette nécessité. De cette façon, une association ne peut devenir autonome parce que les individus qui l’animent la font vivre que le temps qu’ils jugent nécessaire à leurs activités. C’est pourquoi, je considère la question de l’organisation comme étant une fausse question. Ce n’est pas l’organisation qui fait la révolution mais l’activité quotidienne des individus. Ce qui nous amène à poser la question des racines organisationnelles de nos activités ou ce qui veut dire la même chose, qu’est-ce qui détermine le sens et les modalités de nos activités comme individu, comme association d’individus et même comme communauté d’individus, car c’est bien plus lorsque nos activités sont déterminées par une médiation autonome et hétérogène comme le capital que les rapports sociaux qui en découlent sont des rapports d’aliénation et de domination. Mais encore, il faudrait réfléchir en quoi les activités humaines sont des médiations entre l’individu et le monde qu’il interprète et transforme selon ses intérêts et aussi en quoi le langage, donc la discussion, est l’activité humaine, la médiation par excellence qui contient tous les autres. Tout cela, nous démontrerait l’importance du débat et de la rencontre pour construire le communisme, sauf que je crois que pour l’instant j’en ai assez dit. Gavroche
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