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Un problème de répartition des richesses

Anonyme, Sábado, Noviembre 23, 2002 - 13:05

Anonyme

Débats de la Commission des affaires sociales
Intervention de l'Association pour la des droit sociaux de l'Outaouais (extraits)

[Un problème de répartition des richesses]
Le jeudi 14 novembre 2002

Bill Clennett représentant de l'Association pour la défense des droits sociaux, un organisme de personnes à faibles revenus qui se sont regroupées pour lutter contre la pauvreté qui croit, oui, à l'élimination de la pauvreté. Je suis accompagné ici, aujourd'hui, de M. Jean-Claude Viens et de Mme Monique Bastien.

M. Clennett (Bill): ...de l'avis que les personnes qui sont assises sur leur steak, ce ne sont pas ces personnes-ci, ce n'est pas des personnes qui ont moins de 10 000 $ par année, c'est des gens qui sont assis sur leur condominium, sur leur deuxième résidence, sur leur gros char, sur leurs avantages fiscaux, et, si on avait à gratter un petit peu pour savoir davantage sur ces personnes-là, on constate que, par exemple, en l'an 1999, il y avait 20 000 personnes ici au Québec qui ont gagné autant de revenus que un million et demi de personnes. Alors, ce un million et demi de personnes, c'est un peu plus qu'un quintile, là, puis là on a comme 0,37 % de la population, les riches, qui gagne autant d'argent que l'autre groupe. Et on va dire: Vous savez – on en a fait état tantôt – des gens paient de l'impôt, ils sont serrés. Mais, après impôt, ce même groupe de 20 000 personnes avait des revenus égaux à 1,2 million de personnes. Ça, c'est un problème de répartition de la richesse.

Qui sont ces personnes qui ont des revenus de cette taille-là? On a eu, dans l'édition du Financial Post , au mois de novembre dernier, quelques exemples de ces personnes-là et des revenus dont elles disposent. Je vois qu'il y avait, si on commence en haut de la liste: M. Travis Engen – Québécois, c'étaient des gens du Québec – qui est le P.D.G. d'Alcan, qui avait 15 millions de dollars de revenus; André et Paul Desmarais, Power Corporation, 13 millions de dollars de revenus. On peut descendre la liste, mais je vais arrêter à un nom qu'on va se rappeler: M. André Bérard, président sortant de la Banque Nationale du Canada, et son revenu était de 2 millions de dollars en cette année-là. Oui, c'est le même M. Bérard qui avait suggéré de fermer des régions s'il fallait pour mettre fin à de l'aide aux travailleurs saisonniers au niveau de l'assurance chômage en 1995 et oui, c'est le même M. André Bérard qui siège sur le bureau des gouverneurs du Conseil du patronat du Québec, qui voudrait enlever de l'aide sociale aux personnes après cinq ans. La pitance, les pauvres, ils ne la méritent pas, puis lui a 2 millions de dollars. Mais c'est avec des millions qu'on finit par mettre de l'argent de côté. Si on regarde la personne avec le revenu de 15 millions de dollars, j'ai de la misère à imaginer ce montant-là.

Pour faire 1 milliard de dollars, ça prendrait 66 ans avec 15 millions de dollars par année, et j'ai découvert qu'il y a au Québec un club de milliardaires. Ce n'est pas croyable, mais c'est vrai! Les gens qui ont ça, c'est huit personnes dans ce club-là. Il y a la famille Bombardier, 3,9 milliards de dollars. Ça, c'est du bacon! Ça, c'est du steak!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Clennett (Bill): Il y a Charles Bronfman, 3,5 milliards de dollars, Paul Desmarais senior, 2,38 milliards de dollars. En total, c'est 17 milliards de dollars que ces familles ont. Regardons un peu qu'est-ce que ça peut représenter, ces 17 milliards de dollars: c'est 1 milliard de plus que tout l'impôt payé par les particuliers en 1999; c'est 2 milliards de plus que l'ensemble des dépenses du gouvernement en matière de santé et services sociaux; c'est plus de 50 % des profits des grandes entreprises au Québec et c'est même trois fois les profits déclarés en 1998 par toutes les petites et moyennes entreprises, ça entre les mains de huit personnes!

Il y a, oui, un débat de société à avoir au niveau de la lutte à la pauvreté, sauf qu'on parle uniquement de la situation des pauvres quand on discute de revenus, la petite pitance qu'on va leur laisser sur leurs allocations et quel pourcentage un petit salarié qui est condamné au salaire minimum, il va lui rester lorsqu'il est en chômage, mais on ne parle pas de la vraie richesse qui existe dans la société, et nous tenons à la nommer, cette richesse, ici en commission, parce que, lorsqu'il y a question de la fiscalité – et il était question tantôt de la fiscalité et du déséquilibre fiscal – il y a tout un autre déséquilibre fiscal, et c'est le déséquilibre qui fait qu'il y a des gens qui font des gains en capital. Ce n'est pas du monde qui travaille nécessairement. 1 million à la...

M. Clennett (Bill): ...il y a tout un autre déséquilibre fiscal et c'est le déséquilibre qui fait qu'il y a des gens qui font des gains en capital, ce n'est pas du monde qui travaillent nécessairement. 1 million à la Bourse quelque part, on rapporte du cash sans avoir travaillé. Et il y a juste 50 % de ces gains là qui sont taxés. Et ça, c'est des injustices fiscales et c'est aussi un déséquilibre fiscal, un autre déséquilibre fiscal.

Alors, des moyens de lutter contre la pauvreté, nous pensons qu'il y en a ici au Québec des moyens pour partager la richesse, des moyens pour assurer un niveau de vie suffisant à toute personne. Et 1 000 $ par mois, ce n'est pas beaucoup; 10 $ de l'heure, ce n'est pas beaucoup. Même il y a des gens qui nous ont dit: Aie, 10 $ là... ça devrait être 12, ça devrait être 15. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Clennett. Il vous reste six minutes, Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Je reconnais, M. Clennett, votre façon colorée de dire les choses. Vous parlez... je veux dire, vous apportez un peu toute l'idée des préjugés sociaux, le fait de parler de gens qui ont des gros condos, gros chars, gros steak. Effectivement, il y a du monde dans ça qui travaillent puis il y a du monde dans ça qui gagnent leur vie. Mais là, je vois que ce que vous m'apportez, c'est des personnes – puis on n'en a pas beaucoup comme ça – qui gagnent des milliards. Il faut quand même se le dire là. Je veux dire, on peut les compter sur les doigts. Vous avez dit, votre club de milliardaires, il y en a huit. Je veux dire, je pense ça ne concerne pas nécessairement l'ensemble de la société québécoise qui, en général, n'ont pas ce genre de revenu là. C'est de ceux-là, dans le fond, aussi qu'il faut regarder. Je peux comprendre qu'il y a des avenues... on n'a pas le contrôle sur les milliardaires au Québec nécessairement là, mais je peux quand même voir où vous voulez en venir en disant ça.

Est-ce que vous ne pensez pas qu'en véhiculant ça vous-même, vous n'apportez pas nécessairement des préjugés aussi par rapport à l'écart qu'on a entre les riches et les pauvres, en donnant que lutter contre la pauvreté, c'est nécessairement enlever aux riches leurs acquis? Est-ce que c'est ça que vous m'apportez comme solution aujourd'hui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Clennett.

M. Clennett (Bill): Nous ne voyons pas qu'il soit possible de redresser sérieusement le scandale de la répartition de la richesse sans une nouvelle division. Le titre de notre mémoire, je vous rappelle, c'est Oui, il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul et Paulette . Alors, oui, c'est ce que nous disons. Et nous voudrions aller un peu plus loin dans l'échange avec les députés des deux côtés de la Chambre. On sait que c'est gênant de parler d'argent, effectivement nos salaires, on ne parle pas trop de ça, on garde ça proche de chez nous. Mais selon les calculs qu'on a pu voir ou les documents qui existent au gouvernement, il y aura comme salaire de base un député ici, 73 500 par année, et si on est ministre, comme vous, c'est 128 600. Avec ça, il y a l'ajout de 7 500 pour les dépenses. C'est vos revenus.

Si vous avez porté attention à des témoignages qui ont été livrés ici, nous avons demandé, pas juste à des personnes à très faibles revenus mais des gens aussi avec des revenus un peu plus élevés, qu'est-ce qu'ils pensaient au niveau de leur capacité de vivre avec 1 000 $ par mois? Pas 537 là, avec 1 000 $ par mois, des gens de la classe moyenne inférieure, disons. Et ces gens-là reconnaissaient qu'ils trouveraient ça bien dur, bien dur d'arriver avec $1 000 $ par moi. Nous voudrions vous poser la question à chacun des députés ici, que le monde ici puisse entendre: Comment vous, vous seriez capables? Qu'est-ce que ça voudrait dire comme changements dans votre vie, avec 73 ou 128 000 $, pour avoir ce que nous revendiquons, 1 000 $ par mois? Soyons francs et honnêtes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre. Mme Léger: Oui. Et ça va me faire plaisir. Je veux quand même dire que vous élaborez les salaires que nous avons. Oui, je travaille pour le salaire que j'ai. Oui, je mets beaucoup d'heures pour me permettre d'avoir le salaire que j'ai là. Mais, je veux dire, ce n'est pas moi qui le décide. Celui qui est là, c'est celui que nous avons adopté pour les élus du Québec. Je paie quand même pas loin de 50 % d'impôts malgré tout, il ne faut quand même pas l'oublier ce bout-là. Et...

Mme Léger: ...c'est là, mais, je veux dire, le salaire, ce n'est pas moi qui le décide. Celui qui est là, c'est celui que nous avons adopté pour les élus du Québec. Je paie quand même pas loin de 50 % d'impôt malgré tout, il ne faut quand même pas l'oublier, ce bout-là. Et vous ne connaissez pas, M. Clennett; vous ne connaissez pas ma vie; vous ne connaissez pas nos vies; vous ne savez pas d'où on est parti. Je trouve que vous jugez facilement ma vie actuellement, quand vous me dites ce que vous m'apportez là en ce moment même. Mais c'est votre droit de dire ce que vous avez à dire puis on vous écoute aujourd'hui, puis je viens écouter ce que vous dites.

Je voudrais revenir, si vous voulez bien, au niveau de l'emploi qu'on a parlé tout à l'heure. Même le groupe avant et M. Greason l'a glissé, il y a eu des éléments, tout à l'heure, que vous avez apportés par rapport à l'emploi.

Je veux revenir à la stratégie où, à la page 42, 43, on parle de la distribution de la richesse d'une part, mais on parle aussi que l'emploi est quand même important. C'est un des objectifs qu'on s'est donné, comme gouvernement aussi, d'avoir le plein emploi. Donc, on est à un taux de chômage de 8 % à peu près. On voudrait descendre à pas loin de 5 % de chômage.

L'emploi n'est pas nécessairement la seule façon de lutter contre la pauvreté. Les gens nous le disent beaucoup que ce n'est pas la seule façon. Mais l'intégration à l'emploi est aussi important pour les gens qui veulent se sortir de la pauvreté puis qui veulent aussi aller travailler. Il y a cet aspect-là. Mais on reconnaît, dans la stratégie nationale, que ce n'est pas tout le monde qui peut aller sur le marché du travail, qu'il y a des gens qui ne pourront jamais travailler.

Alors, je vous inviterais, à la page 42 et 43 particulièrement, de lire pour voir la partie où je disais: "Si l'emploi est le premier moyen de parvenir à l'autonomie dans notre société et le moyen privilégié lorsque possible pour lutter contre la pauvreté, on ne doit pas oublier qu'une partie de nos concitoyennes et de nos concitoyens, en raison de contraintes de divers ordres, ne peuvent emprunter cette voie.

"Face à cette adversité, il faut faire en sorte que ces personnes ne soient pas traitées comme des citoyennes et des citoyens de seconde classe. Il faut, au contraire, proposer des moyens concrets pour qu'elles puissent se réaliser en contribuant à la société dans la mesure de leurs capacités."

Je voulais rectifier certains aspects qui ont été mis là. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à rajouter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Brièvement, étant donné que notre temps est...

M. Clennett (Bill): Mon commentaire, c'est, de un, je n'ai pas du tout porté aucun jugement sur votre situation personnelle, Mme Léger. Je m'en excuse si vous vous êtes sentie offusquée, mais vous êtes peut-être en train de sentir un peu comment des gens à faible revenu se sentent, parce que leur revenu, leur situation est très comptabilisée. C'est très public. Et ce que nous ne regardions pas, ce qu'on ne discute pas, c'est la question que je vous ai posée et la question que vous n'avez pas répondue toujours. Je vous ai demandé comment vous seriez capable, vous, de vivre avec 1 000 $ par mois, et c'est ce que le monde dans notre groupe, à l'ADDS, on voudrait savoir.

(…)

Mme Léger: J'ai déjà vécu avec 1 000 $ par mois.

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