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La mondialisation des marchés du sexeMicheline Carrier, Viernes, Noviembre 15, 2002 - 16:53
Richard Poulin, sociologue
La très grande majorité des analyses de la mondialisation capitaliste contemporaine ne prend pas en considération l’aspect planétaire de l’industrie du commerce sexuel. Ce secteur de l’économie mondiale, en pleine expansion, qui produit des déplacements très importants de population et qui génère des profits et des revenus mirobolants, concentre les caractéristiques fondamentales et inédites de ce nouveau stade de l’économie capitaliste. Sa croissance fulgurante a également pour effet une remise en cause des droits humains fondamentaux, notamment ceux des femmes et des enfants devenus des marchandises sexuelles. Industrialisation du commerce sexuel et marchandisation La prostitution et les industries sexuelles qui lui sont connexes — les bars, les clubs de danseuses, les bordels, les salons de massages, les maisons de production de pornographie, etc. — s’appuient sur une économie souterraine massive contrôlée par des proxénètes liés au crime organisé et bénéficient aux forces de l’ordre corrompues. Les chaînes hôtelières internationales, les compagnies aériennes et l’industrie touristique profitent largement de l’industrie du commerce sexuel. Les gouvernements eux-mêmes en bénéficient : en 1995, on a évalué que les revenus de la prostitution en Thaïlande constituaient entre 59 et 60 % du budget du gouvernement. Ce n’est pas sans raison que ce gouvernement faisait, en 1987, la promotion du tourisme sexuel en ces termes : " The one fruit of Thailand more delicious than durian [un fruit local] its young women. " (...) Un autre facteur qui confère un caractère qualitativement différent au commerce sexuel d’aujourd’hui concerne le fait que la prostitution est devenue une stratégie de développement de certains États. Sous l’obligation de remboursement de la dette, de nombreux États d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique ont été encouragés par les organisations internationales comme le Fonds monétaire internationale (FMI) et la Banque mondiale — qui ont offert des prêts importants — à développer leurs industries du tourisme et de divertissement. Dans chacun des cas, l’essor de ces secteurs a permis l’envolée de l’industrie du commerce sexuel . Dans certains cas, comme au Népal, les femmes et les enfants ont été mis directement sur les marchés régionaux ou inter-nationaux (notamment en Inde et à Hong Kong), sans que le pays ne connaisse une expansion significative de la prostitution locale. (...) La mondialisation capitaliste se caractérise désormais par une féminisation de plus en plus importante des migrations. Une bonne partie du flux migratoire se fait vers les pays industrialisés. Les prostituées étrangères se situent évidemment dans le bas de la hiérarchie prostitutionnelle, sont isolées socialement et culturellement, et travaillent dans les pires conditions sanitaires possibles. Toute économie politique de la prostitution et du trafic des femmes et des enfants doit être fondée sur une analyse en termes classiques d’inégalités structurelles, de développement inégal et combiné, ainsi que de hiérarchisation entre les pays impérialistes et les pays dépendants. Le statut des femmes et des enfants a régressé : désormais, dans de nombreux pays du tiers-monde ainsi que dans ceux de l’ex-URSS et de l’Europe de l’Est, sous l’impact des politiques d’ajustement structurel et de la libéralisation économique, les femmes et les enfants sont devenus de nouvelles matières brutes (new raw resources) dans le cadre du développement du commerce national et international. (...) Plus précisément, on a assisté à une marchandisation non seulement du corps, mais également à la marchandisation des femmes et des enfants, d’où l’idée fréquente de l’apparition d’une nouvelle forme d’esclavage pour caractériser le trafic dont sont l’objet des millions de femmes et d’enfants.
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