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Le prisonnier politique de Tchernobyl est en train de mourirAnonyme, Martes, Noviembre 12, 2002 - 14:06
Infonucléaire
La répression en Belarus (Biélorussie) Le 18 juin 2001 le Pr. Yuri Bandazhevsky a été condamné à 8 ans de réclusion à régime sévère. En prison il est soumis à des pressions psychologiques énormes pour "avouer" des méfaits qu'il n'a pas commis. Sa vie mentale et physique est en danger et il faut réagir sans tarder. Et obtenir l'amnistie individuelle pour Youri Bandajevsky en écrivant au Président Loukachenko pour qu'il accorde l'amnistie individuelle au Professeur Bandajevsky (Voir modèle de lettre sur: http://membres.lycos.fr/mat66/cata_banda_web.html#ancre313947). Ex-URSS, Yuri Bandazhevsky le prisonnier politique de Tchernobyl est en train de mourir Rappel Le Pr. Bandazhevsky recteur de l'Institut de médecine de Gomel avait été arrêté en juillet 1999 sur une accusation de soi-disant pots de vin qu'il aurait reçus pour favoriser l'inscription d'étudiants à l'institut qu 'il dirigeait. Les chefs d'accusation sont fallacieux et ressemblent aux machinations de l'époque soviétique qu'on croyait révolue. En réalité il semble bien que les poursuites du gouvernement de M. Loukachenko contre Yuri Bandazhevsky sont liées à ses activités scientifiques qui mettent en évidence les graves conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl dont les effets sont toujours visibles aujourd'hui et vont en croissant. De plus, il a publié un rapport critiquant radicalement la façon dont certains scientifiques et le Ministre de la santé du Belarus ont utilisé les fonds alloués aux études médicales sur les conséquences de Tchernobyl. C'est probablement la cause principale de son arrestation. Démis de ses fonctions il a été maintenu en prison dans des conditions très sévères (isolement, maladie) pendant plus de 5 mois et libéré fin décembre 1999 (en attente de son procès) grâce à une rapide réaction internationale. Il a été déclaré comme "prisonnier de conscience potentiel" par Amnesty International. Depuis l'an dernier il a été astreint d'abord à rester à Minsk puis en Belarus (il n'a pas pu venir à Paris recevoir le prix que lui a décerné l'association internationale des médecins pour la prévention des guerres nucléaires). Grâce au Pr. Nesterenko qui dirige l'institut indépendant BELRAD il a pu continuer ses travaux et rédiger des monographies extrêmement importantes sur l'effet sur l'organisme de la contamination interne par le césium 137 chez les enfants, en particulier sur le système cardiovasculaire. Son procès qui a débuté en février 2001 au tribunal militaire de Gomel a montré les faiblesses de l'accusation, mais le 18 juin 2001 le Pr. Yuri Bandazhevsky a été condamné à 8 ans de réclusion (travaux pénibles, isolement, pas de livres, 3 visites par an de la famille). Le verdict est un coup terrible, non seulement pour lui et sa famille, mais pour tous ceux qui veulent connaître les conséquences réelles de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé des enfants vivant au Bélarus dans les zones contaminées par les radionucléides. N'oublions pas qu'un accident nucléaire grave est possible partout et aussi chez nous ! Entre autres pathologies, le Pr. Bandazhevsky a montré qu'une charge corporelle en césium 137, même relativement faible avec les critères habituels utilisés en radioprotection, pouvait conduire à des dysfonctionnements importants du système cardiovasculaire des enfants et pour certains enfants il s'agit d'une pathologie irréversible, comme s'ils étaient atteints d'un vieillissement prématuré. C'est parce que le Pr. Bandazhevsky est " gênant " pour les autorités de radioprotection non seulement du Bélarus mais aussi pour les autres pays nucléarisés qu'il est ainsi attaqué et qu'il risque sa santé et sa vie.
Interview du Professeur Yuri Bandazhevsky par les médias irlandais, lors de la conférence de presse de Ady Roche. - Votre brillante carrière a commencé à Grodno. Pourquoi êtes-vous venu à Gomel après la catastrophe à la centrale atomique de Tchernobyl ? Quel âge aviez-vous alors ? Y.Bandazhevsky J'ai vécu mon enfance dans la province de Grodno. Ayant terminé mes études à l'Institut de médecine de Grodno en 1980 j'ai passé la spécialisation en anatomie pathologique et ai commencé à travailler dans le Laboratoire central de recherche scientifique du même institut. Quand j'étais encore étudiant j'ai commencé à m'occuper activement de recherches scientifiques et à réaliser de nombreuses expérimentations sur des animaux de laboratoire, que j'élevais moi-même à la maison. Le sujet principal de mes recherches était alors l'étude de l'influence de différents facteurs (physiques, chimiques et biologiques) de l'environnement sur la gestation, le développement embryonnaire et la formation des différents organes et systèmes. Ce travail a abouti à la préparation de la thèse de candidat au doctorat, que j'ai soutenue avec succès en 1983. J'ai soutenu la thèse de doctorat en 1987. La même année j'ai été nommé directeur du Laboratoire central de recherche scientifique. La catastrophe de Tchernobyl a produit sur moi, comme sur un grand nombre de personnes, un énorme choc psychologique. Je considérais que mon devoir de médecin me dictait d'apporter mon aide à la solution des problèmes liés à cette catastrophe. Aussi dès 1988-1989 m'étais-je adressé officiellement à l'Académie des sciences et au Ministère de la santé avec des propositions de recherches scientifiques globales sur l'influence de la radioactivité sur les systèmes et les organes vitaux dans la période de formation. Il me semblait que tout ce qui était entrepris alors était insuffisant pour résoudre les problèmes existants. Il s'agissait avant tout de l'absence d'une vision claire des mécanismes d'action des radionucléides incorporés dans l'organisme sur la structure et sur la fonction des cellules et des tissus, sur le métabolisme. Mon expérience dans mes travaux scientifiques précédents, qui avait été reconnue par les principales écoles de l'URSS (Moscou, Leningrad), me confortait dans l'idée que les sujets proposés étaient valables. En 1990 le destin a voulu que je fasse directement connaissance avec la vie des populations de Gomel et de sa province. Je pris la décision de poursuivre mes recherches scientifiques là bas sur place. J'ajoute que je projetais de me consacrer exclusivement au travail scientifique dans l'institut de médecine radiologique qui s'ouvrait alors. Toutefois, en automne de la même année j'ai été invité à prendre la direction de l'institut de médecine qui était en voie d'élaboration à Gomel. J'avais alors 33 ans. - Quelles sont les nouvelles maladies que vous avez découvertes suite à vos recherches ? Y.B. Les nombreuses recherches scientifiques, tant cliniques qu'expérimentales, ont montré l'action défavorable de quantités même faibles de radionucléides incorporés dans l'organisme, en premier lieu du césium radioactif, sur les systèmes et les organes vitaux. En premier lieu je voudrais signaler l'atteinte du système cardio-vasculaire, qu'on observe même chez les petits enfants. Une dépendance linéaire proportionnelle a été constatée entre la quantité du césium radioactif incorporé dans l'organisme et dans le muscle cardiaque, et la fréquence de même que la gravité des altérations morphologiques et fonctionnelles. En examinant les lésions dans l'ensemble des différents organes et systèmes, il a été possible de déterminer les processus pathologiques interdépendants tant au niveau du coeur, du foie, des reins, des organe endocriniens, que du système immunitaire. En conséquence, m'étant consacré pendant de nombreuses années à la pathologie, je pense que, sous l'action des radionucléides incorporés dans l'organisme, avant tout le césium-137, des lésions morphologiques et fonctionnelles interdépendantes entraînent des troubles métaboliques dans tous les systèmes et organes vitaux,. En outre, les lésions de certains organes peuvent avoir leurs caractéristiques propres, comme par exemple, dans les reins on observe la destruction des glomérules avec apparition de cavités. Cependant toutes ces lésions découlent d'un processus pathologique semblable, que nous appelons syndrome des radionucléides de longue période incorporés. Sur la base des données obtenues, la moindre quantité de césium radioactif incorporé dans l'organisme humain ou des animaux, peut provoquer l'altération de la structure et de la fonction d'organes et de systèmes, et entraîner de nouvelles maladies (maladie du coeur et des vaisseaux, tumeurs malignes, maladies du foie, des reins, de la glande thyroïde et des autres organes endocriniens) ou aggraver les maladies préexistantes. L'altération du système immunitaire est l'une des causes principales de l'augmentation des maladies infectieuses, comme la tuberculose et l'hépatite virale. - Quel danger y a-t-il aujourd'hui pour les habitants des régions sinistrées ? Y.B. Les recherches que nous avons effectuées ont montré que le plus grand danger est représenté par l'action des radionucléides incorporés dans l'organisme, en premier lieu du césium radioactif. Si nous ne mettons pas fin à ce processus, les conséquences peuvent être tragiques. C'est pourquoi un contrôle rigoureux de la présence du césium radioactif dans les produits alimentaires est indispensable. Cela concerne surtout les enfants, qui sont plus sensibles au césium radioactif. A ce propos la situation démographique me préoccupe beaucoup, car la mortalité de la population dans la province de Gomel dépasse la natalité de 1,6 fois. Je souligne que cela ne concerne pas seulement ni même avant tout les tumeurs malignes, mais aussi les altérations pathologiques des systèmes à métabolisme intense, comme le systèmes cardio-vasculaire, systèmes nerveux, immunitaire, endocrinien, urinaire, digestif et de reproduction. Le césium-137 exerce son action défavorable avant tout sur le système énergétique des cellules fortement différenciées, ce qui provoque leur nécrose, ainsi que finalement, dans beaucoup de cas, la mort de tout l'organisme. - Quel est le danger pour les futures générations ? Y.B. Compte tenu de l'action directe du césium radioactif sur les jeunes, sur la formation de leur système reproductif et sur les autres systèmes essentiels, ainsi que des modifications génétiques dans les cellules sexuelles, nous avons le devoir d'être inquiets pour la santé des futures générations. - L'aide fournie à la République de Belarus pour la liquidation des conséquences de la catastrophe de la centrale atomique de Tchernobyl est-elle suffisante ? Y.B. Afin de pouvoir apprécier la valeur de cette aide il est nécessaire de déterminer la gravité du dommage causé à la santé des populations, suite à la catastrophe de Tchernobyl. Je pense que l'aide la plus importante doit être orientée sur la prévention des maladies qui peuvent surgir, que j'ai évoquées plus haut. Le problème de Tchernobyl est le problème du monde entier. Je pense que l'aide de la communauté mondiale est nécessaire pour la liquidation de ses conséquences. - Vous venez de commencer à travailler à l'institut "Belrad". De quel appareillage aurez-vous besoin pour votre travail ? Y.B. Dans cet institut j'ai l'intention d'étudier les problèmes liés à l'action du césium radioactif sur la physiologie des systèmes et des organes vitaux. Je souhaite développer des méthodes de protection radiologique. Il est nécessaire pour cela de créer un laboratoire d'histopathologie, collaborer avec des groupes scientifiques pour mieux saisir les changements structrels-métaboliques des tissus et des cellules du corps humain et des animaux suite à l'incorporation du césium radioactif. Il faut en parallèle étudier les symptômes cliniques au niveau du système cardio-vasculaire chez les enfants qui vivent dans les territoire contaminés par des radionucléides. Je souhaite pour cela avoir le soutien et recevoir l'aide nécessaire qui puisse déboucher sur une étroite collaboration avec des scientifiques du monde entier. L'aide pourrait venir d'organisations sociales ou de bienfaisance, auxquelles le destin des personnes victimes de la radioactivité n'est pas indifférent, mais aussi de fondations scientifiques. Je voudrais espérer que le résultat de cette collaboration puisse permettre la création d'un Centre scientifique international de la pathologie des radiations, pour que de nombreux chercheurs, travaillant sur le problème de la protection des personnes contre l'action des rayonnements, puissent unir leurs efforts pour faire progresser nos connaissances. - Quels moyens de protection voyez-vous aujourd'hui contre l'action des éléments radioactifs incorporés dans l'organisme humain ? Y.B. Sur la base de mes recherches, ainsi que sur celle des recherches effectuées par les collaborateurs de l'institut "Belrad", on peut attester l'efficacité des produits à base de pectines d'origine végétale pour mobiliser ou éliminer partiellement le césium radioactif de l'organisme par voie naturelle. Ces produits parviennent à corriger les troubles métaboliques dus à la présence dudit radionucléide. Messieurs, Je m'adresse à vous pour que vous m'aidiez à sauver le professeur Youri Bandazhevsky, qui se trouve depuis un an et demi en prison à Minsk. En tant que médecin, je suis inquiète de voir que son état de santé s'est brusquement aggravé. Certes, la prison n'est pas un sanatorium et le séjour entre ses murs ne vous refait pas une santé. Parfois il y est bien difficile de simplement survivre et de ne pas succomber sous les coups du système pénitentiaire. Le seul moyen de tout supporter et de tenir bon est de croire avec force en quelque chose. Mon mari croyait fermement en la science. Elle était son dieu, il savait que sa cause était juste et qu'il travaillait pour le bien des hommes. Je pensais qu'avec l'aide de ceux qui soutenaient ses recherches et l'amélioration des conditions de son incarcération il pourrait tenir le coup et sortirait vainqueur. Mais c'est précisément après l'amélioration des conditions de sa détention que de brusques changements survinrent dans son état physique et dans son comportement. Le professeur Bandazhevsky était pourtant reconnaissant et ravi de sa nouvelle situation. Il avait été transféré du détachement où ils étaient 80 détenus dans une chambre pour 3 personnes avec une télévision et on lui avait même fourni un ordinateur pour son travail. Il m'écrivait alors : "Je suis heureux de pouvoir enfin faire un travail productif dans les limites du permis". Les premiers temps toute la famille s'était sentie soulagée car nous comprenions que le fait de travailler, de se consacrer de nouveau à ce qu'il aimait l'aiderait à tenir le coup, à tout supporter, à garder la tête claire même dans ces conditions difficiles. Mais notre joie s'avéra prématurée. Ces conditions nouvelles que je considérais comme une amélioration se révélèrent être un piège : je voyais mon mari changer de jour en jour. Avant il écrivait à sa famille des lettres quotidiennes, il nous faisait partager ses pensées, il exposait son programme du lendemain, il nous envoyait des textes scientifiques. Malgré les conditions de détention extrêmement pénibles dans ce grand détachement de détenus, il trouvait la force de vivre, de travailler et de soutenir le moral de sa famille par ses lettres. Après le 5 juin (date de l'amélioration des conditions), les lettres de mon mari sont devenues de plus en plus rares, il ne voulait plus y parler de science, ne s'intéressait plus à ses enfants, aux affaires de famille. Lorsque je revis mon mari après une interruption de trois mois (pendant tout ce temps il n'y a pas eu de droit de visite), je ne pus le reconnaître. J'avais devant moi un autre homme, un homme écrasé, indifférent à tout ce qui l'entourait. Ses yeux vides au regard éteint reflétaient une énorme souffrance. C'était un homme à l'identité dédoublée, au psychisme brisé. Il m'a demandé le divorce tout en ajoutant que je ne devais pas croire à ce qu'il me disait ou faisait en ce moment. Il m'a prié de prendre en compte la situation dans laquelle il se trouvait et tout ce qui se tramait autour de lui. Je voyais qu'il souffrait, qu'il ne pouvait pas me dire ouvertement tout ce qu'il voulait. D'ailleurs il semblait même incapable d'exprimer ses pensées clairement. Il m'a dit que ses pensées s'embrouillaient dans sa tête et que les mêmes idées revenaient constamment comme sur un disque rayé. "Je ne comprends pas ce qui m'arrive, je suis incapable d'avoir un regard lucide sur moi-même", me dit-il. Il m'a dit que ses dents s'effritaient et qu'il avait constamment des maux de tête. Je suis médecin et je voyais bien que j'avais devant moi un homme malade, un homme qui - grâce aux efforts de ses adversaires - avait perdu toute confiance en soi. Il ne croyait même plus à ce qui avait été jusque là sacré pour lui : son travail scientifique lié aux problèmes de Tchernobyl. Tout cela lui était devenu indifférent, l'effrayait et lui paraissait dangereux. Il m'a plus d'une fois répété qu'une fois sorti de prison, il ne ferait jamais plus de la recherche scientifique : "je n'y toucherai plus jamais, à cette science liée à la radiation". Lorsque je lui demandai comment pouvait-il trahir sa cause et tout abandonner, il me répondit : "J'ai peur pour nos enfants". Je ne reconnais plus mon mari. Lorsqu'il état venu s'installer dans la zone radioactive avec ses enfants encore petits, il avait clairement conscience qu'il prenait des risques, mais il savait qu'ils étaient justifiés par l'aide qu'il venait apporter aux populations des territoires contaminés. Il me disait alors : " Nous sommes médecins et s'il arrive quelque chose à nos enfants nous saurons leur venir en aide, à eux et à nous mêmes, mais des milliers d'autres enfants vivant dans ces territoires ont besoin de nous eux aussi". Et voilà qu'après tout ce qu'il a enduré pour défendre sa vérité, il me déclare qu'il abandonne ! Il parle comme un homme effrayé, poussé à bout, manipulé, un homme en permanence sous le chantage et la pression, un homme qu'on pousse à choisir entre la science et ses enfants. Dans ses lettres il m'écrit une chose, à mes questions il en répond une autre. Comment de tels changements ont-ils pu survenir si brusquement après l'amélioration de ses conditions de détention ? A l'heure actuelle il a complètement coupé tout contact avec moi et ses enfants. Il ne veut plus nous voir aux visites en expliquant qu'il ne fait même plus confiance à sa famille. On voit que c'est un homme malade, victime de notre système pénitentiaire : ils sont arrivés à dédoubler sa personnalité, à lui faire douter de lui-même, à le désorienter. C'est devenu un homme incapable de résister, une sorte de pâte à modeler dont on peut faire n'importe quoi, qu'on peut diriger à sa guise. Je vous supplie de ne pas laisser périr ce scientifique. Actuellement je ne sais qu'une chose : nous sommes en train de le perdre. Je crains que dans quelques mois il n'y ait plus personne à sauver. Je vous prie donc d'accélérer l'examen du recours déposé à la Commission de l'ONU. Je continue d'espérer qu'au XXI siècle on ne permettra pas qu'un innocent soit détruit. G.Bandazhevskaia Lettre de Wladimir Tchertkoff, le Pr. Youri Bandajevsky emprisonné à Minsk, est en train de mourir Le 7 novembre 2002 J'ai parlé hier soir avec Galina Bandajevskaya. Malgré la joie initiale qu'elle a éprouvée, en voyant le bonheur de Youri, quand il les a vues toutes les trois arriver vers lui, Galina ne s'est pas encore remise du sentiment opprimant que cette rencontre lui a laissé. Elle voit que cet homme jeune et dynamique est en train de s'éteindre. "Il est difficile de transmettre avec des mots, me dit-elle, comment il est changé en si peu de temps. C'est un homme malade. Il est très faible, il n'a plus aucune énergie. A la fin de la conversation de 2 heures il était tout en sueur et avait besoin de se coucher, car les forces lui manquaient. Le mal de tête est constant; la douleur au coeur est une habitude; l'appétit l'a complètement abandonné, il se force de manger et en réalité ne mange presque pas. La dépression ne le quitte pas. Il a tout le temps peur de l'assassin qui dort dans sa cellule et le surveille." La pression qu'on exerce sur Bandajevsky est toujours très forte. Il a dit à sa femme que ses geoliers ont obtenu qu'il signe "un mauvais papier" : une déclaration comme quoi il ne veut plus rencontrer personne en dehors de la famille, pas de défenseurs des Droits de l'Homme, pas de représentants d'ONG, pas d'hommes politiques. Par contre, le fameux Konopliov continue à le visiter fréquemment, sans s'annoncer, et réussit à lui faire croire qu'il est sincèrement désireux de l'aider, mais que "son pouvoir n'est pas illimité". L'élément positif de la rencontre de lundi dernier est qu'au bout de longs mois de silence et d'incompréhension, le père et les deux filles se sont pleinement et profondément retrouvés (voir les précédentes "Nouvelles de prison"). Les filles sont rentrées rassurées de ne pas avoir perdu l'affection de leur père. Mais ils se sont retrouvés dans la crainte, la douleur et la tristesse. Car c'est un père méconnaissable, mourant, qu'elles ont retrouvé. Galina continue à ne pas comprendre ce qui le mine à ce point. Elle lui a demandé : "que veux-tu transmettre à tes amis étrangers?" - "Qu'ils obtiennent une expertise médicale indépendante de mon état de santé. Je suis médecin, je connais notre monde, les notres ne diront que ce qu'on leur dira de dire." - "Mais les laissera-t-on venir t'examiner?" - "Je ne sais pas...". Galina ne sait plus quoi faire. Sentiment d'impuissance et quasi-dépression. Pression artérielle à 180. Je lui ai rappelé la situation dans laquelle elle s'était trouvée quand, après les premiers 22 jours d'enfermement total de Youri , elle l'a apercu un bref instant à travers les grilles dans la cour de la prison, avant qu'on ne l'emmène, amaigri de 20 kg., chancelant, vers une destination inconnue. Interrogée, la prison de Gomel vers laquelle il était transféré ne l'avait pas vu arriver. Tout le monde les avait abandonnés et elle avait craint pour sa vie. Conseillée par le professeur Nesterenko, elle avait envoyé un télégramme au Président Loukachenko pour lui dire sa crainte et lui demander de retrouver son mari. On le retrouva dans un cachot de Moguilev (à 300 km de Minsk et de Gomel), presque mourant, et il fut transféré dans l'hopital du Ministère de l'Intérieur de Minsk. Hier, j'ai dit à Galina que le tableau qu'elle trace de l'état de santé du professeur Bandajevsky est aussi grave qu'alors, sinon pire à cause de ce progressif et constant dépérissement "dans la normalité de la prison", et qu'il faut mettre un terme à cette situation en placant les autorités, formellement et par écrit, devant leurs responsabilités. Je lui ai dit d'écrire au "gentil" Konopliov pour une rencontre urgente, comme femme du prisonnier et comme médecin, car la situation demande une intervention immédiate pour ne pas devenir irréversible. Ils sont en train de détruire un scientifique de grande valeur pour leur pays. Je lui ai dit d'écrire la même chose au Président Loukachenko. Ces lettres doivent etre transmises à Sergei Kovalev, qui présidera le 24 novembre prochain la réunion de la sous-commission du Conseil de l'Europe sur les disparus au Bélarus. L'adjoint de Kovalev, Valentin Mikhailovitch GEFTOR a rencontré Galina. Il est directeur du "Comité de défense des droits des scientifiques" de Moscou et veillera, a-t-il dit, à ce que la cause de Bandajevsky soit discutée. Il propose que son Comité et le Comité des Droits de l'Homme de l'APCE s'adressent par écrit au Président Loukachenko en lui demandant de modifier les conditions de détention du scientifique, pour lui permettre de travailler vraiment et en bonne santé dans son domaine. J'ai interrogé également l'avocat Garri Pogoniailo, vice-président du Groupe Helsinki de Minsk, au sujet de la controverse, s'il est correct ou pas de demander à Loukachenko une "amnistie individuelle" pour Bandajevsky, vu que l'amnistie est un acte du pouvoir législatif. Il m'a répnodu qu'il faut connaitre leur pays et leur Président pour savoir que Loukachenko, qui a créé un Parlement à sa botte, exerce également le pouvoir législatif et ne s'en cache pas. Il agit par décrets et c'est lui qui décide en dernière instance des amnisties. Il convoque le Président de la Cour Suprème du Belarus, Soukalo, et lui dit ce qu'il doit faire... et ne s'en cache pas, s'en vante en télévision. Il a libéré un espion italien condamné par un tribunal à 4 ans de prison (il ne s'agissait pas de "grâce", mais d'amnistie individuelle), ce qui fut considéré comme un geste humanitaire. M. Chirac devrait demander au collègue Loukachenko de faire ce geste humanitaire envers le professeur Bandajevsky, geste qui serait apprécié. Je transmets ces informations pour que ceux qui peuvent agir, agissent. Bien amicalement P.S. Galina était passée dans les douches proches du lieu de la rencontre. Il y avait là un rat de 1 kg, tranquillement assis. Il y a des détenus malades de tuberculose dans cette prison. Elle a demandé à son mari s'il toussait. Non, il ne tousse pas. Pour le moment... -----------------------------------------------
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