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L'Autre Amérique (no Iraq War)Altermondialiste, Martes, Septiembre 17, 2002 - 21:31 (Analyses | Guerre / War)
par Natacha Quester-Séméon
Il n'y a pas que l'Amérique de Bush, il y a aussi celle opposée à l'invasion de l'Irak et qui demande : la justice pas la vengeance Dossier de Cyberhumanisme : "Non à la logique de guerre" L'autre Amérique "Nous sommes tous américains" clamait le Monde, il y a un an. Pourtant, une année après, les sondages montrent que l'anti-américanisme s'étend dans le monde. Et une majorité de Français n'aiment pas la politique américaine. Dans "De la guerre comme politique étrangère des Etats-Unis"[1], Noam Chomsky revient sur cinquante ans d'interventions militaires américaines, que ce soit au Vietnam, en Amérique Centrale, en Afrique ou en Asie. Une liste terrible de combats et de morts qui ont aussi semé la haine des "Etats-Unis" sur leur passage. En Amérique Latine, on n'oublie pas ce triste 11 septembre 1973, au cours duquel le président chilien Salvador Allende fut assassiné avec la complicité du président Nixon et de son conseiller Henry Kissinger [2], pour établir la terrible dictature du général Pinochet dont ils connaissaient tous les faits et gestes, crimes et actes de tortures. Cela fait cinquante ans que les Etats-Unis utilisent la "guerre de la terreur" pour le "Bien" contre le "Mal", et le terrorisme d'État au nom de la liberté, des droits de l'homme et de la démocratie. C'est cette politique étrangère qui est combattue de par le monde et dont George Bush est le caricatural représentant. Et cette Amérique-là, en effet, n'est pas aimable. "Ils ont volé les élections par une sorte de coup d'Etat légal en novembre 2000", Paul Auster Les fondations de cette présidence reposent sur les marécages de la Floride. Comme nous le rappelle l'écrivain Paul Auster : "Vous savez à quel point je suis opposé à l'administration Bush. Je pense qu'il s'agit d'un gouvernement illégitime, qu'ils ont volé les élections par une sorte de coup d'Etat légal en novembre 2000" [3]. Le dirigeant de "la plus grande démocratie du Monde" (mais l'est-elle encore ?) a été élu président "à pile ou face" (comme nous l'écrivions dans nos colonnes en septembre 2002[4]. Mais l'Amérique de Bush n'est pas toute l'Amérique. Il y en a une autre, celle de la réelle démocratie et des vraies libertés. En première ligne, on trouve les associations pour la défense des libertés civiles qui dès la première heure ont dénoncé les dérives sécuritaires de la Maison-Blanche. Un an après l'attaque, les langues qui s'étaient jusque-là autocensurées se délient. Car ceux qui osaient critiquer la politique de l'Oncle Sam était accusés de trahison. Aujourd'hui, cette autre Amérique se réveille. Elle dénonce les traitements infligés aux prisonniers "sans droits" de Guantanamo, et les diverses lois et mesures antiterroristes. Aux États-Unis, il est désormais autorisé, entre autres, de fouiller au domicile d'un suspect sans mandat, d'écouter les conversations entre un avocat et son client. La liberté de la presse a aussi été fortement malmenée. Il y a surveillance des moyens de communication et de l'Internet planétaire. Pire, le ministère de la Justice est en train de créer un système de délation à l'échelle du pays entier, "Terrorism Information and Prevention System" (Tips), sur le modèle de la Stasi, la police politique de la RDA. Il pourrait compter environ 10 millions d'"agents de renseignement civils"[5]. "Si je suis en colère, dit l'écrivain Russell Banks, c'est à cause de l'attitude du gouvernement qui se livre à une véritable exploitation commerciale du 11 septembre. C'est effrayant. Tout est prêt, aujourd'hui, pour que s'instaure un jour un gouvernement fasciste aux Etats-Unis" [6]. Le 11 septembre, "Lady Liberty" a été touchée en plein cœur. Et cette Amérique-là fait peur. Exemple de cette résistance à l'Amérique Bushienne, le discours de Paul Auster pour qui New York n'est pas seulement une ville, mais une idée. "Je pense que le temps est venu, maintenant, de transposer la loyauté de l'Etat vers les individus, c'est-à-dire de devenir new-yorkais plus qu'américain. [...] Ma devise aujourd'hui, c'est "USA out of NY" ("Les États-Unis hors de New York")"[7]. Ces autres Américains, ceux qui ne parlent pas par la bouche du président Bush font entendre leur voix : "Notre chagrin n'est pas un cri pour la guerre", clame un de leur slogan. "Notre chagrin n'est pas un cri pour la guerre" À l'instar des pacifistes israéliens de Gush Shalom ou de Shalom Archav, qui malgré leurs souffrances appellent à la paix, il y a des Américains qui manifestent contre la guerre. Hier, ils étaient contre la riposte en Afghanistan, aujourd'hui ils sont contre l'invasion de l'Irak. Ils sont à Washington, San Francisco, New York… Ces Américains font des marches, des concerts, des cérémonies, allument des bougies, ils font des prières pour les morts et pour la paix. Sur Union Square, le 11 septembre à 9h45, une centaine de militants du groupe "Pas en notre nom" (Not in our name) se couchaient sur la route pour dire "les New-Yorkais disent Non à la Guerre". La veille du 11 septembre, des habitants de Washington organisaient une veillée aux chandelles dans Washington Square Park. Et plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés à Manhattan contre les appels renforcés de l'administration Bush en faveur d'une invasion de l'Irak (voir photos). Ils ne sont peut-être pas représentatifs de la majorité, mais ils existent, même s'ils apparaissent moins dans nos médias. Devant l'ONU, le 12 septembre, au moment même où le président Bush faisait son discours guerrier, le groupe "Earth to Bush" déployait une banderole sur un bateau : "Earth to Bush : No Iraq War"[8] ("La Terre à Bush : Pas de Guerre de l'Irak"). "notre gouvernement se sert du souvenir de notre fils comme justification pour faire souffrir d'autres fils" Des familles de victimes militent pour la paix. Juste après les "attentats du 11", un couple, les Rodriguez, parent d'une victime, écrivait à la Maison-Blanche une lettre intitulée "Pas au nom de notre fils" : "Ce que nous ressentons, c'est que notre gouvernement se sert du souvenir de notre fils comme justification pour faire souffrir d'autres fils, d'autres parents dans d'autres pays."[9] Il y a aussi Rita Lasar, cette ancienne femme d'affaire new-yorkaise de 70 ans. Son frère, Abe Zalmanowitz, est mort alors qu'il aurait pu se sauver, dans l'effondrement de la première tour, aux côtés d'un ami en fauteuil roulant qu'il n'a pas voulu abandonner, parce que celui-ci ne pouvait pas être évacué. À la National Cathedral, pendant la cérémonie du 11 septembre, le Président Bush a prié pour Abe Zelmanowitz et son courage. Mais "W. " a refusé de rencontrer Rita Lasar et d'autres membres de l'association "Peaceful Tomorrows" pour discuter de la création d'un fond pour les victimes afghanes, civiles innocentes de la campagne de bombardements. Rita refuse elle aussi que la mort de son frère serve la propagande de Bush qui en a fait un héros du 11 septembre. Elle est allée en Afghanistan pour rencontrer des familles qui ont perdu des proches dans les bombardements américains. Depuis son retour, Rita est devenue une détractrice passionnée de la "guerre contre la terreur". "Allez-y franchement. Détruisez tout" dixit Rumsfeld Car il y a de quoi s'inquiéter, même si Colin Powell tente de tempérer les élans guerriers du président Bush, il y a aussi le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld -un homme "dont la vision du monde se situe légèrement à la droite de Gengis Khan", d'après Tony Gaenslen, avocat démocrate [10]. On a appris récemment, via la chaîne de télévision américaine CBS, que Rumsfeld "avait demandé à ses collaborateurs de préparer des plans pour frapper l'Irak dans les heures qui ont suivi les attentats du 11 septembre". "Comme toutes les informations convergeaient sur ben Laden, Rumsfeld a ordonné à l'armée de préparer des frappes. Et à 14h40, une note rédigée par M. Rumsfeld recommande : "Juger s'il serait bon de frapper SH (Saddam Hussein) en même temps. Pas seulement Oussama ben Laden". Près d'un an après les attentats, il y a très peu de preuves impliquant l'Irak, selon CBS, mais si ces notes sont exactes, cela importait peu à M. Rumsfeld. "Allez-y franchement. Détruisez tout", encourageait ce dernier (9). En outre, la Maison-Blanche n'exclut pas l'utilisation d'armes nouvelles contre les cibles de l'Axe du Mal : bombes E et mini-bombes nucléaires (mini-nukes) pourraient être au menu. L'Etat américain ne cache pas son intention de s'installer durablement en Afghanistan et en Irak pour servir ses intérêts énergétiques. Saddam, le dictateur qui a longtemps collaboré avec les Américains (un document vient de révéler que l'administration Reagan a donné des informations stratégiques à Saddam Hussein pour lui permettre de gazer les Kurdes dans les années 80 [11]), est assis sur une mine d'or noir. L'Irak disposerait, selon de nombreux experts, des premières réserves pétrolières mondiales - de l'ordre de 150 milliards de barils, si ce n'est plus [12] Alors les opposants de Bush réagissent. Sur le Net, il y a un foisonnement d'analyses et d'articles critiques qui paraissent dans la cyber-presse indépendante. L'ancien gouverneur texan, Judas du protocole de Kyoto soutenu par les lobbies pétroliers, peut provoquer une troisième guerre mondiale pour contrôler le pétrole irakien, tout comme la riposte afghane dissimulait un enjeu économique et énergétique : la construction du fameux pipeline. "Il n'existe pas de "guerre propre" qui fasse "zéro morts" "La guerre est une mesure de dernier recours, peut-on lire dans une pétition en ligne. Elle ne laisse derrière elle que dévastation et anéantissement. Elle détruit peuples et sociétés, saccage l'environnement, laisse des enfants orphelins et coûte beaucoup d'argent. Cet argent devrait être dépensé pour apporter aux gens des vies meilleures, des services médicaux et de l'éducation". Certains n'oublient pas la réalité de la guerre et les pertes humaines qu'elle implique - les "dommages collatéraux" dans le jargon de Rumsfeld. Un professeur d'Économie, Marc Herold, de l'Université du New Hampshire [13], a conduit une étude indépendante, un vrai travail de fourmi, notant méticuleusement, le nombre de victimes afghanes citées chaque jour par les médias. Il estime que les bombardements américains en Afghanistan ont causé la mort de 3,767 civils. Outre les civils, des milliers d'autres personnes seraient mortes pendant la riposte; puisqu'on évoque l'existence de charniers qui cachent des talibans morts d'asphyxie dans des camions qui les transféraient d'une prison à une autre, ce qui serait un crime de guerre. Dans son article "Une année en Afghanistan"[14], Robert Fisk raconte comme un village fût terrorisé par une attaque de militaires américains. Sans raison apparente, ceux-ci ont tué un chef de tribu de 12 000 familles tribales locales, Haji Birgit Khan, âgé de 85 ans, d'une balle dans la tête, une petite fille fuyant les hommes en uniforme est morte dans un puits. Ce n'était qu'une bavure. Une parmi d'autres ? Il n'existe pas de "guerre propre", ni de "frappes chirurgicales" ou de guerre qui fasse "zéro morts". Et à ce bilan, combien faudrait-il ajouter de victimes des effets "indirects" du 11 septembre en Tchétchénie, en Israël et en Palestine ? Des milliards pour la guerre, pas pour le social ou l'environnement Les citoyens américains qui sont contre l'invasion de l'Irak sont nombreux, et dépassent largement le cadre des militants pacifistes habituels. De plus en plus d'Américains osent critiquer les erreurs de l'administration Bush. Ils réclament une autre politique, moins belliqueuse, plus sociale et plus écologique aussi, car les milliards de crédits accordés à l'armée auraient pu être alloués aux systèmes de santé et aux systèmes éducatifs des États-Unis, à l'aide aux pays en développement et à la recherche d'énergies renouvelables. Au contraire, ces milliards serviront à la conception du fameux et très coûteux "bouclier anti-missiles" dans la droite lignée de la "guerre des étoiles" de Reagan. "La justice, pas la vengeance" répondent en chœur les pacifistes et des parents et proches des victimes. Leur discours est le contraire de la haine et de l'esprit de revanche. Ensemble, nous pouvons dire "appelons à la paix globale et à la justice", car avant tout, nous sommes tous terriens. Natacha Quester-Séméon, Voir en ligne, les photos, l'encadré sur Rita Lasar, et les nombres liens complémentaires. Références [1] "De la guerre comme politique étrangère des États-Unis". Noam Chomsky est professeur au Massachusetts Institute of Technologie (MIT) à Boston (USA). Sa carrière scientifique se double d'une vie et d'une oeuvre de militant libertaire.http://www.leschroniques-demadamechang.net/ [2] Le Nouvel Obs. Les agents secrets américains appelaient leurs homologues chiliens " les monstres " - Quand la CIA enfonce Pinochet [3]La révolte des écrivains américains (Paul Auster, Russell Banks,Arthur Miller), l'Express Voir aussi le fil de discussion dans notre forum " C’était le 11 septembre "http://www.humains-associes.org/cgi-bin/ikonboard/ikonboard.cgi?act=ST;f=18;t=1 [4] Et si, aux Etats-Unis, on votait plutôt au hasard, en tirant à pile ou face ? Novembre 2000. Une réflexion entre math et politique d'un cyberhumaniste, Etienne Parizot, astrophysicien et chercheur au CNRS. http://www.cyberhumanisme.org/pileouface.html [5] L'Amérique de George W. Bush, paru dans L'Express du 05/09/2002 [6] La révolte des écrivains américains (Paul Auster, Russell Banks,Arthur Miller), l'Express [7] http://www.earthtobush.org - Reportage vidéo de l'opération http://www.indymedia.org/video/ [8] "Pas au nom de notre fils" [9] "Le cas Bush - Pourquoi cet homme est dangereux", Marianne: http://listes.fluxus.net/wws/arc/agora/2002-03/msg00023.html [10] Dépêche AFP : Rumsfeld voulait frapper l'Irak dès le 11 septembre 2001: http://listes.fluxus.net/wws/arc/agora/2002-09/msg00070.html [11] Le Monde, 18 août 2002 -Révélations sur la collaboration passée entre Washington et Bagdad [12] 11 SEPTEMBRE : UN AN APRÈS, Le pétrole irakien, objectif majeur [12] Un professeur d'Économie, Marc Herold, de l'Université du New Hampshire [13] "Une année en Afghanistan", Robert Fisk
[forum] Non à l'intervention militaire contre l'Irak Mouvements pacifistes : Reproduction autorisée sous couvert de la mention :
Dossier "nous sommes tous terriens" sur le 11 septembre 2001 - 2002, pacifisme, analyses, activismes, articles des Humains Associés, Michael Moore, Noami Klein, etc.
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