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Al-Qaïda et l'irak: une invitation à la réflexion

Dominic Dagenais, Jueves, Agosto 22, 2002 - 01:07

Dominic Dagenais

Réflexions sur le manque d'esprit critique des médias de masse dans le traitement de l'information concernantla possession d'armes chimiques et d'armes de destruction massive de Al-Quaïda et de l'Irak.

C’est avec empressement que CNN a diffusé ces derniers jours des extraits des supposées vidéocassettes appartenant au réseau terroriste Al-Quaïda. Avant même de les avoir visionnées en entier, CNN nous a présenté des images montrant à l’entraînement certains terroristes, une déclaration de guerre de Oussama Ben Laden contre les États-Unis et, surtout, ces extraits d’expérimentation de gaz chimiques entraînant la mort de trois chiens.
La plupart des médias occidentaux ont emboîté le pas, diffusant à leur tour ces mêmes images, tout en alarmant la population sur la barbarie des membres d’Al-Quaïda, mettant l’emphase sur le meurtre d’innocents jolis chiens. Cependant, aucune réflexion quant à la véracité de ces images, ni à la provenance des vidéocassettes. On se contente de nous dire que ces dernières auraient été trouvées par CNN dans une maison appartenant à Ben Laden, près de Kaboul. Mais pourquoi CNN aurait par hasard mis la main sur une mine d’or comme celle-là? Et pourquoi Ben Laden aurait-il omis d’emporter ou de détruire autant d’archives de son organisation?
De plus, nous avons toutes les raisons de douter qu’il puisse s’agir d’un coup monté de toute pièce par le gouvernement américain, à des fins de propagande. Car il a été prouvé que lors de l’opération «Tempête du désert» 1991, le régime américain avait créer de faux vidéos visant à diaboliser l’Irak. Le premier, présentant des soldats irakiens retirant des bébés koweïtiens de leurs incubateurs (scène tournée dans une studio de Londres) ; le second, montrant des oiseaux aquatiques imprégnés de pétrole (images prises lors du naufrage d’un pétrolier en mer du Nord). Le système de propagande américain a donc fait ses preuves en matière de fabrication d’images destinée à manipuler l’opinion publique.
Mais admettons que les vidéos d’Al-Quaïda soient bel et bien authentiques. Pourquoi, plutôt que de tenter d’informer davantage la population sur le réseau terroriste en tant que tel, on plonge encore une fois dans le sensationnalisme, cherchant à scandaliser les gens devant la mort de trois chiens? Pourtant, des milliers d’animaux sont tués de façon beaucoup plus atroce chaque année dans nos démocraties. En quoi transmettre le VIH à des chimpanzés (beaucoup plus près des humains que les chiens) serait plus inhumain que de tuer à l’aide de gaz chimiques trois chiens? Car peu importe la raison pour faire mourir un animal, la mort d’un animal reste la mort d’un animal. Et c’est bien sur ce que semble insister les médias en diffusant avec insistance les images des chiens d’Al-Quaïda, même si bien sûr, on veut également nous effrayer à l’idée qu’il soit possible, voire probable, que de tels gaz soient utilisés contre nous.
Aussi, curieusement, la diffusion de ces images arrive au moment où la menace d’intervention militaire américaine contre l’Irak se fait de plus en plus sérieuse. Et le prétexte évoqué est justement la fabrication, de la part du régime de Saddam Hussein, d’armes chimiques et d’armes de destruction massive. Il semble donc clair que le régime américain, avec la coopération des grands médias, cherche à faire accroître l’appui populaire à une telle intervention en présentant des images alarmantes sur la menace bioterroriste. Cependant, nous n’avons jusqu’ici aucune raison valable de croire que des liens unissent Al-Quaïda et l’Irak. L’Irak constitue un pays considérablement affaibli suite à deux guerres, un sévère embargo et des bombardements constant depuis plus de dix ans. L’Irak n’a jusqu’ici fait la guerre à des États limitrophes, sans même parvenir à vaincre l’Iran. Il semble donc pratiquement impensable que l’Irak déclare la guerre aux États-Unis en attaquant leur territoire. Et il ne semble pas vraiment plus pensable que l’Irak envahisse tout autre pays, aussi faible soit-il. Alors, en quoi l’Irak constitue-t-elle une menace pour les États-Unis?
De plus, pourquoi la supposée fabrication d’armes de destruction massive de la part de l’Irak devrait être empêchée, réprimée? Car jusqu’à maintenant dans l’histoire du monde, l’État ayant le plus fait ses preuves en matières de destruction massive est pourtant les États-Unis. Il s’agit du seul pays ayant eu recours à la bombe atomique, dans le but de tuer plusieurs dizaines de milliers de civils japonais. Ainsi, la possession d’armes de destruction massive telle les bombes atomique, nucléaire, à neutron, à hydrogène ou d’armes chimiques telles l’agent orange et le napalm semble tout à fait légitime lorsqu’il est question des États-Unis et de leurs alliés et complètement inacceptable s’il est question de pays ennemis, même si ceux-ci n’utilisent pas ces armes. Cette même logique s’applique également pour le premier prétexte qui était évoqué en 1990 par les États-Unis pour faire la guerre à l’Irak : l’invasion d’un territoire souverain (le Koweït). Encore une fois, s’il y a un pays qui, dans son histoire récente, n’a pas respecté ce principe, c’est bien les États-Unis.
Moins que de chercher à amoindrir les torts de l’Irak et d’Al-Quaïda, le but de ce papier est plutôt d’inviter les gens à la réflexions et à la prudence face au traitement de l’information véhiculée par le gouvernement américain et les grands médias occidentaux. Trop souvent, le recours au sensationnalisme incite les gens à perdre leur esprit critique, engendrant ainsi des opinions basées davantage sur des émotions que des réflexions. Également, bien souvent, il est question de deux poids deux mesures pour critiquer des régimes alliés et semblables au nôtre et des régimes lointains et culturellement différents, alors que logiquement, tout État devrait être mis sur un même pied d’égalité. Pourtant, ce ne semble pas être le cas.



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