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Tuer le messager

Carl Desjardins, Jueves, Agosto 1, 2002 - 13:17

Justin Gerdes

Une querelle de clocher sur la publication d'un professeur d'université est devenue une véritable bataille académique entre partisans et adversaires des biotechnologies. Tout a commencé il y a sept mois quand la revue scientifique "Nature" a publié un article d'Ignacio Chapela, un microbiologiste de l'Université de Californie à Berkeley, et d'un de ses étudiants chercheurs.

Par Justin Gerdes de Mother Jones
Traduction. Gérard Brunelet, Thomas van Oudenhove et Marie Françoise Perez. Traducteurs bénévoles coor...@attac.org (*)

Une querelle de clocher sur la publication d'un professeur d' université est devenue une véritable bataille académique entre partisans et adversaires des biotechnologies.

Tout a commencé il y a sept mois quand la revue scientifique "Nature" a publié un article d'Ignacio Chapela, un microbiologiste de l'Université de Californie à Berkeley, et d'un de ses étudiants-chercheurs.

Les conclusions étaient alarmantes : des gènes de maïs génétiquement modifié, affirmait Chapela, avaient contaminé les souches naturelles dans les montagnes reculées de l'Etat de Oaxaca, au Mexique, considéré comme le berceau du maïs. Les conclusions de Chapela ont franchement alarmé certains responsables de l'administration mexicaine qui avait adopté un moratoire sur les cultures génétiquement modifiées en 1998.

Mais, prétendait Chapela, au lieu d'essayer de vérifier ses conclusions, l'administration mexicaine cherchait seulement à étouffer ses recherches. Chapela est aujourd'hui sous le feu de critiques beaucoup plus rapprochées. Le 4 avril, Philip Campbell, le rédacteur en chef de "Nature", annonçait que la revue était en train de réestimer sa décision de publier la contribution de Chapela (une initiative sans précédant depuis 133 ans qu'existe la revue) déclarant que "les preuves apportées ne justifient pas la publication."

Dans leur publication initiale, Chapela et David Quist apportent deux conclusions significatives :
- le maïs naturel est contaminé par le maïs génétiquement modifié
- l'hybridation qui en résulte donne une dispersion imprévisible des gènes modifiés.

C'est la seconde conclusion de l'équipe qui a soulevé les critiques les plus sévères. Matthew Metz, chercheur à l'Université de Washington et auteur de l'une des deux lettres publiées dans "Nature" réfutant les recherches de Chapela et Quist, attaque leur seconde conclusion comme "plus mystique que scientifique".

Metz ainsi que Nick Kaplinsky, étudiant diplômé de Berkeley et le principal auteur de la seconde critique publiée dans "Nature" affirment que c'est pour promouvoir la vraie science qu'ils se sont sentis obligés de répondre.

"C'est parce que les conséquences sont aussi importantes que le travail scientifique doit être fait correctement" affirme Kaplinsky dans sa lettre à "Nature". La manière dont Chapela et Quist ont tracé la dispersion du matériel génétique dans les cultures qu'ils ont étudiées est au cour de la controverse scientifique.

Chapela et Quist ont admis que leur seconde assertion allait trop loin. "Ce avec quoi nous sommes d'accord et que nous reconnaissons, c'est la possibilité que leur interprétation soit meilleure que la nôtre sur deux des huit séquences que nous avons publiées" a dit Chapela.

Mais cette concession n'a pas suffi à apaiser leurs détracteurs qui prétendent que le travail de l'équipe de Berkeley est altéré par leurs convictions anti-biotechnologie.

Considérant Chapela et Quist comme "de fervents militants contre le génie génétique", Metz considère que leurs résultats étaient faussés. "Les expériences menées avec à l'esprit des conclusions préconçues sont vouées à l'échec" affirme Metz.

Quand les dissensions théoriques sur les biotechnologiques se sont multiplié, la nature excessive des attaques contre Chapela et Quist a surpris beaucoup de chercheurs. Même des opposants à Chapela et Quist témoignent de leur étonnement devant l'animosité des débats.

"Je n'ai jamais rien vu de pareil" a déclaré Peggy Lemaux, une biologiste moléculaire de Berkeley à "Science magazine", "Il y a eu des tas de disputes sur le transgénique mais là, c'est autre chose".

Miguel Altieri, professeur associé à Berkeley suggère que les attaques contre Chapela et ses recherches sont un peu plus que des combats par procuration dans une campagne visant à discréditer les voix universitaires qui mettent en cause les biotechnologies.

"Ces gens là crucifient Chapela" soutient Altieri. Ainsi, d'après lui, les détracteurs "envoient un message à tous les jeunes scientifiques qui voudraient rompre les rangs de la recherche sur les modifications génétiques en leur disant "OK, vous pouvez chercher dans cette direction mais si vous publiez, on va vous tomber dessus"

Avec de tels enjeux (les entreprises de biotechnologie font du lobbying au Brésil, auprès de l'Union Européenne et au Mexique pour lever l'embargo sur les cultures génétiquement modifiées) cette empoignade était peut-être inévitable sur ce que Campbell, le rédacteur en chef de Nature, appelle "une des technologies les plus chaudement débattues de notre temps". Pour ajouter à cette chaleur, Chapela, Quist et leurs opposants sont tous connus pour avoir des idées arrêtées et de solides attaches dans la très grande et très passionné querelle sur les biotechnologies.

En 1998, Chapela était le porte-parole d'une faction de professeurs de Berkeley opposés à un partenariat de 5 ans et 25 millions de dollars entre leur université et la firme Novartis, le troisième plus gros producteur de semences (y compris de semences génétiquement modifiées). Quist, pour sa part, était membre des "Etudiants pour une Recherche Responsable", un groupe organisé pour contrecarrer le projet Novartis. Maintenant, dans sa quatrième année, l'accord apporte des fonds de Novartis, depuis devenue Syngenta, pour financer les recherches de beaucoup de gens dans les départements de la biologie des plantes et la biologie microbienne.

Plusieurs des plus bruyants détracteurs de Chapela, ont entre-temps, tissé des liens avec Berkeley (dont Metz qui y a passé son Ph.D en 2001) et participé au combat de l'accord Novartis. Cette corrélation n'a pas échappé à Chapela qui proclame que "tous les rédacteurs des lettres (dans "Nature") ont un lien direct avec l'accord Novartis - Berkeley, tous sans exception".

De plus, Metz, Kaplinsky, et deux coauteurs des lettres de "Nature" font aussi partie des plus de 3000 signataires d'une pétition 'en ligne' - "Des scientifiques partisans de l'agriculture biotechnologique" - initiée par une organisation soutenant cette technique appelée la fondation AgBioWorld. La pétition, hébergée sur le site d'AgBioWorld, affirme que les biotechnologies "constituent un moyen puissant et sûr pour la modification des organismes et peut contribuer substantiellement à l'amélioration de la qualité de la vie".

L'influence du lobby des biotechnologies est aussi soupçonnée d'autres attaques contre les recherches de Chapela. Jonathan Matthews, un opposant très connu aux aliments génétiquement modifiés et le journaliste Andy Rowell affirment que les défenseurs des biotechnologies utilisaient un service de 'news en ligne' également assuré par AgBioWorld pour encourager les attaques contre l'article de Chapela. Tout de suite après la publication de l'article initial, précisent Matthews et Rowell, des courriels dont on peut établir l'origine chez un employé d'une entreprise de communication au service de Monsanto ont commencé à paraître sur le site de AgBioWorld.

Les messages mettent en cause l'objectivité de Chapela et incitent les lecteurs à écrire des lettres dénonçant son article. Les représentants de Bivings réfutent les allégations de Matthews et Rowell ( le président de la firme, F. Gary Bivings a affirmé que son entreprise n'avait "aucune implication" dans AgBioWorld)

Monsanto, bien sur, est un des plus gros producteurs mondiaux de semences génétiquement modifiés. En définitive, pendant que le combat théorique fait rage aux Etats-Unis, cette même agence mexicaine qui avait d'abord tenté d'étouffer leurs conclusions va peut-être voler au secours de Chapela et Quist. Le 18 avril, Jorge Soberon, le secrétaire de direction de la commission mexicaine de la biodiversité, a annoncé que les données collectées par les scientifiques officiels confirmaient qu'il s'agissait du "pire cas au monde de contamination par matériel génétiquement modifié ".

L'étude montre que les récoltes de maïs ont été contaminées par des gènes étrangers modifiés,
- à 95 % dans les sites surveillés des Etats de Oaxaca et de Puebla
- jusqu'à 35 % chez les exploitants indépendants.

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