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De la démocratieDominic Dagenais, Lunes, Julio 15, 2002 - 22:55
Dominic Dagenais
Les puissance occidentales détiennent le pouvoir de donner à la démocratie le sens qu'elles veulent bien nous faire entendre. La nouvelle guerre des États-Unis et de leurs alliés, celle contre le terrorisme, ou le mal, se veut aussi celle de la démocratie. La démocratie attendue d'une Afrique toujours plus pauvre si elle désire recevoir l'aide financière du Groupe des 8, tel est le mot d'ordre du sommet de Kananaskis de juin dernier. La démocratie souhaitée en Irak, qui sans elle justifierait une éventuelle intervention militaire. La démocratie à Cuba, nécessaire à la levée de l'embargo et à la présence de l'île au prochain Sommet des Amériques, en 2003. Mais de quelle démocratie s'agit-il? Il semble convenu par tou-te-s qu'on entend par démocratie, l'exercice du pouvoir par le peuple. Ainsi, le système le plus démocratique serait celui où la population décide le plus des décisions de l'État. Depuis l'effondrement du monde communiste, de la "fin de l'histoire", il ne fait plus aucun doute, semble-t-il, que la démocratie à l'occidentale constitue la vraie démocratie. La victoire du bloc de l'ouest a fini par faire germer dans les esprits de la majorité, et même en dehors de l'Occident, l'idée que le système parlementaire multipartite constitue un système démocratique. Mais la démocratie occidentale n'est en réalité pas la seule, ni la meilleure, forme de démocratie que le monde ait connu. Héritière des révolutions anglaise, américaine et française et inspirée du vague souvenir d'une démocratie athénienne où environ 10% de la population avait droit de s'exprimer, la démocratie telle qu'entendue dans le monde occidental et de plus en plus à l'échelle planétaire depuis les dernières années, constitue en réalité davantage un vieux modèle archaïque d'un illusoire pouvoir populaire. Le bipartisme à l'anglaise ne fut-il pas instauré afin d'assurer la stabilité du régime en calmant les ardeurs les plus révolutionnaires? Les systèmes républicains américain et français constituent sans aucun doute un appareil institutionnel plus démocratique que le modèle britannique, toutefois, il faut attendre le milieu du XXe siècle avant que l'ensemble de la population majeure ait le droit de se prononcer. Aux États-Unis, le choix ne se limite en pratique qu'à deux partis, fort similaires, alors qu'en France, une panoplie d'organisations se partage le vote, ce qui fait qu'en bout de ligne un parti ayant obtenu moins du tiers des voix peut prendre l'ensemble des décisions politiques pour un mandat de cinq ans. Comme le Royaume-Uni, le Canada, contrairement à ses prétentions, possède sans doute un des systèmes les moins démocratiques de l'ensemble de la planète. En plus des failles que l'on retrouve dans l'ensemble des "démocraties" occidentales, le Canada constitue une monarchie constitutionnelle. Bien que l'appareil monarchique colonial n'exerce pratiquement jamais son pouvoir, il constitue néanmoins, selon la constitution, le pouvoir le plus puissant du pays (après celui de Dieu!). En plus de se référer à l'autorité divine, le Canada confère le droit de veto au sénat (dont les membres sont nommé-e-s et non élu-e-s) et à la gouverneur générale (elle aussi nommée). Sur le plan judiciaire, le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême, est composée de neuf juges qui, contrairement aux systèmes républicains, ne sont pas élu-e-s, mais nommé-e-s par le premier ministre. De plus, le système électoral canadien est uninominal à un tour, donc aucunement proportionnel et c'est au premier ministre que revient le pouvoir de choisir la date des prochaines élections. Une telle démocratie peut aller jusqu'à porter au pouvoir un parti ayant reçu moins de votes que le principal parti d'opposition, comme ce fut le cas au Québec en 1998 alors que le Parti québécois, ayant reçu 42,86% des voix a obtenu 76 sièges tandis que le Parti libéral, avec 43,55% des voix n'a obtenu que 48 sièges. Dans une telle situation, le mot "démocratie" n'a plus aucun sens. Bien qu'il soit vrai que la population des États se réclamant de la démocratie (à l'occidentale) possède le droit de choisir entre les candidat-e-s présenté-e-s, il est clair que dans la majorité des cas, seulement une minorité d'élect-eur-rice-s "gagnent" leur vote. Ainsi, pour la plupart des élections à l'intérieur des démocraties occidentales, le choix de la majorité, bien qu'il ne soit pas unifié au sein d'un même parti politique, reste insatisfait. C'est ainsi que George W. Bush, Jacques Chirac, Tony Blair, Gerard Schröder et la plupart des autres chefs d'État occidentaux fondent leur légitimité sur un appui populaire qui demeure toutefois minoritaire puisque aucun de ces chefs n'eut été élu avec plus de 50% des voix. En tenant compte de l'abstentionnisme, cet appui est encore davantage réduit. Donc, il ne fait pas de doute que dans la majorité des États occidentaux, la majorité des habitant-e-s n'ont pas voté en faveur de leurs dirigeant-e-s. Et par extension, on peut affirmer que dans ces mêmes États, la majorité du peuple s'oppose à ses dirigeant-e-s. Malgré leur faible valeur démocratique, les puissances occidentales n'hésitent pas à regarder de haut les dictatures ou supposées dictatures des pays du Sud. L'Occident, et plus particulièrement les États-Unis, lègue aux rangs de dictatures, de régimes anti-démocratiques les États ennemis n'adoptant pas le système parlementaire multipartite. Ce type de système, accompagné d'un suffrage universel, constitue donc l'unique critère nécessaire afin de cataloguer un régime comme étant démocratique. Depuis le triomphe du système capitaliste, il appartient aux puissances occidentales le pouvoir de classer, au nom d'une fausse objectivité, les divers États dans le groupe des démocratie ou celui des dictatures. Toutefois, à l'exception des monarchies ou des théocratie, la totalité des gouvernements de la planète prétendent exercer la volonté populaire. Malgré l'échec de plusieurs expériences révolutionnaires de la seconde moitié du XXe siècle, il n'en reste pas moins que d'autres formes de démocratie semblent possibles en dehors du modèle préconisé par l'Occident. La notion de "parti unique" repose sur un regard purement occidental de certains régimes révolutionnaires. Un régime n'adoptant pas le concept de partis politiques pour consolider sa vie démocratique devient alors aux yeux des démocraties occidentales un régime à parti unique. Cependant, pour bon nombre de ces expériences révolutionnaires socialisantes, il s'agit non pas de système à parti unique, mais plutôt d'un système sans parti. Un parti, sans parti adverse, n'en est plus un. Ainsi, le parti ne constitue plus une faction, mais le tout. L'ensemble de la population peut ainsi pénétrer l'État. Il n'y a alors plus de représentant-e-s du peuple à l'assemblée, c'est plutôt le peuple lui-même qui est invité à participer à la vie démocratique. Le but n'est pas ici de prétendre que tous les régimes à parti unique, ou sans parti, constituent des exemples remarquables de démocraties, mais plutôt d'affirmer que pour certaines de ces expériences politiques on a pu constater une possibilité réelle pour la population de s'accaparer les reines du gouvernement. Bien qu'aucun de ces régimes n'a pu être considéré comme une démocratie véritable et totale, il n'en reste pas moins que pour plusieurs de ces régimes, la population eut détenu un pouvoir plus considérable que celui détenu par les citoyen-ne-s des démocraties occidentales. De plus, les régimes réellement ou supposément anti-démocratiques ne sont pas tous sur le même pied d'égalité en matière de représailles de l'Occident. Cuba, la Libye et l'Irak sont aux prises avec de sévères embargos, tandis que d'autres régimes, incontestablement moins démocratiques, tels le Maroc, l'Indonésie, Singapour ou l'Arabie saoudite bénéficient de relations diplomatiques plutôt amicales avec les puissances occidentales. Ainsi, les gouvernements occidentaux se basent davantage sur des intérêts économiques et politiques que sur un humanisme sincère lorsqu'ils refusent d'entretenir des relations saines avec certains régimes, sous prétexte qu'ils sont anti-démocratiques. La démocratie a-t-elle un sens réel aujourd'hui? L'Occident, grand vainqueur de la Guerre froide, États-Unis en tête, a réussi à s'accaparer une terminologie porteuse de fausse vérité. Plus qu'un système politique, la démocratie est devenue davantage synonyme d'économie de marché. Pourtant, dans un tel système, l'exercice populaire du pouvoir est bien loin.
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