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Argentine: vers une des plus grandes escroqueries de l'histoire

Carl Desjardins, Viernes, Junio 28, 2002 - 12:39

Naum Minsburg

En fait, les pertes indiquées par les banques n'existent pas. De plus, la volonté de rendre l'argent confisqué arbitrairement n'existe pas non plus réellement. On est arrivé à un point si inconcevable que l'Etat essaie maintenant d'émettre des bons de long terme pour sauver les banques. L'Etat sollicite seulement que ces dernières participent entre 10 et 15% à l'émission de ces bons.

Par Naum Minsburg. Economiste, membre du Conseil scientifique d'ATTAC Argentine.

Depuis le début de l'année 2001 et durant les " non-gouvernements " du duo de la Rua-Cavallo, la déformation des promesses électorales de l'Alliance et l'échec d'une politique économique dessinée exclusivement à se conformer aux exigences des capitaux les plus concentrés associés avec les groupes transnationaux dans un tout coïncidant avec les directives du FMI, se rendirent manifestes et incontestables.

Devant l'échec du modèle monétariste imposé à outrance et l'ajustement permanent, le maintien de la convertibilité fut de plus en plus difficile à tenir, alors que durant une décennie ce maintien avait été exhibé comme le majeur succès atteint par les cavalleristes, soutenu par une propagande officielle effrénée.

La méfiance augmenta et renforça aussi la préoccupation devant l'appropriation possible des dépôts publics par le gouvernement.

Une évasion majeure, et chaque fois plus importante, des capitaux vers l'extérieur de notre pays s'est produite du fait de l'impuissance et du désintérêt pour mettre en route des mesures contre la récession et avec une certaine complicité de la part du secteur privé.

Cette fuite de capitaux n'était pas quelque chose d'exceptionnel. Au contraire, c'était et cela continue d'être une situation éminemment complexe qui, dans notre pays, s'est transformé en une coutume invétérée pour les grands capitaux. Mais les caractéristiques de cette fuite en 2001 sont inédites.

Le fait le plus marquant et qui démontre la connivence et la complicité des secteurs du gouvernement avec le secteur privé pour faciliter la fuite, est que le gouvernement n'a absolument rien fait pour retenir l'hémorragie des capitaux vers l'extérieur. En fin d'année le Parlement n'a produit qu'une loi sur l'intangibilité des capitaux, or c'était déjà trop tard. Le sang n'en finissait pas de couler.

Une des dernières actions - peut-être une des pires- du cavallerisme-delaruisme, fut celle de la constitution le 3 décembre dernier, du mal nommé " corralito ", qui signifie de fait la confiscation de l'argent déposé suivant différentes formes dans les banques qui opèrent dans notre pays. C'est une situation inédite dans l'histoire argentine et méconnue du reste du monde.

La situation empira profondément lorsque le Dr. Eduardo Duhalde et Jorge Remes Lenicov, loyal disciple du cavallerieme, furent respectivement nommés l'un à la présidence du pays et l'autre ministre de l'économie.

Plusieurs millions de nos compatriotes qui avaient déposé de l'argent sur des placements fixes en pesos ou en dollars, dans des caisses d'épargne ou encore sur des comptes courants, faits absolument normal dans n'importe quel pays du monde, ont souffert en premier de la dite " pésification " effectuée de manière compulsive. On échangea les dollars à un prix arbitraire de 1, 40 $. Avec ce taux de change ils perdirent 25% de la valeur équivalente en monnaie étrangère.

Dans un deuxième temps, les expirations furent reprogrammées à termes qui allaient de un à trois ans. La perte totale serait estimée à 60% sur la valeur initiale du dépôt.

La votation effectuée par la majorité, le mercredi 24 avril 2002 au Parlement national, sur la loi " bouchon " empêchant l'activation des droits de protection, l'établissement possible d'un plan incertain Bonex, Bonux ou je ne sais quel nom - qui impose au nouveau ministre de l'économie Roberto Lavagna à remettre chaque année le remboursement de l'argent confisqué - et la réalisation de ce plan, auront pour conséquence de provoquer une perte incommensurable pour les personnes qui avaient déposé de l'argent ou qui avaient économisé.

Nous devons ici éclaircir quelques points.

Souvenons-nous, comme cela fut mentionné précédemment qu'à cause du non-gouvernement du duo Cavallo-de la Rua, la méfiance dans le "modèle" commença à se généraliser et la forme perverse qu'elle prit fut celle de la fuite des capitaux vers l'extérieur.

Il faut signaler que cette dite évasion peut se réaliser uniquement à travers les banques multinationales.

Dans cette fuite, les petites évasions et celles des grands groupes économiques avec leurs propres banques transnationales se mélangent.

Suivant les informations de la Banque centrale, durant l'année passée, 20 000 millions de dollars furent évacués du pays. Pour 2002, on peut estimer la somme à 2 400 millions, ce qui laisse ainsi entrevoir, la chute des réserves de la Banque Centrale.

Mais il serait naïf de croire que ceux qui ont fait fuir de grandes sommes d'argent l'ont fait de telle manière que la BCRA puisse le comptabiliser. Tout s'est effectué dans la plus grande clandestinité et sous la protection du " secret bancaire ".

L'évasion de l'argent du pays sur une grande échelle serait impossible à réaliser sans compter sur la complicité et l'aide de la banque, principalement celles des banques transnationales.

Les chiffres du capital évadé seraient très supérieurs en fait à ceux déclarés officiellement et les banques ont effectivement participé à cette opération, elles sont ainsi responsables du vide financier qui sévit à présent dans notre pays. Cet ensemble de facteurs indiquèrent avec chaque fois plus de clarté que le " corralito " dicté par le cavallerisme avait servi à recouvrir et blanchir l'énorme détournement réalisé.

Quant aux banques, et avec pour objectif de ne pas rendre l'argent des épargnants et de ceux qui avaient effectué des dépôts, elles arguent que : a) que les dits fonds avaient été prêtés et que b) les banques souffrent de pertes énormes.

Si cela était vrai, les banques indiqueraient qu'elles ont prêté au-dessus de leurs possibilités et que pour cela, il était nécessaire de clarifier les choses suivantes : a) que tout va être soumis aux règles de bon management financier, 2) que la BCRA n'a pas rempli, même pas partiellement, sa mission de contrôler efficacement le système bancaire.

D'autre part, nous savons tous qu'il a été très difficile d'obtenir les quelques crédits bancaires, aussi bien pour les particuliers, que pour les petites et moyennes entreprises.

Les grandes entreprises multinationales ou celles associées avec les grands groupes concentrant des capitaux sont les majeures débitrices du système bancaire. Et comme les dettes peuvent être retracées par différents types de documents, il serait naturel et logique qu'avec
les-dits documents les dettes contactées auprès des épargnants soient payées.

Il doit rester clair le fait que, comme signalé plus haut, si les filiales des banques transnationales, bien qu'elles aient la forme juridique de la société anonyme argentine, soutiennent qu'elles ne peuvent pas faire des compromis ici, elles doivent obligatoirement le faire auprès des sociétés mères, tel que cela est indiqué dans la jurisprudence nationale. Il existe d'autre possibilité : que les banques transnationales soient chargées des prêts accordés aux filiales pour qui, comme on le sait, des crédits furent accordés à des taux bien au-dessus de ceux du marché international.

Analysons avec d'autres éléments l'attitude des banques étrangères.

Dans une étude publiée à New-York par une firme américaine Moody's Investors Service et reproduite dans un journal local, il est signalé que les banques ont déclaré des pertes dans notre pays d'un ordre de 8 000 millions de dollars. Mais il est nécessaire de préciser que comme le soulignait la firme américaine, cette perte n'était pas en réalité une perte réelle et effective, mais qu'il s'agissait au contraire de prévisions.

Comme on le sait, les prévisions sont déclarées dans les bilans pour couvrir des possibles pertes futures, qui peuvent se produire suite à des ventes moindres et une dépréciation des actifs fiscaux à cause d'une dévaluation. Il est alors habituel que les prévisions soient envoyées aux réserves et on peut ensuite opter pour verser des dividendes moindres. Cela provoque des protestations de la part des actionnaires, mais ces derniers sont conscients que plus tard, ils recevront des bénéfices a posteriori.

En fait, les pertes indiquées par les banques n'existent pas. De plus, la volonté de rendre l'argent confisqué arbitrairement n'existe pas non plus réellement.

On est arrivé à un point si inconcevable que l'Etat essaie maintenant d'émettre des bons de long terme pour sauver les banques. L'Etat sollicite seulement que ces dernières participent entre 10 et 15% à l' émission de ces bons.

Même si les banques acceptent une telle demande, cela impliquerait que tout le pays soit chargé d'une dette qu'il ne peut pas assumer, étant donné qu'il s'agit d'une dette du secteur financier privé étranger.

Devant des sottises aussi dangereuses et devant la gravité de la situation je crois qu'il est imprescriptible d'effectuer de vrais et amples débats dans lesquels participent tous les représentants des épargnants, des banques, de l'Etat et des économistes qui ne sont pas liés avec l'establishment, les banques, et ce afin d'accorder une solution authentique à un problème qui affecte des millions d'argentins et l'économie nationale, - avec les préjudices les plus mineurs possibles pour les parties engagées.

Contact pour cet article : nau...@netizen.com.ar



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