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Les conséquences en Amérique latine des nouveaux subsides au secteur agroalimentaire des Etats-unis

Anonyme, Miércoles, Junio 19, 2002 - 23:51

Les 100 000 millions de dollars, sur 10 ans, accordés au secteur agroalimentaire aux Etats-unis vont provoquer une baisse artificielle des prix internationaux des matières premières, réduire les importations de biens latinoaméricains du secteur primaire, et rendront plus compétitifs les produits industriels des Etats-unis, dont les entreprises auront ainsi des facteurs de production au coût moins élevé...

Les conséquences en Amérique latine des nouveaux subsides
  Posté par :  Carlos Montero, LA SINTESIS MERCOSUR, 6/2002
  le :  jeudi 13 juin 2002 à 12:46
Les conséquences en Amérique latine des nouveaux subsides au
secteur agroalimentaire des Etats-unis

Les 100 000 millions de dollars, sur 10 ans, accordés au secteur agroalimentaire aux Etats-unis vont provoquer une baisse artificielle des prix internationaux des matières premières, réduire les importations de biens latinoaméricains du secteur primaire, et rendront plus compétitifs les produits industriels des Etats-unis, dont les entreprises auront ainsi des facteurs de production au coût moins élevé.

C'est ce panorama qu'auront à affronter les agriculteurs d'Amérique latine dès la promulgation le lundi 13 mai par Georges W Bush de la loi agricole votée cinq ans auparavant par le Congrès, connue sous le nom d'"Acte de sécurité fermière et d'investissement rural 2002", qui augmentera jusqu'à 80 %, au cours des 6 prochaines années, les aides consenties (au lieu de les diminuer).

Le président argentin, Eduardo Duhalde, a critiqué dans La Nacion le programme de subsides agricoles de Washington DC "car les Etats-unis prêchent le libre-échange mais seulement quand ça les arrange, et ensuite ils se transforment en protectionistes obscènes".

L'ingénieur agronome argentin Carlos Tallone, directeur de la société de conseil PTA (Passerieu, Tallone y Asociados), considère que nous sommes à l'aube d'une offensive stratégique continentale en matière de production.

L'Union Europeenne (UE) pense que les Etats-unis, avec ses nouveaux subsides, ne sont plus crédibles comme entité poussant à la réduction des distorsions de la réforme du secteur agro - qu'ils assurent par ailleurs vouloir obtenir au niveau mondial, selon un message interne à ses ambassadeurs en Amérique Latine auquel Radio Nederland a eu accès.

Les Etats-unis "emmènent les fermiers sur une voie de production très "faussée" ajoute le mémo affiché à Bruxelles en évoquant les "subsides massifs aux agriculteurs des Etats-unis, entre 15 et 20 000 millions de dollars par an pendant dix ans".

L'étroite possibilité de négociation promise lors de la dernière conférence de l'OMC est le seul espoir des 18 pays exportateurs de biens du secteur primaire du groupe de Cairn. Car les subsides agricoles mondiaux multiplient par six les 50 000 millions de dollars que les pays industrialiés destinent aux pays sous-développés.

L'ambassadrice de l'UE en Uruguay, Stella Zervoudaki, estime que c'est une marche arrière par rapport aux perspectives ouvertes par l'OMC en novembre 2001 à Doha, au Qatar. L'aide à chaque fermier à temps complet atteint 20 000 dollars par an pour les agriculteurs des Etats-unis et 14 000 pour ceux de la CE. Le producteur de soja paraguayen, Luis Enrique Cubilla, assesseur technique de la Chambre des céréales et oléagineux, raconte qu'il a reçu cette nouvelle comme une douche froide, alors qu'il participait à un séminaire où se trouvaient justement des techniciens du gouvernement des Etats-unis cherchant à le convaincre d'augmenter sa productivité avec le transgénique.

Vagues d'immigration vers les villes, augmentation de l'urbanisation, chômage massif et augmentation de la pauvreté, tel est le pronostic d'Oxfam Amérique, institution qui défend l'accès des pays pauvres aux marchés des pays riches. Cette ONG s'est horrifiée que "pour les agriculteurs pauvres dans les pays en voie de développement cela signifie que les produits importés seront beaucoup moins chers que ceux qu'ils peuvent produire et les petits agriculteurs resteront hors du système commercial".

Le directeur du centre d'analyse économique du Ministère de l'Economie du Guatémala, Enrique Betancour, a expliqué que l'impact serait sans commune mesure entre les Etats-unis où le secteur agro représente 13 % de son PIB et le Guatemala pour lequel il constitue 75 %.

Une forte appréhension qui est partagée par le Président de la fédération nationale paysanne du Paraguay, Odilon Espinola, car dans son pays le soja dépasse la moitié des exportations et le secteur du coton occupe 130 000 personnes, lesquelles perdront tout moyen de subsistance si la perte de marché continue.

Bien que d'origine et de profession différente, l'ambassadrice européenne en Uruguay s'accorde sur le pronostic négatif du dirigeant paysan paraguayen. Les statistiques d'Eurostat indiquent que l'Europe importe pour 35 500 millions de dollars chaque année de produits alimentaires des pays en voie de développement contre 20 800 pour les Etats-unis. Au titre des exportations en biens du secteur primaire vers les PVD, les Etats-unis atteignent 24 800 millions par an, contre en moyenne 16 000 pour la CE. Le Congrès des Etats-unis a voté de pouvoir débloquer plus de 73 000 millions de dollars jusqu'en 2007 en subventions publiques directes aux agriculteurs, juste au moment où les Etats-unis venaient de passer au 3ème rang de la production mondiale du soja derrière le Brésil et l'Argentine. L'ingénieur Carlos Tallone essaie de chiffrer les conséquences car l'Argentine exporte 70 % de sa production de grains.

Le Chili maintient son commerce avec les Etats-unis, son principal partenaire commercial, à 7 000 millions de dollars, et espère signer un traité avant la fin de l'année. Et même si aux dires de Georges W Bush la loi agricole "est généreuse et offre un filet de sécurité aux agriculteurs sans encourager la surproduction ou une baisse des prix", les exportateurs chiliens anticipent un impact d'environ 1 500 millions de dollars. Osvaldo Rosales, chargé de négocier l'accord avec les Etats-unis, a de son côté répondu que cela constituait "un très mauvais signal de la part de ceux qui aspirent à prendre la tête d'un processus mondial de libération commerciale".

Luis Enrique Cubilla, de la chambre du soja du Paraguay, s'exprime dans les mêmes termes et prévoit des pertes non seulement en prix mais aussi en captation de capitaux. Odilón Espínola, leader paysan paraguayen, à la tête d'une marche paysanne jusque devant le Congrès et le palais présidentiel, s'est concentré sur la perte de compétitivité que cela signifiait. Le Brésil estime ses pertes à 2 500 millions de dollars, et se tate, par peur des représailles, pour déposer devant l'OMC une plainte contre les Etats-unis pour subsides au soja, ainsi qu'une contre la CE pour subsides au sucre. Son gouvernement a averti qu'il pourrait opter pour des "accords bilatéraux et multilatéraux avec d'autres pays latino américains" plutôt que pour l'Aire de libre échange de l'Amérique de 2005.

Le président Fernando Henrique Cardoso a critiqué "l'incompétence de certains, surtout dans le domaine agricole, qui prévaut sur les interêts du plus grand nombre". Pour ce qui concerne l'Uruguay, qui commence des tractations avec les Etats-unis en vue d'un accord bilatéral, en dépit de ses associés du Mercosur, le président Jorge Batlle a relativisé l'impact en affirmant que les nord américains s'alignaient ainsi avec les subsides européens. Mais la délégation de l'UE commence déjà à faire la liste des produits du secteur primaire et agro d'Uruguay qui rencontreront des problèmes.

Le gouvernement de Vicente Fox considère que ce paquet gêne fort "intempestivement les intérêts du Mexique", tandis que le gouvernement colombien a appelé à un "front commun" pour désarmer ses subsides, dans le cadre de la Communauté andine des nations, dont le président temporaire, le premier mandataire de Bolivie, Jorge Quiroga, a demandé une "ouverture des marchés des pays développés".

Le ministre brésilien de l'Agriculture, Marcus Vinicius Pratini de Moraes, a été au-delà de ses pairs en annonçant que les nouveaux subsides du gouvernement des Etats-unis à l'agro déviabilisent les négociations de l'Alca et compromettent celles de l'OMC.

La phrase a servi d'avertissement, au moment où les gouvernements de toute l'Amérique latine et des Caraïbes arrivaient à Madrid pour avancer sur les pactes interrégionaux avec l'UE.

L'accélération des accords commerciaux entre Amérique latine et Europe, qui en parallèle entrave les tractations commerciales des panaméricains avec les Etats-unis (dont le président n'a pas obtenu l'autorité de promotion commerciale pour négocier les mains libres), pourrait constituer le premier résultat du lot de subsides annoncé par Bush, et marqueront les relations hémisphériques des prochaines années.

Info sur les compagnies transnationales, très riche en informations


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