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À genoux devant les multinationales

Anonyme, Jueves, Mayo 30, 2002 - 14:57

Daphnée Dion-Viens

Le gouvernement haïtien a récemment décidé de créer des zones franches industrielles (ZFI), calquées sur le modèle des maquiladoras du Mexique. La population, mécontente, entend bien résister à l’implantation de ce projet.

Depuis le début des années 60, beaucoup de zones franches industrielles ont été créées dans les pays en voie de développement. Plusieurs firmes américaines, européennes et japonaises ont déplacées leurs activités de fabrication dans ces espaces déréglementés et défiscalisés, afin de bénéficier d’un coût de production ridiculement bas. Les ZFI permettent aux investisseurs étrangers de profiter de nombreux avantages fiscaux et d’un faible coût de la main-d'œuvre dû à une législation sociale inexistante.

Le gouvernement haïtien propose d’instaurer une zone qui s’étendra le long de la frontière haïtiano-dominicaine dans une limite comprise entre l’océen Atlantique et la mer des Caraïbes. Ce dernier espère attirer des grandes entreprises du domaine du textile et affirme que cette initiative stimulera la création d’emploi.

La ministre du Commerce a quant à elle affirmé publiquement que « les secteurs public et privé ont beaucoup d’intérêts dans ces types d’infrastructures. »

En toute clandestinité

C’est lors de l’inauguration officielle de ces ZFI, qui s’est déroulée il y a quelques semaines à Port-au-Prince, que la population haïtienne a été informée de cette décision. Aucun débat ou consultation n’a eu lieu et le peu d’information disponible avant l’annonce officielle provenait presque totalement de la presse dominicaine. La société civile a été placée devant le fait accompli. « Pourquoi ont-ils besoin de se cacher si le projet répond aux besoins de la population comme l’affirme le gouvernement ? » se demande Jean-Harry Clerveau, collaborateur syndical de la Plate-forme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA). Il s’inquiète du caractère clandestin de cette décision et parle d’un « grave déficit démocratique ». Les élus n’ont pas été consultés, même si la Constitution stipule que tout projet ou accord doit faire l’objet d’un débat et être voté au Parlement.

Conditions de travail

« Le gouvernement veut créer des emplois, mais à quel prix ? » s’interroge le collaborateur de la PAPDA. Puisque les usines qui seront construites dans les ZFI ne seront soumises à aucune législation, les droits des travailleurs seront inexistants.

Comme c’est déjà le cas dans plusieurs régions du monde, M. Clerveau craint que ces usines n’aient à offrir que des salaires de crève-faim, assortis de conditions de travail misérables. Dans les maquiladoras du Mexique, rappelle-t-il, les employés travaillent 12 heures par jour, n’ont que quelques minutes de pause par jour et aucune façon de revendiquer leurs droits. « On est loin de parler d’emplois de qualité », souligne l’activiste haïtien, qui décrit les ZFI comme un « nouveau modèle d’esclavage ».

Agriculture en péril

Les organisations paysannes contestent vivement la création des ZFI, qui seront concentrées dans la région de Maribaroux. Située près de la frontière avec la République Dominicaine, cette région renferme les terres les plus fertiles du pays, où on y cultive le riz, la banane et la canne à sucre.

Les terres cultivables sont rares en Haïti. En voulant implanter ces ZFI dans cette région, ce sont au moins 80 hectares des meilleures terres du pays qui seront dévastées et plusieurs centaines de familles qui seront privées de leur principale source de revenus. Par le choix de l’emplacement, « la création de zones franches ne peut que contribuer à détruire notre économie locale », affirme Jean-Harry Clerveau.

Il affirme que le choix d’une région fertile pour l’implantation des ZFI en dit long sur la stratégie du gouvernement haïtien : « Il y a des terres arides sur la frontière. Pourquoi ne pas utiliser celles-là ? Le gouvernement préfère détruire la production agricole locale, ce qui a pour effet d’augmenter la dépendance d’Haïti envers les importations, qui viennent principalement des États-Unis. Cette décision confirme la soumission de l’État haïtien aux politiques néo-libérales prônées par les pays occidentaux ».

La PADPA demande à ce que ces zones soient implantées dans des localités semi-urbaines et exhorte plutôt le gouvernement haïtien à supporter les paysans, qui sont déjà d’importants exportateurs de produits locaux vers la République dominicaine : « Il faudrait renforcer de telles activités plutôt que les détruire, comme le suggère la création des ZFI. »

Conflit à l’horizon

Les paysans de la région de Maribaroux sont très attachés à leurs terres. C’est souvent tout ce qu’ils possèdent. Ils sont très mécontent de la décision du gouvernement et entendent bien y résister. Mme Huguette Charles, de l’organisation Solidarité frontalière, affirmait sur les ondes de Radio Haïti Inter que les paysans se disent prêts à mourir pour défendre leurs terres et qu'en aucune occasion, ils n'entendaient les céder au profit des multinationales.

«Les autorités nous promettent de nous dédommager pour ces terres. Mais à quoi pourrait bien servir cet argent ? Nous savons que la journée de travail sera rémunérée à 36 gourdes dans ces usines [l’équivalent de 2,50$ CAN]. Qu'est-ce que cette somme peut bien représenter face à nos dépenses quotidiennes ? Même si cette zone franche générerait 10 000 emplois, nous n'en avons pas besoin. Tout ce que nous voulons ce sont nos terres. S'il faut que notre sang coule pour les garder, nous le ferons», a-t-elle affirmé.

Tout semble indiquer qu’une intervention armée sera organisée afin de déplacer les paysans. La population haïtienne s’attend à des opérations musclées. Le collaborateur de la PAPDA craint le pire : « Les paysans se préparent à une guerre ».



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