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Le nouveau délit d'opinion politiqueAnonyme, Domingo, Mayo 19, 2002 - 20:08 (Analyses | Repression)
anon
Selon la lecture faite par le journaliste George Boulanger dans un article du Voir, l'expression publique d'opinions politiques est un sport. Il l'apparente d'abord à un sport dangereux, dénigre l'auteur d'une analyse crédible ayant dénoncé le phénomène des arrestations massives en le comparant à Yvon Pedneault, et finalement, il conclut en disant que pour un militant arrêté à répétition qu'il a interviewé, donner publiquement son opinion sur un sujet politique c'est «comme un défi». Pour votre bénéfice, lecteurs, l'article ayant suscité cette réponse se trouve à la fin après la mention «Article original». Selon la lecture faite par le journaliste George Boulanger(1), l'expression publique d'opinions politiques est un sport. Il l'apparente d'abord à un sport dangereux, dénigre l'auteur d'une analyse crédible ayant dénoncé le phénomène des arrestations massives en le comparant à Yvon Pedneault, et finalement, il conclut en disant que pour un militant arrêté à répétition qu'il a interviewé, donner publiquement son opinion sur un sujet politique c'est «comme un défi». Entretemps, ce militant que notre journaliste "intègre" a nommé Eduardo est emprisonné pour avoir participé à une manifestation pacifique demandant la libération des militants de Germinal le 17 mai dernier. Au moment de son arrestation, il s'est fait agripper le visage qui a changé littéralement de couleur, tellement le policier serrait fort sur son cou de dire une personne qui a été témoin de l'arrestation. Le fait pour M. Boulanger d'accorder ou (de demander?) une entrevue à un militant déjà en voie d'être criminalisé, lequel lui confie naïvement avoir peur de la répression au point de ne pas vouloir lui donner son nom pour ensuite donner tous les indices permettant effectivement de l'identifier est bien digne d'un journaliste du journal Voir. Il associe d'abord «Edouardo» à un parano en disant que les arrestations massives du 15 mars dernier (Journée Internationale contre la Brutalité Policière), c'est du domaine public, qu'il n'y a aucun secret là-dedans. Donc Eduardo, "travailleur pour un service parapublic ? allergique aux cravates" ne doit pas craindre par l'entrevue accordée à notre bon journaliste que "quelqu'un utilise son témoignage contre lui." C'est vrai, dans notre démocratie canadienne, il existe un principe de présomption d'innocence. On n'est pas censé être présumé coupable avant la fin du processus judiciaire. Il faut demander à Giovanni Stante, (policier impliqué dans le décès du sans-abri Jean-Pierre Lizotte et subissant actuellement son procès) ou à André Vohl (policier accusé d'agression sexuelle aussi en cour pour une accusation plus grave qu'attroupement illégal) tous deux en liberté ce qu'ils pensent de la présomption d'innocence dans le cas d'Edouardo. Malgré l'utilisation faite de l'entrevue par le journaliste, personne n'est obligé de témoigner contre lui-même. En effet selon la règle d'Ibrahim:«aucune déclaration d'un accusé n'est recevable contre lui à titre de preuve, à moins que l'accusation ne prouve qu'il s'agit d'une déclaration volontaire, c'est-à-dire qui n'a pas été obtenue par crainte d'un préjudice ou dans l'espoir d'un avantage dispensé ou promis par une personne ayant autorité.»(2) M. Boulanger ne donne pas le vrai nom d'Edouardo mais, il donne son âge approximatif, ses convictions politiques, le type d'emploi précis qu'il occupe, bref tous les éléments nécessaires pour l'identifier. Qui plus est, dans l'optique de M. Boulanger, travailler pour un service parapublic du gouvernement fédéral (gagner sa vie quoi) est incompatible avec des convictions anarchistes. Le journaliste progressiste du journal voir utilise l'énumération des conditions d' Edouardo pour l'associer quelques paragraphes plus loin au profil type du "manifestant professionnel", puisqu'il est accusé dans "trois procès pour attroupement illégal". L'utilisation faite par notre journaliste du témoignage du prévenu est édifiante. «La police [ne] ratisse [pas] large? [puisqu']Edouardo ne veut pas se dissocier des manifestants qui utilisent la violence ou le vandalisme au nom de la "diversité des tactiques".» Par ce procédé d'association à retardement, notre journaliste condamne à la culpabilité médiatique Edouardo et les militants radicaux (ceux de la CLAC et du COBP) par le truchement d'une infraction fraîchement concoctée par le André Durocher et le SPVM: l'infraction d'opinion politique (je dis bien l'opinion et non le fait de poser des actions) qu'il pourrait être légitime pour certaines personnes qui expriment leur opinion politiques dans certaines circonstances se voient acculées sous la menace policière d'utiliser "la force nécessaire, raisonnable et appropriée à cette menace"(3) Nous devons donc nous sentir en sécurité avec de tels journalistes cautionnant ce nouveau genre d'infraction en démocratie «occidentale moderne» (manifestement Edouardo n'a aucune idée de la réelle nature de notre démocratie occidentale moderne). Ne vous en faites pas. Ils sont tous et toutes coupables, ces militantEs évoquéEs d'abord par l'analyse lucide de M. Dupuis-Déri. Puisqu'ils ont déjà été arrêtéEs. Anon Notes 1. Société Criminalisation de la dissidence ? Interdit de manifester, Voir, 11 au 17 avril 2002 p. 8 Georges Boulanger. 2. Ibrahim v. The King [1914] A.C. 599. Cité dans L'impact de la charte canadienne des droits et libertés sur les activités policières au Canada, Alain Baccigalupo L.L.B. (Laval) Cahier 94-01 Février 1994. 3. Policiers à la détente facile: une accusation gratuite et démagogique, Vignola Henri-Paul (ex-directeur du SPCUM) , La Presse, 91-11-26, p. B3. ___________________________ Manifester est devenu un sport dangereux. Car, au nom de la prévention, les forces policières arrêtent des manifestants comme jamais auparavant. La dissidence est en voie de criminalisation, si bien que des groupes plus traditionnels et non violents craignent cette nouvelle pratique policière. Et le droit de manifester dans tout ça ? «Edouardo» ne veut pas que j'utilise son vrai nom. Il ne veut pas me parler au téléphone non plus parce qu'« il est peut-être sous écoute». Cet homme d'une quarantaine d'année, qui se décrit comme un militant anarchiste et qui travaille ironique pour un service parapublic du gouvernement fédéral, craint que ce qu'il a à me raconter puisse lui coûter sa liberté et son emploi. C'est donc dans u café de la rue Sainte-Catherine qu'il me raconte que, le 15 mars dernier, il a été arrêté pour avoir participé à une manifestation contre la violence policière. Et après? À peu près tout ce que Montréal compte de squeegees, de marginaux, de punks et d'autres allergiques au cravates ont été arrêtés lors de cette manifestation du Collectif opposé à la brutalité policière (COBP). Des vitres ont été fracassées au Q.G. de la police, rue Saint-Urbain, et deux voitures de police, vandalisées. Quelque 371 personnes ont été coffrées pour attroupement illégal. Il y a eu des conférences de presse le lendemain, tant par la police que par le COBP. Il n'y a rien de secret là-dedans! Edouardo est parano parce qu'il craint que quelqu'un utilise son témoignage contre lui dans l'un des trois procès pour attroupement illégal qu'il doit subir cette année. Cette accusation est devenue une façon de mettre les bâtons dans les roues des militants, et au nom d'une minorité de vandales, la police est en train de retirer le droit de manifester à des centaines de personnes, dit-il. Pour me prouver que son droit de manifester est en danger, il m'énumère sa liste des conditions de libération qui devient plus longue après chaque arrestation: interdiction de manifester masqué, interdiction de manifester avec un sac, interdiction de participer à une manifestation paisible et légale qui «devient non paisible et illégale» à moins de quitter dans les meilleurs délais, puis interdiction de manifester tout court. «On m'a collé l'étiquette de récidiviste, même si j'ai payé toutes mes dettes depuis SalAMI. Une fois que tu est pris dans l'engrenage, tu n'en sors plus.» Francis Dupuis-Déri, chargé de cours à l'Université de Sherbrooke, et le Yvon Pedneault occasionnel du mouvement antimondialisation depuis que RDI a retenu ses services comme analyste lors du Sommet de Québec, accuse les services de police de jouer la trappe depuis que le mouvement antimondialisation a le vent dans les voiles et que tous les grands sommets politiques et commerciaux sont systématiquement accompagnés de manifestations monstres. «Le commandant André Durocher a déclaré que l'opération du 15 mars était une action préventive, affirme-t-il. C'est absurde! Vous pouvez aller au défilé de la Fierté gaie, arrêter tout le monde, et vous êtes certain d'en attraper quelques-uns avec un couteau ou du pot dans les poches!» ARRESTATIONS POLITIQUES? Dans un texte publié dans divers quotidiens Francis Dupuis-Déri fait un bilan qu'il dit non exhaustif de 1360 arrestations «politiques» lors de manifestations au Québec depuis 1999. Autant de personnes qui se retrouvent dans le meilleur des cas avec une série de conditions qui limitent leur droit de manifester, ou dans le pire des cas, avec un casier judiciaire. «Il y a des jeunes là-dedans qui, dans cinq ans, vont vouloir aller aux Etats-Unis pour les affaires ou la famille. Leur carrière peut être limitée à cause de ça.» Dupuis-Déri soupçonne les policiers d'utiliser les arrestations massives et les accusations d'attroupement illégal pour récolter des renseignements sur les mouvements militants. «Ce n'est pas tout le monde qui se retrouve avec un casier judiciaire. Mais les noms sont fichés et échangés avec d'autres services de police. » «Nous n'avons pas de preuves qu'ils font ça, prévient Me Julius Grey, avocat et habitué des causes traitant des libertés individuelles. Ce qu'ont sait, c'est qu'il y a de mois en moins de patience pour la dissidence à travers le monde.» Me Grey a lui aussi remarqué que le nombre d'arrestations effectuées par la police est à la hausse. Il croit également que les conditions imposées par les juges, qui limitent le droit de manifester, sont hautement contestables. «On ne peut pas interdire à quelqu'un de participer à une manifestation. La manifestations fait partie des institutions démocratiques essentielles. Ce n'est pas tout le monde qui a accès aux pages éditoriales des journaux. Le droit de prendre la rue est essentiel.» «La jurisprudence, notamment le jugement Greenberg, tend à défendre le droit de manifester, explique-t-il. «Quelqu'un devra probablement porter la question en cour d'appel ou à la Cour suprême.» «Il y a eu autant d'arrestations, parce qu'il y avait autant de personnes dans l'attroupement illégal», réplique placidement le commandant André Durocher du SPVM au sujet des arrestations du 15 mars. Le policier rappelle qu'il y a eu du vandalisme et il explique que la décision d'arrêter tout le monde a été prise pour éviter de provoquer une émeute en n'effectuant que quelques arrestations. «On leur a donné un avis. Les gens qui disent qu'ils ne l'ont pas entendu font de l'enfantillage. À moins de ne pas vouloir entendre, ils savaient qu'ils fallait partir.» À première vue, la liste des arrestations dressée par Francis Dupuis-Déri donne l'impression que la police ratisse large. «66 étudiants arrêtés devant l'UQAM alors qu'ils dénonçaient une entente entre leur université et Coca-cola en automne 1999; sept membres du collectif féministe Les Sorcières arrêtées après l'occupation d'une église le 7 mars 1999; 112 arrestations lors d'une manifestations du COBP le 15 mars 2000; 157 arrestations lors d'une marche à Westmount célébrant la fête des Travailleurs le 1er mai 2000; 46 arrestations lors de manifestations contre le G20 les 24 et 26 octobre 2000; 463 arrestations au Sommet de Québec en avril 2001; 43 arrestations liées aux squats et au manifestations de solidarité avec les squatteurs durant l'été 2001; 82 arrestations lors d'une manifestation pro-palestinnienne le 29 septembre 2001?» Sauf que, vérification faite, les personnes arrêtées lors de ces manifestations répondent à ce que le commandnat Durocher appelle le «profil Type» des manifestants professionnels». Des militants de groupes comme la CLAC (Convergence des luttes anticapitalistes) ou le COBP, qui ont en commun de ne pas vouloir se dissocier des manifestants qui utilisent la violence ou le vandalisme au nom de la «diversité des tactiques». MANIF SOUS SURVEILLANCE «Jusqu'à maintenant, je ne peux pas dire que ça touches des groupes comme nous», explique pour sa part François Saillant du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPPRU), un habitué des manifestations. Il admet tout de même que le phénomène l'inquiète, alors que son groupe prépare une série d'occupations de terrains et de bureaux pour le mois de mai. Les manifestants auront droit à quel traitement de la part des policiers ? «Nous avons une action plus corsée qui s'en vient et on verra à ce moment-là si la ligne dure s'appliquera à nous aussi.» Eduardo, lui, a l'intention de reprendre la pancarte, interdiction de manifester ou pas. «C'est certain que ça fait peur, mais ça peut avoir l'effet contraire. Il y a des gens qui vont le prendre comme un défi.»
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