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L’assurance maladie dépecée

vieuxcmaq, Lunes, Febrero 4, 2002 - 12:00

Manuel GrandJean (redaction@lecourrier.ch)

Quand le patient est affaibli, les miasmes en profitent. Et le système de santé helvétique va mal: entre 1996 et 2000, le coût des prestations couvertes par l’assurance obligatoire des soins est passé de 12 à 16 milliards de francs. Un échec patent de la Loi sur l’assurance maladie (LaMal), qui prétendait maîtriser les coûts par la mise en concurrence des assureurs, aggravé par l’incurie et le désarroi du pouvoir fédéral sur ce dossier. Il n’en faut pas plus pour faire sortir du bois les loups, prêts à déchiqueter les restes. Bien sûr, ces carnassiers endossent le déguisement qui convient pour anesthésier les vigilances. Ils prétendent apporter des solutions pour réduire les primes d’assurances et alléger la charge qui pèse sur les foyers.

Le moment a une importance stratégique: en mai prochain, le gouvernement devrait consacrer une séance spéciale aux problèmes de la LaMal.

Ces propositions ont un point commun. Elles constituent une attaque frontale contre les buts mêmes de l’assurance obligatoire: une large couverture de prestations, des soins de qualité pour tous, une solidarité entre les générations et les «bons» ou «mauvais risques».

Le 13 janvier dernier, l’Union démocratique du centre (UDC) a ainsi annoncé le lancement d’une initiative populaire. Celle-ci vise à limiter l’assurance obligatoire aux prestations «réellement nécessaires».

Douze jours plus tard, le Parti radical (PRD) livrait sa propre potion. Pour lui, il s’agit également de limiter la couverture de l’assurance de base aux «interventions médicales nécessaires et dont l’efficacité est prouvée». Les radicaux vont cependant plus loin, en proposant d’augmenter le seuil de la franchise obligatoire minimale (de 230 à 400 francs) et de la faire porter sur 20% des factures (au lieu de 10% actuellement) pour les traitements de faible importance, afin «d’encourager l’assuré à se soigner sans passer chez le médecin».

Enfin, en cette fin janvier, les assureurs regroupés au sein de la Cosama ont avancé leur propre recette. Rien de moins que la suppression de la prime cantonale unique et l’instauration d’un système de cotisations fixées en fonction des risques. Pour les assureurs, la solidarité n’est pas payante.
En réduisant comme peau de chagrin le domaine de l’assurance maladie obligatoire, ces propositions n’ont d’autre but que de renvoyer la plus grande partie du marché de la santé dans les zones plus lucratives de l’assurance privée. Si la solidarité perd à tous les coups dans ce cas, peut-être tentera-t-on de nous faire croire que la concurrence sans limite des assureurs permettra de maîtriser les coûts. Mais c’est précisément sur ce principe de concurrence que se base la loi actuelle: on voit ce que cela donne…

Face à ces attaques, l’Etat livre une réponse pitoyable. Offrir une aumône aux familles, comme voulait le faire la ministre de l’Intérieur Ruth Dreifuss avant que ses pairs ne lui opposent leur veto, c’est sympathique mais cela ne résout rien. «Vous comprenez, l’assurance maladie est un domaine très très complexe», s’est défendue la conseillère fédérale. Cette complexité n’est pas une fatalité, mais un choix politique. Celui du laisser-faire. Comme se plaisait à le rappeler l’ex-ministre genevois de la Santé Guy-Olivier Segond, il y a à Berne plus de fonctionnaires affectés au contrôle de l’apiculture que de la comptabilité des caisses-maladie.

Des solutions existent cependant. Dans le domaine de l’assurance obligatoire, où les primes et les prestations sont égales pour tous, la mise en concurrence d’assureurs privés est une absurdité. Cela fait des années que des pays comme la Finlande ou le Danemark ont décidé de confier la gestion de l’assurance obligatoire à une caisse publique. Le coût de la santé par habitant y est deux fois moindre qu’en Suisse (chiffres de 1997). Tandis que l’indice de satisfaction à l’égard des soins reçus dépasse largement celui de notre pays.
Il est clair en revanche que, pour les assureurs et les prestataires de soins d’Europe du Nord, le désordre helvétique doit évoquer un paradis perdu.

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