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Guantanamo, des interrogatoires hors de tout cadre juridiquevieuxcmaq, Domingo, Enero 27, 2002 - 12:00
Mathias ... (cdesjardins10@hotmail.com)
Washington invoque l'urgence de la lutte antiterroriste pour un traitement d'exception LES CRITIQUES adressées aux Etats-Unis à propos des prisonniers de Guantanamo ne se sont pas relâchées, en dépit des assurances que cherche à donner Washington. Les mises en garde, qui émanent des ONG mais aussi de personnalités officielles, portent sur deux points : d'une part les conditions de détention ; d'autre part le fait que les Etats-Unis, pour les besoins de leur cause antiterroriste, se placent délibérément en dehors de tout cadre juridique contraignant et se croient autorisés à inventer le droit qui leur convient. Hormis le gouvernement des Pays-Bas, qui a joint sa voix lundi à celles qui réclament la reconnaissance du statut de prisonniers de guerre aux détenus de Guantanamo, les gouvernements européens ont été plus prudents, se bornant à rappeler les devoirs qu'imposent les Conventions de Genève en matière de conditions de détention envers tous les prisonniers, quel que soit leur statut. C'est cet aspect des choses qu'était chargée de vérifier la mission dépêchée à Guantanamo par Londres ; selon le gouvernement, elle a constaté que les détenus de nationalité britannique "sont en bonne santé" et qu'ils "ne se sont pas plaints de leur traitement". Les autorités françaises ne sont pas plus audacieuses : la mission qu'on a décidé d'envoyer sur l'île de Cuba a été présentée comme ayant pour objet, selon le ministère des affaires étrangères, de "vérifier la présence éventuelle de ressortissants français" parmi les détenus. Le CICR, dont une délégation est sur place depuis la semaine dernière, et dont l'une des missions est de recenser les prisonniers et leur identité, n'a-t-il donc pas les moyens, ou la liberté, de fournir ce renseignement à la France ? Les ONG rappellent que la question n'est pas seulement celle des conditions matérielles de la détention : elle porte sur le statut des prisonniers, en particulier sur les garanties judiciaires qui devraient leur être accordées et auxquelles les Etats-Unis ont décidé de se soustraire, dans le but non avoué mais probable, de pouvoir procéder comme ils l'entendent aux interrogatoires. "Ils veulent faire du renseignement, c'est tout", estime un militant des droits de l'homme. "Le droit international humanitaire énonce des garanties de traitement, de statut et des garanties judiciaires, prévues précisément pour ce genre de situation" où la situation du détenu est controversée, rappelle Françoise Bouchet-Saulnier, de MSF. Un prisonnier de guerre ne peut être interrogé, sinon sur son identité, et doit être libéré à la fin des hostilités, stipulent les conventions de Genève. Ceci sauf dans le cas où le détenu est passible de poursuites pour des crimes de guerre ou des crimes de droit commun. Mais encore faut-il le prouver et produire un dossier d'instruction. Dans ce cas, les inculpés sont passibles de tribunaux normaux, civils ou militaires ; rien n'autorise, souligne la juriste de MSF, à créer des juridictions d'exception. L'organisation Human Rights Watch plaide dans le même sens, en soulignant que les tribunaux normaux offrent de meilleures garanties que les Commissions créées par le décret du 13 novembre. Les Américains invoquent l'urgence de la lutte antiterroriste pour ces mesures d'exception. "Les abus sont toujours commis au nom d'un intérêt supérieur", poursuit Mme Bouchet-Saulnier. Cette façon dont les Etats-Unis se placent hors le droit en même temps qu'ils appellent les autres Etats à l'entraide judiciaire lui parait, comme aux autres ONG, inacceptable. "On est en pleine régression", conclut-elle. Claire Tréan Les conventions humanitaires internationales Les quatre conventions de Genève ont été adoptées en 1949. Chacune d'elles porte sur la protection de personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités ; la troisième convention est relative aux prisonniers de guerre. Ces conventions sont entrées dans le droit coutumier, elles s'appliquent à tous les Etats dans les conflits et à tous les belligérants. Elles ont été complétées, en 1977, par deux protocoles additionnels, afin, notamment, de tenir compte de l'évolution des conflits armés. Le premier de ces protocoles précise le statut de prisonnier de guerre, les Etats-Unis sont parmi les pays qui n'y ont pas adhéré. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) veille au respect de ces textes. Les parties prenantes à un conflit armé sont tenues d'accepter que ses délégués visitent les camps de détenus. Les combattants : "Tout membre des forces armées d'une partie au conflit est un combattant et tout combattant capturé par la partie adverse est prisonnier de guerre." Peu importe que les forces armées relèvent d'une autorité non reconnue (le gouvernement taliban par exemple) ; la notion de "combattants illégaux" qu'avancent les Américains n'existe pas dans le droit humanitaire international, qui ne reconnaît que des combattants ou des civils. Le protocole de 1977 précise que toute personne qui prend part aux hostilités et qui est capturée est présumée prisonnier de guerre et traitée comme tel, jusqu'à ce qu'une juridiction compétente tranche sur son statut. Le traitement des prisonniers de guerre : - Tous les prisonniers (de guerre ou pas) doivent "être traités avec humanité" et bénéficier des "garanties fondamentales" définies par les conventions de Genève, notamment les garanties judiciaires en cas de poursuite. - Les textes précisent les conditions de logement, d'alimentation, d'habillement, d'hygiène et de soins dont bénéficient les prisonniers de guerre ainsi que les dispositions qui doivent leur être appliquées en matière de religion, d'activité intellectuelle et sportive, de travail, de ressources pécuniaires, de correspondance. - Tous les renseignements sur l'identité des prisonniers doivent être communiqués au CICR. Les familles ont le droit de connaître le sort de leurs membres. Le rapatriement : tous les prisonniers de guerre doivent être libérés à la fin des hostilités et rapatriés "sans délai". La seule exception prévue est celle des prisonniers poursuivis pour délit de droit pénal, qui pourront être retenus jusqu'à la fin de la procédure et le cas échéant jusqu'à l'expiration de la peine.
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