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Contre la fabrique de la haine

vieuxcmaq, Miércoles, Enero 16, 2002 - 12:00

Frédéric Goldbronn (info@cmaq.net)

Face aux discours et pratiques sécuritaire avec la campagne électorale qui s’annonce, le Réseau No Pasaran, ainsi que d’autres mouvements doivent trouver les moyens de riposter. Le Réseau est né après l’acquittement du policier Hiblot en est une des formes.

Le réseau est né d’une protestation lancée par un petit groupe d’amis à la suite de l’acquittement du policier Hiblot, meurtrier du jeune Youssef Khaïf. Nous avions suivi le procès et nous nous attendions à une condamnation de principe, une peine avec sursis, comme c’est habituellement le cas quand un policier tue un jeune immigré. La condamnation faisait d’autant moins de doute que la culpabilité du policier avait été établie par l’avocat général.

L’acquittement du policier a été un déclencheur. La Justice en France est évidemment une justice de classe, mais elle a besoin pour s’exercer d’entretenir la fiction d’une égalité de traitement des citoyens. C’est cette fiction qui a volé en éclats avec le verdict de Versailles. Ce procès est un symptôme de l’hystérie sécuritaire. On a ainsi constaté à plusieurs reprises que la rumeur policière, et sans doute une large partie de l’imaginaire social, attribuait à Youssef Khaïf, c’est-à-dire à la victime, la responsabilité de la mort de la policière tuée en réalité quelques instants plus tôt par un autre jeune, qui a purgé une peine de 10 ans de prison pour cela. Max Clos dans le Figaro l’a même écrit en toutes lettres.

Les jeunes immigrés relégués dans les banlieues, c’est-à-dire les pauvres, qui étaient déjà considérés comme des citoyens de seconde zone, sont de plus en plus perçus comme un danger par le reste de la société. “ Que vaut la vie de Youssef ? ” demandaient les affiches du MIB durant le procès. “ Elle ne vaut rien ”, a répondu le jury “ populaire ”.

Nous avons rédigé une protestation que nous avons diffusé, essentiellement via internet, dans nos milieux professionnels respectifs : réalisateurs, écrivains, chercheurs, mais aussi militants sans notoriété professionnelle particulière. Nous avons reçu plus de 250 signatures, souvent assorties de messages d’indignation et de soutien. La pétition a été signée aussi par des syndicalistes, des employés, des enseignants, des éducateurs, des journalistes, des médecins, des soignants… Ce succès est d’autant plus significatif que nous avions pris soin de mettre en cause dans le texte la responsabilité de la gauche institutionnelle, afin d’éviter tout risque de récupération.
Nous avons voulu aller plus loin qu’une protestation ponctuelle. Nous avions en tête le précédent du Groupe Information Prison dans les années soixante-dix, avec Michel Foucault. Nous avons lancé une lettre électronique, mélangeant informations et contributions de signataires. Une réunion a été organisée avec le MIB à la Clef, où près de deux cents personnes sont venues, dont les parents de Youssef. Leur dignité et leur courage nous ont donné le sentiment que ce que nous faisions n’était pas tout à fait inutile.

Le réseau sert à la fois à faire circuler des informations, à échanger des idées et à mobiliser les participants chaque fois que nécessaire, aux côtés des familles et des amis des victimes de “ bavures ” et des militants, en particulier ceux du MIB, qui lutte depuis des années contre ces injustices.

Nous étions présents à Versailles les 4 et 5 décembre, où nous organisions un groupe d’observation au procès en appel des policiers impliqués dans la mort d’Aissa Ihich, un jeune asthmatique tué à Mantes quelques jours avant Youssef. Les policiers avaient été condamnés une première fois à des peines de sursis mais ils faisaient appel. L’avocate générale a fait un réquisitoire en forme de plaidoirie pour les policiers et a demandé leur relaxe, qui sera probablement prononcée lors du délibéré, le 6 février prochain. L’’acquittement d’Hiblot fait de toute façon jurisprudence : on vient de le voir avec la relaxe prononcée par la chambre d’instruction de la cour d’appel d’Orléans en faveur du policier qui avait tué un jeune de Dammaries-les-Lys, Kader Bouziane, âgé de 16 ans, d’une balle dans la nuque, comme Youssef, alors qu’il tentait de contourner un barrage de police. C’est ce que Madelin appelle un “ homicide excusable ”. On retrouve la même mansuétude à Albi, où le représentant du ministère public a demandé la
relaxe des policiers qui ont violé en réunion et de façon répétée une jeune zonarde. Le même jour, Bové et Riesel prenaient six mois fermes pour l’arrachage de plants de maïs transgénique et la presse annonçait que les responsables de la MNEF, impliqués dans des détournements de 15,9 millions de francs, allaient probablement être relaxés, en vertu d’une réforme ad hoc des procédures d’instruction…

Si la fonction d’observatoire des violences policières et de l’impunité judiciaire est essentielle dans le réseau, tout simplement parce qu’il faut dire l’intolérable, cette fonction est une partie seulement du projet qui nous relie. Nous souhaitons développer une critique globale du projet sécuritaire. Comme le stipule la charte du réseau, qui est encore en cours d’élaboration, “ L’inégalité des jeunes des banlieues face à la police et à la justice reflète d’autres inégalités : dans l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé, aux transports, etc. Ces inégalités sont une véritable violence faite aux habitants des quartiers populaires. La sécurité des personnes ne peut être arbitrairement séparée de la sécurité salariale, sociale, médicale ou éducative. De ce point de vue, la montée de l’idéologie sécuritaire n’est elle-même qu’un levier de la révolution conservatrice qui s’avance sous la bannière néo-libérale. La surenchère sécuritaire de la gauche gouvernementale poursuit un triple objectif : séduire les franges autoritaristes de l’électorat en réaffirmant au plan symbolique le rôle de l’Etat comme garant d’ordre, combler le déficit de légitimité causé par sa conversion à la vision néolibérale en matière économique et sociale, criminaliser la misère pour imposer aux jeunes prolétaires le chômage et la précarité et les isoler en créant un climat de peur autour d’eux. ”

Nous avons d’ors et déjà lancé deux chantiers pour le premier semestre 2002 : un recueil, qui sera intitulé “ Youssef ” et mélangera des textes littéraires et des contributions de chercheurs, et un forum contre l’apartheid social et l’idéologie sécuritaire, une sorte d’“ anti-Villepinte ” (le colloque qui a marqué le tournant sécuritaire du PS) qui, à l’image du réseau, permettra à des “ intellectuels ” et à des militants de partager leurs compétences et leurs expériences.

Ces chantiers sont encore des projets. Une chose est de signer une pétition, une autre est de consacrer du temps à écrire ou à se mobiliser. Ce réseau sera ce que ses membres en feront, nous ne sommes que des activateurs d’énergie.

Frédéric Goldbronn

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