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L'" American way of war "

vieuxcmaq, Martes, Enero 15, 2002 - 12:00

Walden Bello (coorditrad@attac.org)

Selon la logique de Washington, des pétards devraient retentir partout maintenant que la croisade antiterroriste vise la cachette d'Oussama Ben Laden à Tora Bora. Cependant, l'Europe manifeste peu d'enthousiasme, le Sud une certaine appréhension, et le monde arabe et musulman fait preuve d'un total abattement.

Les raisons sont évidentes : au moins 4 000 morts, dont un nombre
important de civils, 4 millions de réfugiés, le retour au chaos tribal avec le démembrement de l'autorité centrale. Ce qu'a fait Ben Laden et son organisation est horrible et inexcusable - mais les Américains font cela à un pays au nom de la justice, détruisant une fois de plus la ville afin de la sauver.

Washington, cependant, ne permettra pas que ces détails assombrissent leur humeur triomphaliste. Les talibans et Al Quaida ont été effacés, mais cette victoire a une signification plus large pour le Pentagone. Une puissance aérienne massive guidée avec précision peut gagner des guerres avec presque aucun engagement des troupes américaines sur le terrain, et peu de pertes. Les forces terrestres ne peuvent, bien sûr, être totalement absentes, mais elles ne sont plus utilisées pour des assauts, sinon pour mener des opérations contre des survivants démoralisés ou traumatisés par la pluie de feu et d'acier - rôle qui pourrait revenir aux mercenaires locaux comme ceux de l'Alliance du Nord.

LA PUISSANCE AÉRIENNE ENTERRE LE SYNDROME VIETNAMIEN

Ce qui avait été inauguré lors du conflit au Kosovo en 1999 a été
confirmé en Afghanistan. Cette guerre a porté un coup fatal au "
syndrome vietnamien ".

Avec une confiance renouvelée dans ce que l'historien militaire
Russell Weigley appelle " the American way of war " (" la façon
américaine de faire la guerre ") - une puissance de feu massive, une haute technologie, une victoire totale -, Washington envisage
maintenant sérieusement le même type d'intervention dans d'autres
États qui ont prétendument fourni aide et confort aux terroristes, le Yémen, le Soudan, la Somalie et l'Iraq étant les premiers candidats.

De plus, il ne serait pas surprenant que les événements d'Afghanistan aient fortifié les plans américains de jouer un puissant rôle militaire dans la guerre contre la drogue en Colombie. " Newsweek " rapporte que les autorités colombiennes, qui cherchent à impliquer davantage les Américains, sont en train d'" essayer de mettre en évidence des parallèles entre les talibans et leurs propres mouvements des guérillas ". Il y a évidemment une différence non négligeable : l'Afghanistan, c'est le désert, et la Colombie, c'est la jungle. Mais cela ne constitue-t-il pas un problème mineur que la technologie américaine peut résoudre sans beaucoup de difficultés ?

LA NOUVELLE TUTELLE

Parallèlement au retour de la confiance dans l'" American way of war ", une nouvelle respectabilité de l'intervention directe dans les pays en voie de développement est en train d'émerger. Même avant le 11 septembre, des sociétés en voie de développement, surtout en Afrique et dans le Moyen Orient, étaient déjà caractérisées comme des " sociétés ayant échoué ". Le travail de Robert Kaplan de 1994 sur l'Atlantique est l'un des nombreux écrits ayant suggéré que la décolonisation n'a pas entraîné l'émergence d'États stables en Afrique et au Moyen-Orient, mais au contraire une " anarchie " qui menace de déstabiliser le monde entier.

Après le 11 septembre, les notions de souveraineté nationale et d' autodétermination ont été sapées à Washington et à Londres, avec le soutien des intellectuels conservateurs qui expliquaient à l'opinion ce que les puissants États ne pouvaient dire. pas encore. Une déclaration de taille est celle de Paul Johnson, l'auteur des " Temps modernes " : " . la meilleure solution à moyen terme serait de reprendre le mandat de la vieille Ligue des nations, qui a servi de forme "respectable" de colonialisme entre les deux guerres. La Syrieet l'Irak ont été qualifiés de mandats réussis. Le Soudan, la Libye et l'Iran ont été placés sous des régimes spéciaux par des traités internationaux. Les pays qui ne peuvent pas vivre en paix avec leurs voisins et qui menacent la communauté internationale ne doivent pas s'attendre à vivre dans une totale indépendance. Comme tous les membres permanents du Conseil de Sécurité soutiennent maintenant, à des degrés différents, l'initiative américaine, il ne devrait pas être difficile de concevoir une nouvelle forme du mandat des Nations Unies qui placerait les États terroristes sous contrôle "

Sans surprise, peu de ces visions prennent en compte les raisons
fondamentales des réponses extrêmes telles que le terrorisme : les frontières coloniales qui ont généré des conflits post-coloniaux, la marginalisation continue des nouveaux pays dans un ordre économique mondial et injuste, le contrôle permanent des pays du Nord sur des espaces riches en pétrole et en gaz pour soutenir la consommation intensive de ces énergies par la civilisation occidentale.

La prochaine phase en Afghanistan est de rétablir ce type de tutelle ou de mandat, après l'échec de la première initiative majeure de 1993 menée sur les récalcitrants somaliens. On demande à l'Union européenne de fournir - sous le leadership britannique, bien sûr - une force d' occupation permanente, alors que les Nations Unies devraient former un " gouvernement représentatif " parmi les groupes tribaux concurrents pour remplir le vide politique.

En observant les récents événements en Afghanistan, Washington
apparaît comme opérant sous le principe suivant : de façon unilatérale dans les actions militaires, mais multilatérale dans la reconstruction politique - ce qui signifie que les blâmes seront partagés si les nouvelles structures politiques s'effondrent.

UNE GUERRE SANS FRONTIÈRES

La guerre contre la terreur ne connaît pas de frontières, donc la
guerre à l'intérieur du pays doit être poursuivie avec une vigueur égale. Le 11 septembre était le deuxième Pearl Harbor et l' administration Bush a déclaré aux Américains qu'ils entraient
maintenant en pleine guerre totale, comme pendant la Seconde Guerre mondiale. Même la guerre froide n'avait pas été présentée en des termes aussi globalisants, ceux d'une guerre contre la terreur. Les lois et les décrets exécutifs restreignant les droits à la formation de mouvements privés et libres ont été adoptés d'une telle façon et avec une telle rapidité que cela aurait rendu vert d'envie Joe McCarthy. Les États-Unis sont engagés dans cette guerre depuis seulement neuf semaines, observe David Corn dans " The Nation ", mais déjà la législation a été adoptée et des décrets exécutifs ont établi des tribunaux militaires secrets pour juger les citoyens non américains ; ils ont soupçonné de complicité les associations d'aide aux immigrés ; ils ont autorisé le ministre de la Justice à enfermer sans limite temporelle des étrangers au moindre soupçon ; ils ont étendu l'utilisation de mises sur écoute et de perquisitions secrètes ; ils ont permis l'utilisation de témoignages secrets dans les procédures d'immigration que les étrangers ne peuvent confronter ou rejeter ; ils ont détruit le secret dans les relations entre clients et avocats en permettant au gouvernement d'écouter les discussions ; et ils ont institutionnalisé les fichiers ethniques et raciaux.

Les alliés européens des Américains se sont dépêchés de faire la même chose - la plupart d'entre eux ont bénéficié, comme Washington, du climat antiterroriste pour essayer de faire voter une législation qui planait déjà dans l'air avant le 11 septembre. À la différence des États-Unis, cependant, les citoyens et les parlements ne se sont pas soumis avec autant de douceur - le parlement britannique a même, de façon surprenante, refusé la proposition draconienne de Tony Blair qui permettait aux procureurs de retenir indéfiniment en prison tout étranger suspecté de terrorisme.

La législation américaine postérieure au 11 septembre est inquiétante, non seulement pour ses implications intérieures, mais aussi pour ses conséquences internationales. Nous constatons l'institutionnalisation d'un régime unilatéral légal : le plus large ensemble de lois et de décrets édictés par Washington lui permettant de tout faire à l' extérieur pour capturer des terroristes - tout récemment, les forces américaines, dans un acte proche de la piraterie, sont montées à bord d'un bateau de Singapour dans les eaux arabes, ont maîtrisé l'équipage et lancé une recherche de terroristes, sans succès.

Si un suspect avait été découvert dans le bateau, le Pentagone l'
aurait emmené dans une base américaine, disons, en Allemagne, et l'aurait jugé via un tribunal militaire secret. S'il avait été déclaré coupable lors d'un procès infiniment moins rigoureux que celui rendu par un tribunal civil, il aurait été condamné à la mort ou emprisonné aux États-Unis, de façon sûrement anonyme. La coopération avec les États dans lesquels des terroristes ont été appréhendés serait bienvenue, mais elle n'est pas nécessaire, merci.

DEUS EX MACHINA

Suivant la dramaturgie classique, le 11 septembre serait le " deus ex machina " - une force externe ou un événement qui change un destin et qui agit en faveur d'un des protagonistes. La mission d'Al Quaida à New York a été le meilleur cadeau possible pour favoriser l'hégémonie des États-Unis dans la conjoncture historique de l'avant-11 septembre. Quelques semaines plus tôt, environ 300 000 personnes marchaient sur Gènes, la plus grande démonstration de force des mouvements contre la mondialisation des multinationales, qui se renforce constamment depuis les manifestations à Seattle, Washington, Chiang Mai, Prague, Nice, Porto Alegre, Honolulu et Gothenborg.

Les manifestations de Gènes ont souligné le fait que la légitimité des institutions clés du gouvernement économique mondial - le Fond monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce (OMC) - était au plus bas, tout comme l'ensemble des doctrines de libéralisation, de déréglementation et de privatisation rassemblées sous le terme de néolibéralisme ou " consensus de Washington ". Cette érosion de leur crédibilité a été provoquée par un enchaînement de calamités incluant la crise financière asiatique, le lent désastre de l'ajustement structurel en Afrique et en Amérique Latine et la propagation de la crise financière, d'abord en Russie et maintenant en Argentine.

La crise de légitimité des institutions clés de la mondialisation
capitaliste si volatile a été possible car elle a croisé la profonde crise structurelle de l'économie mondialisée. Les principales caractéristiques de cette crise structurelle étaient la surproduction dans l'industrie, la monopolisation croissante pour contrer la perte de la profitabilité et l'activité spéculative non réglementée des marchés financiers. Lorsque 4 600 milliards de dollars de richesse industrielle - l'équivalent de la moitié du PIB américain - se sont effacés à la fin de l'année 2000 et au début de 2001, la soi-disant " nouvelle économie " a disparu et s'est transformée en récession. Cette dernière devenant mondiale et profonde, elle a donné naissance au terme de " déclin synchronisé " (" synchronized downturn "), qui décrit un processus causé précisément par le plus grand verrouillage et la plus grande intégration des économies due à la libéralisation mondiale du commerce, de l'investissement et des finances.

Les promesses de mondialisation de la prospérité, de fin de la
pauvreté et de réduction des inégalités s'étant évaporée, il n'est pas surprenant que, comme le dit l'économiste pro-mondialiste C. Fred Bergsten à la Commission trilatérale, les forces anti-mondialisation soient " sur une courbe ascendante ".

De plus, avant le 11 septembre, cette érosion de la légitimité a
touché non seulement les institutions du gouvernement économique
mondial, mais aussi les institutions politiques dans le Nord, surtout aux États-Unis. Un nombre croissant d'Américains ont commencé à réaliser que leur démocratie libérale avait été si profondément corrompue par les politiques financières qu'elle méritait d'être désignée comme une ploutocratie. Lors de la campagne présidentielle de 2000, le sénateur John McCain a mené une campagne populaire qui était centrée sur un seul sujet : réformer le contrôle global du système électoral qui, à son échelle, est sans comparaison dans le monde.

Le fait que le candidat préféré par le milieu des affaires ait été désavoué le vote populaire - et, suivant quelques études, par le vote des grands électeurs aussi - et finisse devenir le président de la démocratie libérale la plus puissante au monde, n'a pas aidé à soutenir la légitimité d'un système politique décrit par plusieurs observateurs comme un état de " guerre civile culturelle " entre conservateurs et libéraux, une polarisation qui a divisé le pays en deux.

LE RENVERSEMENT DE SITUATION

Bien qu'ils comprennent que le sens profond de l'injustice qui fait des terroristes des gens peu ordinaires, les progressistes les ont toujours condamnés, non seulement parce qu'ils tuent des gens innocents mais aussi parce que cela favorise la contre-révolution. Le déroulement des événements postérieurs au 11 septembre en est la preuve.

La fumée s'échappant des ruines du World Trade Center était encore acide et épaisse lorsque le représentant du commerce des États-Unis, Robert Zoellick, a saisi cette opportunité pour relancer la mondialisation nécessaire aux multinationales. Arguant qu'une accélération de la libéralisation était nécessaire pour contrer les effets du 11 septembre sur l'économie mondiale, Zoellick, le commissaire européen chargé des questions commerciales Pascal Lamy et le directeur de l'OMC Mike Moore ont mené la charge pour forcer les pays en voie de développement à approuver le lancement d'une nouvelle phase de libéralisation du commerce lors de la quatrième rencontre ministérielle de l'OMC à Doha, au Qatar, en novembre dernier. La déclaration de Doha établit un cadre de libéralisation du commerce qui restaure la légitimité de l'OMC après son échec à Seattle.

Horst Kohler, le directeur du FMI, et Jim Wolfensohn, le président de la Banque mondiale, ont aussi perçu cette guerre comme une opportunité de contrer la crise de leurs institutions. Kohler a joyeusement modelé le Fonds pour qu'il devienne une composante clé du programme d' ensemble de Washington pour les États " stratégiques " comme le Pakistan et l'Indonésie, et a même laissé de côté un État " non stratégique " comme l'Argentine, qui fait maintenant face à une banqueroute imminente, emporté par l'ouragan. Sa présidence et son institution étant menacées par un ensemble de critiques venant de la gauche comme de la droite, Jim Wolfensohn a, pour sa part, profité du 11 septembre pour présenter la Banque mondiale comme le partenaire clé du Pentagone dans la guerre contre le terrorisme, en remplissant le rôle " mou " de lutter contre la pauvreté qui nourrit le terrorisme, alors que le Pentagone joue un rôle beaucoup plus " dur " en punissant les terroristes.

En réponse à la crise du pouvoir politique aux États-Unis, le 11
septembre a fait passer George W. Bush de la stature d'un président minoritaire dont le parti avait perdu le contrôle au Sénat à celle du président américain le plus puissant du moment, avec un soutien de 86 % pour sa politique suivant un récent sondage à New York. Environ huit Américains sur dix soutiennent la politique de détention des citoyens non américains soupçonnés d'être des menaces pour la sécurité nationale, et sept sur dix approuvent le fait que le gouvernement écoute les conversations entre les avocats et les clients.

Les libéraux ont été profondément intimidés lorsque la sommité
libérale de Harvard, Laurence Tribe, a condamné l'utilisation de
tribunaux militaires et la détention d'environ 1 200 personnes, alors qu'un de ses camarades aussi renommé, Alan Dershowitz, rapportait dans " The Nation " que " l'utilisation de la torture est justifiée aussi longtemps qu'elle est autorisée par un mandat " Même Richard Falk, de l'Université de Princeton, une idole du libéralisme de gauche, a été amené à qualifier la guerre de Bush de " juste " avant de se
rétracter, merci mon Dieu !

DE LOCKE À HOBBES

L'atteinte portée au système politique et psychique américain est loin d'être mesurée. Les Américains sont souvent fiers de leur système politique, dont le rôle est de maximiser et de protéger la liberté individuelle suivant les lignes inspirées par John Locke et Thomas Jefferson. La tradition venant de Locke et de Jefferson a été grossièrement détournée ces dernières semaines, les Américains ayant été obligés de donner au gouvernement de nouveaux pouvoirs empiétant sur l'individu au nom de la garantie de l'ordre et de la sécurité. Au lieu de progresser vers le futur, la démocratie américaine a régressé dans son inspiration en passant du XVIIe siècle de Locke au XVIe siècle avec Hobbes, qui dans " Le Léviathan " soumet les citoyens à une loyauté inconditionnelle envers un État garant de leur sécurité et de leur vie.

Les déclarations selon lesquelles les assauts sur la liberté
traditionnelle pouvaient avoir lieu en toute impunité ont été
récemment reprises par le ministre de la Justice John Ashcroft, qui a déclaré que les critiques portant sur l'administration Bush n'étaient que des mensonges qui " affolent les gens pacifiques avec les fantômes de liberté perdue (et) aident les terroristes " Le fait que les sénateurs libéraux démocratiques auxquels il adressait ces remarques, au Sénat, n'aient pas répondu montre combien les conservateurs ont utilisé habilement le combat antiterroriste pour gagner la vraie guerre interne, à savoir une guerre entre les progressistes et les libéraux.

SE BATTRE POUR LE FUTUR

Le mouvement contre la mondialisation au bénéfice des multinationales qui a émergé avant le 11 septembre se bat maintenant désespérément pour reprendre de la vitesse. Trois événements sont particulièrement menaçants.

- Premièrement, la police, après avoir été mise au pilori en tant que provocatrice à Gènes, a retrouvé une certaine confiance dans ce nouveau contexte marqué par une plus grande acceptation publique de la limitation des droits politiques de base. La nouvelle agressivité de la police s'est pleinement exposée lors de la dernière rencontre du FMI et de la Banque mondiale à Ottawa les 18 et 19 novembre. En effet, sans la moindre provocation et sous les yeux de la presse, la police canadienne en tenue d'anti-émeute s'est abattue sur une manifestation pacifique contre la mondialisation libérale pour arrêter de jeunes activistes qui ne faisaient rien d'autre que de marcher pacifiquement.

- Deuxièmement, la définition de " terroriste ", utilisée aussi bien dans la législation européenne qu'américaine, est si vague qu'elle peut être appliquée à des groupes non violents qui épousent le concept de désobéissance civile, arme essentielle pour le mouvement, ou à des groupes pour qui une attaque à la propriété est un symbole qui neblesse personne.

- Troisièmement, les importants événements anti-mondialisation
impliquent le rassemblement de centaines de personnes aux frontières, et cela peut être facilement contrecarré en invoquant la nouvelle législation qui légalise les interrogatoires arbitraires, la détention, les expulsions, le refus d'entrée sur le territoire d' étrangers sur une simple suspicion d'appartenance à un groupe terroriste, ou d'être un supporter d'un terroriste, ou d'être un terroriste potentiel - en somme, n'importe qui peut être aisément teinté de la couleur terroriste.

Tout cela ne peut que contribuer à refroidir les manifestations de masse, les autorités et les médias dominants étant trop heureux que les images des attaques terroristes soient associées, dans l'esprit de l'opinion, avec celles des militants pacifistes pratiquant la désobéissance civile lors de leurs actions anti-mondialisation.

DARK VADOR OU LUKE SKYWALKER ?

Washington savoure son triomphe. L'image qu'elle veut transmettre est bien celle d'une Amérique déguisée en Luke Skywalker libérant le peuple afghan de l'Empire répressif des talibans. Le tiers-monde la perçoit plutôt comme l'antagoniste de Luke : le méchant Dark Vador, comme le souligne John Lloyd du " Financial Times ". En effet, l'"American way of war " renforce ce fait, avec une pluie de morts à portée de main. Cette guerre est impersonnelle et terrifiante au dernier degré et, comme le précise l'écrivain John Barry dans " Newsweek ", les campagnes de bombardements s'effectuent d'une manière si déroutante que " . pour beaucoup de talibans, les Américains doivent leur sembler être des créatures d'une autre planète : venus d'autre part, du ciel ou par-delà l'horizon, la puissance avant la
compréhension ".

Même George Lucas n'aurait pas pu écrire un meilleur scénario pour l'" Empire est de retour " que celui de la campagne afghane.

Une chose est sûre, cependant : les empires ont toujours engendré des résistances. On peut soutenir que bien que les États-Unis aient gagné une bataille, leur situation stratégique dans le Moyen-Orient et en Asie du Sud s'est dégradée. Un régime fondamentaliste est maintenant possible au Pakistan. L'élite féodale saoudienne alliée des États-Unis est plus isolée que jamais des masses, avec une partie des jeunesSaoudiens qui voient Ben Laden comme un héros - ce qui conforte les États-Unis dans l'espoir que Washington serve en dernier recours de force de police pour sauver les élites au pouvoir. Avec le bombardement de l'Afghanistan et la forte inclination de l'administration Bush envers Israël, une profonde colère contre lesÉtats-Unis et contre l'Occident est en train de se développer desmusulmans d'Afrique du Nord à ceux d'Indonésie, créant un terreaufertile pour l'expansion de mouvements cherchant à arracher le pouvoir des mains des Américains et de leurs alliés.

Est-ce que ce sera la technologie avancée ou la mobilisation populaire qui constituera un facteur décisif dans ce combat pour la liberté, la justice et la souveraineté des peuples du Sud contre l'Empire ? Est-ce que le résultat sera l'Afghanistan ou le Vietnam ? Est-ce que le survivant sera Dark Vador ou Luke Skywalker ? Le jury est toujours en train de délibérer sur ces questions et pour quelque temps encore.

Concernant les mouvements anti-mondialisation libérale, le 11
septembre peut n'être qu'un revers temporaire qui pourrait les
renforcer. Les mobilisations massives dans les rues parallèles aux assemblées de l'élite mondiale, comme les réunions du FMI ou du G8, ont maintenant atteint les limites de leur efficacité et cela pourrait très bien pousser le mouvement à des approches innovantes combinant les stratégies : de masse, mais aussi légales et parlementaires.

En effet, si une claire ligne se dégage de la situation post-11
septembre, c'est parce que trois mouvements qui avaient été
indépendants les uns des autres - le mouvement pacifique, le mouvement pour les droits de la personne et le mouvement anti-mondialisation - se retrouvent maintenant dans une situation où ils doivent collaborer entre eux de manière plus proche. Cette puissante alliance peut contribuer à changer la répartition des forces en présence à moyen et long terme, en réponse au système mondial qui exclue, marginalise et réprime de plus en plus violemment.

Les gardiens et les propagandistes de l'Empire vont bientôt proclamer leur victoire. Pour effacer l'image de la Seconde Guerre mondiale que George W. Bush, Donald Rumsfeld et John Ashcroft semblent se complaire à évoquer ces derniers jours, j'ajouterai que nous ne sommes pas en 1945, braves gens, mais en 1941.

Le Dr Walden Bello est le directeur exécutif de Focus on the GlobalSouth de Bangkok, Thaïlande, et professeur de sociologie à l'Université des Philippines.
Publication : Focus on Trade n° 72, dec. 2001

- Traduction : Julie Duchatel & Irène Nouilhac, traductrices bénévoles

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