un commando « Critique immuable » (info@critiqueimmuable.org)
Oyez ! Oyez ! Voici un texte écrit par un combattant d'élite mobilisé
pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable
». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance
de la raison : www.critiqueimmuable.org. Le texte qui suit porte sur
les problèmes « éthiques » posés aux Américains par le silence et la
détermination des suspects.
Comme on le sait, les autorités américaines ont procédé à des
centaines d'arrestations suite aux événements du 11 septembre 2001. On
ne sait pas grand chose cependant sur l'efficacité de ces arrestations
ou sur le sort des arrêtés, la grande machine à propagande américaine
étant peu bavarde à ce sujet. Le Washington Post du dimanche 20
octobre nous rapporte cependant quelques informations utiles
(http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A27748-2001Oct20.html).
Dans la vague d'arrestations, les autorités auraient capturé trois ou
quatre gros poissons. Pour les faire parler, le FBI a utilisé la
technique habituelle : on les a incités à devenir délateurs moyennant
de très grosses sommes d'argent et un changement d'identité. On
comprendra que cette technique, qui peut se révéler efficace avec des
motards ou autres mafieux, est dérisoire lorsqu'il s'agit de
terroristes fanatiques religieux prêts à perpétrer des attentats
kamikazes. Les suspects boudent donc la carotte qu'on leur offre et
refusent de se mettre à table. Comment les faire parler, s'ils ne le
veulent pas ? Comme, bien sûr, les lois américaines ne permettent pas
la torture, on pourrait croire que la réponse n'est pas évidente.
Pourtant, une des solutions envisagées est lumineuse par sa simplicité
: déporter les prisonniers vers des pays amis des États-Unis qui
pratiquent la torture et l'intimidation des proches. Il suffisait d'y
penser !
Qui oserait contester que la
détermination idéaliste des gros poissons proto-kamikazes impose le
respect autant qu'elle nous emporte dans la nostalgie, sentiments tout
à fait contraires à ceux que peut susciter l'idée abjecte des
Américains de faire appel à des sous-traitants de la torture ?
Cela dit, cette distance que prennent les Américains à l'égard de
l'horreur entre tout à fait dans la logique de la guerre sans risque
que les Américains avaient faite à l'Iraq et qu'ils font maintenant au
régime taliban. C'est ce dont j'aimerais traiter ici.
Sans en appeler à quelque virilité
originaire qui serait commandée par une présumée essence
« vraie » de la guerre, on peut penser cependant, comme
l'« entertainer » américain qui en a payé récemment de sa
carrière, que les Américains sont, par la technicisation de leurs
guerres, en porte-à-faux par rapport au mythe du guerrier : la
guerre américaine est désormais une guerre lâche du point de vue même
des croyances occidentales sur ce qu'est l'essence de la guerre. Je ne
fais pas spécialement allusion ici au fait que l'Amérique enfreint des
« règles » prescrites par des conventions internationales de
guerre qui prétendent formaliser ce qui est « acceptable »
dans une guerre. Je fais plutôt référence aux croyances que l'on peut
entretenir sur la nature de la subjectivité guerrière : les
conventions internationales visent certainement à éviter les meurtres
de masses et, pour ce faire, se prononcent sur l'acceptabilité morale
ou non de certaines armes. Mais de ces conventions rien ne transpire
quant au fait que l'opérationalisation technique de la guerre avale
tendanciellement la subjectivité et avec elle toute responsabilité
morale chez ceux qui se décident pour la guerre technologique ;
on n'a pas prévu la possibilité d'une déresponsabilisation radicale de
ceux qui se décident pour la guerre. Même l'acte de destruction
massive globale que craignait tout le monde à l'époque de la guerre
froide continuait d'exposer combien le rôle de chef de camp était
devenu sublimement ingrat. Si les guerres américaines postsoviétiques
donnent à première vue l'impression d'avoir retrouvé une dimension
humaine, c'est un leurre.
On n'a pas encore pris conscience du
fait que le célèbre plaidoyer de non-culpabilité des nazis qui
s'énonçait ainsi : « pas responsables ; nous ne
faisions que suivre les ordres », a fini par prendre la forme
hyper-technologique : « pas responsables : les calculs
de probabilité et d'optimisation concernant les opérations militaires
et de sécurité prescrivent ce qui est à faire, comme dans tout le
reste de la société gouvernée par les principes de la gestion de
risque ». Là où les nazis reportaient la faute sur un supérieur
imputable moralement, on nous dit maintenant qu'il faut faire
confiance en la machine et que les fautes graves seront imputables à
des erreurs de calcul. Car en effet, qui oserait douter de la
générosité et de la droiture morale des Américains ?
Il faut refuser cette logique de
déresponsabilisation qui n'est effectivement pas une simple ruse ou
une expression de lâcheté circonstancielle, mais une expression
d'aliénation radicale, de désubjectivation. Les Américains refileront
la tâche ingrate de la torture de leur gros poissons non pas par
simple lâcheté mais, comme toujours, par esprit pragmatique, une
disposition de plus en plus dangereuse chez eux. Ils prendront le
risque d'une responsabilité indirecte et feront valoir selon les
résultats obtenus qu'ils ont eu raison de tirer profit de datas qui,
indépendamment des circonstances de la cueillette, étaient
d'importance cruciale en eux-mêmes. Il y aura une lutte sur
l'interprétation éthico-juridique (devant un tribunal international
par exemple) de ce qu'est un résultat valable, mais en dernière
instance, les Américains pourront faire valoir que selon toute
probabilité les aveux exhalés des corps exténués, meurtris et
défigurés, auront constitué un facteur d'« atténuation du
risque » - ce qui est une priorité en situation de crise - une
fois que ces aveux auront été injectés dans le système de traitement
d'information approprié. Pour la quantification de cette
« atténuation », il faudra s'en remettre au rapport
informatique.
Il s'agissait de la misson 9 contre l'opération américaine « liberté
immuable ».
Ce texte a été écrit par un auteur qui tient à rester anonyme et qui
ne doit pas être confondu avec Jean-Robert Sansfaçon . Il oeuvre pour
la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ».
N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de
la raison : http://www.critiqueimmuable.org.
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