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Bruxelles, 15 décembre 2001vieuxcmaq, Domingo, Diciembre 16, 2001 - 12:00
Sebast Tremblay (copilot@iquebec.com)
Dans le cadre de la mobilisation contre le sommet de Laeken, plusieurs manifestations ont eu lieu dimanche 15 décembre 2001. Une marche pour la paix, organisée par la coalition D14, à l'origine de la manifestation du jour précédent (qui avait rassemblé entre 25000 et 30000 personnes), une manifestation anarchiste (à laquelle appelaient de nombreux groupes regroupés au sein de la "coordination anarchiste européenne", cf www.anarchie.be), ainsi qu'une street-party, organisée par le squat de la gare Leopold BruXXel, rejoint par plusieurs autres groupes (notamment des groupes de quartier) pour l'appel. Voici un compte-rendu de la manifestation anarchiste, puis de la street-party, au moment ou les deux se sont rejoints. La manifestation anarchiste a commencé par un certain nombre d'arrestations "préventives". En effet, en se rendant sur le lieu de rendez-vous, plusieurs militant-e-s ont du subir des contrôles policiers se soldant par des arrestations "administratives". 8 arrestations ont ainsi été effectuées vers 13h15. Ce fut également le cas d'une vingtaine de militant-e-s de No Pasaran dans la matinée, ainsi que de plusieurs autres, que la police affirme avoir identifiée comme des "casseurs" lors de la manifestation du vendredi 14 (pendant laquelle ont été endommagés 4 banques, 2 commissariats et quelques voitures de luxe). Un membre d'Indymedia a également été victime de violences de la part de la police. Pour se rendre au rassemblement, il a suivi policiers en civil, eux mêmes suivis par des équipes de journalistes. Après lui avoir demandé qui il était (réponse : presse), les indics l'ont plaqué contre un mur, lui ont arrâché sa carte indymedia et confisqué son carnet de notes en lui pressant les testicules. La manifestation anarchiste était appelée par la "coordination anarchiste européenne", avec les mots d'ordre suivants : "Pour le pouvoir de gérer notre propre vie, pour une gestion et une propriété collectives de toutes les richesses du monde, pour une société sans domination ni exploitation, pour une globalisation de la solidarité, pour un enseignement visant l'autonomie et la liberté de l'individu, pour une mondialisation du désarmement". Elle avait pour rendez-vous la place de l'Hôtel des Monnaies, et en est partie vers 14h30. Elle comptait alors entre 1500 et 2000 personnes. Beaucoup de drapeaux noirs et rouge & noir, ainsi que quelques drapeaux vert & noir et rose & noir, accompagnés de diverses banderoles et pancartes : "Smash capitalism globally" (détruisez le capitalisme partout), "Kill the cop inside you and around you" (tuez le flic qui est en vous et autour de vous), "Capitalism kills" (le capitalisme tue), "Ni contrôlables, ni citoyens, il n'y a pas de capitalisme à visage humain, résistance" (No Pasaran), entre autres. Des groupes de No Pasaran, d'Alternative Libertaire, de la Fédération Anarchiste, de la CNT, de la FAI ainsi que d'autres étaient visibles par leurs banderoles spécifiques. Beaucoup de gens étaient cagoulés, habillés en noir. La manifestation était très dynamique et sonore, avec pétards, fumigènes et divers slogans, notamment "c'est pas les immigrés qu'il faut virer, c'est le capitalisme qu'il faut éliminer", "libérez nos camarades", "résistance à ceux qui veulent dominer ce monde", "faut supprimer l'Europe des barbelés, y'en a assez, liberté !", "Israel assassine, libérez la Palestine", "No Pasaran", "Juste nulle-part, police partout". Des tracts sont également distribués : Monde Libertaire, InfoSuds, un tract collectif "une autre Europe pour un monde libertaire", ainsi que d'autres. A noter la présence, dès le début de la manifestation, de groupes de jeunes portant des vestes "prévention", distribuant aux manifestant-e-s des plans de Bruxelles, sous l'oeil de leur "patron" en fin de manifestation. L'un d'entre eux dira qu'ils sont payés 316 francs de l'heure par le ministère pour enrayer la "violence urbaine". Plus loin sur le parcours, on retrouvera d'autres jeunes vêtu-e-s de vert, avec l'inscription "ville de Bruxelles". Questionnés, il admettront avec quelque difficulté avoir pour rôle "d'éviter que les quartiers sensibles ne se mêlent aux éventuelles émeutes". Après avoir marché le long d'une avenue quelques temps, la manifestation plonge dans des rues plus étroites vers 15h. Des résident-e-s s'agitent et crient des messages de solidarité du haut de leur fenêtres, et les manifestant-e-s répondent par des mouvements de bras amicaux. L'ambiance est bonne. Quelques graffitis apparaissent sur les murs, et seront suivis d'autres tout au long de la manifestation : "contre la cogestion du pouvoir par les syndicats", "il n'y a pas de capitalisme à visage humain", "squattons le monde", "viva anarquia", "les rêves de l'état sont nos cauchemars", etc. La manifestation avance de nouveau sur des boulevard, et se heurte vers 15h30 à un large barrage de police avec canon à eau, place St-Pandy. Evidente provocation pour une manifestation qui est restée "calme" jusque là. Divers autonomes s'affairent à constituer quelques barricades pour empêcher une charge des flics, mais ceux-ci restent sur leur position. Diverses personnes appellent alors au mégaphone à faire demi-tour pour rejoindre la street-party. Tout le monde s'exécute, et fait chemin arrière. Le cortège déboule sur le boulevard de Neuport, avec le canal au milieu. Devant, un flic visiblement peu à l'aise fait dégager quelques véhicules de police, qui s'éloignent. La manif avance donc, victorieuse. Mais d'autres véhicules arrivent à toute vitesse sur l'autre rive. Certains craignent manifestement une tentative de la police de couper la manifestation en deux. Un van de police est alors caillaissé, et une ligne d'anti-émeutes apparaît en effet quelques secondes plus tard, sur le pont joignant les deux rives (Porte de Flandres). Les flics recoivent pierres et coktails molotov, et sont rejoints par un canon à eau. A ce moment, la police fait au moins une arrestation lors d'une charge. Il est 16h environ. La manifestation continue d'avancer. Des pavés sont extraits le long du chemin, et quelques voitures de luxe en font les frais. A ce titre, il semble important de préciser que si un grand nombre des manifestant-e-s était masqué, et donc potentiellement associable au "black bloc", ceux-ci ne constituaient certainement pas un groupe homogène. Aussi certain-e-s personnes ont-elles manifesté leur désaccord avec la casse de voitures (uniquement des Mercedes) et se sont désintéressées des combats de l'arrière, bien qu'ayant visuellement tout du "black bloc". Ici plus que partout ailleurs, on peut donc constater la diversité des groupes utilisant cette tactique. La manif remonte donc le boulevard en direction de la tour du Midi, pour rejoindre la street-party. Plusieurs caméras de surveillance sont lapidées sur le chemin. Des black blockers, pavés en main, passent à côté d'une épicerie, et font coucou aux gens qui se trouvent à l'intérieur. Arrivés place Bara, ils s'attaquent à deux banques, et chassent à coup de pierres deux flics en civil du cortège. A ce moment, il semble qu'il y ait eu quelques embrouilles entre des manifestant-e-s et quelques personnes profitant de la situation pour voler des caméras d'indymedia et s'enfuir loin de la manif. Celle-ci passe sous un pont, et retrouve la street-party vers 16h30. Une banderole est tendue entre deux poteaux, sur laquelle figure un personnage de Monopoly, annonçant que le jeu capitaliste est devenu réel à Bruxelles. Des collages, bombages et pochoirs se poursuivent. A noter : de nombreuses affiches contre l'Europe sécuritaire, capitaliste et de l'exploitation, mais aussi celles des "new kids on the black bloc", réalisées par les barcelonais-es de Los Agencias, groupe politique pratiquant notamment un "art subversif" : confection de vêtements/combinaisons "prêts à révolter", campagne d'affiches pour "l'argent gratuit", et un travail de dédramatisation des black blocs, stigmatisés depuis Gênes comme étant le "danger du mouvement". L'un des pochoirs réalisé sur le parcours commémorait d'ailleurs la mort de Carlo Giuliani pendant les émeutes de Gênes en juillet dernier. La street-party compte plusieurs véhicules, avec diverses ambiances sonores : un camion coiffé d'un symbole "squat" avec l'inscription "queer" porte à son bord un orchestre avec trompettes et autres instruments. Un autre camion-sono plus avant diffuse de la techno-hardcore, et des sambas-anarchistes se trouvent entre les deux. Beaucoup de danse, de couleurs, de costumes, de messages, et une ambiance festive mais aussi combattive ! Fusionnant, les manifestations rassemblent au moins 6000 ou 7000 personnes. Elles empruntent alors un dédale de rues en pente asssez étroites. Rue de Hollande, une mise en scene impressionnante contre la guerre a été réalisée. Sur un chantier, des paires de jambes dépassent du sol, et des paires de bras en surgissent, agitant des drapeaux blancs. La manifestation avance, suivie de près par des rangées de policiers anti-émeute. De brèves confrontations ont lieu sur l'arrière du cortège, et les flics procèdent alors à plusieurs arrestations. Tout le long du parcours, les rues adjacentes seront bloquées par des rangées de robocops, avec chiens et/ou auto-pompes selon le cas. Des faces à face tendus auront lieu à chaque croisement, mais la manif pourra continuer. Les habitant-e-s aux fenêtres saluent, et certain-e-s dansent également. Beaucoup de slogans sont écrits à la craie sur les trottoirs. Vers 17h20, une annonce est faite depuis le camion-sono : les flics ont bouclé tout le secteur, et empêchent toute avancée du groupe. Ceux et celles qui veulent partir doivent passer par un des barrages policiers et se faire fouiller. La situation devient tendue. Plus d'effectifs de police affluent et renforcent les barrages. Derrière, on aperçoit une série de canons à eau, et des flics à perte de vue. Des habitant-e-s, interloqué-e-s, sont massés derrière les lignes de police. Les slogans reprennennt : "on veut passer", "reculez", "no justice, no peace, fuck the police" (pas de justice, pas de paix, nique la police), "police partout, justice nulle part". La police demande de reculer. Indignation de la part des manifestant-e-s, qui redoublent de colère. Le camion sono s'avance, et continue à diffuser du son, ainsi que des annonces. Quelqu'un encourage ceux et celles qui le peuvent à appeler le maximum de monde pour venir faire pression. Pendant ce temps, des négociations sont en cours. Finalement, à 18h, une auto-pompe recule ! Mais les flics, eux, ne bougent pas. Il faudra un quart d'heure pour que les barrages laissent finalement passer la foule, qui crie victoire. Plus tard, on apprendra que l'affaire aura causé des remous dans la hiérarchie policière. Ainsi, l'ordre aurait été donné de laisser passer la manif, mais les policiers, eux, auraient refusé d'obtempérer ! A 18h30, la police encadre toujours de très près la manifestation, qui se dirige vers une large place. A cet endroit, la police recule, et les manifestant-e-s investissent toute la place. Déclarations victorieuses au micro, sur la réappropriation de l'espace et la victoire sur les forces de l'ordre. Cependant, les manifestant-e-s restent encerclé-e-s par d'inombrables cars et voitures de police. Une banque est copieusement redécorée de slogans, et la street-party continue. Mais la police crée vite un incident : elle arrête un militant et plusieurs personnes (des passant-e-s !) se trouvant autour, et gaze un membre des legal-teams qui tente de receuillir des informations. Une ligne de flics en civil, tous portant des blousons en cuir, jean bleu et foulards, fait barrage pour empêcher à quiconque de porter secours. Ces "spotters" ont visiblement été présents dans toute la manifestation (contrairement aux promesses préalables de la police), identifiant et arrêtant ensuite quelques victimes de choix. L'hélicoptère, présent tout le long des manifestations, survole toujours la place. Vers 19h30, les flics encerclent toujours le rassemblement, prêts à faire des arrestations auprès de ceux et celles qui tenteraient de partir. Les organisateurs provoquent alors la dispersion de la street-party, incitant les personnes présentes à partir par petits groupes par la station de métro de la place. La dispersion se fait progressivement. Cependant, des arrestations auront lieu plus tard dans la nuit, la police multipliant les contrôles dans la ville. En somme, on pourra retenir de cette manifestation sa variété et son dynamisme : cortèges impressionnants, messages clairs et tracts divers, quelques actions directes ciblées (banques) et une résistance à la police, mais aussi nombre de moments festifs et acceuil largement favorable de la population, pour finir sur un rapport de force en la faveur des manifestant-e-s. On pourra aussi remarquer la solidarité dont beaucoup ont fait preuve, puisqu'ils/elles sont resté-e-s jusqu'à la dernière minute pour empêcher l'arrestation de personnes qui auraient été repérées par la police. En ce qui concerne les arrestations, le legal team faisait état de 100 arrestation pour la journée du samedi 15 décembre 2001. Une majorité d'entre elles semble être "administratives"... Source: Indymédia France |
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