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Pour un recours collectif contre le chef de police de Toronto

vieuxcmaq, Martes, Noviembre 27, 2001 - 12:00

Collectif de réflexion sur l'air des lampions (lampions@hotmail.com)

À propos de la déclaration du chef de police de Toronto, Julian
Fantino, au sujet de la manifestation anti-gouvernement Harris du 16
octobre à Toronto : « this is the worst kind of organized crime ».

À peine 24 heures après le dépôt du projet de loi « antiterroriste » à
la Chambre des Communes, la police a exprimé de manière scandaleuse sa
tendance inhérente à vouloir rendre plus efficace le contrôle social à
travers tout nouveau pouvoir qui lui est concédé. Du caractère
exceptionnel des circonstances et de l'extrême prudence que moult
personnes recommandent à ceux qui proposent une loi concédant plus de
pouvoir à la police, eh bien la police n'en a rien à cirer. C'est que
nos policiers sont de véritables schizophrènes. Rien ne sert d'avoir
l'espoir qu'ils soient à la fois des citoyens amoureux des libertés et
des gardiens de la paix. Ils deviennent par leur fonction
« professionnelle » des êtres de pur pouvoir, lequel se limite
heureusement au gardiennage de la paix. En fait, la police non
citoyenne n'est pas inquiète d'avoir à sa disposition un pouvoir
discrétionnaire supplémentaire de détenir des personnes qu'elle
présume dangereuses pour la bonne raison que jusqu'à maintenant,
personne ne l'inquiète vraiment pour les arrestations arbitraires
qu'elle commet. La police voit simplement dans les nouveaux pouvoirs
qui lui seraient conférés la possibilité d'une immunité presque
absolue. Elle n'a pas tort : après tout, la police fait déjà des
arrestations arbitraires - c'était le cas entre autres lors des
événements de Québec en avril 2001 - et, dans le meilleur des cas,
elle ne fait que l'objet de blâmes symboliques. Tout porte à croire en
tout cas que désormais il suffira pour la police d'invoquer, sans même
avoir à convaincre pleinement, le terrorisme appréhendé pour que les
abus apparaissent comme des erreurs excusables.

Cela dit, le problème que rencontre très ponctuellement la police
présentement est le suivant : l'énormité de l'attentat du 11 septembre
a été à la fois le mobile de la loi antiterroriste mais également
l'étalon de ce qu'est la terreur que cette loi doit combattre. D'une
certaine façon, on peut remercier les terroristes d'avoir frappé si
fort, ce qui a eu l'effet, du moins dans l'immédiat, de mettre les
pendules à l'heure à propos de ce que l'on nomme « terrorisme ». Les
chefs de police et autres grandes gueules droitistes emportés par leur
enthousiasme se trouvent donc obligé de tenter de penser comment
généraliser le concept de terrorisme. Qu'est-ce à dire ?

Par exemple, bien connus pour leur envie de mâter la dissidence
politique de gauche qu'ils abhorrent, Fantino et les beaux parleurs de
la droite - y compris des élus(!) - sont contraints de faire
explicitement du lobbying en faveur de l'élargissement sémantique du
vocable « terrorisme ». Leur but : « surcriminaliser » les
manifestations politiques comme celles de Québec et celle du 16
octobre à Toronto. Il n'y a pas si longtemps, les militants en
kangourous noirs étaient traités par les droitistes de vulgaires
voyous sans cause réelle qui devraient être contrôlés par la bonne
gauche ternissant sa cause en leur compagnie - défi que cette gauche
a accepté volontiers sans craindre la mort. Eh bien, ces voyous
méprisables sont maintenant des terroristes, pire encore les plus
grands terroristes - c'est du moins ce que l'on peut lire entre les
lignes de la déclaration de Fantino. En effet, du jour - le jour du
dépôt de la loi antiterroriste - au lendemain - le 16 octobre -, la
manifestation de résistance de rue aux politiques d'appauvrissement du
gouvernement Harris est devenue « la pire forme de crime organisé »
(Fantino). La question de savoir si ce sont les difficultés qu'a eu la
police à contrôler la manifestation qui mènent Fantino à assimiler la
manifestation à du terrorisme (sans doute en ce moment, « la pire
forme de crime organisé ») ou si Fantino a voulu dire que la
manifestation était l'exemple d'une forme de crime organisé encore
pire que le terrorisme n'est pas claire - la confusion de la police :
rien de nouveau sous le soleil.

Quoi qu'il en soit, on en conviendra, il ne va pas de soi pour
beaucoup de gens que l'on puisse comparer la militance de gauche
qui prend la rue et fracasse deux ou trois vitrines avec la destruction
massive qu'a subie New York ; même si le « bon jugement » de la
police reste insensible à ces « subtiles » différences. Et la police
devrait certainement raffiner son jugement à l'aune du simple
bon sens car après les événements du 11 septembre, l'opinion
publique pourrait trouver tout à fait scandaleux que les corps
policiers gaspillent des ressources à infiltrer des groupes militants
de gauche (comme la GRC l'avait fait pendant des mois avant le
sommet de Québec pour l'inoffensive cellule Germinal) au lieu
de se préoccuper des vraies menaces qui planent sur notre sécurité.

Assimiler la contestation de rue au terrorisme ou à quelque chose de
pire est aussi un excès gravement irresponsable. N'est-ce pas
l'équivalent d'un faux appel à la bombe à l'attention de la société
civile ? Il faut que tout le monde se rende compte : c'est bien parce
que l'on menace tous ceux qui osent tenter de comprendre le terrorisme
et ses motivations que, du coup, il est loisible de stigmatiser
n'importe qui en le taxant de terroriste. Depuis les événements du 11
septembre, le terrorisme est devenu un prétexte pour l'expression d'un
racisme social. Les droitistes ont rapidement trouvé une façon encore
tolérée de stigmatiser les gens avec lesquels ils ne sont pas
d'accord. Avant même que la police ait la possibilité d'arrêter
massivement n'importe qui sous prétexte de danger terroriste, on
devrait la poursuivre pour atteinte à la réputation et discrimination
en fonction des opinions politiques. Les militants politiques qui
prennent la rue ne sont pas des terroristes ! Et à voir ce qu'est un
terroriste pour tout le monde en ce moment, il est clair que quiconque
taxe autrui de terroriste, publiquement et sans motif pertinent, vise
à l'isoler socialement, à lui nuire. Fantino devrait donc être
poursuivi pour diffamation et incitation à la haine - après tout, il
est universellement convenu désormais qu'il est juste de haïr les
terroristes !

On opposera qu'il est possible que par son affirmation, Fantino
voulait simplement signifier que le contrôle de la contestation
politique dans la rue est l'épreuve la plus difficile pour la police
parce qu'elle doit opérer sous les projecteurs et devant de multiples
témoins - alors que le contrôle relatif de toutes les mafias est si
simple quand on trouve clandestinement des arrangements. Fantino
aurait également pu vouloir signifier que l'épreuve est difficile à la
mesure de l'indifférence de la classe politique qui se lave les mains
des problèmes sociaux et laisse le problème du mécontentement social
sur les bras de la police. Pour tout cela on devrait comprendre son
désarroi... Fini l'empathie quand virtuellement tous les citoyens
engagés risquent l'emprisonnement ; les gens ne toléreront pas que les
difficultés de la police fassent des militants de gauche d'horribles
terroristes. Gare à vous « gardiens de la paix » !

Le collectif de réflexion sur l'air des lampions

Ce collectif se propose de réfléchir sur les nouvelles formes
expressives des revendications populaires qui reprennent la rue.
« L'air des lampions » est un nom qui sert à désigner les slogans
revendicatifs populaires et qui en évoque un très célèbre datant
de 1848, revendiquant un meilleur éclairage des rues de Paris.



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