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Qu'est-il arrivé à Göteborg?

vieuxcmaq, Miércoles, Noviembre 21, 2001 - 12:00

Inge Johansson (gabbeland@hotmail.com)

Les événements de Gênes ont été "largement" relayés par la presse bourgeoise au Québec. Cependant, les manifestations de Göteborg, en Suède, le furent bien moins. Pourtant, la répression à Göteborg fut, selon plusieurs, beaucoup plus violente et barbare qu'à Gênes. Voici le récit/analyse d'un activiste présent lors des manifestations de Göteborg, Inge Johansson (traduction de Gabriel Béland).

Article tiré de l'édition automne/hiver 2001 de la revue Anarchy
(Traduction libre de Gabriel Béland)

J'ai participé aux manifestations/émeutes de Göteborg, entre les 15 et 17 juin 2001. Cet événement a fait la une des médias scandinaves, mais je ne sais pas jusqu'à quel point il en a été de même ailleurs. Si ce le fut, il en est probablement ressortie une version très édulcorée des faits. Nous savons tous-toutes qui sont les propriétaires des médias et quelles sont leurs motivations... Voici ma version de ce qui s'est déroulé à Göteborg - d'autres pourraient avoir différentes opinions et perceptions de ce qui s'y est passé et de pourquoi il en fut ainsi - je tenterai de livrer une version "en direct" de mon expérience. J'écris ceci seulement une journée après mon retour à Stockholm et je suis encore très à vif et fatigué. Je vais débuter par vous exposer la trame de fond des manifestations de Göteborg.

La Suède a présidé l'Union Européenne (UE) cette année et ils ont appelé tous-tes les cravatéEs, les Eurocrates, à se réunir à Göteborg entre les 15 et 17 juin, pour discuter des futures politiques de l'UE. Je milite contre l'UE depuis dix ans maintenant. Il y a dix ans, la question de la participation de la Suède à l'UE était sur les lèvres de tout le monde, et je compris très vite que ni moi ni aucune minorité de Suède n'allaient en bénéficier. Je voyais (et vois toujours) l'UE comme une monstruosité néo-libérale, anti-démocratique de surcroît; une espèce de char d'assaut capitaliste blindé par les lois, qui détruit tout ce que le mouvement ouvrier et celui des droits civiques ont durement acquis depuis cent ans. Une "Forteresse Europe", dans ses habits de riche, contre le reste du monde et un nouveau "super-état" pour faire compétition aux États-Unis et à l'Asie pour ce qui est de la production, de la consommation, et de l'exploitation éhontée du Tiers-Monde: tout cela au nom du libre-échange.

En tous les cas, revenons à Göteborg. Contrairement aux rencontres gouvernementales, cette rencontre se déroulait derrière portes closes et le public n'était pas du tout invité. Il y a encore une forte opposition à l'UE et à son agenda néo-libéral en Suède, et dans l'UE en général, or aucune des organisations issues de cette opposition ne furent invitées à débattre avec les politicienNEs. De plus, toutes les dernières rencontres de l'UE, du G8, de l'OMC, etc. se virent accueillies par des manifestations de masse et des critiques. Je crois que ceci n'est pas étranger à la décision de tenir la rencontre durant le festival "Hultsfred", le plus important de l'été en Suède, de façon à tenir les jeunes hors de la ville. Il s'agissait d'une rencontre fermée pour les hommes et femmes ayant du pouvoir sur notre futur: aucune perspective radicale, ou même critique, n'y serait admise. Ce fut la première erreur des politicienNEs, mais non la dernière...

Plusieurs organisations anti-UE, populaires, syndicales, environnementales, socialistes, anarchistes, gaies et lesbiennes, anti-racistes et immigrantes demandèrent de participer aux discussions, mais on leur refusa. Cela mit plusieurs personnes en colère, alors les politicienNEs de Göteborg organisèrent des assemblées pour trouver une solution satisfaisante pour tous-te. Il y eu aussi un grand nombre d'assemblées en préparation aux manifestations entourant la rencontre du G8 (ndt: qui eut lieu à Gênes, à la fin de juillet).
La police avait "promis" qu'elle ferait preuve de retenue à l'endroit des activistes et qu'elle n'utiliserait ni violence, ni chiens, ni chevaux. La police affirmait être prête à coopérer si les activistes étaient aussi prêtEs à le faire. Ils-elles attendaient plus de 25 000 manifestantEs du monde entier et ne souhaitaient pas que la situation ne dégénère.

Les autorités municipales louèrent quelques écoles aux organisations contestataires pour assurer le coucher aux manifestantEs et pour permettre la tenue de discussions et d'ateliers durant la journée. Le thème de ces discussions et ateliers était "Pour une autre Europe", et nous avions l'approbation des autorités pour tenir notre propre conférence, critique de l'Europe néo-libérale, avec nos sujets, nos invitéEs, pour causer de notre futur. Les autorités promirent de nous permettre trois manifestations légales contre la réunion de l'UE à quelques pâtés de maisons des bâtisses où les dignitaires étaient réuniEs - pas à leurs pieds, naturellement. On nous permet d'écrire leurs quatre vérités aux gens qui gouvernent notre présent et notre futur sur des pancartes, mais certainement pas où ils-elles pourraient les voir...

Je demeure à Stockholm présentement et j'alla à Göteborg, avec mes amiEs, le jeudi soir. Nous nous rendions à Göteborg, écoutant la radio, lorsqu'on annonça que la police encerclait une des écoles où les forums avaient lieu. Ils avaient formé une ligne et encerclèrent bientôt toute l'école à l'aide d'un mur de conteneurs; plus personne ne pouvait ni entrer ni sortir. La raison originale invoquée pour justifier cet assaut était que quelqu'unE avait utilisé une fronde ("sling shot") pour s'attaquer aux flics. Mais ils-elles passèrent vite fait à une autre version: on soupçonnait la préparation d'activités violentes contre les flics. Cette nuit, environ 200 activistes furent arrêtéEs, certainEs en dedans de l'école, d'autres en dehors, étant venuEs manifester leur soutient aux assiégéEs. Des amiEs à moi furent enferméEs dans une voiture policière douze heures consécutives sans qu'on les informe du motif de leur détention. Les policiers-ères utilisèrent le style "bad cop" pour les effrayer, les faisant implorer pour aller uriner dehors, et autres trucs du genre. Les manifestantEs qui étaient à l'extérieur de l'école décidèrent de se retirer pour échapper à la violence policière, mais les flics attaquèrent avec hargne et il y eut des heurts entre activistes et policiers-ères à l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur. A ce moment, la cavalerie se mit de la partie, bien qu'ils-elles avaient promis de ne pas l'utiliser. Voilà pour ce qui est de discuter avec les autorités... Tous-tes ceux-celles impliquéEs dans la manif virent cela comme une provocation et il était alors clair que cela présageait de l'attitude policière durant le reste de la fin de semaine.

VENDREDI

Vendredi matin, il y eut un important rassemblement dans le centre de Göteborg, où les activistes discutèrent des événements. Le souvenir de la violence policière de la nuit semblait flotter dans l'air. Beaucoup étaient encore détenuEs par la police, ce qui choquait les gens, d'autant plus que certainEs avaient des amiEs parmis les détenuEs, lesquelLEs l'étaient pour aucune raison. On était irrité aussi car la police avait bloqué l'école qui était supposée accueillir les activistes ayant voyagé à Göteborg ainsi que les ateliers. À ce moment, nous étions des milliers. Après les discours, on commença à marcher vers les bâtisses où les politicienNEs étaient réuniEs. A quelques pâtés de maisons des bâtisses, les flics étaient alignéEs, tenues anti-émeutes enfilées, chiens et chevaux présents. La marche s'arrêta à quelques mètres de la police. Nous étions dans une rue très étroite, des milliers de personnes semblaient pousser derrière: la tension était à son comble. La police soma les manifestantEs de reculer, mais on refusa jusqu'à ce que soudainement les flics avancèrent contre la manif, les chiens attaquant les manifestantEs du devant.

L'enfer se déchaîna ("The hell broke loose"). Les gens couraient pour leur vie, certainEs prirent des roches et des bouteilles et commencèrent à les lancer aux policiers-ères, lesquelLEs poursuivaient les manifestantEs, qui fuyaient, prisES de panique, vers le lieu du rassemblement du matin. A cet endroit, les heurts entre manifestantEs et policiers-ères continuèrent; c'était très, très violent. Des manifestantEs étaient attaquéEs par les flics à l'aide de matraques, de chiens et de chevaux. CertainEs lancèrent des morceaux de pavé sur la police. Plusieurs jeunes furent battuEs brutalement, même ceux-celles qui se couchaient par terre en disant: "je me rends, ne me frappez pas", étaient sauvagement agresséEs. Un passant fut battu par la police alors qu'il ne participait même pas aux manifestations. Son crime était peut-être de ne pas être blanc.

La police fit reculer les manifestantEs jusqu'à l'avenue Avenyn, laquelle regorge de commerces, comme McDonald ou H&M. Cela était stupide de la part de la police. Nous étions des milliers de manifestantEs en colère et ils-elles nous refoulaient, ne nous permettant pas d'aller manifester devant la réunion de l'Union Européenne. Ils avaient utilisé des chiens et des chevaux, alors qu'ils avaient promis de ne pas le faire. Beaucoup étaient en colère et se mirent à briser des vitres: McDonald, H&M, Bang & Olufsen ainsi qu'une banque suédoise y passèrent. Ceci fut largement repris par les médias suédois, et on tentait de faire passer les activistes comme des "hooligans et des terroristes détruisant le centre-ville". On parla même de "violer" la ville et son peuple, ce qui était complètement ridicule. Ce que les médias turent, c'est que plusieurs petits commerces et des cafés ne furent pas touchés du tout. Seules les grandes chaînes comme McDonald furent touchées, lesquelles ont bâti leur fortune en exploitant les pauvres et la main-d'oeuvre infantile autour du globe.

Les heurts continuèrent environ deux heures. La police attaquait des gens, lesquelLEs répondaient en leur lançant des roches. Les policiers-ères ramassaient les roches et les relançaient aux activistes.

Après quelques heures, les choses se calmèrent. CertainEs se retrouvèrent prisES au piège sur un pont: il y eut une centaine d'arrestations. Je retourna à la maison me coucher, pour me reposer et réfléchir un instant. Je savais qu'il ne s'agissait là que du début.

Plus tard cette nuit, j'alla participer à la fête "reconquérons la ville", qui était supposée se dérouler dans un parc de la ville. Lorsque j'y suis arrivé, il y avait plusieurs jeunes rassembléEs autour de deux camions loués où des DJs faisaient entendre leurs arrangements musicaux; j'ai trouvé ça très bien. Pourtant, on sentait une tension dans l'air et on pouvait prévoir que la fête ne durerait pas très longtemps. Soudainement, j'entendis des cris comme : "Espèces de merdes, sales communistes!". Une bataille éclata entre des activistes et de jeunes fascistes qui venaient d'arriver. Bien que l'altercation fut l'origine des fachos, ils-elles eurent tôt fait de disparaître lorsque les activistes devenaient surnuméraires; ça m'a bien fait rire, même si je déteste la bagarre.

Les jeunes fascistes se sauvèrent, mais peu de temps après, les vrais fascistes entrèrent en scène: la police suédoise. Ils-elles entourèrent le parc, habilléEs de leur tenue anti-émeute, la cavalerie à leur côté. Ça allait péter... Quelque part, des activistes et des policiers-ères commencèrent à se battre; les gens se sauvaient de la cavalerie et des coups de matraque. Les plus militantEs répondirent en balançant des roches aux flics. Ceux-celles-ci furent refouléEs mais attaquèrent à nouveau. À partir de ce moment, les gens tentèrent de s'échapper pour de bon, mais la police encerclait toute la zone, et il fallait de la chance pour s'en tirer. La police poursuivait les gens de par les rues et quelques activistes se mirent à fracasser des vitres de petits commerces. Je crois que ce n'était pas nécessaire. De casser les vitres de McDonald ou H&H dans une telle situation, je peux clairement voir la logique, mais pas celle qui sous-tend le saccage de la librairie locale. Quel est le but?

La pagaille continuait et plusieurs individuEs ne participant pas à la "manifestation" se groupèrent pour voir ce qui se passait. Quelques-unEs d'entre eux-elles se mirent même à lancer des roches à la police! C'était intéressant : des gens qui avaient des airs tout ce qu'il y a d'ordinaire, sans masques noirs, lançant des pierres aux flics violentEs.

Les activistes avancèrent et commencèrent à se buter aux flics à nouveau. Les heurts continuèrent. Soudainement, j'entendis une décharge violente, puis une seconde. Je ne sais plus combien il y en eut, mais je regarda vers la police et je vis un policier pointant son arme vers les activistes. J'entendis des cris annonçant qu'une personne venait d'être touchée. D'après ce que je sais, la police suédoise n'avait pas fait feu sur des manifestantEs depuis les jours noirs de 1931, alors que cinq (ou six, je ne suis plus bien sûr) activistes furent touchéEs mortellement. Voir un policier pointant son arme vers des jeunes de mon âge restera à jamais dans ma mémoire. Lorsqu'on entendit les déflagrations, la panique s'empara de la foule, je réussis à m'échapper jusqu'à quelques pâtés de maisons de la scène. Sur mon chemin, tentant d'éviter de me faire frapper (ou pire, tirer) par les flics, je vis plusieurs altercations entre police et activistes. J'ai vu un cavalier passer directement sur un homme couché sur le sol. Une amie à moi fut percutée par un cheval et dut se rendre à l'hôpital. Une autre amie vint me voir les mains couvertes de sang: elle s'était occupée d'un gars qui s'était fait tirer la jambe.

Les manifestantEs se regroupèrent dans un parc, formant une foule très compacte et commencèrent à crier: "Cessez la violence, cessez la violence", tandis que les flics entouraient le parc, prêtEs à frapper à tout moment. Les gens dans le parc continuèrent à chanter et danser, jusqu'à ce que quelques heures plus tard, la police se retira aux sons joyeux des activistes. Plus tard cette nuit, il y avait une rencontre dans une école qui n'était pas encore encerclée par la police. Un gars qui avait représenté les manifestantEs lors des rencontres avec la police et les autorités nous rapporta que deux ou trois jeunes avaient été tiréEs durant la soirée. UnE ce ceux-celles-ci avait reçuE une balle au dos ou au torse (nous n'étions pas certain à ce moment), et il dit qu'il ne devrait "plus y avoir que collaboration avec la police". Les gens s'en réjouirent et applaudirent. La rencontre fut très brève, car des gens de l'extérieur venaient nous informer de la présence policière accrue autour de l'école. Nous avons donc quitté l'école en vitesse pour se rendre aux endroits où l'on dormait. Durant la nuit, la police forma des lignes plus denses autour des écoles où on avait tenu des réunions.

SAMEDI

Samedi matin, près de 25 000 personnes se sont rassemblées pour une marche pacifique contre l'Union Européenne et la brutalité policière. Un rassemblement de 25 000 personnes doit être le plus important jamais tenu dans l'histoire de la Suède. Pourtant, on ne permit pas à la marche de se rendre au coeur de la ville, lequel était bloqué par des murs de conteneurs. La marche était tout juste ce que j'avais de besoin après une journée de violence: être avec des camarades du monde entier, criant notre haine envers la société capitaliste et criant nos espoirs pour la possibilité d'un nouvel ordre mondial fut positif. J'en ai apprécié chaque seconde, mâme si le temps était maussade. Ce qui est "drôle", c'est que cette manif monstre, pacifique, ne fut pas aussi couverte par les médias que ne le furent les tirs et les émeutes. 25 000 personnes, marchant dans les rues par conviction n'intéresse pas la presse bourgeoise, la presse tabloïd.

Suite à la marche, je me rendis au centre-ville pour trouver quelque chose à manger. J'ai parcouru une ville qui était en guerre. Des conteneurs partout, des gens effrayés et une tension singulière dans l'air. Je pensais aux coups de feu dont j'avais été témoin la veille, lorsque soudain j'entendis des sirènes, alors que des flics en tenue anti-émeute remplissaient la rue. Des fourgonnettes policières défilaient comme s'il y en avait sans fin. Le son du Pouvoir répercutait sur chaque mur et envahissait la rue. Le son du fascisme et de la violence assaillait mes oreilles... Les policier-ères avaient décidé d'entourer un carré de la ville, où les gens étaient paisibles, les poussant dans leurs fourgonnettes, lesquelles se dispersaient avec leur lot d'activistes. La mère d'unE amiE était sur sa bicyclette lorsqu'unE flic la poussa par terre et l'arrêta pour aucune raison. Un autre ami fut retenu par un flic qui lui pointait son arme à la figure. Environ cent personnes furent agressées et arrêtées (...)

Cette nuit, la tension était encore grande dans la ville. Je marcha de par les rues et rencontra des activistes, mais personne ne savait ce qui se passait. CertainEs affirmaient que les flics avaient abandonné, mais personne n'y croyait. Plusieurs voitures de police passèrent près de moi, alors que je marchais dans la nuit. Je détournais le regard, de peur de me faire enlever, pratique que la police avait utilisée toute la journée. Un gars qui fut jetté par terre et menotté demanda pourquoi il en était ainsi, on lui répondit qu'il "faisait du trouble". Il répondit que c'étaient les flics qui descendaient des gens: "oui, et la prochaine fois, on en descendra encore plus!"

Cette nuit-là, je n'ai pas très bien dormi. Je sentais que la ville était en guerre et je savais que bien que les manifs et les réunions étaient officiellement terminées, la guerre de la rue ne l'était pas. Cette nuit, la police débarqua dans une école que les activistes avaient louée pour le coucher, l'arme au poing, arrêtant tous-tes ceux-celles qui n'arrivaient pas à s'échapper.

Le lendemain, tout ça était fini et on retourna à Stockholm. Les événements de la fin de semaine inondaient les ondes et les journaux. On n'en avait que pour les violentEs activistes et les émeutes. On taisait la marche pacifique, on taisait la provocation policière à l'origine des violences, on taisait la violence policière à l'endroit de personnes innocentes de tous âges, on taisait la violence structurelle infligée aux peuples opprimés par l'Union Européenne, on taisait la voix des manifestantEs. Le policer qui avait tiré sur un manifestant fut décrit en termes héroïques, et plaida la légitime défense (bien qu'il tira dans le dos du manifestant). Les journaux étaient bondés de lettres des lecteurs y allant d'un unanime: "les flics avaient raison... nous avons besoin de plus de flics, de flics plus durs, nous devons contrôler ces terroristes." Tony Blair qualifia les 25 000 manifestantEs de "travelling anarchist circus."

C'était très triste, mais j'y étais, et je sais ce qui s'y est réellement passé. Je suis témoin oculaire des événements et voilà pourquoi j'écris cela. Pour que ma version soit entendue des gens qui me tiennent à coeur et des gens qui pourraient comprendre et non simplement croire tout ce que les médias bourgeois rapportent.

ET APRÈS ?

Qu'avons-nous appris de tout cela? Actuellement, c'est très difficile à dire. Peut-être qu'avec le recul de l'histoire, nous saurons tout de ce qui s'est déroulé à Göteborg , Prague, Nice, Seattle, etc. Ce que je perçois maintenant, c'est que la globalisation capitaliste, le néo-impérialisme, est la cause de tout cela. La violence structurelle contre les pauvres et les travailleurs-euses partout dans le monde devient si évidente que partout on se rassemble contre l'ennemi commun. C'est la même idéologie et les mêmes corporations qui détiennent le pouvoir, partout. Dans des moments où la pauvreté et la répression s'accroissent, les heurts entre le peuple et le Pouvoir deviennent plus violents.

Beaucoup condamnent la violence utilisée par les activistes durant les manifs de Göteborg: les pavés qu'on lança à la police et tout et tout... Mais la police savait qu'ils-elles avaient perduEs le contrôle de la situation, et ils-elles essayèrent de montrer qui était le "boss"en utilisant une violence inouïe contre n'importe qui et n'importe quoi. Personne dans les médias de masse ne condamne les flics d'avoir lancé des pierres ou d'avoir brutalisé des passantEs. Le flic qui a fait feu sur un jeune de mon âge, dans le dos, est présenté en héros. C'est épeurant. Les réactions de plusieurs personnes de gauche me laissent perplexes. Beaucoup encensent les Zapatistes et d'autres mouvements s'armant contre l'enfer marchand dans le Tiers-Monde, mais lorsque la bataille contre le capital est chez eux-elles, on condamne tout trop rapidement. On déteste les grandes entreprises qui le sont devenues en exploitant les ressources naturelles du Sud et en utilisant la main d'oeuvre infantile, mais dès que quelques-unEs résistent, on les taxe de "terroristes" et les flics ont tout le loisir de les buter impunément. Le moralisme de droite imprègne même les milieux qui sont exploités chaque jour par les grandes entreprises. L'Union Européenne n'est pas pour la classe ouvrière et la police ne travaille pas pour le peuple. Nous nous battons contre la Machine Destructrice Européenne et si tu veux dire quelque chose à tes dirigeantEs, cause toujours... ou pire, on te tirera dessus.

Cette fin de semaine fera l'histoire. Peut-être d'une manière négative, car la police aura plus de liberté dans le futur. Peut-être vont-ils-elles introduire en Suède les canons à eau et les gaz lacrymogènes (lesquels sont encore interdits ici). Peut-être est-ce que ça va être plus difficile d'organiser des manifs dans le futur. Peut-être que les gens se rappelleront uniquement des violence télévisées et oublieront les 25 000 personnes dans la rue, s'étant rassemblées pour une marche pacifique. Les gens oublient l'histoire bien vite. La Suède avait le mouvement ouvrier le plus militant jusqu'aux années trente. Tous les droits que nous avons, comme le droit de vote, la liberté d'expression, le droit des femmes à l'avortement, les congés et tout ça, furent gagnés par les ouvriers-ères après des luttes avec la police et les autorités.

Je crois que c'est un défi important: nous devons nous organiser globalement pour combattre cette nouvelle phase violente du capitalisme. Faisons savoir aux gens ce qui se déroule actuellement! C'est notre futur qu'ils-elles veulent vendre aux moins offrants. C'est maintenant à notre tour de se battre pour faire ce qu'on a fait de tous temps: gagner ses droits. Il faut éduquer, organiser, animer! Ce sera peut-être violent, et peut-être pas. Mais je crois que les puissantEs de ce monde n'abandonneront ni leur argent, ni leur pouvoir, ni leurs modes de production, ni leurs corporations aux masses sans essayer de nous abattre d'abord.

Détruisons le Capital! Jetons à terre la "Forteresse Europe"! Un autre monde est possible!



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