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La discrimination sans limites?

vieuxcmaq, Viernes, Noviembre 16, 2001 - 12:00

Frédéric Dubois (rclalq@cam.org)

À partir de mardi prochain, le paysage du logement au Québec sera discuté et considérablement amélioré nous le souhaitons. En effet débutera la Commission parlementaire sur le projet de loi 26 à l'Assemblée Nationale à Québec.

Le choc inévitable entre la vision du droit à la propriété privée et du droit au logement est nul autre que le choc entre un point de vue néolibéral du désengagement de l'État versus celui de la responsabilité sociale de l'État.

La discrimination sans limites?

Denis Cusson et Frédéric Dubois
Regroupement des Comités logement et Associations de locataires du Québec

Le Regroupement des Comités logement et Associations de locataires du Québec est un organisme sans but lucratif créé en 1978 et qui regroupe 28 groupes membres.

À partir de mardi prochain, le paysage du logement au Québec sera discuté et considérablement amélioré nous le souhaitons. En effet débutera la Commission parlementaire sur le projet de loi 26 à l'Assemblée Nationale à Québec. Ce projet de loi, apparu à la suite des demandes répétées de la part des représentants de locataires, fera l'objet d'une vive bataille.

Le 15 juin dernier, les comités logements, associations de locataires et groupes communautaires ont déposé plus de 11'000 signatures dans le cadre d'une campagne de pétition demandant que soit initié un projet de loi qui encadrerait le processus de recherche d'un logement. Le projet de loi a vu jour et une nouvelle ronde de combat commence. L'actuelle crise du logement qui sévit depuis au moins deux ans a créé un réel problème de société. La situation à Hull, Montréal et Québec est spécialement problématique puisque les taux d'inoccupation frôlent des niveaux tragiques avec respectivement 1.4%, 1.5%, 1.6% (SCHL-octobre 2000). Nombre de familles n'ont pu se loger au 1er juillet 2001 et sont encore aujourd'hui, à la veille de l'hiver, en recherche d'un logement permanent. D'ailleurs, de nombreux articles parus dans les grands quotidiens ont fait état des difficultés que rencontrent les locataires et spécialement, les locataires à faibles revenus.

La crise du logement est souvent perçue comme une situation qui s'est développée de façon normale, pour des raisons tout à fait naturelles. "L'économie s'est améliorée" nous dira t-on, "et c'est pourquoi certains, au lieu d'aller vivre en colocation, optent pour un appartement à eux seuls, ceci raréfie les logements". Ou encore, il sera question des mouvements migratoires banlieue-ville qui attirent de plus en plus de nouveaux locataires dans les quartiers centraux. Certes, ces raisons ont un certain poids, mais la source est ailleurs. La crise du logement qui se manifeste avant tout par une carence d'unités de logements locatifs prend sa source dans le désengagement de l'État. Le très radical lobby de l'Association des propriétaires d'appartements du Grand Montréal prône encore plus de désengagement en affirmant à l'emporte pièce: "ce sont plus de 20 ans d'ingérence et de réglementation du logement locatif par le gouvernement du Québec qui ont fait en sorte qu'il est pratiquement impossible, pour la majorité des propriétaires, de contrôler et de rentabiliser leur investissement". Traduction, cela signifie que cette association conçoit le logement comme rien de moins qu'une industrie où la loi du libre marché devrait régner. Le logement est un besoin fondamental, on ne peut se passer d'un toit sur la tête, ce faisant, même si les chartes canadienne et québécoise ne l'indiquent pas, le logement doit être élevé au niveau d'un droit social. Le choc inévitable entre la vision du droit à la propriété privée et du droit au logement est nul autre que le choc entre un point de vue néolibéral du désengagement de l'État versus celui de la responsabilité sociale de l'État. Laisser le dossier du logement dans les mains du "libre marché" ne règlera en rien la situation. Les salaires baissent et les loyers montent, les logements sont transformés en condominiums, la démolition fait rage et l'exigence de plus en plus abusive de renseignements personnels de la part de propriétaires ne sont que les exemples les plus criants de ce qui résulte d'un désengagement de l'État.

De plus, il est important de mettre les revendications des associations de propriétaires en contexte. Ces associations reviennent continuellement sur le syndrome du petit propriétaire. Nous reconnaissons que les petits propriétaires, ceux qui sont propriétaires occupants et qui ne possèdent pas plus de 6 unités de logement, seront affectés plus fortement par un retard de paiement que les propriétaires-investisseurs. Mais d'invoquer les petits propriétaires à chaque occasion relève de la mauvaise foi. Est-ce par une résiliation de bail que leurs problèmes seront résolus? Une grande partie des locataires ne voient pas leurs revenus augmenter, voilà le problème! En réalité, les associations de propriétaires au Québec ne représentent que très peu ces fameux petits propriétaires. Elles représentent des promoteurs immobiliers pour qui la libéralisation et la déréglementation des normes, lois et règlements riment avec maximisation des profits. Il est évident qu'avec une telle approche, ces associations ne peuvent faire autrement que de revendiquer de tout savoir sur la vie des locataires par le biais de collectes de renseignements personnels (non seulement leurs revenus, mais aussi leurs dépenses), l'élimination du bail obligatoire et la prolifération sans frein de pots de vin, soit des frais dits pour enquête de crédit.

En toile de fond, la discrimination explose à une vitesse effrénée. Les comités logements, associations de locataires, groupes communautaires et autres acteurs sociaux qui viennent en aide aux locataires le constatent. À la discrimination directe basée sur le racisme, l'âge, la langue, le sexisme ou l'orientation sexuelle vient s'ajouter désormais, et de façon incontrôlée, une discrimination contre les gens à faibles revenus. Les familles monoparentales ou des familles pauvres se retrouvent à la rue bien souvent. Les assistés sociaux aussi sont de plus en plus assujettis à une discrimination que ces associations de propriétaires érigent en système. Bien souvent, une famille monoparentale devra signer un bail à la limite de ses moyens pour s'assurer un logement. Cela aura pour conséquence que le/la chef de famille consacrera 50% de ses revenus au loyer. Comment voulez-vous que dans ce contexte, tous y trouvent leur compte?

Pour cette perversion qui a notamment été constatée de manière flagrante le 1er juillet 2001, le gouvernement devrait agir sans hésiter. Il doit entre autres limiter la collecte de renseignements personnels des aspirants locataires. La date de naissance par exemple, ouvre la porte aux enquêtes de crédit. Le dossier de crédit de quelqu'un ne dit absolument rien sur la capacité d'une personne de payer son loyer. Lorsque le loyer est en fonction des revenus de ses locataires, (exemple: 25% des revenus), il y a très peu de situations de retard dans le paiement de loyer. Par exemple, le taux de mauvaises créances dans les Offices Municipaux d'Habitation (de type HLM) est de 0.8%. La Régie du logement devrait enregistrer tous les baux afin que les augmentations de loyers soient contrôlées, les sommes d'argent exigées par certains propriétaires comme "dépôts" devraient être bannis et sévèrement punis. De plus, il est inacceptable d'accélérer le processus de traitement de demandes en résiliation ou recouvrement de loyer en cas de retard de paiement de plus de trois semaines. Le traitement de ces demandes est déjà en mode accéléré. Elles sont traitées en 40 jours alors que celles des locataires pour obtenir des réparations au logement prennent de 4 à 6 mois avant d'être entendues. Nous proposons plutôt que l'on tienne compte des motifs de retard du locataire et des préjudices occasionnés au propriétaire. Les locataires devraient aussi pouvoir demander une fixation du loyer lorsque le propriétaire bénéficie de diminution de ses dépenses. Enfin, nous demandons à ce que le gouvernement permette la résiliation du bail pour les motifs de violence conjugale ou d'agression sexuelle et que le délai accordé, pour résilier son bail pour ces motifs, soit d'un mois.

Il est important que la ministre Harel apporte les modifications nécessaires pour faire en sorte que le projet de loi 26 encadre véritablement la recherche de logement. Un vide juridique sera ainsi comblé. La question persiste pourtant toujours à savoir si le gouvernement voudra, une fois pour toutes, prendre ses responsabilités en envoyant un message clair contre la discrimination et pour le droit au logement.



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