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15-16 Octobre 2001: Terreur institutionnalisée à Toronto

vieuxcmaq, Viernes, Noviembre 2, 2001 - 12:00

Gabriel Anctil (ballonbleu@hotmail.com)

Compte rendu des évènements entourant la manifestation du 16 octobre dernier, contre le gouvernement Harris et le néo-libéralisme, à Toronto.

15-16 Octobre : Terreur institutionnalisée dans les rues de Toronto

par Gabriel Anctil

Le 16 octobre dernier, en plein cœur du centre financier du Canada, à Toronto, avait lieu une campagne de perturbation économique visant à dénoncer les politiques et les conséquences des lois néo-libérales du gouvernement Harris, sur les populations locales. Ce fut aussi une opportunité pour dénoncer le néo-libéralisme des gouvernements de droite du Canada et du monde.
Cette manifestation a réuni plus de 2000 personnes venues crier leur opposition à ces gouvernants élus par une classe moyenne et bourgeoise qui ont pris les moyens et le pouvoir de monopoliser la démocratie, et de l'enlever à tout un pan de la population, à ces moins nantis, à ces sans-abri, à ces chômeurs, à ces étudiants, à ces travailleurs, à ces marginaux et à ces utilisateurs de programmes sociaux, qui n'ont plus aujourd'hui en Ontario, comme en Alberta, au Québec, aux États-Unis et comme bientôt partout sur la planète, si la tendance se maintient, mais surtout en Ontario, accès à la politique, à cette " démocratie participative " qu'on vante tant, alors contrôlée par la logique implacable et sans pitié du capitalisme féroce. Faut-il " faire confiance à l'éthique du capitalisme", comme l'a si bien dit Bernard Landry à deux reprises lors d'un débat sur la concentration de la presse au Québec? Les membres de l'O.C.A.P. (Ontario Coalition Against Poverty), organisateurs de cette manifestation, n'y croient plus et on lancé cette campagne qui a eu pour effet de bloquer le centre-ville financier de Toronto pendant plusieurs heures.

Le but de la manifestation

L'O.C.A.P., est une organisation anti-pauvreté qui existe depuis maintenant dix ans, et qui est active un peu partout en Ontario. Elle lutte dans les quartiers pauvres, avec les sans-abri, contre la brutalité policière, contre les coupures dans les programmes sociaux et contre la marginalisation par l'État des plus pauvres. Ils ont mis sur pied des centres communautaires qui reçoivent des milliers de sans-abri à chaque soir, ont créé des cuisines communautaires qui offrent des repas à ces laissés pour comptes, s'occupent de logements sociaux et de la défense des droits des sans-voix, en plus d'organiser des manifestations pour dénoncer ce qu'ils observent chaque jour dans les rues de Toronto, de Sudbury ou encore de Windsor, c'est à dire, une diminution des gens qui profitent du système et une augmentation à la fois des avoirs de la minorité richissime et de l'autre côté du miroir, du nombre de damnés du gouvernement conservateur ontarien.
Comme l'explique Gaétan Héroux, un des membres organisateur de l'O.C.A.P. : " On veut travailler avec d'autres comités, on veut créer un front qui va confronter l'agenda de Monsieur Harris et de son gouvernement. On arrête cette attaque, on ne retraite plus, on avance parce qu'on est tanné de voir notre monde mourir dans la rue. " Il y a eu plusieurs victimes de l'abus du gouvernement et de sa police : Dany George qui a été tué par balle par la police, en 1995, ou encore, plus récemment, il y a eu Kimberley Rogers qui est morte, à Sudbury, arrêtée chez elle, à qui l'on avait interdit de collecter le bien-être social. " Demain on va aller au quartier financier parce que c'est eux autres d'après ce qu'on voit qui sont impliqués dans l'agenda de Monsieur Harris. On veut marcher dans ces rues, on veut montrer au monde qui vote pour ces personnes-là. qui disent qu'ils veulent les compressions sur le bien-être social, on veut que ça arrête, si ça arrête pas, on va discuter nos vies comme nos vies sont discutées. " raconte Gaétan Héroux.
Cette manifestation s'attaque aux politiques de M. Harris, mais aussi au néo-libéralisme en général : " M. Harris représente un agent, au Canada, à travers le monde, qui est une personne qui est prête à enlever tous les programmes sociaux qu'on a luttés pour, qui est prêt à attaquer les syndicats alors qu'ici, aujourd'hui, en Ontario on a maintenant une semaine de travail de 60 heures. Il a créé un environnement où la province a abandonné tout un secteur de leur population. "

Les acteurs en jeu

Cette journée du 16 octobre a mis en scène trois acteurs de la société, qui se sont affrontés sans pitié : d'un côté les manifestants qui regroupaient des militant-e-s anti-pauvreté, anti-globalisation, anti-néo-libéral, des étudiants-e-s, des citoyen-ne-s aîné-e-s, des travailleurs et travailleuses dans le domaine de la santé, de l'éducation, des militant-e-s anti-racistes, des militant-e-s pacifistes contre la guerre en Afghanistan, des chômeurs et des chômeuses, des sans-abri-e-s, des immigrant-e-s, des réfugié-e-s et des autochtones. Tous ceux qui souffrent des compressions dans les services sociaux. Les oubliés et les sans-voix de partout au Canada s'étaient données rendez-vous à Toronto, appel, auquel plus de deux cents manifestants du Québec ont répondu, qui ont crié haut et fort leur colère en français dans les rues hostiles de la ville reine. En face, à gauche, à droite, par-derrière comme par-devant, infiltré un peu partout, très visible ou encore invisible, plus de 1500, le plus dangereux et le plus violent des groupes présents lors de cette manifestation, usant de menaces et de terreur, " grands défenseurs de la libre-expression et de la démocratie " pour ne pas dire de l'Ordre établi : " Le Blue Block ", armé jusqu'aux dents de boucliers, de matraques, de fusils à décharge électriques, de menottes, protégé du crâne aux orteils, sans remords aucun ayant en poche un chèque en blanc des gouvernements municipal, provincial et fédéral, en plus de posséder le bénéfice du doute en toute circonstances; les policiers casqués et cagoulés, quand ce n'est pas déguisés en simples manifestants, tout aussi anonymes les uns que les autres, envoyés par l'État pour protéger les biens matériaux ainsi que les valeurs des bourgeois et des hommes et femmes d'affaires, qui de part leur silence, leur accorde l'impunité totale et de part leur absence, une adhésion à la violence des matraques et des arrestations sommaires. Qui aux sons des bottes et à l'odeur du sang, défendent un système qu'il est interdit de contester et une classe établie qu'il est impossible de déloger. Finalement, ces travailleurs et travailleuses de la bourse, des banques et autres multinationales implantées dans les environs de Bay Street (le centre des affaires de Toronto), qui ont observé, confortablement protégés par les vitres de leurs bureaux, ces bruyants marcheurs-es venus défier leurs valeurs et leur dire, quoi que les bureaux semblaient être équipés de puissants systèmes insonorisant, que la société était malade et qu'il était temps de partager et d'abattre les inégalités qui tuent quotidiennement.

L'intimidation en anglais s'il-vous-plaît

Le 15 octobre, vers midi, trois autobus (dont un de l'AGEsshalcUQAM) ont quitté Montréal en direction de Toronto. Arrivés à destination vers 20 heures, ils ont été reçus par une trentaine de policiers de Toronto, des détectives et de simples servants de la loi. Avant même d'avoir pu mettre le pied dans cette " superbe " ville, deux d'entres eux ont visité les autobus, pour nous expliquer qu'ils étaient au courant de ce qu'on allait faire là-bas, ayant lu nos courriels et ayant écouté nos appels téléphoniques. De leur ton le plus paternaliste, ils nous ont conseillé de bien rester calme, qu'ils nous avaient à l'œil et qu'ils nous suivraient pas à pas tout le long de notre séjour. Le discours étant donné en anglais, un policier-traducteur avait été dépêché sur les lieux pour bien faire passer le message. De toutes les force de police du grand Toronto, ils n'ont même pas été capable d'en trouver un qui pouvait traduire la " pensée " anglophone en un français acceptable. C'est ainsi que le mot " protest " a été traduit par " festival " et que le terme " we know why you came here " a été traduit par " bienvenue ". De quoi se sentir bien chez soit, d'un océan à l'autre de ce grand pays bilingue. De plus, à la sortie des autobus, pour se sentir encore plus à l'aise, un caméraman de la police filmait chaque manifestant, qui apparaîtrait bientôt dans les fichiers de la police; crime : avoir voyager en autobus, d'une province à l'autre. Qu'est-ce que ça aurait fait comme scandale si les manifestants qui étaient venus d'un peu partout à travers le Canada, chanter leur amour du Québec à la veille du referendum de 1995, avait reçu pareil accueil de la police de Montréal. Par la suite, ils ont effectué une rapide fouille illégale dans un des autobus, qui était maintenant vide, sans l'accord du chauffeur ou d'aucun manifestant qui ont loué l'autobus.
Après une courte nuit de sommeil, pour ceux qui ont dormi, sur le plancher d'une ancienne église convertie en centre communautaire pour sans-abri, la manifestation a commencée à 4h00 du matin. Le contingent québécois s'est donc mis en route, sous la nuit et au son de la pluie, en direction d'un parc de la ville. Escorté par une dizaine de camions de police, le groupe s'est vu bloquer l'accès à une intersection menant au parc, où le reste des manifestants déjeunaient aux crêpes, en attendant le début de l'occupation du centre-ville qui devait avoir lieu vers 6h00 du matin. Déjà, avant même que la campagne de perturbation ait commencée, des individus avaient déjà été arrêtés, par précaution, soit parce qu'ils étaient en possession de masques à gaz, soit simplement parce qu'ils marchaient dans les rues de la ville. C'est alors engagé le jeu du chat et de la souris entre manifestants québécois, perdus dans une ville qu'ils visitaient en grand nombre pour la première fois, et les policiers qui par dizaines leur bloquaient les rues, tentaient de les encercler ou de les mener dans leurs filets. Ce petit jeu dura au minimum deux heures et demi, où le simple fait de marcher dans l'hostile Toronto était devenu répressible par la loi. Finalement, vers 8h00, après avoir marché en rond dans le quartier des affaires, pourchassé par des hommes en bleu, terriblement agressifs et intimidants, nous avons rejoint l'autre groupe de manifestants, beaucoup plus gros que nous, qui regroupait plus de 1500 personnes.
De 8h00 à midi, les manifestants ont donc réussit à bloquer le centre des affaires du Canada, ce qui était le but de la manifestation. Les policiers se faisaient plus discrets et l'atmosphère était à la fête. Le cortège était pacifique en grande majorité. Quelques boîtes de journaux ont été mises dans la rue pour bloquer la circulation et un drapeau américain a été tâché, mais rien à comparer à la campagne de peur et d'intimidation dont nous avions été victime de la part des policiers.
Les gens chantaient, dansaient, criaient des slogans contre la guerre aux pauvres et aux Afghans, contre le néo-libéralisme, contre la brutalité policière, pour la solidarité et la justice, tant en français qu'en anglais.
Vers midi, quand la foule s'est dispersée, que la manifestation prenait fin, c'est alors que des policiers vêtus en civils (comprendre, des infiltrateurs), ont sauté sur quelques manifestants, au vu et au sut de tous. Quelques échauffourées ont alors explosées entre policiers qui sortaient de partout, et manifestants en colère, exaspérés par la violence des " agents de la paix ". D'autres arrestations ont eu lieu tout au long de la journée, des kidnappages plutôt, en pleine rue, comme il y en a tant eu à Québec, lors du Sommet des Amériques. La colère d'un bord et le monopole de la violence, institutionnalisé, entraîné, équipé et valorisé, de l'autre.

Une journée comme les autres?

Comme durant les évènements de la Crise d'Octobre en 1970, où plusieurs centaines de personnes furent arrêtés sans mandat ou motif quelconque, comme à Toronto, les 15-16 octobre dernier, comme à Québec, les 19-20-21 avril 2001; les pratiques policières se radicalisent au point d'abuser des pouvoirs qui leur ont été confiés par la population. Depuis le 11 septembre, les politiciens ont instauré une ambiance de paranoïa qui empêche tout citoyen de contester leurs décisions. Depuis le 11 septembre, le peuple est devenu une menace à la sécurité de l'État et les militants sont maintenant considérés comme des terroristes, parce qu'ils remettent en question le système, ce qui est interdit en " temps de guerre ". Ce qui s'est déroulé les 15-16 octobre dernier à Toronto, toute cette répression et cette intimidation sont en voie d'être légiférées et acceptées. Le projet de loi C-36 (loi anti-terroriste), est ce qui constitue le plus grand danger pour la démocratie, depuis la loi sur les mesures de guerre, adoptée par ce même gouvernement libéral, il y a plus de 30 ans. Il faut continuer de lutter et lancer un message clair aux gouvernements canadiens, que nous n'accepteront pas de vivre quotidiennement dans la peur et la terreur de leurs régimes autocratiques.



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