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Les mouvements de luttes contre la mondialisation capitaliste depuis le 11 septembre 2001

vieuxcmaq, Viernes, Octubre 26, 2001 - 11:00

Carl Desjardins (cdesjardins10@hotmail.com)

C’est malgré tout dans un contexte plus grave et plus difficile que les mobilisations vont se développer et que les mouvements de lutte contre la mondialisation vont se construire. Une situation qui exigera de ces mouvements une plus grande attention pour les problèmes démocratiques et pour la question de la paix et de la sécurité des peuples : pour les populations du sud, à l’accroissement des inégalités s’ajoute aujourd’hui la crainte des interventions militaires, qu’elles viennent des puissances occidentales ou des gouvernements locaux qui utilisent la conjoncture pour régler des conflits qui restaient parfois latents

Le mouvement mondial qui s’est exprimé de Seattle à Gênes avait comme adversaire symbolique Wall Street, qui représentait la puissance des marchés financiers, mais aussi le Pentagone, figure de la domination impériale et du militarisme états-uniens. Avec un sinistre parallélisme, ce sont ces cibles qui ont été visées, là de façon bien réelle, par les auteurs des attentats meurtriers de Washington et de New-York. Cette relation n’a évidemment aucun sens pour ceux-ci, engagés dans le mouvement contre la mondialisation capitaliste, savent bien que la force de ce mouvement et sa capacité à transformer le monde dépendent avant tout de son caractère massif, du soutien des opinions publiques et de l’engagement démocratique des mouvements sociaux qui lui donnent sa base et ses racines. Un mouvement particulièrement important aux États-Unis même, où les syndicats et ONG préparaient une manifestation très large pour le 30 septembre à Washington, au moment de l’assemblée générale du FMI et de la Banque Mondiale. Mais cette relation est utilisée par ceux qui cherchent tous les arguments possibles pour défendre la mondialisation capitaliste et le système actuel.

Plus encore que le signe d’une évidente mauvaise foi, c’est ne pas voir, qu’au contraire, il y a dans le mouvement de lutte contre le retour au capitalisme sauvage des éléments de réponses à de telles atrocités.

L’insurrection zapatiste du Chiapas, le 1er janvier 1994 est probablement l’événement fondateur du mouvement qui a fait irruption sur la scène mondiale à partir de Seattle. Et la force du zapatisme a été de défendre l’identité et les revendications spécifiques des amérindiens du Chiapas en même temps qu’il lançait un appel universel contre le libéralisme et pour la création d’un mouvement mondial qui s’est concrétisé dans la première rencontre « intergalactique » de l’été 1996. Cette capacité à défendre les identités et les spécificités des mouvements tout en développant des alternatives au niveau mondial est une des caractéristiques essentielles du mouvement qui se construit, de Seattle à Gènes.

Dans son extension à tous les continents, ce mouvement offre une réponse internationaliste à tous ceux qui se révoltent et luttent contre un système qui aggrave les inégalités et les exclusions. Cela a été le cas à Porto Alegre pour tous les mouvements de défense des peuples aborigènes en Amérique Latine. À Gènes, la présence d’une délégation de 50 représentants de syndicats et de mouvements russes et ukrainiens leur a permis de tisser de nombreux contacts et d’envisager l’insertion régulière des militants russes dans le mouvement mondial. Et la mobilisation contre le nouveau cycle de négociations dans le cadre de l’OMC qui doit s’ouvrir au Qatar est aussi l’occasion de se lier aux mouvements qui existent dans le monde arabe, et cela grâce à des conférences et des initiatives prises au Caire et à Beyrouth. Le développement du mouvement sur le plan mondial, comme celui des luttes sociales et démocratiques, permet d’offrir un autre cadre de réponses que les replis nationalistes, intégristes ou réactionnaires. Ainsi en France, le développement des luttes, dans les années 1990, a précipité la crise et le déclin du Front National qui s’appuyait sur les couches populaires frappées par la crise économique.

Les attentats du 11 septembre ne peuvent que renforcer notre conviction de l’importance et de l’urgence de développer ce mouvement mondial, démocratique et non-violent, qui est seul à pouvoir porter des alternatives globales à la mondialisation libérale.

Mais ces attentats devraient être aussi, pour les gouvernements des grandes puissances, et d’abord celui des États-Unis, comme pour les institutions internationales, l’occasion d’une remise en cause des politiques menées depuis des décennies. Nous avons vu que, depuis les premières déclarations de George W. Bush, la « Lutte du bien contre le mal » ou, à propos de Ben Laden « Nous le voulons mort ou vif », rappellent la guerre froide. L’option utilisé fut celle de l’option militariste et répressive. Une nouveauté dans la situation : au-delà même des alliances jugées nécessaires par les États-Unis dans leur lutte contre le terrorisme, la poursuite de la mondialisation rend difficile les stigmatisations nationales ou culturelles. Plus que le choc des civilisations que pronostiquait Samuel P. Huntington, la « guerre » qu’entendent mener les dirigeants états-uniens risque bien d’être une guerre civile. Le terrorisme sera la première cible, mais, dans cette nouvelle croisade, les « ennemis de l’intérieur » - forces radicales, mouvements sociaux et mouvements de lutte contre la mondialisation libérale – pourraient être rapidement mis en accusation en même temps que des mesures de restriction des libertés comme celle du projet de loi C-36 mis de l’avant par le gouvernement canadien.

Une telle orientation peut être la source de nouvelles contradictions entre « grands pays », et en cela la situation est différente de celle qui prévalait lors de la guerre du Golfe. En Europe, plusieurs responsables gouvernementaux ont fait entendre une voix un peu différente. Après l’expression de leur solidarité avec le peuple états-uniens, ils ont insisté sur les réponses à apporter sur le fond des problèmes politiques, en particulier au Moyen-Orient, et sur la nécessité de régulations au niveau mondial. Cette volonté d’autonomie européenne est confortée par le résultat de deux conférences internationales. Celle de Bonn, où le protocole de Kyoto a été signé par de très nombreux pays, dont l’Europe, mais sans les États-Unis. Et celle de l’ONU à Durban où, sur le racisme, une résolution a été adoptée avec le soutien des Européens, alors que les États-Unis avaient quitté la réunion. Ces contradictions pourrait ouvrir des espaces aux mouvements, comme cela a été le cas pour l’AMI ou l’assemblée générale de l’OMC à Seattle. Cette question va cependant rester ouverte, les pressions étant fortes pour la poursuite d’une solidarité occidentale. Le prochain cycle de négociation sur le commerce qui vas s’ouvrir au Qatar le 9 novembre, dans le cadre d’une mobilisation internationale qui change la donne au niveau mondial.

C’est malgré tout dans un contexte plus grave et plus difficile que les mobilisations vont se développer et que les mouvements de lutte contre la mondialisation libérale vont se construire. Une situation qui exigera de ces mouvements une plus grande attention pour les problèmes démocratiques et pour la paix et de la sécurité pour les peuples : pour les populations du sud, à l’accroissement des inégalités s’ajoute aujourd’hui la crainte des interventions militaires, qu’elles viennent des puissances occidentales ou des gouvernements locaux qui utilisent la conjoncture pour régler des conflits qui restaient parfois latents. Mais c’est dans cette « autre mondialisation » que réside l’espoir d’un monde plus juste et plus sûr pour tous les peuples de la planète.

- Tiré du courriel d’ATTAC



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