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L’Engouffrement ou l’échec de l’humanité

vieuxcmaq, Martes, Septiembre 18, 2001 - 11:00

Michael Lessard (micles@geocities.com)

Il m’est venu le besoin de communiquer le pire scénario qui me semble plausible en prévision des assauts militaires à venir des États-Unis, une semaine après les massacres du 11 septembre 2001 à New York et au Pentagone. Non pas le pire scénario dans un monde imaginaire, mais plutôt un affreux scénario possible dans le monde réel, du moins, selon mes connaissances et ma perspective du monde. Ce qui est drôle, c’est que nous avons à peine le temps de réfléchir et de prévoir. Je commence à peine à le faire, qu’il est déjà « trop tard » : la machine de guerre roule. Les États-Unis n’écoutaient pas avant et ils écoutent encore moins maintenant.

18 septembre 2001, Ville de Québec, Canada

L’Engouffrement ou l’échec de l’humanité

Il m’est venu le besoin de communiquer le pire scénario qui me semble plausible en prévision des assauts militaires à venir des États-Unis, une semaine après les massacres du 11 septembre 2001 à New York et au Pentagone. Non pas le pire scénario dans un monde imaginaire, mais plutôt un affreux scénario possible dans le monde réel, du moins, selon mes connaissances et ma perspective du monde. Ce qui est drôle, c’est que nous avons à peine le temps de réfléchir et de prévoir. Je commence à peine à le faire, qu’il est déjà « trop tard » : la machine de guerre roule. Les États-Unis n’écoutaient pas avant et ils écoutent encore moins maintenant.

Osama bin Laden est une icône, une image symbolique du terrorisme anti-États-Unis. Nous ne savons pas s’il est ou non coupable et l’histoire nous démontre que le gouvernement des États-Unis peut mentir au monde entier, mais nous pouvons prédire que, lorsqu’une attaque sera lancée contre lui et son organisation, des centaines de cellules terroristes indépendantes qui le supportent à travers le monde vont certainement riposter furieusement. Lorsque le gouvernement des États-Unis va massacrer un nombre inestimable d’innocents en Afghanistan ou ailleurs, s’il y avait une centaine de cellules terroristes, il y en aura désormais bien plus, deux cents, trois cents, qui sait combien. Non pas uniquement des terroristes, mais aussi des nouveaux rebelles armés, de plusieurs nationalités, soit des gens qui n’ont jamais eu de visées terroristes, qui ne désiraient pas user de violence contre « l’empire américain », mais qui vont estimer que la seule manière de calmer les ardeurs génocidaires du dit empire sera de le combattre par la force. À vrai dire, en temps de guerre, il n’est plus question de terroristes et de non terroristes, mais de belligérants tous aussi meurtriers les uns que les autres. Les militaires des États-Unis ou les rebelles vont tous et chacun tuer des innocents. Au lieu de combattre le terrorisme, il s’agira d’une guerre hors contrôle contre un peu n’importe quoi. Tous ces gens qui retenaient leurs désirs de vengeance, leur colère face au propre terrorisme et massacres des États-Unis, ceux-ci vont exploser dans un contexte où ils se diront qu’il n’y a qu’une seule manière de vaincre, où ils jugeront que, par la force des événements, la violence est nécessaire contre « l’empire ». S’ils provoquent cette « guerre mondiale », toutes les stratégies seront « bonnes » selon les belligérants, sans limite humanitaire, légale ni morale.

Suis-je alarmiste ? Oui, dans le sens que je veux sonner la sirène avant que le bombardement commence, avant que l’on subisse les conséquences. Est-ce que mes prévisions sont folles, démesurées et ainsi de suite ? Non. Un grand nombre de cellules terroristes vont riposter, cela est certain. Elles seront extrêmement motivées, cela aussi est sûr. Que des centaines de nouvelles cellules rebelles, de toutes sortes, vont naître, cela aussi est logique. Que celles-ci vont fort probablement aussi attaquer leurs alliés tels la Grande Bretagne et le Canada, cela va de soi. Que les belligérants vont cibler surtout les forces armées, je l’espère pour les honnêtes gens. Et que, nous, citoyens et citoyennes du monde vont réussir à y mettre fin... et bien, je nous souhaite bonne chance.

On pourrait dire que les dirigeants « savent ce qu’ils font ». Pour ma part, je présume que cet « empire », le gouvernement des États-Unis, est tout à fait conscient des conséquences de ses choix. Les citoyens et citoyennes, ont-ils les mêmes objectifs que leur gouvernement ? Les personnes aux États-Unis partagent certes tous une culture relativement commune, mais les penseurs stratégiques des États-Unis ont des objectifs et des plans qui différent évidemment de ceux de Monsieur et Madame Tout Le Monde qui ne demandent qu’à vivre en paix. De la même manière que les honnêtes gens en Irak ne méritaient pas onze années de blocus, onze années de torture économique et de désespoir, pour des raisons qui n’ont strictement rien à voir avec eux. Les plus de 500,000 enfants morts par cause de ce blocus (ex.: UNICEF, 1999) n’avaient rien demandé à personne, n’étaient membres d’aucun parti politique, ne cachaient aucune arme sous leur lits et étaient trop jeunes pour même connaître les mots Saddam Hussein, États-Unis, guerre et ainsi de suite.

Lors de la Guerre du Golfe persique (1990-1991), l’Irak n’a pas utilisé d’armes de destruction massive telles les armes chimiques et l’Israël n’a pas utilisé son arsenal nucléaire. Ces horreurs étaient possibles, mais ils ont réussi à éviter le pire, du moins, pendant l’assaut militaire en tant que tel. Les conséquences sur la société irakienne sont dignes d’un des pires crimes contre l’humanité. Cette fois-ci, la situation est différente et les risques sont plus grands. Nous faisons encore face à une superpuissance qui ne veut pas réellement d’une justice internationale et qui ne se retient pas lors de ses assauts militaires, à la différence, cette fois, que la cible n’est pas un pays ayant de quoi à perdre, mais plutôt des individus qui sont prêts à tout sacrifier dont leur propre vie. Si vous doutez des conséquences horribles qu’une telle guerre va avoir, remarquez que des centaines de milliers de gens en Afghanistan commencent déjà à souffrir de la faim dans leur fuite en réaction à la terreur des menaces états-uniennes. Des agences de l’ONU affirment que plusieurs millions risquent la mort par famine dans les mois à venir.

J’ai peut-être un certain flair vis-à-vis des défauts dans les systèmes humains et de la bêtise humaine, ou peut-être, en toute franchise, est-ce tout simplement évident et prévisible. Mais je présume surtout que le gouvernement des États-Unis est tout à fait capable de prévoir la même chose que moi. Ils le savent, néanmoins, ils vont le faire malgré tout. Donc, on doit conclure qu’ils y ont intérêt. En fait, logiquement, n’est-ce pas signe qu’ils voulaient une guerre, mais qu’ils leur manquaient un prétexte ? C’est comme s’ils jouaient un jeu de stratégie de guerre, dans lequel ils espèrent assurer leur superpuissance et peut-être aussi détruire certains gouvernements, certains opposants, conquérir des nouveaux marchés ou faire rouler « l’économie » mais, dans le jeu de la vraie vie, il leur faut un prétexte pour mobiliser la ferveur nationale ou la fièvre nationaliste. Pourquoi ? Est-ce que, dans leur vision du monde, la seule chose qui soit bonne et les seuls gens qui soient humains, c’est eux-mêmes, les États-Unis ? Les « Autres » ne sont pas tout à fait des êtres humains, ils ne sont pas dans « La » civilisation : l’Autre n’est qu’une « chose ». J’ai vraiment l’impression que plusieurs semblent se dire que le jour où le monde entier aura été converti à leur culture, qu’ils nomment américaine, que c’est à ce moment là que l’humanité aura évolué et pourra connaître une certaine paix. Il y a là un vice terrible. À l’insu de ceux et celles qui pensent de cette manière « uni-culturelle », se cache justement la profonde stupidité des êtres humains, source de nombreuses guerres dans l’histoire humaine : nous avons raison, nous devons imposer notre vision quitte à exterminer l’autre, un seul peut gagner. Moi, je ne crois pas qu’un seul doit gagner, mais bon, que voulez-vous... Cette vision surtout états-unienne de la « mondialisation », n’a rien à voir avec la mondialisation dans son sens véritable de relations humaines internationales.

J’ai eu la chance de pas grandir dans la guerre et de ne pas être éduqué dans un climat de propagande haineuse. Ainsi, je vois bien qu’il y a d’autres options que la guerre, tout comme la plupart des gens je l’espère. Mais la stupidité de l’humanité nous afflige tous, encore et encore. Peut-être que cette fois-ci, il y a espoir. Peut-être que cette fois-ci, il va y avoir un mouvement massif de citoyens et de citoyennes du monde qui vont, ensemble de manière non violente, réussir à suffisamment raisonner tous ces enragés. Il me semble toutefois clair que le premier enragé qu’il va falloir calmer, c’est le gouvernement des États-Unis. Avec un peu de chance, les citoyens et citoyennes des États-Unis vont voir la folie, les horreurs qu’ils vont avoir provoquées, mais il se peut fort bien que nous soyons obligé d’insister auprès d’eux pour les amener à voir que leur guerre n’est pas une solution, mais bien plutôt le problème. Je ne suis pas naïf, je ne crois pas qu’ils vont soudainement ressentir les horreurs que leur gouvernement a commis ces dernières décennies. Ce sont des choses qu’ils ne veulent pas voir ou ressentir et il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Donc, il est clair que ce mouvement mondial non violent pouvant faire évoluer un peu l’humanité, ne va pas être mené par les États-Unis, mais d’un peu partout ailleurs dans le monde. Et juste un petit message pour mes concitoyens et concitoyennes du Canada : il est totalement prévisible que nous ne pourrons aucunement compter sur l’exécutif de notre gouvernement pour y arriver. Heureusement, je n’ai pas entièrement raison au sujet de ladite vision des États-Unis, car au-delà des frontières, les êtres humains partagent tous une humanité commune.

Étant humaniste, je reste optimiste et je veux croire que, tôt ou tard, après combien de gens massacrés, nous aurons évolués. Ma vérité, c’est que j’ai le coeur lourd. Le coeur lourd en chien comme on dit ici au Québec. Après avoir tant essayé d’informer les gens au sujet d’interventions et de politiques meurtrières en violation de toutes les belles paroles du droit international, de divers crimes perpétrés par les États-Unis et auxquels participe parfois le gouvernement canadien, il est certain que j’espérais ne jamais vivre ce genre de folie mondiale. Dans le fond de moi-même, je savais très bien que la possibilité était là. Avec l’observation du comportement des êtres humains et avec un minimum de connaissances historiques, on savait bien qu’il était possible que nous soyons obligés de faire face aux horreurs de l’humanité lors de notre vie. Ces horreurs qui risquent de devenir plus intimes... Avant, elles étaient plus éloignées. On pouvait dormir et faire semblant qu’elles n’existaient pas. On pouvait massacrer des innocents au loin et faire de son mieux pour ne jamais trop le savoir, pour ne pas écouter tous ceux et celles qui essayaient certainement de nous informer malgré nous. Si ce n’était pas votre cas et que vous avez cherché activement à savoir ce que les médias télévisés ne semblaient pas vouloir vous dire, sachez que vous êtes rare. Certaines informations sur les effets néfastes d’interventions ou de politiques occidentales, pourtant factuelles et vérifiables, ne cadrent pas dans le maudit patriotisme subconscient de trop de journalistes des médias télévisés. Si, au moins, un bon nombre des médias télévisés ne se protégeaient pas eux-mêmes en refusant de faire face à certaines horreurs ou en refusant de diffuser ce que les gens, il semblerait, ne veulent pas savoir. L’humanité dort, mais préfère ne pas se réveiller, par peur de voir les morts. À vrai dire, l’humanité ce n’est pas nous, c’est donc surtout l’Amérique du Nord qui dort les yeux bien fermés.

Cette pesanteur que je ressens à l’intérieur, c’est un sentiment d’échec personnel et collectif. Collectif, parce que je fais partie des peuples nord-américains. Je suis en partie responsable malgré tous mes efforts. Disons que je préfère me sentir responsable, que me joindre à la majorité qui va se mentir et se faire croire qu’elle n’est pas responsable, qu’elle joue aucun rôle dans ces atrocités. Ce n’est pas une question de culpabilité. C’est une question de citoyenneté, d’humanité, du fait que nous participons à ce monde que nous le voulions ou non, qu’on l’assume ou non. En écrivant ce texte, mon but n’est pas de faire la morale, mais c’est justement d’assumer ma responsabilité, d’assumer que je suis citoyen de ce monde, que je fais partie de ce tout, de cette humanité qui risque de sombrer à nouveau. Je veux aussi dire que mes confrères et consoeurs canadiens-nes et québécois-es devraient peut-être assumer qu’ils sont les mieux placés pour influencer nos voisins états-uniens. C’est lourd, mais j’assume qu’il s’agit bien d’un échec total et qu’il est temps d’agir. Il me semble que c’est maintenant ou jamais.

Autant la machine de guerre est immense, avance et écrase à vive allure, autant les citoyens du monde ne constituent pas une machine, mais plutôt une force de vie qui doit aussi devenir immense et avancer vers une coopération sans pareil pour placer un bâton dans les rouages des leaders assassins et des multiples belligérants. Avec mes études, je pourrais faire une analyse plus concrète, plus nuancée ou « sophistiquée », mais je n’ai pas le coeur à cela, aux entourloupettes académiques et aux belles paroles des grands érudits dans leur tour d’ivoire. J’ai plutôt le goût de dire, simplement, que je suis déçu. Pour ma part, mon propre combat est déjà gagné. Mon propre combat contre moi-même, pour ne pas sombrer à leur niveau, pour ne pas dégénérer dans le désir horrible de massacrer « l’ennemi ». Entre vous et moi, si on s’engouffre dans une telle guerre, les belligérants les plus dangereux seront malheureusement les guerriers des États-Unis. Ce sont eux qui auront le plus intérêt à faire taire les voix pour la paix. Nous devons lutter contre les nombreux crimes violents, dont surtout ceux perpétrés par les États, en exigeant un véritable système de justice internationale et par une coopération équitable entre les peuples et non par la guerre.

C’est prévisible que certains vont trouver ma déclaration alarmiste, folle, visionnaire ou autre. Mais dans un cas pareil, où « mon » gouvernement va participer à un des plus grands échecs de l’humanité, je n’ai pas grand chose à foutre des jugements qu’on pourra porter. Seriez-vous surpris si je vous disais que j’avais un peu peur de publier ces prévisions et pensées en réaction à la propagande de guerre ? Peur d’être traité de fou par mes collègues, peur de la violence de ceux qui veulent furieusement se venger, etc. J’ai préféré aujourd’hui écrire mes pensées « alarmistes » et idéalistes, à tout risque, au lieu de vivre en prisonnier de l’esprit. La peur est notre pire ennemie, elle peut nous empêcher de dire la vérité. Et comme certains l’ont remarqué dans l’histoire, la vérité est la première victime de la guerre.

Michaël Lessard
Québec, Canada

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