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Exclusif: Verhofstadt sur les traces suisses contre le mouvement antiglobaliste

vieuxcmaq, Viernes, Septiembre 7, 2001 - 11:00

Matias RODRIGUES (manulapin@aol.com)

« Le potentiel de violence résidant dans le mouvement antimondialisation ». Ainsi s'intitule un document officiel de la police suisse de juillet 2001. Il trace les indications à suivre pour miner le mouvement antiglobaliste de l'intérieur, le criminaliser et le réprimer.

Exclusif: Verhofstadt sur les traces suisses contre le mouvement antiglobaliste

« Le potentiel de violence résidant dans le mouvement antimondialisation ». Ainsi s'intitule un document officiel de la police suisse de juillet 2001. Il trace les indications à suivre pour miner le mouvement antiglobaliste de l'intérieur, le criminaliser et le réprimer. Le gouvernement belge, à la tête de l'Europe pour six mois, commence à appliquer ces recommandations. Et fait nouveau: pour la première fois, la police suisse demande l'interdiction de sites "subversifs".

Analyse du document par David Pestieau (Solidaire-Webteam: www.solidaire.org )

Le document émane d’un pays, la Suisse, avec certaines traditions démocratiques qui permettent de rendre public ce genre de document qui dans d'autres pays comme la Belgique sont tenus secrets. Mais la Suisse est aussi le siège de grandes banques du capital international et du sommet des milliardaires de Davos (une photo de la contre-manif à Davos fait d'ailleurs la couverture du document) . Ce document est donc hautement intéressant à analyser. Vous pouvez d'ailleurs le télécharger sur: www.admin.ch/bap/f/aktuell/berichte/f_GpAGBw_bericht_2000_01.pdf

D'autant plus intéressant que le gouvernement belge et certains médias ont déjà commencé à suivre le même genre de recommendations: tenter de diviser le mouvement antiglobaliste entre violents et non-violents; tenter de criminaliser le mouvement et commencer avec des mesures de répression.
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La première cible de la police: les "néo-marxistes"

Le document indique clairement les cibles de la police dans le mouvement antimondialisation : en premier lieu , les « néo-marxistes » (qui ferait la continuité avec le mouvement anti-impérialiste des années 70), ensuite les anarchistes.
« Les militants antimondialisation perçoivent celle-ci comme l’extension au monde entier de l’ordre économique capitaliste reposant sur la concurrence et la quête du profit maximum, l’influence des grands groupes se développant par-delà les structures étatiques…
De nombreux acteurs de l’actuel mouvement antimondialisation sont issus de la Nouvelle Gauche ou de sphères néo-marxistes, actives principalement dans les années 70. Ils dénoncent en premier lieu la mondialisation du capital et du capitalisme en tant que systèlme économique et social…. » (p 6)

Ensuite la police est convaincue que le mouvement va se radicaliser à gauche: surtout si les antiglobalistes ne se sentent pas écoutés et si la crise du capitalisme s'approfondit (ce qui est probable vu la situation actuelle: voir les licenciements massifs dans l'automobile, l'informatique, la chimie,…). Les forces de l'ordre helvètes indiquent ainsi certaines conditions d'une radicalisation (on verra plus loin ce qu'ils entendent par là): " Les militants antimondialisation ont l’impression que leurs idées sont peu prises en considération, si bien que le sentiment d’impuissance vis-à-vis du système politique, économique et social se renforce. Ensuite, la récession économique qui se prépare à l’échelon international accentue les différences de revenu (entre les individus et/ou les Etats), fait grimper le taux de chômage…(…)"(p 15)

Première stratégie: diviser le mouvement entre "non-violents" et "violents"

Comme contre-stratégie, le document applique, à la situation d’aujourd’hui, la doctrine Kitson. Kitson, officier supérieur de l'armée britannique, a théorisé la stratégie des gouvernements occidentaux contre les mouvements de libération dans le tiers-monde et les mouvements populaires . Premier axe de la téhorié de Kiston: face à un mouvement populaire, le pouvoir doit diviser le mouvement entre entre "violents" et "non-violents". Deuxième axe: il faut criminaliser la partie radicale du mouvement, les faire passer pour des gens qui utilisent la violence de manière gratuite et aveugle pour les discréditer. Troisième axe: tout est mis en place pour justifier la surveillance et la répression d'une grande partie du mouvement au nom de la lutte contre le terrorisme (pour en savoir plus sur la théorie de Kitson, vous pouvez lire Etudes marxistes, n°27,1995).
Illustration avec les propos de la police "neutre" de Suisse: " Les revendications et les appels au dialogue des membres les plus pacifiques du mouvement antimondialisation devraient être considérés avec plus de sérieux. Leurs tentatives de se détacher des groupes les plus violents devraient être soutenues de manière plus active. » (p 3)
Duquesne dans une conférence de presse le 05/09 n'a pas dit autre chose:" Monsieur Duquesne (…) a précisé que sa priorité première en tant que ministre de l’ Intérieur était de garantir l’organisation pacifique des rencontres ministérielles et légitimer les manifestations de protestation. Il a également reconnu l’urgence d’un dialogue actif à établir au sein de la société civile et a appelé les démocrates affirmés à condamner les actes de violence gratuite." (source: www.eu2001.be )

Le document suisse indique que l'unité du mouvement est sa force et que le grand problème est qu'il ne se laisse pas diviser entre soi-disant non violents et violents: « La grande majorité des militants antimondialisation s’engagent pour faire connaître leurs idées sans faire usage de la violence…Néanmoins le discours peu clair et inconséquent de nombreux groupes concernant l’usage de la violence… ne permet pas de tracer une limite nette entre la majorité pacifique et la minorité encline à la violence.(…)
L’attitude des militants à l’égard de la violence trouve là aussi sa racine dans la pensée marxiste… Dans les années 70 déjà, la Nouvelle Gauche partait du principe que toute action dirigée contre les organes de l’Etat, qu’elle soit pacifique ou non, est la réponse légitime à la violence exercée par l’appareil étatique et par la classe dominante(….)
D’autres groupes modérés et jusqu’ici non violents se refusent en toute conscience à se distancier de l’usage de la violence et ce en signe de solidarité et de loyauté…Ils estiment ne pas pouvoir se permettre de risquer l’effondrement du mouvement antimondialisation à cause d’une querelle de méthodes. » (p 11)
Le document suisse nous indique à contrario ce qu'il faut faire: ne pas entrer dans le jeu du pouvoir.

Deuxième stratégie: assimiler la partie radicale du mouvement au terrorisme

Finalement, le document affirme que les "néo-marxistes" et les "anarchistes" (termes regroupant pour les forces de répression, une définition très large) peuvent basculer dans la violence et le terrorisme. Aucune preuve tangible n'est avancée. Mais en associant les marxistes et les anarchistes au terrorisme, on justifie la demande de la police suisse de mettre en œuvre des mesures pro-actives d’observations et d’arrestations et la mise en place d’une police internationale contre l’ensemble de la gauche marxiste et anarchiste.
Lisez bien les phrases suivantes du document: " En dépit de la nature pacifique de la plupart des mouvements représentés dans la nébuleuse antimondialisation, la dynamique qui prévaut en leur sein nous incite à penser que les noyaux durs prêts à recourir à la violence sont susceptibles de se constituer(…)Le suivi du phénomène, la mise en place de mesures préventives concrètes passent donc par un approfondissement de la collaboration entre les différentes services de sécurité, et ce aussi bien au plan national qu’international (…) Le cadre juridique actuel rend difficile toute observation sérieuse des groupes les plus violents. La législation en vigueur limite en effet les moyens que les forces de sécurité sont à même de déployer à titre préventif au moment même où le besoin s’en fait sentir…"(p 3)
"La collaboration nationale et internationale en vue de l’échange d’expériences et d’informations concernant l’organisation et les activités des militants antimondialisation violents doit être intensifiée."(p 17)

En Belgique, la police a déjà obtenu une partie de cet arsenal juridique et l'emploit contre le mouvement antiglobaliste comme on l'a déjà vu lors de la perquisition de l'asbl Barricades à Liège la semaine passée.
Et la mise en place d'échanges jamais vus entre les polices nationales n'ont jamais été aussi développés. Le ministre Duquesne ne disait pas autre chose hier mercredi à une conférence de presse. Ainsi le site www.eu2001.be rapporte le 05/09: "Le ministre a fait remarquer qu’en dépit de leur suppression au sein de l’Union européenne, les frontières sont encore bien présentes dans l’esprit des policiers. Et, selon lui, un certain nombre d’outils existants pourraient être mis à profit en vue de renforcer la coopération entre les services de police et la justice au sein de l’Union européenne."

Fait nouveau: demande d'interdiction de sites subversifs

Et fait nouveau la police suisse demande d'avoir les outils juridiques pour attaquer les sites Internet et les fournisseurs d'accès.
Voilà ce que la police suisse en dit: " Lorsqu’un événement doit avoir lieu , il est nécessaire de mettre à la disposition des organes chargés du maintien de la sûreté intérieure… des moyens opérants et leur permettant une action efficace et si possible préventive contre les fauteurs de trouble. Sont comprises dans ces moyens les mesures préventives contre les appels à la violence…(mesures contre administrateurs des pages Internet, les fournisseurs d’accès, les producteurs et les distributeurs de matériel de propagande,…)» (p17)

Ne croyez pas trop vite que la police ne s'en prendrait qu'aux "violents". La police suisse décrit dans son document "l'organisation-type des militants antimondialisation" qui correspond à celle des organisateurs des forums sociaux Gênes ou de Prague en expliquant le caractère clandestin (et donc suspect) des réunions et communications. Il mentionne explicitement Indymedia comme source "subversive". Ce qui montre bien que la criminalisation de la police concerne l'ensemble du mouvement.

Pour le droit démocratique de manifester où et quand nous le voulons: le vrai débat

Il est plus que jamais nécessaire de se battre pour le droit de manifester où et quand nous le voulons: c'est là le vrai débat. Et d'avoir le droit de se défendre face à la violence de la police. Car comme l'ont déjà dit les Tutte Bianchi à Gênes: nous manifesterons sans protection, sans masque à gaz,… si la police est elle aussi désarmée, sans matraque, sans canons à eau. Et si nous pouvons porter nos revendications là où les décisions se prennent.
Tout le contraire donc de ce qu'a affirmé Duquesne ce 05/09: "En ce qui concerne la prétendue violence exercée par les forces de police en marge du Sommet de Göteborg et, par la suite, du G 8 à Gènes, le ministre de l’Intérieur a préféré se passer de tout commentaire en raison des enquêtes en cours dans les pays hôtes concernés. Ce dernier a néanmoins rappelé que, bien que seule la police ait le droit d’utiliser des moyens coercitifs, vigilance et sévérité s’imposaient. « Si la psychologie constitue généralement le meilleur remède contre les tensions, elle ne suffit pas dans tous les cas », a-t-il expliqué."

David Pestieau dpes...@wol.be
publié sur http://france.indymedia.org/display.php3?article_id=5075

Site officiel Suisse où vous pourrez télécharger le rapport "Le potentiel de violence résidant dans le mouvement antimondialisation".
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