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Les protofascistes font l'apologie des chefs d'entreprises dans les pages du Devoir...

vieuxcmaq, Sábado, Junio 23, 2001 - 11:00

Collectif de réflexion sur l'air des lampions (lampions@hotmail.com)

Le Collectif de réflexion sur l'air des lampions a tenté de

faire publier au Devoir deux textes répondant aux insanités

de Stéphane Venne et ses alliés dans les pages du Devoir.

Les textes sont restés lettre morte.

Les protofascistes font l'apologie des chefs d'entreprises dans les

pages du Devoir et il n'y a pas grand chose pour les faire taire

Le Collectif de réflexion sur l'air des lampions se repent. Depuis

quelques jours, nous avons négligé les lecteurs auxquels nous tenons

le plus : les militants. C'est que nous nous sommes fourvoyés en

ouvrant un petit front du côté du Devoir. Nous en avions

trouvé l'occasion en lisant ce qui nous a semblé être les pires

insanités à avoir été publiées dans la page « Idées » du

Devoir depuis longtemps : les éructations scientistes

protofascistes de Stéphane Venne, le mièvre et « has been » chanteur

de musique « made in Québec » (Le Devoir, vendredi 1er juin

2001). Notre texte a été négligé au profit de ceux de Louis Cornellier

(Le Devoir, mercredi 6 juin 2001) et Louise Sexton (Le

Devoir, jeudi 14 juin 2001) qui, dans l'esprit très avisé des

responsables de la page « Idées » et du courrier des lecteurs, ont

sans doute agité les bons grelots du côté des pour et du côté des

contre. Venne croit au darwinisme social et pourfend l'esprit

d'entraide qu'il voit comme un simple résidu de la charité chrétienne.

Cornellier lui répond platement qu'il croit en l'esprit d'entraide et

qu'il ne croit donc pas au darwinisme social. Louise Sexton, qui croit

elle aussi au darwinisme social, combat la croyance de Cornellier et

se dit l'alliée de Venne. Les opinions sont en lutte ! Bravo le

Devoir : vos pages d'opinions sont aussi prévisibles que les

matchs de lutte de la WWF ! Vous faites monter le méchant - Stéphane

Venne - dans l'arène par la page de droite - c'est-à-dire la page

« Idées » -, méchant qui projette brutalement, avec votre complicité,

les bons et les faibles dans les câbles à gauche, c'est-à-dire dans

l'espace confiné du courrier des lecteurs. Mais vous faites intervenir

le juste (le bon moins faible) - Cornellier - pour dépêtrer ses

frères des câbles. Il impose alors la justice dans le coin rétréci

inférieur droit de l'arène. On croit que l'adversaire est désormais

tenu en respect, sinon par l'intériorité morale, du moins par la

crainte. Mais soudain - qui l'eut cru - un autre méchant - Sexton

- ni plus ni moins imposant que le bon qui avait réussi à rassurer

les plus faibles et tenir en respect le méchant, surgit du coin gauche

que l'on aimait bien croire pacifié par les bons qui ont avancé au

centre de l'arène. Le méchant frappe et c'est reparti ! Pour notre

part, nous trouvons les péripéties de la lutte des opinions dans les

pages du Devoir absolument navrantes. Cela ne tient pas au

fait que les opinions qu'on y lit soient dépourvues de tout attrait

pittoresque et fantaisiste susceptible d'intéresser les voyeurs en

nous - attrait qui est d'ailleurs tout ce qui reste aux lutteurs de

la WWF. Ce qui est navrant, c'est l'ennui qui grève les péripéties

mêmes de cette lutte des opinions organisée par le promoteur du

spectacle.

Nous avons tenté de faire intervenir un bon qui volerait au dessus de

la mêlée des opinions au nom de la raison, et qui ferait de ces

péripéties stupides de la lutte des opinions un débat d'idées puisque

les plus opiniâtres d'entre ces lutteurs doxologiques revendiquaient

quand même leur place dans l'arène des idées. Ce fut une perte de

temps.

Voici donc notre réplique à Stéphane Venne, devenue ce qu'elle

n'aurait jamais dû cesser d'être : un petit flacon d'idées à vider

dans la mer sensible de la militance. Si nous avons la conviction que

les personnalités médiatiques doivent être traînées dans la rue

(http://montreal.indymedia.org/front.php3?article_id=927), c'est parce

que parmi les militants, les idées les attendent.

À notre réplique à Stéphane Venne, nous ne pouvons nous empêcher

d'ajouter notre réplique à Sexton, la louve des directeurs

d'entreprise, réplique elle aussi restée lettre morte au

Devoir.

L'inculte, le despote et le truand

2001-06-08

Monsieur Venne,

Je ne sais pas combien l'excellence, les élites et le talent

« valent » au Québec, mais je peux vous dire combien vaut votre

réquisitoire contre la dénonciation de la rémunération des

« élites » : pas un clou. Bien que vous prêchiez l'excellence, vous

n'éprouvez manifestement aucune honte à étaler la médiocrité de votre

argumentaire dans les journaux.

Désolé de vous décevoir, mais le Darwin auquel vous croyez

(« l'évolution grâce aux plus futés ») existe tout autant que Dieu et

le Père Noël. Si vous aviez lu L'origine des espèces, au lieu

d'afficher votre inculture, vous sauriez que la théorie de Darwin en

est une de la transformation des espèces et non une théorie

de l'évolution. C'est que chez Darwin, la transformation des

espèces n'a rien à voir avec une quelconque « excellence », « force »

ou « intelligence », mais est purement contingente : les individus

mutants dont certaines caractéristiques démontrent leur adaptation à

l'environnement ont plus de chance de transmettre leurs mutations.

Ainsi, lorsqu'une modification de l'environnement survient et met en

péril la survie de l'espèce, des caractéristiques mutantes chez

certains individus peuvent assurer leur survie dans cet environnement

hostile, perpétuant ainsi l'espèce; pensez à la résistance bactérienne

aux antibiotiques. Les transformations des espèces sont donc

principalement fonction du hasard et non du caractère futé ou

non des individus. Le Darwin que vous brandissez comme porte-étendard

scientiste de l'excellence n'est qu'un nouvel avatar de Malthus digne

d'un documentaire du Canal Vie.

Cela dit, si un jour vous sentez la curiosité intellectuelle poindre

en vous, je vous assure que vous pourriez être tout à fait surpris de

la tournure que peut prendre parfois la théorie sociologique

darwinienne. Je vous suggère de lire L'entraide : un facteur de

l'évolution de Pierre Kropotkine. L'auteur essaie de montrer que

s'il y a une « mutation » qui détermine l'évolution - c'est-à-dire

une société qui assure le plus grand épanouissement du plus grand

nombre d'individus possible -, c'est celle qui assure la solidarité.

Chez Kropotkine, de nombreuses observations - des fourmis aux loups

en passant par les grues - démontrent que les espèces qui se

développent le plus sont celles où ce facteur est le plus actif. Au

delà de l'éthologie, il tente en fait de montrer aussi que les

sociétés humaines les plus prospères sont également celles où la

solidarité et l'entraide sont les plus actives. Si vous aviez connu

cette théorie, vous auriez pu faire preuve de créativité et prétendre

par exemple que l'entraide entre les consultants et les haut

dirigeants favorise l'évolution des salaires !

De plus, je m'explique mal comment Jean Monty - ou n'importe quel

représentant de nos « élites » - symbolise la réalisation de

l'excellence et comment cette excellence peut lui être attribuée à

titre individuel. Êtes-vous sûr que M. Monty est responsable

personnellement de l'augmentation des profits de sa compagnie ?

Qu'est-ce qui vous dit qu'il ne s'agit pas là d'une situation

contingente liée aux tendances du marché (puisque l'ensemble du

secteur est en croissance) ? Pourquoi ne pas attribuer plutôt la

responsabilité de ce succès relatif à un ensemble de décisions et

d'actions émanant des échelons inférieurs de la bureaucratie

organisationnelle ? Quoi qu'il en soit, on peut être certain de deux

choses : 1) Bell Canada ne ferait aucun profit si M. Monty était le

seul à y travailler... au salaire qu'il touche (!); 2) toutes les

personnes qui connaissent un certain succès ont tendance à l'attribuer

à leurs qualités personnelles et ceux qui n'en ont pas à la malchance.

Si vous tenez tant à vous réclamer de Darwin, soyez, M. Venne,

darwinien jusqu'au bout et reconnaissez que l'« excellence » que vous

assimilez au succès commercial de M. Monty, de M. Plamondon et de

vous-mêmes, est surtout le fruit de la contingence. Débarrassez-vous

de ce vernis qui vise à légitimer la loterie permettant à M. Monty de

gagner 50 millions de dollars - dont au moins 8 millions sont exempts

d'impôts. Ou sinon, allez plus loin : reconnaissez que l'entraide et

la solidarité sont les bases de la richesse de nos sociétés et

indignez-vous qu'un despote comme M. Coulombe gagne trois fois le

salaire d'un policier ou d'un chauffeur d'autobus !

Jean Horace-Opporoutz

Informaticien, Montréal

Élémentaire, ma chère Sexton !

2001-06-19

Il y a des « vérités » dont on se passerait bien tant leur bêtise est

grosse d'obscurantisme et de sophisme. À tel point qu'on ne peut

s'empêcher de penser que Le Devoir doit être à court de

courrier au lecteur pour les publier. Ainsi, le 14 juin, Louise Sexton

s'est portée à la défense de l'auteur- compositeur Stéphane Venne qui

fut malmené dans les pages du Devoir après avoir vanté les

mérites du darwinisme social. Dans la vie, il y aurait, rappelle Mme

Sexton en accord avec M. Venne, au moins « une vérité élémentaire » :

la loi de l'évolution. Cette loi - merveilleuse en ce qu'elle est à

la portée du plus simplet des êtres vivants - présiderait à la

destinée de tout ce qui bouge selon une logique implacable : la

sélection des plus aptes. Aptes à quoi ? Mme Sexton, visiblement férue

d'anthropologie physique et sociale, de théorie biologique et de

morale transcendantale, nous l'explique en deux coups de cuiller à

pot. D'abord, écrit-elle, il y eut les hommes des cavernes, lesquels

se divisèrent vite en deux clans : les besogneux et les oisifs. Les

besogneux, tels la fourmi de la fable, seront récompensés « d'une vie

plus longue » pour avoir initié le mouvement historique qui aboutira à

la création de la grande industrie moderne. Les oisifs, quant à eux,

seront condamnés à être des « exclus » et n'auront d'autre activité

que celle de « pester contre le gouvernement ». Ils donneront

naissance à une longue lignée d'individus inutiles culminant dans la

figure du « prébendé (sic!) d'un cégep de banlieue ». Cette

histoire fort passionnante l'eut été encore davantage si Mme Sexton

nous avait instruit sur le type de gouvernement qui régnait sur la

civilisation des cavernes ? Mais son intention étant de nous faire la

morale, elle se contenta de tirer de ses fabulations une loi éthique

dont l'originalité est, écrit-elle, d'être « aussi incontournable

qu'immorale » ! Voilà qui est bien dit !

Cette loi s'énonce ainsi : tout les hommes naissent inégaux. Et la

reconnaître, ajoute notre experte en casuistique, « n'implique pas que

l'on approuve les inégalités ». Que nenni ! Car, ajoute-t-elle, les

humains peuvent toujours travailler « lucidement » à « amenuiser » les

inégalités. Comment ? Nous vous le donnons en mille : « en rétribuant

à leur juste valeur ceux qui contribuent à l'évolution » de la

société. Telle est la règle d'or du libéralisme économique : on mesure

la santé d'une société au nombre de ses millionnaires. Quant aux

autres, qu'ils marchent ou crèvent. S'ils marchent, ils s'enrichiront.

S'ils crèvent, ils disparaîtront, faute d'avoir pu s'adapter. Dans

tout les cas, suivant cette loi, la quantité de riches devrait

s'accroître, celle des pauvres diminuer. Tout cela serait fantastique,

n'eut été du fait que c'est faux. Car les plus forts, pour être les

plus forts, auront toujours besoin des plus faibles.

Ce n'est donc pas du côté des illusions qu'entretient la théorie de la

loi du plus fort qu'il faut chercher sa vérité. Ce serait plutôt du

côté de sa portée idéologique, en ce qu'elle permet à de prétendus

« puissants » ou « gagnants » de justifier leur situation sociale

envers et contre tous, en dépit de tout ce qu'elle peut engendrer

comme inepties. La difficulté, ici, c'est que si on prend trop au

sérieux cette idéologie, un problème surgit immédiatement : comment

expliquer qu'au terme de milliers d'années d'évolution et de progrès

subsistent toujours autant de pauvres, de ratés et de miséreux ?

Comment, de surcroît, les sociétés dominantes (les plus aptes comme

l'a déjà dit Conrad Black à propos de la civilisation anglo-saxonne)

peuvent-elles tolérer la pauvreté en leur sein ? C'est ainsi, Mme

Sexton, que la « vérité élémentaire » de vos idées peut vite

dégénérer. Et il n'est pas nécessaire de retourner à l'homme des

cavernes pour s'en convaincre. Le 9 avril 1936, par exemple, dans un

éditorial du Daily Mirror de New York discutant du sort des

criminels, qui étaient alors souvent des pauvres victimes de la Crise

: « Pour des raisons d'économie et d'efficacité, ceux-ci devraient

être, si possible, placés dans quelques cellules exiguës communiquant

avec le tuyau d'échappement d'une petite automobile. On s'en

débarrasserait ainsi comme des rats, d'une façon économique, pour

moins d'un demi-cent par tête. Ce serait une justice réelle et

effective qui découragerait les criminels. » La morale de notre

histoire, plus contemporaine que la vôtre, est aussi élémentaire. Nous

aussi, madame, croyons que tous les gens naissent différents, et que

la richesse du monde provient de cette différence. Seulement, nous

refusons de confondre cette « différence » avec des inégalités

économiques n'ayant aucune commune mesure avec le talent, l'agilité et

la force qu'un individu peut posséder par « nature ». Surtout, nous ne

croyons pas que de cette différence fondatrice naisse une loi qui

appelle à l'élimination de ceux qui, au bout du compte, ne se seront

pas conformés à une loi : celle du plus fort.

Paul Triquet

Klaus Starker



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