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Québec: Un bilan

vieuxcmaq, Lunes, Abril 30, 2001 - 11:00

Christophe Aguiton (attacint@attac.org)

"Québec marque un réel pas en avant si on le compare à Seattle, par le nombre global des manifestants, mais aussi par une participation beaucoup plus massive aux actions directes" estimait Russ Daviss, président de "Jobs with Justice" du Massachuset, juste après les manifestations.

"Québec marque un réel pas en avant si on le compare à Seattle, par le
nombre global des manifestants, mais aussi par une participation
beaucoup plus massive aux actions directes" estimait Russ Daviss,
président de "Jobs with Justice" du Massachuset, juste après les
manifestations. La manifestation était "politiquement" plus homogène
qu'à Seattle; si les participants étaient aussi divers, leurs
approches étaient moins "contournées", plus direct. Les militant(e)s
du Sierra Club, la principale organisation écologiste américaine
n'étaient pas, par exemple, déguisés en tortue.

Si on compare Québec à deux autres de ces dates qui ont marqué l'année
2000, Washington D.C. en avril et Prague en septembre, la même
conclusion s'impose. Avant d'entrer un peu dans le détail, une
première impression d'ensemble : les manifestations faisaient
incroyablement penser aux journées de mai 1968 à Paris, au tout du
moins à l'idée que l'on peut s'en faire.

Pendant deux jours des milliers de personnes - probablement plus de 10
000 - ont entouré le mur qui protégeait les chefs d'États et ont
participé peu ou prou à la "bataille de Québec". La ville ne compte
que 450 000 habitants et, même si de nombreux manifestants venaient
des Etats-Unis et du reste du Canada, le français était la langue de
loin la plus parlée dans les attroupements qui entouraient le mur. Une
réelle solidarité unissait les habitants de la vieille ville, les
étudiants - près de 15 universités et collèges étaient en grève - et les
participants - des syndicalistes pour l'essentiel - à la grande
manifestation autorisée qui se déroulait dans une autre partie de
l'agglomération. On voyait des morceaux de cortèges syndicaux ou de
petits groupe de participants au sommet parallèle "officiel" monter au
mur et en redescendre, très fier d'avoir, eux aussi, été victimes des
tirs de gaz lacrymogènes. Les reportages de la radio québécoise eux
aussi participaient de ce climat : extrêmement hostiles aux
manifestants avant le jour j (les "casseurs" étaient supposés venir
des Etats-Unis), les journalistes, peut-être enivrés par la présence
massive de jeunes issus de la Belle Province, faisaient monter le
suspense en direct lors de la chute du mur et des longs affrontements
qui s'en sont suivis.

De ce point de vue, on peut dire, comme le fait le "Financial Times"
du 24 avril, que les manifestants de Québec ont gagné la guerre de
l'opinion, même s'ils n'ont pas pu s'opposer au déroulement du sommet
qui n'a été retardé que d'une heure. La symbolique du "mur de la
honte", derrière lequel sont obligés de se réfugier les chefs d'États,
a joué un rôle important dans la conquête de l'opinion. Les résultats
du sommet lui-même renforcent cette logique. Rien de neuf (la date de
2005 est confirmée pour l'entrée en vigueur de la ZLEA, la Zone de
Libre Echange des Amériques), si ce n'est une proclamation formelle en
faveur de la démocratie : un État qui dérogerait à ses principes
serait exclu de la zone de libre échange, mais sans qu'aucun
mécanisme, ni aucune normes ou instances ne soient prévus.

Les débats et clivages chez les manifestants

Deux lignes de clivage étaient clairement identifiables : aux débats
traditionnels entre radicaux et modérés, il fallait rajouter les
différences de sensibilité entre francophones et anglophones.

La question québécoise se manifeste d'abord par une méconnaissance
réciproque. Les réseaux militants sont tous différents (il n'existe
aucune organisation qui soit réellement "canadienne"), ils se
fréquentent peu et beaucoup ne se connaissent même pas.

A Québec, trois coalitions se sont formées et ont joué un rôle actif
dans les mobilisations.

Il y avait tout d'abord ceux qui organisaient le "Sommet des peuples
des Amériques", le contre sommet "officiel" (il a été ouvert par le
Premier Ministre), dans lequel les syndicats étaient très présents. Ce
"Sommet des peuples" était lié à "l'alliance sociale continentale" -
ou hémisphérique - dans laquelle on retrouve toutes les forces
opposées à la mondialisation libérale dans les Amériques, de l'ORIT
(qui regroupe les principaux syndicats) au CLOC, la coordination des
organisations rurales dans laquelle on trouve Via Campesina ou la
CONAIE d'Equateur. Dans le "Sommet des peuples", qui a organisé la
grande manifestation pacifique du samedi 21, on retrouvait à peu près
tout le monde, de la "Marche mondiale des femmes" aux forces qui
organisaient en parallèle d'autres activités. Mais ce "Sommet des
peuples" était dominé par les syndicats québécois, très nombreux dans
la rue le 21 avril, mais qui, à la différence des syndicats
anglophones, étaient soucieux d'éloigner les manifestants le plus loin
possible du mur et refusaient le mot d'ordre "non à la ZLEA".

La deuxième coalition s'est formée sous le double nom de OQP 2001,
"Opération Québec Printemps 2001" ou de GOMM, "Groupe Opposé à la
Mondialisation des Marchés". OQP 2001 a organisé une série d'ateliers
et de conférence pendant que le GOMM préparait une manifestation dès
le vendredi 20 en direction du mur. On retrouvait dans ces coalitions
des réseaux jeunes, et de nombreuses associations dont ATTAC Québec
qui, comme les autres associations opposées à la mondialisation
libérale, est en phase de croissance rapide. Sur le plan politique,
cette coalition affirmait clairement le mot d'ordre "non à la ZLEA".

La troisième coalition regroupait deux associations de sensibilité
anarchiste : le CLAC, "Convergence des Luttes AntiCapitalistes",
présent à Montréal et le CASA, "Comité d'Accueil du Sommet des
Amériques", à Québec. Ce sont eux qui ont organisé les manifestations
les plus déterminées et qui ont fait tomber le mur le 20 et le 21.

La question de la violence

Le problème mérite qu'on s'y arrête, car il a toutes les chances de se
poser à nouveau dans de prochaines initiatives.

La première remarque porte sur la liberté de choix des manifestants.

A Québec, comme à Prague en septembre dernier, des parcours identifiés
par des couleurs ont été mis au point, chacune d'entre elles indiquant
un degré de risque et d'engagement. Le groupe vert était le plus
pacifique, tant par le parcours choisi que par les formes d'actions
(des rouleaux de papiers hygiéniques envoyés de l'autre côté du mur).
Le groupe jaune, organisé par le GOMM, se dirigeait, là aussi avec des
méthodes pacifiques, vers la partie du mur la plus proche du centre de
conférence. D'où la crainte d'une intervention policière : le GOMM
avait prévu, en tête de cortège, des porteurs de ballons gonflés à
l'hélium qui pouvaient être lâché et indiquer ainsi la nécessité de se
disperser. Le groupe rouge, enfin, formé par le CLAC et le CASA,
était le plus déterminé : mais les choses étaient claires, une sono
répétait régulièrement aux manifestants présents dans ce cortège qu'il
présentait des risques et que d'autres choix étaient possibles.

La deuxième remarque porte sur le degré des violences à Québec.
Dans leur écrasante majorité, les manifestants étaient non-violents,
utilisant tout au plus des moyens symboliques (une catapulte lançant
des ours en peluche sur les policiers était particulièrement visible),
ou renvoyant les munitions employées par la police (la photo d'un
manifestant utilisant sa canne de hockey sur glace pour renvoyer les
grenades lacrymogènes a été publiée dans de nombreux journaux
canadiens). Et même ceux qui ont été plus loin, en participant à la
mise à bas du mur, semblaient s'être fixé des bornes assez précises :
les manifestants ne pénétraient dans l'enceinte interdite que de
quelques mètres et reculaient dès que les policiers avançaient.

Cette combinaison entre la clarté dans les choix laissés à chacun et
le caractère symbolique - ou en tout cas d'une violence limitée - des
actions menées facilitait la symbiose entre les différents groupes de
manifestants et le caractère populaire des initiatives, y compris
celles qui se déroulaient autour du mur.

Beaucoup d'autres choses pourraient êtres dits à propos des
mobilisations de Québec : sur l'importance des alliances et
coalitions, à l'échelle nationale et internationale, sur l'ampleur du
mouvement de la jeunesse ou sur l'organisation en groupe d'affinité,
un type d'organisation qui, à Québec, a été mis en oeuvre plus
efficacement par les Américains que par les Québécois. Mais cela a
déjà été décrit à propos de Seattle ou de Prague. Québec, à cet égard,
se situe dans la continuité des mobilisations précédentes.

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