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Parfois la démocratie se manifeste là où on l'attend le moins

vieuxcmaq, Jueves, Abril 19, 2001 - 11:00

Naomi Klein (sysop@zmag.org)

Quiconque se demande encore pourquoi la police est à construire une Bastille des temps modernes autour de la ville de Québec, en préparation pour le dévoilement de la Zone de Libre-échange des Amériques, devrait examiner un cas présentement entendu devant la Cour suprême de C.-B. En 1991, Metaclad, une compagnie américaine de gestion des déchets, a acheté une usine de traitement de déchets toxiques désaffectée à Guadalcazar au Mexique.

La compagnie voulait construire un immense dépotoir de déchets dangereux et avait promis de nettoyer les dégâts laissés par les propriétaires précédents. Cependant, pendant les années qui ont suivi, elle a étendu ses opérations sans demander l'approbation des autorités locales, ce qui ne lui a pas valu beaucoup de sympathie à Guadalcazar.

Les résidents ne croyaient plus que Metalclad allait vraiment nettoyer le site et avaient peur que la contamination de la nappe phréatique continue. Ils ont finalement décidé que la compagnie étrangère n'était pas la bienvenue.

En 1995, alors que le centre d'enfouissement des déchets était prêt à commencer ses opérations, la ville et l'état sont intervenues avec les pouvoirs législatifs à leur disposition: la ville a refusé un permis de construire à Metalclad et l'état a déclaré que la zone entourant le site faisait partie d'une réserve écologique.

L'ALÉNA était alors en vigueur, y compris la controversée clause du « chapitre 11 », qui permet aux investisseurs de poursuivre les gouvernements. En se basant sur les dispositions du chapitre 11, Metalclad a donc fait valoir que le Mexique avait « exproprié » son investissement. La plainte a été jugée en août dernier à Washington par une commission d'arbitrage de trois personnes. Elle a accordé à Metalclad $16,7 millions sur les $90 millions (dollars américains) que la compagnie avait demandés.

Se prévalant d'un rare mécanisme d'appel devant une tierce partie, le Mexique a choisi d'en appeler du jugement devant la Cour suprême de la C.B.

Le cas de Metalclad est une illustration frappante de ce que les critiques veulent dire quand ils affirment que les accords de libre-échange constituent en fait « une charte des droits pour les corporations multinationales ». Metalclad a joué avec succès à la victime, une victime opprimée par ce que l'ALÉNA appelle de l'« intervention », et qui était autrefois connu sous le nom de « démocratie ».

Comme le cas Metalclad le démontre, parfois la démocratie se manifeste là où on l'attend le moins. Parfois, c'est dans une ville endormie, mais où les résidents décident soudainement que leurs politiciens n'ont pas fait leur travail et qu'ils doivent intervenir. Des groupes communautaires se forment, les réunions des conseils se voient envahies. Et parfois se produit une victoire : une mine dangereuse ne sera pas construite, un plan pour privatiser l'approvisionnement en eau échoue, la construction d'un dépotoir à déchets est bloquée (par exemple celui qui était prévu à Kirkland Lake au Nord de Toronto).

Il arrive souvent que l'intervention de la communauté se fasse alors que le projet est déjà avancé et qu'elle réussisse à faire renverser des décisions antérieures. Ces interventions par des citoyens ordinaires sont désordonnées, dérangeantes et difficiles à prédire mais, de temps en temps, la démocratie, malgré les plans les mieux préparés, se manifeste en-dehors des réunions des conseils officiels et des comités travaillant à huis-clos.

C'est justement cette sorte de démocratie que la commission d'arbitrage du cas Metalclad a jugée « arbitraire ». Dans le cadre des accords de soi-disant libre-échange, les gouvernements perdent leur capacité à être à l'écoute de leurs électeurs, à apprendre de leurs erreurs et à les corriger avant qu'ils soient trop tard. La position de Metalclad était que le gouvernement fédéral du Mexique aurait simplement dû ignorer les objections de la population locale. Il n'y a aucun doute que, du point de vue d'un investisseur, il est toujours plus facile de négocier avec un seul niveau de gouvernement qu'avec trois.

Le problème est que nos démocraties ne fonctionnent pas de cette façon : les questions comme la gestion des déchets concernent plusieurs niveaux de gouvernement; elles n'affectent pas seulement le commerce, mais aussi l'eau potable, la santé, l'écologie et le tourisme. De plus, ce sont les communautés locales qui subissent le plus intensément les impacts réels des politiques de libre-échange.

Ce sont les villes qui doivent accueillir les gens chassés de leurs terres par l'agriculture industrielle ou forcés de quitter leur province par des coupures dans les programmes fédéraux d'emplois. Les villes doivent trouver des abris pour ceux qui ont été chassés de chez eux par la déréglementation de la location des logements. Les municipalités doivent payer les pots cassés après des expériences ratées de privatisation de l'approvisionnement en eau, et tout ceci avec des revenus de taxation réduits.

Il se forme un mouvement parmi les politiciens locaux pour exiger des pouvoirs accrus qui leur permettraient de faire face à ces nouvelles responsabilités. Par exemple, citant le jugement Metalclad, le Conseil de la Ville de Vancouver a adopté une résolution le mois dernier demandant « au gouvernement fédéral de refuser de signer tout nouvel accord de commerce et d'investissement tel que la ZLÉA, et qui comprenne des dispositions investisseurs/États (investor-state provisions) du type de celles qu'on trouve dans l'ALÉNA ». De plus, lundi, les maires des plus grandes villes du Canada ont lancé une campagne pour obtenir de plus grands pouvoirs constitutionnels. « [Les villes] sont énumérées dans la constitution de la fin du 18e siècle entre les saloons et les asiles, et c'est de là que nous tirons notre pouvoir; on peut donc nous en retirer et nous en ajouter, » a expliqué Joanne Monaghan, présidente de la Fédération des municipalités canadiennes.

Les villes doivent posséder des pouvoirs décisionnels à la mesure de leurs responsabilités accrues. Sinon, elles deviendront de simples sites de décharge passifs pour les retombées toxiques du libre-échange. Parfois comme à Guadalcazar, le déversement a lieu à la vue de tous.

La plupart du temps, il est mieux caché.



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