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La GRC débarque chez les militant-e-s!

vieuxcmaq, Martes, Marzo 20, 2001 - 12:00

Jullie Rhéaume (cbv@oricom.ca)

Les groupes prévoyant tenir des activités pour montrer leur désaccord avec la mondialisation et la tenue du Sommet des Amériques ont reçu la visite de la GRC en janvier et février derniers. Chez les militants, on y voyait un appel à la délation et une forme d'intimidation.

La GRC débarque chez les militant-e-s!

par Jullie Rhéaume

La police est débarquée chez les militants il y a quelques semaines. En effet, la GRC procédait à des visites de groupes prévoyant tenir des activités pour montrer leur désaccord avec les enjeux du Sommet des Amériques et de la ZLÉA. Ces rencontres se sont déroulées de la mi-janvier à la mi-février. À première vue, le but était de recueillir ou de donner de l'information mais aussi, de lancer un appel à la délation, d'après les militants que nous avons contactés. Selon un porte-parole de la GRC, "tous les groupes connus" ont été rencontrés. Ce dernier ne pouvait toutefois dire le nombre exact de groupes visités.

Parmi eux : des groupes et individus membres d'OQP-2001, une coalition regroupant notamment des organismes des milieux populaires, étudiants et syndicaux . La police a aussi visité des responsables du Sommet des peuples, un sommet parallèle qui se déroulera à Québec du 17 au 21 avril. Celui-ci est organisé par le Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC), qui regroupe entre autres des organisations de défense des droits de la personne, la Fédération des femmes du Québec et des syndicats, ainsi que par le pendant anglophone du RQIC, Common Frontiers.

Demandes de délation, disent les groupes...
Le 6 février, juste avant une conférence de presse pour le Sommet des peuples, un agent de la GRC accompagné d'un agent de la SQ, ont visité des représentants du RQIC. Les policiers voulaient rencontrer les groupes individuellement mais "ceux-ci se sont opposés et ont opté pour une rencontre collective", de dire André Paradis, de la Ligue des droits et libertés, groupe membre du RQIC. "Toutefois, de préciser Josée Desharnais, porte-parole pour le Sommet des peuples, quelques groupes avaient déjà été rencontrés de façon individuelle" avant la démarche collective. André Paradis n'ira pas jusqu'à dire que cette visite était de l'intimidation, mais juge qu'il s'agissait d'une démarche inutile."Les gens du RQIC s'attendaient à recevoir plus d'information de la part des policiers quant aux gestes qui seraient posés pour rassurer la population. C'est plutôt la police qui désirait en savoir plus sur les activités du RQIC, même si celles-ci sont publiques et que le RQIC travaille en collaboration avec la police municipale de Québec pour l'organisation d'une manifestation le 21 avril", rétorque M. Paradis. Il ajoute d'autant plus "qu'aucun événement n'aura lieu proche du périmètre de sécurité et qu'aucun dérapage n'est possible de la part des groupes que (le RQIC monopolise)". Lors de la rencontre, les policiers ont aussi lancé un appel à la délation, dit M. Paradis. Selon ce dernier, les agents ont demandé "de leur donner un coup de fil s'il y avait des radicaux dans le groupe".

Le RQIC n'est pas le seul groupe à qui la GRC a tendu cette perche. Sébastien Harvey, permanent au Regroupement d'éducation populaire en action communautaire (RÉPAC 03-12), dont l'organisme est membre d'OQP-2001, a aussi reçu cette visite de courtoisie de la part d'un agent de la GRC et d'un autre de la SQ. Ils étaient sympathiques, selon le militant, question de mettre en confiance. Ensuite, ils ont suggéré à M. Harvey de les appeler s'il avait des questions ou des problèmes et fait un appel peu subtil à la délation selon lui. "(La police) se rend sympathique pour s'ouvrir à la délation", dit-il. Si jamais durant le Sommet, les tensions montaient entre les groupes d'opposants, il serait plus facile, sur le coup de l'émotion, pour quelqu'un d'appeler le "gentil" policier et de dénoncer un autre opposant qu'il l'aurait agacé, d'ajouter Sébastien Harvey.

Le chapitre de l'Université Laval de l'Entraide universitaire mondiale du Canada, a reçu la visite d'un agent, selon Richard Fecteau, un membre. Son organisme fait partie d'OQP. Le policier désirait savoir combien de membres manifesteraient, question de moduler les mesures de sécurité en conséquence, de dire M. Fecteau, et où ils le feraient. Celui-ci a répliqué que tant que son groupe ne serait pas au courant des mesures de sécurité, il ne pourrait répondre. L'agent a ensuite donné "une carte avec un numéro de téléphone, pour faire de la délation", de dire M. Fecteau. De façon globale, Richard Fecteau perçoit cette visite comme un moyen "d'endormir". "L'agent était un professionnel des relations publiques qui ne connaît pas le fond de la question. Il était là pour faire parler le plus possible", d'ajouter M. Fecteau.

..."Pas vraiment", répond la GRC
Selon le porte-parole de la GRC, le sergent Normand Houle, "on n'incitait pas vraiment les gens à la délation.... Sauf que c'est sûr que si des gens ont des informations, on les prendra en considération". Selon le sergent, la police voulait plutôt passer un message aux groupes qui ne veulent pas de casseurs : certains individus "s'infiltrent parfois dans des groupes paisibles et lancent des cocktails molotov. Ces personnes n'aideront pas (les groupes)." "Il s'agissait en fait d'un appel à la prudence", de dire le sergent Houle : inciter les groupes à organiser leur propre service d'ordre lors des manifestions et à ne pas tolérer que des casseurs s'infiltrent dans leurs organisations.

De l'intimidation?
Les visites des policiers constituent-elles une forme d'intimidations? Pour les militants que Droit de parole a contactés, les opinions sont nuancées.

Lisa Goodyer, porte-parole d'OPQ-2001, soutient que son groupe, est "un peu tanné de tout ce qui tourne autour de la sécurité. (Nous voulons) ramener (le discours) au niveau de la démocratie." Toutefois, Droit de parole aborde quand même la question des visites policières à certains des groupes et individus membres d'OQP. Même si les visites se sont déroulées dans un contexte de courtoisie et de façon polie, dit Mme Goodyer, elles constituent néanmoins de l'intimidation, surtout lorsqu'il y a demande de délation de la part des agents. Elle précise également que toutes les activités d'OQP sont publiques. "C'est une question de contexte, ajoute Mme Goodyer. Dans un autre contexte, (ces visites pourraient) ne pas être de l'intimidation. Sauf que là, c'est un plus un plus un (sic). Il y a la question du périmètre de sécurité, les déclarations policières à l'effet que les groupes d'opposants étaient infiltrés, le ministre de la Sécurité publique qui a décidé de vider la prison et l'arrestation (des trois opposants qui distribuaient des tracts sur la rue Saint-Jean il y a quelques semaines).

Nicolas Rodrigue, militant à l'Association de défense des droits sociaux du Québec métropolitain (ADDS-QM), autre groupe membre d'OQP, n'était pas surpris de la visite que son groupe a reçue. "C'est de l'intimidation, si l'on veut", réplique-t-il, mais sa réponse est plus nuancée : "Disons qu'on le savait qu'ils allaient venir." Son groupe n'a pas subi de "gros interrogatoire", selon M. Rodrique. "La police voulait savoir si on allait participer aux manifestions, on a dit oui." Pour lui, la rencontre se résumait plus à un acte de présence... Une manière de dire "On va être là, on vous attend." Denis Cusson est militant à Droit de parole mais porte plusieurs chapeaux. À titre de représentant de Solidarité régionale Québec (SRQ), il a rencontré un policier. (SRQ est impliqué dans l'organisation du Sommet des peuples.) Denis Cusson compare la visite du policier de la GRC, courtois et affable, à une visite de "Témoin de Jéhovah". Le policier a posé quelques questions et s'est dit disponible pour répondre aux interrogations du militant. M. Cusson ne s'est cependant pas converti à la bonne parole du policier.

Quant à Richard Fecteau, de l'Entraide universitaire mondiale du Canada (chapitre de l'Université Laval), lui aussi n'a pas senti cette rencontre comme de l'intimidation. Pour lui, il s'agissait davantage d'une manière, pour les policiers, de dire qu'ils avaient les manifestants à l'oeil. Sébastien Harvey, du RÉPAC 03-12, renchérit : "On se sent surveillés, on sait (que les policiers) sont là. Directement, (la rencontre) n'était pas de l'intimidation mais indirectement, oui".

Pour le sergent Normand Houle, de la GRC, ces visites ne constituaient pas une tentative d'intimidation. Elles s'inscrivaient, dit-il, dans un contexte de "police communautaire." Selon le sergent, les policiers ont rencontré des gens pour discuter, voir conjointement si des affrontements qui ne serviraient la cause de personne pourraient être évités. Les agents voulaient connaître les intentions des opposants et essayer d'avoir leur collaboration, d'après le sergent Houle. "On ne pense pas que la majorité des gens veulent faire de la casse. Ils veulent passer un message et c'est correct", ajoute-t-il, en précisant que la police n'avait pas l'intention d'interdire les manifestations mais ne pouvait tolérer la violence. (Droit de parole,mars 2001)



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