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Appel du Comité de mobilisation contre la ZLÉA d’Argentine.

vieuxcmaq, Lunes, Marzo 12, 2001 - 12:00

Marc Bonhomme (bonmarc@infonet.ca)

Non à la ZLÉA
Les 6 et 7 avril prochains, les ministres de l'économie de tout le continent, à l'exception de celui de Cuba, se réuniront à Buenos Aires pour définir le texte de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) qui sera approuvé à la réunion des présidents qui se tiendra à Québec du 20 au 22 du même mois.
Ainsi, le processus de négociation s'achèvera, un processus secret quant à son contenu, initié en 1994, et qui visait à établir une zone de libre-échange des Amériques pour 2005, ou 2003 si s'impose un rapprochement de l'échéance.

La ZLÉA implique un élargissement de l'Aléna (accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) à tout le continent. Mis de l'avant par les États-Unis, son objectif est d'assurer la libre circulation de ses capitaux et de ses marchandises et ainsi que son hégémonie incontestable sur le continent puisque ses capitaux acquerront, par rapport à ceux du Japon et de l'Union européenne, un accès privilégié aux marchés latino-américains.

Une Zone de libre-échange est différente d'un marché commun. Ce dernier suppose, outre, des tarifs douaniers extérieurs communs, la liberté de mouvement de la main-d'oeuvre, mais il constitue également, comme le démontrent nos expériences et les expériences étrangères, essentiellement, un espace d'accumulation des capitaux les plus concentrés de la région.

Un vrai projet d'intégration serait, à la différence de la ZLÉA, une association entre égaux destinée à créer les conditions de la libre circulation des marchandises, du capital et des personnes, dans un contexte de transformations économiques, sociales et politiques et d'appui aux régions retardataires, afin d'atteindre, dans le cadre de leurs cultures, une homogénéisation de l'espace commun.

Au contraire, une zone de libre-échange, comme celle mise de l'avant par la ZLÉA, tend, si elle s'établit entre des pays de niveaux de développement différent, à accentuer les inégalités et à établir ainsi une division du travail dans laquelle les moins développés deviennent simplement des pourvoyeurs de ressources naturelles et de main-d'oeuvre à bon marché. Pire, dans le cas de la ZLÉA, alors que la puissance hégémonique se réserve le droit de conserver les subsides pour ses producteurs agricoles et les quotas et les normes antidumping afin de lui permettre de baisser les prix des produits latino-américains et de fermer son marché, la pénétration de leurs produits en Amérique latine détruira la production et les emplois et provoquera la réduction des salaires stimulant la précarisation du travail comme moyen d'augmenter la capacité compétitive des différentes économies.

Avec la réglementation du commerce, le projet de la ZLÉA touchera aussi d'autres sphères en établissant une égalité absolue entre les entreprises indépendamment de leur nationalité ; il imposera l'obligation d'une ouverture des achats des États nationaux, provinciaux et municipaux à toutes les entreprises de la ZLÉA, quelque soit leur nationalité, empêchant toute politique qui favorise le capital national non transnationalisé et qui induit le développement de l'emploi et de la production au moyen d'exigences au niveau de l'intégration nationale, de l'incorporation de la technologie, au niveau des exportations, de la législation ouvrière etc.

Dans les faits, la ZLÉA consiste en la création d'un espace au service des transnationales nord-américaines et de ses stipendiés locaux qui portera un coup de plus aux secteurs productifs nationaux, et spécialement aux petites et moyennes entreprises, et qui réduira les salaires et l'emploi et spécialement les conditions de travail des femmes. Les États, pour leur part, verront leur rôle réduit à celui de simple administrateur des intérêts des transnationales et de ses serviteurs et seront amenés à se concurrencer pour attirer les investissements, à permettre la destruction d'un environnement, et à ajuster continuellement vers le bas les salaires et les conditions de travail.

La ZLÉA prévoit aussi, au-delà des réglementations de l'Organisation mondiale du commerce, et comme le défunt Accord multilatéral sur les investissements (AMI) que lorsque des législations ou des règlements de l'État affectent les charges des entreprises et par le fait même leurs profits, ces dernières peuvent poursuivre directement les États devant des tribunaux d'arbitrage.

C'est ainsi que se met en place un approfondissement de la soumission des États aux intérêts du grand capital en affaiblissant leur souveraineté, et par conséquent la capacité de nos peuples à choisir leur propre destin.

Le projet de ZLÉA s'élargira en outre aux services et il octroie aux entreprises le droit de les fournir à l'exception de ceux offerts par l'État sous une forme absolument gratuite. Ceci ouvre la possibilité de la privatisation là où elle ne s'est pas encore réalisée, entre autres dans les services de santé, d'éducation, d'assainissement (privatisation de l'eau) ; des postes et des communications. Le projet exclut expressément la possibilité de revenir sur les privatisations aux endroits où elle s'est faite. Le principe général est de transformer les services sociaux en marchandises dont l'accès sera réglé par la capacité individuelle de les payer.

C'est ainsi que la ZLÉA oppose les intérêts du grand capital transnational aux intérêts des citoyens et des citoyennes, affaiblissant ainsi la souveraineté populaire et les institutions démocratiques. Sa réalisation, que le président Bush met de l'avant avec la complicité de quelques gouvernements latino-américains, et parmi eux le nôtre, sera nécessairement suivi d'un corollaire répressif et militaire: le Plan Colombie et son élargissement à l'ainsi nommé Plan América.

L'application de l'ensemble des mesures contenues dans la ZLÉA implique l'approfondissement des politiques néolibérales appliquées dans les deux dernières décennies dans toute l'Amérique latine et garantit leur caractère irréversible.
Quelconque État national qui désirerait les changer affronterait le paiement d'indemnisations qui le mettrait en faillite. Les institutions seraient ainsi vidées de tout contenu réel et l'Amérique latine serait dans l'impossibilité d'entreprendre une intégration de leurs peuples.

En conclusion, la ZLÉA ne constitue pas un réel projet d'intégration, au contraire c'est un projet politique de soumission et d'approfondissement à l'hégémonie des États-Unis. Ce serait un zone qui va de l'Alaska à la Terre de feu où les intérêts des entreprises nord-américaines seraient au-dessus des lois et des intérêts de chacun de nos pays.

Face à cela, une autre intégration est possible, basée sur les intérêts des peuples latino-américains et de la Caraïbe, basée sur des transformations économiques profondes qui donnent une légitimité sociale à l'union des peuples d'Amérique Latine et de la Caraïbe.

Le développement de la ZLÉA a été possible, jusqu'à maintenant, à cause du secret total derrière lequel les négociations se sont faites et de la complicité des gouvernements.

Étant donné son importance, nous n'acceptons pas qu'on puisse faire un pas irréversible de cette nature sans demander l'avis de nos peuples, par la tenue d'un référendum dans chaque pays, comme l'a proposé la Coordination des centrales syndicales du Cone Sud et nous considérons comme indispensable la mobilisation la plus active de tous les secteurs contre la ZLÉA.

Les luttes contre les plans expansionnistes et hégémoniques des États-Unis et les politiques néolibérales se sont développées durant la dernière décennie. L'entrée en vigueur de l'ALÉNA a été marquée par le lancement du mouvement zapatiste au Mexique. Les actions de Seattle furent le point de départ des mobilisations qui expriment de plus en plus clairement, à toutes les réunions des organismes internationaux, la perte absolue de légitimité de ces derniers. Le Forum Social de Porto Alegre a constitué un saut qualitatif dans l'articulation des mouvements, qui, dans le monde entier, luttent contre les politiques néolibérales.

Les journées contre la ZLÉA à l'occasion de la réunion des ministres de l'économie à Buenos Airs peuvent et doivent constituer un moment historique dans l'union des peuples latino-américains et de la Caraïbe contre l'hégémonie nord-américaine et les politiques néolibérales.

Pour tout ça,

Nous appelons à nous mobiliser de multiples manières pour le rejet de l'accord.

Nous adhérons à la demande de référendums dans tous nos pays.

Nous appelons à participer aux multiples activités qui seront tenues du 2 avril et qui culmineront dans une grande journée de rejet et de protestation.

Pour conserver en mains notre destin comme peuple, il est indispensable de freiner la réalisation de la ZLÉA.

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