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L'indépendance judiciaire et le Sommet des Amériquesvieuxcmaq, Lunes, Noviembre 27, 2000 - 12:00
Enrico Théberge (bourico38@hotmail.com)
Au cours d'un colloque organisé par l'Association américaine des juristes, plusieurs En raison du pouvoir important de la police, Me Julius Grey soutient qu'elle a maintenant le contrôle de la rue si elle peut arrêter à sa guise les personnes qu'elles désirent car elles auraient formé un attroupement illégal au cours d'une manifestation - par exemple pendant le Sommet des Amériques - et décider de poursuivre n'importe laquelle parmi le groupe de personnes arrêtées. Sans compter qu'en raison des menaces d'arrestation et de poursuite planant à chacune des manifestations, les citoyens choisiront peut-être de ne plus se présenter à des manifestations. Pour se protéger de cette dérive antidémocratique, il faudra lutter. Me William Sloan , président de l'Association américaine des juristes, soutient que les avocats et les juristes devront participer à ce combat afin de montrer leur souci de protéger les droits des citoyens et pour offrir leurs services aux individus arrêtés par la police au cours du Sommet. Enfin, Me Denis Barrette, de la Ligue des droits et libertés, nous révèle une initiative de cet organisme afin d'examiner les procédures d'arrestation et de poursuite intentées au cours d'une manifestation par les policiers et par l'administration gouvernementale. Ces préoccupations et bien d'autres ont été discutées par un groupe de juristes rassemblés à l'Université du Québec à Montréal dans le cadre d'un colloque organisé par l'Association américaine des juristes, le 25 novembre dernier. L'objectif de cette rencontre était d'examiner l'importance de l'influence du pouvoir des forces de l'ordre au sein de l'appareil gouvernemental et d'analyser la mise en oeuvre d'un principe juridique afférent à tout État de droit - l'indépendance judiciaire -, et ce, dans des espaces géopolitiques précis ( Québec, Canada, Rwanda et Guatémala ). Me Julius Grey a aussi fait part aux participants des craintes qu'il avait à la veille du Sommet des Amériques en raison des pratiques policières actuelles. Ainsi, au Canada et au Québec, les policiers semblent bénéficier d'un pouvoir accru car ils exerceraient une trop grande influence dans la décision du Procureur général de poursuivre ou non un prévenu. Par conséquent, les citoyens ont des motifs de croire que ce dernier soit soumis aux volontés des forces de l'ordre. Pour illustrer son propos, Me Grey nous a exposé le contexte factuel entourant l'arrestation de l'une de ses clientes. Cette dame, après s'être aperçue que des constables avaient percuté sa voiture avec leur auto-patrouille, s'est enquise auprès de ces derniers pour connaître ses droits. Alors, ces derniers, plutôt que de l'en informer, l'ont provoquée inutilement. Ensuite, son fils est venu l'aider sans pour autant que cela donne des résultats positifs. D'ailleurs, les policiers l'ont provoqué lui aussi, l'ont tabassé et ont procédé à l'arrestation de ces deux personnes pour avoir gêné le travail des forces de l'ordre. Malgré l'absence de preuve, le Procureur général a décidé de poursuivre la mère et le fils pour des infractions qu'ils avaient commises en raison de la provocation des policiers. L'indépendance judiciaire est la faculté qui doit être accordée aux tribunaux d'un espace géopolitique afin qu'ils puissent rendre une décision qui s'est fondée sur les termes de la loi. Dès lors, les juges de ces tribunaux ne doivent pas utiliser des motifs qui ne sont pas spécifiés dans la loi pour régler l'issue d'un litige judiciaire. Ainsi, les pressions politiques exercées par les groupes de pression et les ministres de l'État ne doivent pas servir à justifier la décision rendue par les juges. Aussi, pour veiller à ce que les tribunaux soient indépendants, il faut s'assurer que les juges soient nommés suivant les termes de la loi et non en fonction du soutien du candidat à titre de juge à la politique du parti au pouvoir; leur rémunération et le renouvellement de leur mandat doivent également être déterminés légalement et être à l'abri des pressions politiques exercées par l'appareil gouvernemental. Dans le même ordre d'idées, au cours du colloque, Me Gilbert Nadon a présenté aux participants un résumé sommaire de la décision rendue par le juge Rochon suite au litige opposant le Barreau du Québec au Procureur général du Québec sur l'indépendance judiciaire du nouveau tribunal créé par l'État québécois, le Tribunal administratif du Québec. Suite à la présentation des positions des deux parties au litige, le juge Rochon a considéré que ce tribunal n'était pas à l'abri des diverses pressions exercées par l'appareil gouvernemental. Par exemple, le mandat d'un juge de ce tribunal est renouvelable à toutes les périodes de cinq ans. Dès lors, le juge intéressé à voir son mandat renouvelé pourrait être tenté de rendre des décisions qui plaisent au gouvernement québécois, surtout lorsque l'un de ses représentants fait partie du comité d'évaluation des juges qui recommande le renouvellement des mandats de certains membres du Tribunal administratif du Québec. Par la suite, Me Daniel Paquin a dressé un portrait de certains tribunaux canadiens qui ne présentent pas, eux aussi, les garanties d'indépendance judiciaire requises pour tout tribunal faisant partie d'un État de droit. Ainsi, la Commission sur le statut de réfugié a déjà été rabrouée à cet effet par la Cour fédérale car l'un des membres de cette Commission avait décidé de ne pas attribuer le statut de réfugié politique à un ressortissant tunisien, membre d'un parti politique islamiste modéré, sur les bases de documents étrangers à la loi. Elle aurait utilisé en fait des textes des années 70 d'un imam, membre lui aussi de ce parti politique, qui ne voulait pas reconnaître l'égalité de statut à la femme sans examiner les prises de position du ressortissant tunisien qui désirait obtenir son statut de réfugié politique au Canada. Ainsi, selon Me Paquin, la Commission aurait, de ce fait, avalisé la politique du gouvernement tunisien. Un autre tribunal canadien qui a été examiné par ce juriste est la Commission des libérations conditionnelles. Les membres de cette Commission peuvent être des commissaires à temps plein ou à temps partiel. Les premiers reçoivent une rémunération annuelle pour leurs services. Les autres reçoivent des sommes après chacune des décisions qu'ils rendent. Par conséquent, leur statut est beaucoup plus précaire que celui des commissaires à temps plein et ils peuvent être intéressés à rendre des décisions conformes aux voeux de leurs patrons s'ils veulent travailler encore. Des juristes étrangers ont présenté leurs analyses de l'indépendance judicaire des tribunaux de leur pays. Au Rwanda, par exemple, les juges ne reçoivent qu'une faible rémunération, c'est-à-dire 100$ par mois, pour rendre des décisions controversées, notamment sur la commission du crime de génocide par certains individus et sur la légalité de projets de développement économique des amis du gouvernement rwandais. L'un des autres graves problèmes auxquels ont à faire face les juges rwandais est la faiblesse des moyens matériels qui leur sont offerts par le gouvernement. Dès lors, les juges de ce pays peuvent rendre des décisions qui ne sont pas à la hauteur des attentes des citoyens désireux de voir s'implanter la démocratie dans leur pays. Cette crainte est également partagée par les citoyens guatémaltèques selon les dires de Henry Monroy, un ancien juge d'instruction guatémaltèque, et ce, malgré la loi adoptée par le Parlement guatémaltèque afin d'établir une procédure légale de nomination des juges et l'implantation d'un système pénal accusatoire. Il en est ainsi car le système judiciaire de ce pays semble encore être infiltré par le service de renseignements du gouvernement guatémaltèque, comme au cours de la guerre civile qui a ébranlé ce pays au cours d'une période de quarante ans. Au soutien de cette affirmation, M. Monroy nous a appris que 88% des personnes poursuivies par l'État en raison de la commission d'un acte criminel l'étaient pour des délits contre la propriété et que 82% des détenus étaient des personnes qui avaient commis un délit contre la propriété privée, et ce, en dépit du fait que la guerre civile ait eu son lot de victimes - 200 000 morts et 150 000 "disparus". Pour expliquer cette situation absurde, M. Monroy avance une explication: 93% de ces actes violents posés au cours de la guerre civile ont été attribués au gouvernement guatémaltèque. Alors, si les citoyens de ce pays désirent renverser cet ordre des choses, il faut exercer des pressions nationales et internationales, comme l'a fait dernièrement Mme Rigoberta Menchù en déposant en Espagne une requête contre les généraux guatémaltèques. Aussi, il faut que la communauté internationale, tout comme le Canada, se réveille de sa torpeur pour dénoncer cette situation sur toutes les tribunes plutôt que de continuer à vouloir signer des ententes commerciales avec le gouvernement guatémaltèque. À cet effet, Me Georges A. Lebel, trésorier de l'Association américaine des juristes, soumet une suggestion: l'Association américaine des juristes devrait presser les gouvernements canadien et québécois au cours du Sommet des Amériques qui aura lieu au cours du mois d'avril 2001 pour qu'ils se soumettent aux textes internationaux sur les droits de la personne en refusant de conclure des ententes commerciales avec des gouvernements qui ne respectent pas les droits de la personne. |
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