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Tract des autonomes distribué lors du 1er mai à Lausanne

Anonyme, Domingo, Mayo 1, 2011 - 14:49

Quelques un-e-s des anciens de AA

Le tract que nous avons fait circuler pendant la manif' lausannoise du 1er mai.

1er mai : rétrospective

Une petite histoire du premier mai, de son origine à Chicago au XIXe siècle, à la perpétuation de son souvenir au 21e siècle à Lausanne, en passant par quelques questionnements sur l’avenir de ce joyeux bordel que sont souvent les manifestations de la très mal nommée "fête du travail".

Sur l’histoire du premier mai

Le 1er mai 1886, après une assemblée ouvrière au Haymarket à Chicago, commença une grève générale de plusieurs jours que le mouvement ouvrier nord-américain avait appelé depuis le début de l’année. Le jour a été choisi en référence à la manifestation de masse du 1er mai 1856 en Australie qui avait également revendiqué la journée de huit heures. A cette époque, l’ouvrier moyen était entre 12 et 14 heures par jour à l’usine, ce qui lui permettait tout juste de se payer un souper. Le 3 mai, la grève donna lieu à des confrontations massives entre des manifestants et la police, pendant lesquelles 6 ouvriers furent tués et plusieurs autres blessés. La nuit suivante, plusieurs milliers de grévistes se rassemblèrent pour une manifestation de protestation que la police essaya également de prendre d’assaut. La situation dégénéra le lendemain lorsqu’un inconnu lança une bombe de l’intérieur de la foule tuant un policier immédiatement et blessant plusieurs personnes autour. Six policiers moururent à cause de leurs blessures par la suite. La police commença à tirer et pendant les émeutes qui s’ensuivirent, entrées dans l’histoire en tant qu’affaire de Haymarket, plus de 200 ouvriers furent blessés et environ une vingtaine tués. Huit anarchistes, accusés d’avoir organisé le rassemblement, furent arrêtés et accusés de conspiration. Quatre d’entre eux furent exécutés, un autre se suicida dans sa cellule. Les trois survivants furent graciés six ans après. Lors du congrès fondateur de la Deuxième Internationale, le 1er mai fut proclamé « Jour de lutte du mouvement ouvrier » en guise de commémoration de ces événements avec l’objectif de voir fleurir dans tous les pays des manifestations pour la journée de huit heures.

Sur le Premier Mai à Lausanne

Aujourd’hui le Premier Mai est l’apanage de la gauche institutionnelle. Un vide rhétorique caractérise ces rendez-vous, à mi-chemin entre le regret de l’âge d’or du mouvement ouvrier et la pure récupération électorale. Les politicards sortent à pas lents de leurs bureaux respectifs pour dépoussiérer les vieux drapeaux, dresser un stand de saucisse et ouvrir une bouteille de rouge entre deux discours que personne n’écoute. C’est l’occasion pour le PS de prouver qu’ils font mieux la raclette que la politique, et que la frontière entre kermesse syndicale du premier mai et kermesse patriotique du premier août n’est pas si épaisse...

Cette année, le cortège traditionnel est prévu un dimanche. Une chance, ou un test, c’est selon, puisqu’habituellement, en semaine, syndicats et partis convoquent cette manifestation pendant les heures de boulot (!). A n’en pas douter, ce beau dimanche de mai aura plus l’apparence d’un jour de fête du travail que d’un jour de lutte contre celui-ci. On aura pu le constater les années précédentes, malgré les efforts des politicards pour convoquer un maximum d’associations et diversifier leurs rangs ; les composants des premiers mais manquent de vivacité et de fraîcheur.

Depuis trois ans, un pétard chinois éclate dans la bouse de vache, perturbant la paix sociale qui veut faire du premier mai un joli pique-nique entre vieux militants. En trois ans, trois manifs, sortant du moule syndicats-flonflon et autres organisations se sont déroulées. Sans s’arrêter sur des chiffres, environ 250 personnes se sont réunies en 2008 au parc Milan, pour une ballade en ville. En 2009, des autonomes essayent de rajeunir le cortège des syndicats -tout en maintenant un appel séparé et leur propre affiche- mais ils se font évincer par la police sous ordre d’un chef popiste et avec le soutien des organisateurs. Le comble, un collectif bidon ("casseurs-de-préjugés"), en partie mené par ces mêmes politiciens, est lancé en solidarité avec les inculpés : une jolie récupération politique qui n’a pas échappé aux critiques.
2010, deux manifestations se côtoient en ville, ou du moins, auraient dû. Au départ du parc de Milan, les autonomes sont bloqués, la manif se cantonne sous-gare. Des arrestations ont lieu, les manifestants sont encerclés loin des badauds, pour le plaisir de la "gauche" et dans l’indifférence des médias et de la "société civile", pas du tout gênés qu’une partie de la population ne puisse s’exprimer. A plusieurs reprises, des hauts-membres de solidarité et du POP (dont le municipal de la police Marc Vuilleumier) avaient assuré que nulle répression ne serait faite aux autonomes, si ceux-ci abandonnaient leur parcours initial pour se joindre au cortège "officiel". Le but est clair : une tentative d’intégration politique des "éléments dissidents". Après la manifestation d’Action Autonome en 2008, il semblerait que la gauche citoyenne craigne de perdre tragiquement le monopole de la contestation. Le premier mai 2010 se terminera spontanément dans les locaux du PS, qu’une bande de joyeux lurons a occupé afin de braver la froideur de la répression et de la pluie, et de clore cette journée sur une touche positive (et alcoolisée, les frigos socialistes regorgeant d’excellents vins...(on ne les appelle pas "gauche caviar" pour rien)).

Quelles ébauches de conclusion tirer de ces dernières années ?
Après réflexion, on a réalisé que ces moments de lutte, pour nous, ont vu leur potentiel d’expirer. D’une part le contexte lausannois, de toute évidence, rend difficile de continuer dans cette voie (comme témoignent d’ailleurs la répression du ressemblent en mémoire de Skander Vogt et de la street party à Lausanne). D’autre part on s’est aperçu que ces événements commencent, eux aussi, à rentrer dans la routine et le ritualisme. S’enfermer dans le piège de la manifestation comme fin en soi, laissons cela aux syndicats.
Une bonne piste à développer aujourd’hui nous semble l’occupation des bureaux du PS dans la maison du Peuple, suite à la répression de manifestation de 2010 à Lausanne. Il a permis à une dizaine de personnes d’attaquer la pacification sociale à son cœur et d’en mettre en evidence les contradictions. Ce moment a obligé les politicards à se confronter "au monde réel" hors de leur heures de bureaux et a permis aux occupants de fêter le premier mai de manière spontanée, libératrice et très amusante. En définitive, abandonner (provisoirement ?) une voie de lutte pour stimuler la création de tout un tas de chemins nouveaux à explorer semble être bénéfique. Explorer de nouveaux terrains et de nouvelles manières de reprendre la rue, tout comme reprendre nos vies en main, hors des sentiers battus et des rituels militants poussiéreux...

See you soon, à la prochaine explosion !

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