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Obama et le dispositif utilitaire (Gestell)Anonyme, Jueves, Octubre 7, 2010 - 10:49
Yvan Blot
Dans une précédente note (*), j’ai montré comment les Etats-Unis actuels incarnaient le « Gestell » avec un modèle de société entièrement tourné vers le fonctionnel et ramenant l’être humain à une « matière première interchangeable ». Obama est l’incarnation de ce système comme « robot aimable », entièrement consacré à sa fonctionnalité électorale de manipulation des masses, sans relations au Sacré, sans racines et sans message (la « com » en tient lieu). On reconnaît dans cette analyse les outils forgés par le philosophe de l’existential Martin Heidegger. Il est intéressant de poursuivre ce chemin avec quelques informations récentes venant des Etats-Unis. Reprenons notre analyse en terme de quadriparti. On sait que, selon Heidegger, l’homme a besoin de vivre dans un « monde » défini par l’intersection et l’enroulement de quatre pôles : la terre (l’origine, les racines), le Ciel (l’idéal, la mission), la Divinité (créatrice) et les hommes (mortels capables de se sacrifier). Ces quatre pôles sont cités dans le « Gorgias » de Platon et correspondent aux quatre causes d’Aristote dans sa métaphysique. On reconnaît ici les causes matérielle (la terre), formelle (le ciel), motrice (les hommes) et finale (la Divinité). Appliquons l’analyse quadripartite à Obama : 1/ Du point de vue de la terre, des origines, des racines : l’électorat de Obama est le moins enraciné dans des traditions (source : « Der Spiegel » 10/11/08) : – 75% des électeurs athées ou agnostiques ont voté pour lui ; Ce n’est pas tout : – 73% des plus pauvres (moins de 15.000 dollars par an) ont voté Obama ; Les grandes villes ont voté Obama à 63% et les zones rurales à 45%. On voit bien que c’est l’Amérique la plus déracinée qui a voté Obama. Celui-ci est le candidat des réseaux d’intérêt d’hommes sans racines, massifiés par les médias et qui veulent que les hommes soient interchangeables comme des outils économiques et rien de plus. 2/ Du point de vue du « ciel », des valeurs, idéaux et projets : Obama a un discours vide, et même les médias favorables le reconnaissent. Son slogan est parfaitement représentatif de ce que Heidegger appelle la « volonté de volonté sans contenu » liée au Gestell : « Yes, we can ! » Nous le pouvons : nous pouvons quoi ? Pas d’importance ! L’essentiel est de pouvoir ! La puissance pour la puissance, sans aucun message particulier. Le triomphe du fonctionnel utilitaire. Pour le Gestell, il faut obscurcir le ciel des idéaux qui peut gêner la machine à consommer massivement. C’est le triomphe du relativisme. « Ciel, idéal, étoile ? Qu’est-ce ? disent les derniers hommes et ils clignent de l’œil. » Cette phrase de Nietzsche montre ce qu’il en est des hommes du Gestell : « animaux technicisés », écrit Heidegger, qui ne savent que produire et consommer, faire carrière fonctionnellement : le contraire de ce que l’on a appelé dans la tradition européenne « la vocation » (la vocation suggère un appel du Divin à créer et à se sacrifier : tout cela n’a aucun sens pour le dispositif utilitaire !) 3/ Du point de vue du Sacré et du Divin : Obama est proche des « libéraux américains » favorables à l’avortement, à la laïcisation de la société, et il est logique que les athées et agnostiques du dispositif utilitaire aient voté à 75% pour lui. C’est une erreur de croire que la société américaine dominante n’est pas laïque et matérialiste, même s’il est habituel de parler de Dieu en permanence. Le courant laïc (liberals) domine largement les médias. Le courant conservateur n’a pas pu remonter la pente sinon superficiellement car il est lui-même pénétré par l’idéologie du Gestell : l’économie avant tout ! Tout le monde s’interroge sur l’identité religieuse d’Obama : il a un deuxième prénom musulman ! En fait, ce flou est volontaire car il permet d’attirer toutes sortes d’électeurs. Obama est une machine à attirer des électeurs et a été formé pour cet unique but fonctionnel avec l’appui de milieux financiers eux-mêmes « fonctionnalistes ». Pour ces milieux, la cause finale des hommes n’a rien de divin : c’est la satisfaction matérielle de l’ego, en termes de pouvoir, d’argent ou de sexe. L’argent est la cause formelle, le but ultime de ce qu’il faut rechercher dans la vie. La technique, cause matérielle, est idolâtrée car elle a partie liée avec l’argent et la recherche de la puissance pour la puissance (sans contenu car sans racines). 4/ Quant à la cause motrice, les hommes, ils sont massifiés le plus possible : Il faut réduire la personnalité originale et la liberté qui y est liée par un conditionnement médiatique approprié. Le conditionnement médiatique aux Etats-Unis s’accomplit avec plus d’efficacité que dans la défunte URSS car il fait appel aux instincts animaux de l’homme : la télévision américaine « abêtit » au sens propre ceux qui la regardent ! C’est plus efficace que la vieille propagande politique du siècle passé qui avait encore une dimension idéaliste ! Nous sommes désormais dans un matérialisme plat accompagné de bons sentiments : plus c’est niais, plus cela passe ! Ainsi, le phénomène Obama est parfaitement conforme aux règles et au monde (est-ce encore un monde ?) du dispositif utilitaire qui domine l’Occident. Les adversaires d’Obama sont en difficulté car ils n’ont pas la clé d’analyse fournie par Heidegger : ils n’ont pas en face d’eux une idéologie ou une philosophie ancienne manière mais un dispositif fonctionnel qui réduit l’homme dans ses finalités à sa seule dimension animale et rationnelle (la raison fournit les moyens de satisfaire l’animal !). Si on a soi-même cette vision réductrice de l’homme, tout en étant soi-disant conservateur ou de droite, on ne peut comprendre que c’est le dispositif utilitaire qui est en train de dévaster notre monde et de faire périr nos idéaux. Selon Heidegger, le Gestell (dispositif utilitaire) a quatre effets sur le monde humain : il dévaste la terre et créé l’errance, il obscurcit le ciel et créé le relativisme, il fuit Dieu et le sacré au profit de l’ego et il massifie les hommes au détriment de leur liberté authentique. Obama est là fonctionnellement pour assurer que tout continuera comme avant, à savoir la société du « Gestell », du dispositif utilitaire contrôlée par la haute finance. Il s’agit sans doute d’agir contre la crise mais surtout d’éviter que le modèle qui a créé la crise soit remis en cause. Cette analyse « fonctionnaliste » ignore totalement ce qui a été à l’origine réelle de la réussite américaine : la culture « wasp » (White Anglo Saxon Protestant). Pour les « fonctionnaires » du Gestell (fonctionnaires même s’ils ont un statut de membre du secteur privé : le juridisme n’a pas d’intérêt ; c’est l’essence des phénomènes qui importe !), le succès des Etats-Unis est dû à de bonnes procédures, et non aux hommes et aux idéaux qu’ils portent. La démocratie est une de ces procédures. Elle est quasiment déifiée ! C’est une grave erreur car les mêmes procédures transposées dans un sol culturel différent échouent totalement (voir le Zimbabwe par exemple) ! Si l’Amérique oublie ses vraies racines qui ne sont pas africaines mais européennes et même plus spécifiquement anglo-saxonnes, elle va nécessairement décliner. L’argent et la technique ne peuvent pas à eux seuls faire une civilisation, même avec l’aide de bonnes procédures juridiques. L’argent, la technique, le droit relèvent de l’ordre des moyens et n’ont pas de contenu, d’être donnant un sens à la vie. La vie utilitariste en Amérique est une vie qui repose sur l’oubli de l’être. L’Occident s’est bâti sur un « monde » qui donnait du sens à la vie des hommes : la religion chrétienne donnait un espoir supra-terrestre et un idéal d’amour transcendant le matérialisme. La tradition grecque, mêlée à la religion et transmise également par l’empire romain donnait à l’homme l’idéal de l’honnête homme, le kalos-kagathos pouvant culminer dans l’héroïsme au service de la patrie. Ce double héritage chrétien et antique est effectivement un héritage : par contre, il faut bien constater que sans terre (héritage) pas de ciel (d’idéal à accomplir) ! Il importe donc à l’Amérique de retrouver son héritage architecturalement inscrit dans le sol sous la forme des parlements et palais de justice néoclassiques et sous la forme des églises néogothiques ! Mais depuis le XXe siècle, c’est le gratte-ciel fonctionnel qui a pris la première place, gratte-ciel qui ne contient ni le pouvoir politique ni la fonction religieuse mais des banques de préférence ! Quelle symbolique ! Les Etats-Unis ne sont pas le modèle mais sont devenus sa totale contrefaçon : espérons que l’Europe le comprendra et que ce sera elle qui apportera le « supplément d’âme » dont les Américains ont besoin aujourd’hui ! Ce supplément ne peut être que religieux et philosophique avant d’être politique : à notre sens, il n’existe que deux modèles philosophiques modernes en Occident qui ont survécu à l’effondrement des philosophies matrices du totalitarisme (disons pour simplifier : les philosophies révolutionnaires) : la philosophie analytique des Anglo-Américains, qui est le soubassement du Gestell (Rawls, Dewey et consorts), et la philosophie existentielle qui a ses racines en Allemagne et en France, c’est-à-dire dans l’ancien Empire de Charlemagne ! Il s’agit de voir ce qui va reprendre l’initiative : l’héritage carolingien ou le « non-héritage » des marchands du temple ! L’avènement (Ereignis) de l’être ou l’oubli de l’être ! C’est une alternative autrement plus importante pour l’avenir que celle de la droite alimentaire face à la gauche caviar ! Yvan BLOT (*) « Obama et le destin » Yvan Blot [ EDIT (Mic à titre de validation au CMAQ) |
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