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Plus jamais? (2ème partie) Encore un blessé par balle à Montréal et le cas de Claude D'Auteuil, mort le 20 août 2010 à CantleyFrançois Du Canal, Sábado, Septiembre 25, 2010 - 12:34 (Reportage ind. / Ind. news report | Droits / Rights / Derecho | Repression | Resistance & Activism)
François Du Canal
Une personne a été blessée par balle par le SPVM à Montréal lundi dernier, ce qui porte le bilan actuel pour l’année 2010 à 18 cas au Québec: 5 blessés et 13 décès. Nous commencerons par résumer ce dernier cas, puis nous nous pencherons sur le cas de M. D’Auteuil, mort à Cantley en Outaouais le 20 août 2010 dans des circonstances plutôt troubles. Ce dernier cas a fait couler beaucoup d’encre, car il nous amène à nous poser une question fondamentale (que nous posions déjà dans la première partie de notre série) : comment intervenir auprès des personnes suicidaires ou en détresse? Dans la première partie de cette série d’articles, nous avons révélé des chiffres inquiétants sur le nombre de personnes tuées ou grièvement blessées par des policiers au Québec depuis 1999 (plus de 300 cas). Nous avons également fait un bref survol de 6 cas qui sont arrivés à Montréal depuis le début de l’année 2010. Nous annoncions pour cette deuxième partie que nous allions nous pencher sur les autres cas survenus ailleurs au Québec depuis janvier 2010.(1) Mais deux éléments sont venus changer un peu nos plans: une personne a été blessée par balle par le SPVM à Montréal lundi dernier et les circonstances troubles entourant le cas de Claude D’Auteuil. Nous commencerons donc par résumer le cas de lundi dernier, qui porte le bilan actuel pour l’année 2010 à 18 cas: 5 blessés et 13 décès. Nous nous pencherons sur le cas de M. D’Auteuil, mort à Cantley en Outaouais le 20 août 2010 dans des circonstances plutôt troubles. Ce dernier cas a fait couler beaucoup d’encre, car il nous amène à nous poser une question fondamentale (que nous posions déjà dans la première partie de notre série) : comment intervenir auprès des personnes suicidaires ou en détresse? Cette question, qui en est littéralement une de vie ou de mort, se pose avec d’autant plus d’urgence que depuis le début de l’année 2010 seulement, ce sont pas moins de 8 personnes qui ont perdu la vie lors d’opérations policières dans un contexte de crise suicidaire. Sur les 18 cas de morts ou blessés depuis le mois de janvier dernier, le suicide (réel ou invoqué par les policiers) est donc la principale cause de décès dans le cadre d’opérations policières au Québec.(2) 20 septembre 2010 : un homme est blessé par balle dans le quartier Rosemont De son côté, le porte-parole du SPVM Olivier Lapointe avait répondu lundi soir à l’Agence de scabs QMI qu’il ne savait pas si le jeune homme avait foncé ou non sur les agents, qui venaient de débuter leur quart de travail.(4) D’après La Presse, le lendemain matin les policiers n’étaient « pas en mesure de dire combien de policiers ont pris part à l'opération et si plus d'une balle a été tirée » (bien qu’ils aient dit au moins 2 balles à Rue Frontenac). L’intervention se serait déroulée devant le domicile du blessé sur la rue St-Vallier, puis aussi près du boulevard Rosemont. Des voisins auraient entendu 2 ou 3 coups de feu.(5) De son côté, le sergent Claude Denis de la SQ déclara à la Gazette que l’homme avait « foncé directement sur les agents » avec ses couteaux.(6) D’autres articles parlent seulement d’avoir « fait des gestes menaçants »(7), d’avoir « menacé les agents »(8) ou encore de les avoir « confrontés ».(9) On ignore donc encore ce qui a bien pu se passer entre le moment où l’homme est sorti de chez lui et le moment où l’intervention s’est déplacée plus près du boulevard Rosemont. L’enquête soi-disant « indépendante » de la SQ nous en apprendra-t-elle plus là-dessus? Doutons-en. On sait en tout cas que plusieurs agents ont été hospitalisés pour un choc nerveux...(10) 20 août 2010 à Cantley : une bavure policière déguisée en « suicide par policier »? Commençons par présenter la victime: Claude D’Auteuil, 59 ans, était le directeur de la sécurité routière pour la SAAQ en Outaouais.(11) Comme c’est souvent le cas quand des policiers tuent une personne, des journalistes ont trouvé des gens pour démoniser la victime, comme si cela justifiait sa mort. Ainsi, une poignée de voisins auraient dit que « les policiers s'étaient déjà rendus à ce domicile au cours de l'été, après que des coups de feu et des cris de femme aient été entendus ».(12) Pourtant, plusieurs autres voisins qui le connaissaient un peu l’ont décrit comme un « amant de la nature, qui adorait sortir tôt, le matin, afin de faire son jogging », un « bien bon monsieur », « sympathique » bref, « un voisin sans histoire, dans un quartier rural des plus tranquilles ». De plus, on sait qu’il avait une compagne et des enfants adolescents. Ces résidents ont donc eu « tout un choc » en apprenant la fin tragique de leur voisin avec qui « on a jamais eu de problème ».(13) M. D'Auteuil était « maigre » et mesurait 5 pieds 8 pouces.(14) Un ami à lui ajoute qu’il était « un gars doux et gentil, mais malheureusement qui traversait difficilement les drames de la vie ».(15) Ce serait justement à cause d’une rupture amoureuse qu’il aurait voulu mettre fin à ses jours. Il était même allé à son travail le jour-même pour annoncer qu’il allait prendre sa retraite et a averti un collègue qu’il voulait se suicider.(16) Vers 16h, le 20 août, il composa le 911 pour dire qu’il voulait s’enlever la vie. Un ou des agents de la Sécurité publique de la MRC des Collines se sont rendus à son domicile. Ils ont vu qu’il était armé et ont donc appelé du renfort et établi un périmètre en évacuant des résidences voisines.(17) Jusque là, tout le monde s’entend sur le déroulement des choses. C’est ensuite que ça se corse. 1ères versions: la police tue par balle un homme suicidaire Même le porte-parole de la Sécurité publique de la MRC des Collines, Martin Fournel, déclare: « À un moment donné, l'homme est sorti de la résidence. Des coups de feu ont été tirés par l'un de nos policiers. Il en est mort. » Il s’agirait d’un agent non identifié du Groupe d’Intervention Tactique (GIT ou SWAT).(25) Nulle part ici n’est-il question que D’Auteuil aurait utilisé son arme. Mieux encore, non seulement Fournel refuse de dire s’il pointait son arme sur les policiers, mais il affirme aussi que D’Auteuil « n’a pas eu la chance d’utiliser son arme »! Il avoue tout de même en parlant de l'opération policière que, « en gros, ça ne s’est pas bien fini »…(26) Une variante de cette version est la suivante : « l'homme, suicidaire et armé, a ouvert le feu en se précipitant vers l'extérieur de sa résidence, au 108, rue Crémazie. C'est à ce moment qu'un agent a réagi en tirant sur l'homme. »(27) Le porte-parole de la SQ, Steve Lalande, affirme lui aussi que trois coups de feu ont été tirés par la police et un par D’Auteuil quand il est sorti de chez lui. Par contre, il prétend qu’il ne peut pas dire « si le désespéré a été le premier à ouvrir le feu ».(28) Apparemment pas trop au courant, Lalande affirme aussi que la SQ n’a toujours « pas déterminé si ces balles ont été tirées par le même agent de la Sécurité publique de la MRC, ou par plusieurs d'entre eux » (29) (bien que Fournel ait déjà dit la veille que c’était le même agent). Enfin, comme si ce n’était pas assez compliqué comme ça, une autre variante de cette même version veut que D’Auteuil aurait « tiré plusieurs fois dans sa maison » avant de sortir de chez lui.(30) Le porte-parole de la SQ affirme aussi qu’il ne sait pas « qui a tiré en premier, ni qui a tiré qui »(!), même si aucun autre blessé n’a été rapporté. Mais plus choquant encore, l’hypothèse privilégiée par les enquêteurs policiers soi-disant indépendants est celle du « suicide par procuration », une idée mieux connue sous le nom de « suicide par policier ». En effet, les enquêteurs de la SQ « interrogeaient les membres de la famille, voisins et autres témoins pour savoir si l’homme espérait que la police le tire »(31)! Non seulement cette théorie est malhonnête, mais elle montre le biais des enquêteurs qui mènent leur enquête dans le but de prouver que les agents avaient raison de tirer D’Auteuil. En effet, les personnes qui veulent se suicider ne souhaitent en général pas la mort, mais plutôt la fin de leur souffrance. Elles optent pour le suicide comme on appelle à l'aide et parce qu’elles ne voient pas d’autre moyen d’y mettre un terme. C’est pourquoi ces personnes ont besoin d’aide et non pas de se faire tirer par des policiers, comme si ceux-ci rendaient un « service » aux personnes suicidaires?! Toujours est-il que quand on chercher à confirmer une hypothèse, on finit toujours par trouver des éléments pour le faire. 2ème version : l’homme qui menaçait de se suicider se serait suicidé?... Lalande dit au journal Le Droit que « la première balle était un coup de semonce d'un policier de la Municipalité régionale de comté (MRC) des Collines », que « deux autres balles du policier ont atteint l'homme au bas du corps », puis que « La dernière balle, qui a causé la blessure mortelle au haut du corps, provient de l'arme de M. d'Auteuil ». Il précise que D’Auteuil a été atteint par le policier « à une jambe et à un bras ». (Depuis quand les bras font-ils partie du bas du corps? Mystère…) L’arme de D’Auteuil et celle du policier n’étaient pas du même calibre.(33) Selon les « sources » du journal Le Droit, le policier « aurait attendu jusqu'à la dernière seconde avant de faire feu » et aurait aussi « tout fait en son pouvoir pour convaincre l'homme de ne pas mettre fin à ses jours » (comme lui tirer dessus?). Lalande conclut en disant que « l'enquête est toujours ouverte et elle sera remise au procureur du ministère public pour déterminer si oui ou non il y aura des accusations dans le dossier ».(34) Ces mystérieuses « sources » semblent être l’agent Lalande lui-même, vu qu’il dit exactement la même chose au Ottawa Citizen: « Les négociateurs ont fait tout leur possible pour tenter de négocier avec l’individu pour éviter des actions comme celles-ci ». Il se disait aussi « confiant que les agents avaient bien agi en cognant (sic) à la porte de D’Auteuil après que les négociations au téléphone se soient étirées sur plus de 90 minutes ».(35) Devinons quelle sera la conclusion de la soi-disant « enquête indépendante » de la SQ qui ne serait pas terminée, si son porte-parole est déjà convaincu du bien fondé des actions des policiers? Les paris sont ouverts : pas d’accusations ou… pas d’accusations! Pour tenter d’expliquer le « revirement surprise » dans ce cas, Lalande dit que la police « ne voulait pas immédiatement révéler le fait que D’Auteuil avait son arme braquée sur sa propre tête à cause de la nature sensible de la situation »…(36) Très convainquant aussi, non? On comprend mieux que Fournel ne voulait pas préciser si D'Auteuil pointait son arme vers les policiers, s'il la pointait sur sa propre tête. Quelle menace!... Questions soulevées par l’intervention policière et l’enquête Notez que si notre principale source d’information est les médias de masse, leur première source à eux est les policiers, vu que dans ce cas-ci il n’y a aucun témoin civil vu l’évacuation des voisins par les policiers. Sans oublier le fait qu’un agent de la Sécurité publique de la MRC des Collines aurait même fait le tour des voisins pour leur demander de ne pas parler aux journalistes!(37) Pas étonnant alors que le journaliste de Low Down Online ait trouvé les résidents muets comme des carpes (« tight lipped »), car on leur avait « conseillé de ne pas parler aux journalistes »...(38) Comme s’ils avaient quelque chose à cacher? Une autre question qui se pose est pourquoi les policiers ont-ils tiré D’Auteuil si celui-ci avait son arme pointée vers sa propre tête? Pour tenter de le convaincre de ne pas se suicider? Mais on nous dit tout le temps quand des policiers tirent sur des gens que la police ne tire jamais de coups de semonce (car la balle risque de retomber ailleurs) et ne vise pas dans les bras ni dans les jambes. En effet, ils apprennent à l'Institut de police de Nicolet à utiliser leur arme en dernier recours, quand la vie est menacée, et qu’ils visent donc dans « le centre de la masse » (la masse étant le corps de leurs cibles). Or, dans ce cas-ci, c’est tout le contraire: le policier aurait tiré une fois en l’air, puis dans une jambe et un bras de D’Auteuil! Peut-être est-ce parce que cet incident était le premier depuis la création de la Sécurité publique de la MRC des Collines en 1996 qu’un policier tirait sur un civil?(39) Ces agents n'avaient donc pas d'expérience de tirer sur des gens ni de comment camoufler leurs bavures en faisait attention à leurs déclarations aux médias... À ce casse-tête s’ajoutent des informations partielles publiées sur le site internet de Radio-Rock Détente, qui mentionnent : « la SQ confirme les allégations d'Info Astral (...) La première balle par la victime Claude D'Auteuil en sortant sur balcon, (…) les policiers ont répliqués deux fois dans une jambe et un bras (…) et la dernière balle proviendrait de l'arme de la victime. »(40) Nous n’avons pas eu accès au reportage dans son entier, juste à ces bribes qui ajoutent à l’intrigue. Critiques et propositions formulées suite au décès de Claude D’Auteuil Comparant le cas de D’Auteuil avec celui d’Éric Therrien, un homme de 35 ans tué par un agent de la SQ à Papineauville en novembre 2009, M. St-Jean affirme « dans les deux cas, on a une crise suicidaire, un homme désespéré et un policier qui tire ». D’après M. St-Jean, « dans les deux cas, il aurait fallu un intervenant capable de désamorcer une situation de crise ».(43) Ce que les policiers ne sont visiblement pas capables de faire sans faire couler le sang de la personne suicidaire à qui ils enlèvent la vie en tentant soi-disant de la sauver… Et comme nous avons vu au début de ce texte, les cas de morts dans des interventions policières liées à des personnes suicidaires ou en détresse sont bien trop nombreux pour ne pas qu'on les remette en question. Si le Centre d’aide 24/7 ne s’était pas déplacé le jour du drame, c’est parce que les intervenants de l’organisme ne se rendent pas dans ce village. D’après la directrice du centre, Nathalie Girard, « c'est encore et toujours une question de ressources ».(44) Dans un autre article, Mme Girard répète que « ça fait 20 ans qu'on existe et nous n'avons toujours pas les ressources financières pour remplir notre mission adéquatement. » Selon elle, « tant que le politique n'en fera pas une priorité, ça va rester au beau fixe. On dirait que le suicide n'est pas une cause à laquelle les gens veulent s'associer. » Mme Girard dit qu’elle aimerait bien pouvoir répondre plus aux appels téléphoniques sans devoir les transférer au 911, mais elle ne veut même pas faire de campagne de promotion pour faire connaître son organisme par peur de ne pas pouvoir répondre à la demande. Une vingtaine d’intervenants de l’organisme reçoivent 12 000 demandes d’aide par année.(45) Afin d’éviter des pertes de vies tragiques comme celle de D’Auteuil, Mme Girard propose de mettre sur pied une « patrouille policière spéciale dans laquelle un intervenant en santé mentale ferait équipe avec un agent ». Par contre, elle note que « la volonté politique et les ressources financières se font trop rares » pour qu’une telle initiative voie le jour bientôt. De son côté, le président de l’Association des policiers provinciaux du Québec, Jean-Guy Dagenais, répond que « la vertu dit oui, mais l'opérationnel dit non. » D’après lui, il serait « très difficile de coordonner les activités propres aux policiers et aux intervenants en santé mentale ». Dagenais a peur par exemple qu’un policier qui serait partenaire d’un intervenant ne pourrait « pas intervenir parce qu'il ne peut pas mettre en danger la vie d'un civil » s’il se trouve le plus près d’un endroit où un vol qualifié a eu lieu.(46) Même son de cloche du côté de Mathias Tellier, ancien agent de la SQ et soi-disant « expert » en affaires policières (très indépendant…). Tellier considère que d’envoyer des intervenants non armés pour aider des personnes en détresse risquerait d’entraîner des « victimes supplémentaires » (victimes de la police?).(47) Bref, à en croire ces policiers, nous devrions laisser les policiers tuer des personnes en détresse car ils sont les seuls capables d’intervenir dans de telles situations, comme ils sont les seuls assez « compétents » pour mener des enquête « indépendantes » pour blanchir leurs collègues quand ils tuent des gens… Si vous n’êtes pas convaincus, vous devez être des « anti-polices »? Et bien non, détrompez-vous car même d’anciens policiers remettent en question la compétence même des policiers pour gérer de telles situations de crise. C’est le cas de J. Pierre Légaré, qui se décrit lui-même comme un « policier de vingt ans d’expérience », mais « jugé trop créatif pour espérer pouvoir le demeurer »... Toujours est-il que ce monsieur qu’on peut difficilement qualifier d’« anti-police » affirme qu’il faut « au moins admettre un constat d'échec dans l'issue de ce drame » (ce qui contraste avec les commentaires de policiers et autres fascistes sur les site des médias qui félicitent les policiers quand ils tuent des gens…). M. Légaré affirme aussi que la police est un « organisme impropre à intervenir » et que les policiers sont « non formées pour ce genre d'intervention. » Il dit qu’il a souvent vu comme policier dans de telles interventions « des automatismes de défenses de la part des policiers qui juste par leur seule présence ou réputation avaient plus tendance à aggraver la situation que de protéger vraiment la sécurité. »(48) Il ajoute que « plus il y aura des échecs de ce genre et plus la police démontre une impuissance à se montrer crédible et agir efficacement auprès de personnes en crise. » Finalement, il propose à son tour plutôt qu’une patrouille mixte « deux corps policiers distincts »: « La police traditionnelle à contravention et interventions criminelles et une brigade de spécialistes agréées d'assistance aux citoyens. » D’après sa vision, « cette dernière libérée de l'aura à gros bras et de répression criminelle, interviendrait exclusivement pour tenter de résoudre des conflits humains, ce qui représente peut-être 80% des interventions d'appel de citoyens. Elle ferait affaire au notaire avant de s'adresser aux juges, les parties prenant engagement pour prendre leurs responsabilités, garder la paix, les amendes seraient plutôt remplacées par des compensations directes aux victimes. Et là si il y a mauvaise foi, on fera appel à la police traditionnelle, les cours de justice et tout le réseau d'avocasserie et la prison. »(49) Si on expose ici les idées de ce policier, ce n’est pas qu'on partage entièrement son avis (c’est plutôt rare, si ça arrive des fois!), mais bien pour montrer que des alternatives existent et qu’elles sont proposées par des intervenants des deux côtés de la clôture si on peut dire (intervenants et policiers). Donc, si la police continue de tuer des personnes en détresse, ce n’est pas parce que c’est la seule option que nous avons comme société, c’est par un manque de volonté de la part des politiciens d’aider les personnes suicidaires et autres marginaux, et aussi en partie parce que les gens comme nous ne leur mettent pas assez de pression pour que les choses changent. Et ça en prendra de la pression populaire, vu le poids énorme des syndicats policiers en politique, qui sont passés de défenseurs du pouvoir à défenseurs de leurs propres intérêts corporatistes… Enfin, des voisins et des intervenants ont aussi critiqué le fait qu'il n’y avait pas d’ambulance sur place quand les policiers ont tiré Claude D'Auteuil. Apparemment, ni la Coopérative des Paramédics de l’Outaouais, ni Urgence Santé ne savait même si une ambulance était présente sur les lieux!(50) La réponse est que les policiers du GIT n’avaient pas jugé utile d'appeler l’ambulance avant d’intervenir. De plus, ils ont attendu 8 minutes avant donner les premiers soins à leur victime. Quant à l’ambulance, ce n’est qu'après le 3ème coup de feu des policiers qu'elle a été appelée, à 18h04, et ça lui a encore mis 25 minutes à arriver sur les lieux!(51) Les ambulanciers n’ont pu que constater le décès de D’Auteuil à leur arrivée sur les lieux (alors que presque tous les articles disaient que c’est à l’hôpital qu’il a été déclaré mort).(52) Interrogé à savoir si c’était normal qu’ils n’aient pas pensé à appeler une ambulance plus tôt, Steve Lalande de la SQ répondit que ce n’est pas une politique d’avoir une ambulance dans des situations semblables: « Non, nous n’amenons pas une ambulance avec nous à chaque appel. Tout dépend de si les circonstances le requièrent ».(53) Si un homme barricadé, armé et qui menace de se tuer ne mérite pas une ambulance, on peut se demander ce qui peut en mériter une! Lalande expliqua que « s'il y a une blessure, oui, on les appelle, mais on ne les appelle pas avant » et dit même que ça pourrait être une « mauvaise utilisation d'un véhicule d'urgence »...(54) Pourtant, notre ex-policier expert en police Mathias Tellier dit que « généralement » une ambulance accompagne les agents du GTI dans leurs interventions. De son côté, l'Association des Paramédics de l'Outouais reconnais aussi que ça serait « souhaitable », sauf que ici aussi c'est « impensable », par manque « d'effectifs ».(55) Bref, « c'est encore et toujours une question de ressources », mais c'est aussi et surtout une question de décision d'investir dans la soi-disant sécurité publique alors qu'on coupe dans la santé et les services sociaux. Car les ressources existent, mais on préfère se doter d'une unité paramilitaire (les GTI ou SWAT team, avec leurs Tactiques et Armes Spéciales), formées pour des situations de crise comme des prises d'otage, armés et prêts pour la guerre, que d'investir dans des ambulances et des intervenants en santé mentale. Donc on a des professionnels capables de tuer, mais pas assez de gens pour aider les vivants et soigner les blessés. Le cas de Claude D'Auteuil illustre tragiquement là où une telle logique nous mène. Comme le cas d'Éric Therrien et de trop nombreuses autres personnes qui ont perdu la vie alors qu'elles demandaient en fait de l'aide. En parlant de ressources... Question de finir sur une bonne nouvelle, on se réjouit de savoir que le juge Claude Champagne de la Cour Supérieure vient de rejeter la requête lâche et abusive de la Fraternité des policiers de Montréal (qui était soutenue par la Ville de Montréal) visant à faire annuler l'enquête publique du coroner sur la mort de Mohamed Anas Bennis! Rappelons que Anas a été tué de deux balles tirées par l'agent Yannick Bernier, accompagné de l'agent Jonathan Roy, le matin du 1er décembre 2005 alors qu'il sortait d'une mosquée dans le quartier Côte-des-Neiges. La famille Bennis lutte depuis près de cinq ans pour savoir pourquoi Anas est mort. Les policiers prétendent qu'Anas les aurait attaqué avec un couteau sans aucune raison, mais ils font tout pour cacher la vérité. Ils avaient contesté en août 2008 l'enquête du coroner qui avait été annoncée deux mois plus tôt. Alors qu'ils invoquent un acharnement et un gaspillage de fonds publics, la Fraternité de ne fait que tenter de gagner du temps avec cette cause perdue d'avance pour eux et dilapider plus de fonds publics!(57) La Cour d'Appel du Québec avait aussi rejeté une requête similaire de la Fraternité qui voulait faire annuler l'enquête publique sur la mort de Michel Berniquez, décédé suite à une arrestation brutale par six agents du SPVM à Montréal-Nord en 2003. Les policiers veulent porter la cause en Cour Suprême du Canada, mais vu que ce sont 3 juges à l'unanimité qui ont rejeté leur requête absurde, ils ont très peu de chance que le plus haut tribunal du pays daigne même de les entendre... Encore une fois, tout ce qu'ils vont gagner c'est du temps, pendant que les familles attendent la vérité et que des fonds publics sont dilapidés dans la défense aveugle et bornée des policiers assassins.(58) Dans la prochaine partie de cette série d'articles sur les bavures policières impunies au Québec, nous continuerons à parler des autres personnes tuées ou blessées gravement par des policiers au Québec depuis le début de l'année 2010. En plus des 8 personnes qui ont perdu la vie dans des situations de crises suicidaires, 4 autres personnes ont été blessées par balle par des policiers, 2 ont été tuées par balles, une est décédée lors d’une poursuite policière, une autre durant son arrestation, puis une personne aurait subi un « malaise » durant son arrestation et un autre cas demeure mystérieux. Le SPVM a été impliqué dans 7 cas (3 décès, 3 blessés et 1 mystère), la SQ dans 6 cas (5 dècés, 1 blessé) et les autres corps policiers impliqués sont : la police de Laval (1 mort, 1 blessé), le SPVQ, la police de Trois-Rivières, la police de la MRC des Collines, la police de Terrebonne et la police de Thérèse-de-Blainville (1 mort chaque). Les détails sur ces autres cas suivront dans la prochaine partie de cette série. Il est plus que temps que la police cesse d'abuser de son pouvoir et que l'État donne enfin un minimum de vérité et de justice pour toutes les victimes et leurs familles. Pour que ça arrive, il faudra continuer de lutter contre les abus policiers et leur impunité à tous les jours, dans nos quartiers, dans nos villages, toutes et tous ensemble!
Notes : 1) François Du Canal, « Plus jamais? Deux années de bavures policières impunies au Québec après la mort de Fredy Villanueva (1ère partie) », 5 septembre 2010, http://www.cmaq.net/en/node/42372 |
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