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Une voix internationaliste sur la question palestinienneAnonyme, Viernes, Junio 18, 2010 - 19:13 Interview qui amène une perspective qui s’adresse tant aux prolétaires parlant hébreux qu’aux prolétaires parlant arabe, seuls capables de construire un Proche-Orient où chaque être humain pourrait vivre une vie digne du 21ème siècle Interview d’un militant du Parti Communiste-Ouvrier d’Iran sur la question de la Palestine, d’Israël et de l’extrême-gauche occidentale, Pascal est aussi militant syndical et militant de la campagne internationale contre les crimes d’honneur (ICAHK) Entretien Pascal, tu es de ces militants internationalistes qui défendent les militantes et militants progressistes du « 3ème camp » au Moyen-Orient (ni impérialisme, ni islamisme). Tu es aussi un vrai militant communiste qui n’oublie pas que l’État palestinien attendu sera aussi un État capitaliste au service de la bourgeoisie palestinienne. Ça n’a l’air de rien, mais je crois que nous ne sommes peut-être plus si nombreux par les temps qui courent à garder ces principes clairs à l’esprit. Je voudrais donc prendre un moment pour échanger avec toi sur l’état d’excitation à gauche suite aux derniers crimes de l’armée israélienne au large de Gaza. On assiste ces derniers temps à des « échauffements », comme une sorte de basculement de la condamnation habituelle et légitime de la politique d’Israël envers les palestiniens vers un ralliement de plus en plus généralisé au camp nationaliste palestinien, fut-il instrumentalisé par les réactionnaires du Hamas: glissement dans les mots d’ordre de manifs, dans les prises de positions habituelles, dans qui participe à quels meetings organisé par qui pour y faire et y dire quoi, etc. Comment expliques-tu que la question palestinienne ait rendu un peu folle l’extrême-gauche ? Est-ce simplement parce qu’elle a pris l’habitude de n’y voir qu’une problématique coloniale sans s’intéresser vraiment aux luttes de classe sur place? Ou au-delà de ça y a t-il une faille profonde dans les traditions de l’extrême-gauche française qui la rend perméable aux récupérations? - Je ne crois pas que l’on peut parler de basculement récent, mais plus d’une conséquence d’une veille tradition politique, tradition qui est celle du renoncement, en fait, à lutter pour la création d’organisations communistes révolutionnaires et pour le socialisme. Lors des mouvements anti-coloniaux de l’après guerre, une grande partie de l’extrême-gauche s’est mise à la remorque des organisations nationalistes des pays du tiers-monde. On peut rappeler que des trotskistes sautillaient après 1968 en criant « Hô hô hô Chi Min, Che che Guevara »… Or, pour tout communiste internationaliste, Hô Chi Min reste ce dirigeant stalinien et nationaliste qui a fait massacrer les communistes indochinois du groupe « La lutte ». Et cette position, ce soutien aux nationalistes, se retrouvait aussi sur la Palestine, où l’OLP était quasiment considéré comme une organisation socialiste, alors que ça n’a toujours été qu’un front nationaliste, dominé par la bourgeoisie palestinienne et, aussi, par différents intérêts des États et bourgeoisies arabes de la région. Ce qui s’est passé ces dernières années, c’est le renforcement du poids de l’Islam politique en Palestine, avec le Hamas qui a pris le pouvoir dans la Bande de Gaza et qui apparaît aujourd’hui comme l’aile la plus radicale du nationalisme palestinien. Les mêmes qui hier soutenaient l’OLP ou le Fatah soutiennent aujourd’hui, de façon plus ou moins (et surtout moins) critique, le Hamas. On peut ajouter qu’on voit le même phénomène avec le soutien au Hezbollah au Liban, aux groupes islamistes en Irak, ou même, pour certains, des Talibans en Afghanistan. Mais en 1979 déjà, une partie de la gauche et de l’extrême-gauche, avait vu en Khomeiny le leader d’une « fraction nationale progressiste » de la petite-bourgeoisie et une force « anti-impérialiste ». Au nom de cet « anti-impérialisme », qui, contrairement à Lénine, ne voit pas dans l’impérialisme « le stade suprême du capitalisme » et donc un phénomène normal du mode de production capitaliste, mais le limite à « quelques pays méchants », une partie de la gauche et de l’extrême-gauche s’est, comme je le disais, mise à la remorque de mouvements nationalistes, et donc bourgeois, y compris les plus réactionnaires. C’est bien sûr, tourner le dos à toute analyse marxiste, oublier qu’aujourd’hui chaque pays est divisé entre bourgeoisie et prolétariat, et pour le cas des courants islamistes c’est même tourner le dos aux droits humains en particulier les droits des femmes. La différence entre aujourd’hui et hier, c’est que le Hamas, par exemple, n’est pas seulement un courant isolé palestinien mais qu’il fait parti d’un mouvement politique et social global, celui de l’Islam politique, mouvement qui a aussi ses militants en Europe, ce qui change énormément, dans le concret, par rapport à un soutien qui ne serait que symbolique ou platonique à tel ou tel mouvement nationaliste situé à des milliers de kilomètres. Et de fait, on peut voir des meetings contre-natures où des personnalités qui se disent de gauche interviennent aux côtés d’islamistes. C’est en Grande-Bretagne, avec le SWP, que cette stratégie est allée le plus loin et a été le plus théorisée avec la fameuse phrase, lors de la guerre civile en Algérie, « Avec l’État jamais, avec les islamistes parfois ». Derrière cette logique, il y a, je trouve, un véritable mépris pour les peuples des pays sous occupation. En gros, ces mêmes groupes se définissent féministes, parlent de la lutte des classes, et parfois même de la perspective révolutionnaire d’en finir avec toute forme d’oppression lorsqu’il s’agit de l’Europe, mais semblent ne voir aucun problème à ce que des femmes, arabes en l’occurrence, soit fliquées et assassinées par des bandes armées islamistes au Moyen-Orient ou au Mahgreb, que des communistes ou des progressistes doivent subir la répression de ces groupes, etc, etc. L’impression que ça donne c’est que, pour ces gauchistes, l’internationalisme, le marxisme, le féminisme, la liberté, l’égalité ne seraient que des concepts pour « l’Occident », et qu’en Palestine les gens devraient subir ce que eux ne supporteraient pas une seule journée, au nom de la « priorité à la lutte nationale ». - Concrètement, plusieurs camarades en province se posent la question de leur participation ou pas aux manifs organisées régulièrement contre chaque saloperie commise par l’armée israélienne dès lors qu’ils ne sont pas en mesure de se retrouver à quelques un dans une partie du cortège pour y porter un slogan internationaliste ou au moins laïque, n’étant pas de facto à la remorque des nationalistes et surtout des pro-Hamas. Qu’en penses-tu? - Je comprend bien ces camarades. La question de la participation à une manifestation est une question tactique, et à mon avis, l’activité communiste ne se limite pas, loin de là, aux manifs, il y a tout un travail de fond à faire avec la population dont la majorité ne va pas ou pas souvent aux manifs, dans les quartiers populaires, dans les boîtes, etc. Pour répondre à ta question, je crois que, pour ce genre de manif, la question est : peut-on y intervenir ? Peut-on y faire entendre une voix internationaliste ? Mais pour cela il ne faut pas être isolé. C’est une vraie question tactique que tu poses, parce que bien sûr, on a tous et toutes envie d’exprimer notre rage après un nouveau crime de l’armée israélienne, mais, pour moi, si c’est pour me retrouver isolé au milieu de drapeaux nationaux, de fanions du Hezbollah et de slogans à la gloire du Hamas, très peu pour moi. En fait, les seuls manifs contre la politique militariste israélienne où je me suis senti à l’aise, c’était lors de la guerre contre le Liban, en 2006, à Tel Aviv. Le slogan principal était « juifs-arabes, nous refusons d’être ennemis » et les drapeaux étaient, à 90%, des drapeaux rouges. Manif en 2006 à Tel Aviv contre la guerre avec le Liban - Quelles sont d’après toi les forces progressistes sur place qui peuvent lutter contre la situation et qu’on pourrait encourager ? Le syndicalisme israélien dit défendre les travailleurs palestiniens mais ne semble guère condamner les crimes de l’armée. L’extrême-gauche israélienne semble complètement marginale. Pourtant il y a eu récemment une manifestation qui, rapportée à l’échelle du pays, n’était pas si négligeable. Faut-il n’attendre ainsi que des « réactions citoyennes » ou y a-t-il à ta connaissance des débuts d’organisation en mouvements intéressants? - Le syndicalisme israélien, l’Histadrout, est complètement intégré à l’appareil d’État israélien. Lorsque pendant l’Intifada, tous les ouvriers palestiniens travaillant en Israël ont été licenciés, l’Histadrout n’a pas bougé ni n’a protesté ensuite pour que ces travailleurs obtiennent leurs allocations chômage. Je ne vois pas trop en quoi ce syndicat défendrait les ouvriers palestiniens, et je pense pas non plus qu’il défende, d’ailleurs, réellement les ouvriers israéliens. Après, ce n’est pas spécifique à Israël, même en France où le syndicalisme est plutôt politisé, je n’ai pas souvenir de campagnes de la CGT contre l’impérialisme français en Afrique, les bombardements au Kosovo ou pour le retrait des troupes françaises d’Afghanistan. Et si l’extrême-gauche israélienne est marginale, c’est aussi le cas dans quasiment tous les pays du monde. Comme tu le rappelles, peu après l’attaque de la flotille aux larges de la Bande de Gaza, il y a eu une manifestation de 7.000 personnes à Tel Aviv contre cet acte de guerre et contre l’occupation. Il y a un peu plus de 7 millions d’habitants en Israël, alors en comparaison, cela ferait dans les 60.000 personnes à Paris. C’est important à souligner parce qu’on rencontre souvent cette idée selon laquelle toute la population d’Israël serait complice de son gouvernement, or Israël est un pays capitaliste comme un autre, dirigé par la bourgeoisie, mais où la majorité de la population sont, pour nous communistes, des sœurs et frères de classe. De notre point de vue, il y aurait bien des choses à critiquer dans le Parti Communiste d’Israël, mais il a le mérite d’exister et de travailler à l’unité des prolétaires juifs et arabes en Israël. C’est souvent lui la plus grande force dans l’organisation des manifestation contre les guerres et contre l’occupation. Lors des dernières élections municipales, en novembre 2008, il a conservé la mairie de Nazareth, la plus grande ville arabe d’Israël, contre les islamistes, et, si dans le secteur arabe il y a une tradition communiste, puisque le PCI était longtemps le seul parti non-sioniste d’Israël, une surprise fut son score à Tel Aviv. Dov Hanin, le candidat du PCI, qui avait refusé de faire son service militaire dans les territoires palestiniens, y a obtenu 32,4 %. Si ce n’est qu’une élection, elle peut être utilisé comme un baromètre, et montre qu’une partie non-négligeable de la population israélienne est à la recherche d’une alternative, est fatiguée de ces guerres qui n’en finissent pas, et aussi des multiples attaques anti-ouvrières, de l’accroissement de la pauvreté, etc. Un autre point important, c’est que les militantes du PCI sont très actives et souvent à l’initiative des mouvements de femmes dans le secteur arabe d’Israël, organisent des campagnes contre les violences faites aux femmes, etc. Un exemple d’unité prolétarienne juifs-arabes que j’ai pu voir, c’était lors de l’été 2007 à Jérusalem. Il y avait, au centre-ville, un campement de sans-logis juifs israéliens qui protestaient contre le manque de logements. Peu après, des arabes, bédouins du Néguev, manifestaient devant la Knesset contre les projets de destructions de leurs villages. Et il y a eu, grâce à des militants communistes de Jérusalem, une manifestation commune, où résonnaient des slogans comme « Juifs-Arabes unis pour des logements » ou « Intifada contre les riches maintenant ». La manif a fini devant le domicile du premier ministre, dans une atmosphère assez tendue vis-à-vis des flics mais aussi de solidarité et de fraternité entre des manifestants, juifs et arabes, qui apprenaient à se connaître. Plusieurs bédouins ont pris la parole pour dire qu’avant cette journée, ils ne pensaient pas qu’il y avait des Juifs qui subissaient la même misère qu’eux, et qu’il faut une lutte de tous les pauvres contre les riches. Manif pour le logement à Jérusalem (2007) Pendant l’été 2007, aussi, un an après la guerre avec le Liban, il était question d’une possible grève à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Le syndicat patronal a réagit en disant qu’une telle action serait « pire que le Hezbollah ». Cela résume bien la situation : le plus grand danger pour la bourgeoisie israélienne, ce n’est ni le Hamas ni le Hezbollah, c’est la lutte de la classe ouvrière israélienne. Et si on passe de l’autre côté du mur, en Palestine, il y a là aussi eu des grèves contre l’austérité, notamment dans la Bande de Gaza. Il y a aussi des mouvements de femmes pour l’égalité, bref il existe une aspiration à la liberté et à l’égalité, aspiration qui existe aussi en Israël, comme partout dans le monde. Ce qui manque finalement, c’est ce qui nous manque dans la plupart des pays du monde, c’est un parti communiste, ouvrier, internationaliste pour faire vivre cette aspiration, pour faire vivre la perspective du socialisme, de la fin de l’oppression et de l’exploitation. Ni les nationalistes du Fatah, ni les islamistes du Hamas, côté palestinien, ni les différents partis bourgeois, côté israélien, ne peuvent apporter une telle perspective. Contrairement aux gauchistes qui veulent absolument soutenir un camp bourgeois et réactionnaire contre un autre, je pense que justement, la barbarie de la guerre, montre la nécessité de la révolution ouvrière, et que seule la perspective communiste, perspective qui s’adresse tant aux prolétaires parlant hébreux qu’aux prolétaires parlant arabe, est capable de construire un Proche-Orient où chaque être humain pourrait vivre une vie digne du 21ème siècle. Face aux racistes, aux nationalistes, aux réactionnaires religieux des deux camps, le socialisme est finalement la seule solution vraiment humaine, la seule perspective pour créer une vie meilleure, libre et égalitaire pour chaque humain, qu’il soit israélien ou palestinien, juif ou arabe, femme ou homme. Enfin, il ne faut pas oublier le contexte régional. Il y a eu des luttes ouvrières très dures en Égypte ces derniers temps, des soulèvements ouvriers dans le bâtiment à Dubaï et bien sur une année de lutte révolutionnaire en Iran. Tout cela peut et doit redonner espoir, celui d’en finir tant avec les atrocités militaristes d’Israël et des impérialistes qu’avec la barbarie moyen-âgeuse des islamistes. |
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