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La sous-performance de la Commission des droits de la personne et ses conséquences (3 de 3)lacrap, Jueves, Junio 10, 2010 - 23:25 La Coalition contre la répression et les abus policiers (CRAP) publie la troisième et dernière partie de son mémoire déposé dans le cadre de la consultation de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) sur le profilage racial et ses conséquences. La CRAP s’interroge ici sur le faible niveau de performance de la CDPDJ en matière de lutte au profilage racial et y va de quelques propositions pour remédier à la situation. Les policiers font preuve de profilage discriminatoire lorsqu’ils harcèlent et persécutent des membres d’un groupe identifiable, non pas en fonction de ce qu’ils font, mais bien de ce qu’ils sont ou de leur apparence. Le profilage discriminatoire a souvent pour point de départ une vision stéréotypée fondée sur une généralisation abusive et amalgamée d’une communauté entière. En d’autres mots, les policiers qui donnent dans le profilage sont ceux qui ont tendance à mettre toute une catégorie de gens dans le même panier. Cela est aussi vrai pour le profilage racial vécu par les communautés racisées. On en a eu un exemple éloquent en juillet 2000, en pleine guerre de gangs de rue, lorsqu’un haut gradé du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal provoqua un tollé en pointant du doigt publiquement l’ensemble de la communauté noire à l’occasion d’un entretien avec monsieur Éric Trottier, journaliste à La Presse. (1) « Le problème, c'est que les gens de la communauté noire ne nous aident pas ; ils ont trop peur pour parler », déclarait le commandant Ronald Blanchette, du centre opérationnel Nord. L’article de La Presse se terminait ainsi : « La police invite donc les membres de la communauté haïtienne à signaler le numéro d'Info-Crimes - 393-1133 - pour communiquer toute information sur les membres de ces gangs. » Un petit peu plus, et le commandant Blanchette imputait la responsabilité de l’existence des gangs de rue aux citoyens noirs de Montréal ! Pourtant, on peut dire sans craindre de se tromper qu’il ne serait probablement jamais venu à l’esprit de ce même commandant de reprocher aux gens de la « communauté blanche » de ne pas aider la police dans leur lutte contre les bandes de motards criminalisées dont le membership est réservé exclusivement aux Blancs. Naturellement, il est difficile de mesurer avec précision l’ampleur du phénomène du profilage racial exercé par les policiers. Il est en effet bien connut qu’une proportion importante des victimes de profilage, peut-être bien l’écrasante majorité, ne se manifeste pas auprès des organismes voué au respect des droits fondamentaux des citoyens. Le « Document de consultation sur le profilage racial » produit par la CDPDJ, en mars 2010, offre toutefois une panoplie d’exemples, tirés d’expériences vécues, qui accrédite la thèse à l’effet que le phénomène du profilage racial représente un véritable fléau social, et non pas quelques dérapages isolés ou accidentels, comme certains pourraient être tentés de le croire. Dans un rapport d’étape publié en juin 2006, le Comité sectoriel du milieu policier sur le profilage racial, composé de représentants de tout le milieu policier au Québec, reconnaissait ouvertement que les forces de l’ordre étaient susceptibles de se livrer au profilage. « La fonction policière, puisqu’elle fait appel à l’exercice de l’autorité, est propice aux manifestations de comportement de profilage racial ou d’autres formes de profilage illicite », peut-on lire. (2) L’avènement du phénomène de profilage racial ne semble pas étranger à l’intensification des opérations policières consacrées à la lutte aux gangs de rue. Ce n'est sans doute pas le fruit du hasard si l’année 2003 fut à la fois l’année où le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) décida de faire de la lutte aux gangs de rue une priorité et celle où des représentants du réseau communautaire alertèrent le gouvernement québécois relativement aux problèmes que vivent plusieurs communautés racisées dans leurs rapports avec les forces de l’ordre. (3) L’inquiétude exprimée par le milieu communautaire aurait joué un rôle décisif dans la mise sur pied d’un groupe de travail sur le profilage racial par le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (maintenant ministère de l’Immigration et des communautés culturelles), à l’automne 2003. Dès le départ, les membres du groupe de travail s’entendirent pour convenir que le profilage racial ne constituait pas un phénomène nouveau. Malgré les efforts soutenus du SPVM pour nier l’existence du profilage racial, l’ampleur du phénomène est telle qu’il arrive parfois qu’un membre de la direction du SPVM laisse échapper une déclaration incriminante à ce sujet au beau milieu d’un entretien avec un journaliste. C’est ce qui arriva à Jacques Lelièvre, assistant-directeur du SPVM, lorsqu’il discuta avec monsieur Roberto Rocha du quotidien The Gazette, en janvier 2005. (4) « Les policiers voient des gangs [traduction], déclara Lelièvre. Ils voient des Noirs qui contreviennent aux lois. Ils deviennent habitués et des mythes se développent. Alors quand ils voient un Noir dans une Nexus, ils prennent pour acquis qu'il est dans un gang » [traduction]. Si l’on se fie aux bilans officiels du SPVM, la lutte contre les gangs de rue donna lieu à un grand total de 5451 arrestations entre janvier 2005 et juin 2008. (5) Or, quand on sait que le SPVM estime, bon an mal an, que les gangs de rue montréalais compteraient entre 350 et 500 membres, on est en droit de se demander combien de cas de profilage racial peuvent bien se cacher derrière un nombre d'arrestations aussi élevé. D'ailleurs, ce nombre ne tenait même pas compte des arrestations effectuées par la fameuse escouade Éclipse, dont l'acronyme signifie « Équipe corporative de lutte, d'intervention et de prévention des situations émergentes ». Le bilan annuel 2008 du SPVM indiquait que l’escouade Éclipse procéda à 264 arrestations et rédigea un total de 1025 fiches d'interpellation durant ses six premiers mois d'existence, pour une moyenne de plus de cinq fiches par jour. (6) Selon le SPVM, ces fiches d'interpellation « alimentent les banques d'informations sur la criminalité et la délinquance ». Question de voir à l’œuvre les policiers de l’escouade Éclipse, mesdames Katia Gagnon et Judith Lachapelle, deux journalistes de La Presse, accompagnèrent ceux-ci durant un quart de travail de nuit. Voici comment les deux journalistes décrivirent une intervention dont elles furent témoin à la station de métro Côte-des-neiges : Un jeune vient d'être appréhendé par les policiers. Il porte un t-shirt vert et une casquette aux couleurs d'une équipe de hockey américaine. En entrant dans le métro, il a croisé un autre jeune. Les deux garçons se sont rapidement tapé le poing en signe de salutation. Le jeune n'a commis aucune infraction. Pourtant, trois policiers s'entretiennent maintenant avec lui au coin d'une rue. (7) « Le vert, c'est la couleur de Rivière-des-Prairies », expliqua Martial Mallette, superviseur à l’escouade Éclipse. « Il y a des signes distinctifs. Casquettes, bandanas, numéros, véhicules qui flashent. Un signe, deux signes, trois signes, ça, ça nous dit: O.K. C'en est un. Et s'il n'en fait pas partie, il n'est pas loin », ajouta Michel Guillemette, l’un des deux commandants de l’escouade Éclipse. Malgré les méthodes pour le moins controversées d’Éclipse, le SPVM n’a jamais eu l’intention de se départir de l’escouade. « En 2007, en février, on avait déjà 11 meurtres liés aux gangs de rue. Cette année, on est en mai, et on n'a encore aucun meurtre. Les tentatives de meurtre ont diminué de 20%. On a un très beau bulletin en matière de lutte contre les gangs de rue », se félicita Jean-Guy Gagnon, directeur adjoint du SPVM, lors d’une longue entrevue qu’il accorda à La Presse, en mai 2009. (8) Ainsi, aux yeux du no.2 du SPVM, ces chiffres parlaient d’eux-mêmes et justifiaient à eux seuls l’existence de l’escouade Éclipse. Si la couleur de la peau et le style vestimentaire peuvent alimenter le zèle des forces de l'ordre, la réputation de certains secteurs de la ville est un autre facteur susceptible d'influencer la conduite des policiers. Les propos tenus par Josée Paquette et André Gélinas, deux membres de la Division du renseignement du SPVM, permettent de mieux comprendre comment les policiers perçoivent les secteurs qualifiés de « quartiers chauds » dans lesquels ils interviennent quotidiennement :
Ainsi, si les « éléments positifs et productifs » ont déserté le quartier, on doit alors comprendre qu’il ne reste plus que ceux qui, aux yeux des policiers, ne paraissent pas être des « éléments positifs et productifs ». Lorsque les policiers sont convaincus qu'il ne reste plus aucun « élément positif » dans un secteur donné, alors on voit mal comment les patrouilleurs du SPVM qui adoptent une telle mentalité pourraient encore arriver à voir d'un bon œil les résidents qui y vivent ? Si cette vision policière méprisante se révèle profondément ignoble, alors que penser du fait que les propos tenus par Mme Paquette et M. Gélinas furent prononcées à l’occasion du Sommet du Tribunal des droits de la personne qui s’est tenu à l’Auberge Hatley, à North Hatley, du 16 au 18 mars 2005 ? Le rapport annuel 2004-2005 du Tribunal des droits de la personne présente les Sommets comme étant des « occasions de rencontres, d’échanges et de perfectionnement » pour ses membres. « Les Sommets du Tribunal donnent en effet aux membres l’opportunité de développer et d’approfondir certains sujets les préoccupant plus particulièrement, en faisant intervenir des conférenciers ayant une expertise particulière en matière de droits de la personne », peut-on lire. (10) On mesure l’ampleur des difficultés auxquelles sont confrontés les opposants du profilage racial quand on constate que le Tribunal des droits de la personne daigne offrir une tribune à des policiers qui n’ont pas de scrupule à s’en servir pour véhiculer une vision aussi condescendante des citoyens vivant dans les quartiers qu’ils ont pour mission de patrouiller. Notons aussi que l’une des particularités de la lutte contre le profilage racial se situe dans le fait que les organisations qui, comme la Coalition contre la répression et les abus policiers, n’hésitent pas à dénoncer publiquement le profilage racial le font au risque de se voir exposer à un procès d’intention de la part de certains groupes de pression policiers et de leurs sympathisants. En effet, nous avons été forcés de constater à maintes reprises que ceux-ci se permettent d’insinuer plus ou moins ouvertement que la condamnation du profilage racial fait le jeu des criminels en général et des gangs de rue en particulier. Le mémoire présenté par la Fraternité des policiers et des policières de Montréal à la commission Taylor-Bouchard sur les accommodements raisonnables en fournit un exemple éloquent. « Les groupes de pression qui se spécialisent dans le "dépistage" de ce qu'ils croient être du profilage racial », lit-on, « demandent, sans peut-être en avoir la conscience » qu'il y ait un « relâchement des pratiques policières dans certains quartiers où la criminalité est plus grande, sous prétexte que les citoyens sont membres d'une même communauté culturelle qui habite le quartier en fort concentration ». (11) Yves Claudé, professeur de sociologie au cégep de St-Jérôme, est le principal promoteur d’une thèse particulièrement tordue selon laquelle les opposants au profilage racial (qu’il se permet de qualifier de « "militants" anti-étatiques ») feraient cause commune avec les milieux criminels dans le but de « transformer les quartiers ethnicisés et paupérisés en zones de non-droit ». (12) « La "Sainte-Alliance" du milieu criminel et des "militants" anti-étatiques mène également une autre bataille, pour racialiser le contrôle social en mettant de l’avant une arme idéologique, à savoir la "lutte contre le profilage racial". Il s’agit ici encore de neutraliser le contrôle social étatique », écrivit M. Claudé dans un texte intitulé « Enquête Villanueva - Déterminante pour le crime organisé et ses alliés ! » publié sur le site web Vigile.net. (13) « Plusieurs institutions, dont la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, participent à cette entreprise d’interprétation racialiste (c’est-à-dire raciste) du contrôle social : nul doute que leur contribution à la prospérité du crime organisé sera des plus appréciée par certains "gangstas", qui peinent encore à accéder au statut socio-économique que leurs talents d’entrepreneurs locaux des transnationales du type Bloodz ou Cripz les autorisent à revendiquer », continue-t-il. Les théories de la conspiration abracadabrantes de M. Claudé seraient risibles, si les médias n’accordaient pas autant de visibilité aux propos de ce personnage depuis quelques temps. La Presse (14) et Le Devoir (15) ont en effet chacun publié un texte différent de lui, dans lesquels il n’a pas manqué de remettre en question toute la notion de profilage. Le 10 août 2008, le secteur nord-est de l’arrondissement de Montréal-Nord fut le théâtre d’une émeute d’une ampleur exceptionnelle. Au total, 39 méfaits furent commis, 20 commerces subirent des introductions par effraction et huit voitures furent incendiées durant cette émeute qui s’étira pendant près de sept heures de temps dans ce secteur résidentiel. Des policiers furent même la cible de projectiles d’arme à feu, avec pour résultat qu’une policière fut blessée par balle à la jambe. L’élément déclencheur de l’émeute fut sans contredit la mort de monsieur Fredy Villanueva, 18 ans, qui tomba sous les balles d’un agent du SPVM dans le stationnement de l’aréna Henri-Bourassa, le samedi 9 août 2008. Si la mort de M. Villanueva fut capable de déclencher une émeute d’une telle envergure, c’est aussi et surtout parce que cette tragédie représentait, aux yeux de plusieurs, une goute qui fit déborder un vase déjà rempli à ras bord. Les images de l’émeute de Montréal-Nord attirèrent l’attention des médias sur les problèmes de pauvreté aigus, mais aussi de harcèlement policier et de profilage racial qui accablaient de nombreux résidents du secteur nord-est de l’arrondissement depuis quelques temps. En fait, jamais les médias québécois n'avaient montré autant d’intérêt à faire état de la problématique de profilage racial qu'au cours des jours qui suivirent l'émeute. On aurait dit que l’industrie de l’information venait de faire la découverte de l'ampleur insoupçonnée de ce phénomène, et surtout, des conséquences dangereuses qu'il pouvait entraîner sur la paix sociale. « Le cri d'alarme dans le quartier, ce n'est pas le cri d'un gang de rue. C'est le cri d'une communauté fatiguée du profilage racial », déclara madame Mélanie Carpentier, une jeune femme qui a goûté au monde de la drogue et de la prostitution et qui donne aujourd'hui des conférences sur les gangs de rue en compagnie de policiers de la Section intervention jeunesse du SPVM. (16) De nombreux intervenants rencontrés par La Presse dans les jours suivant l’émeute pointèrent du doigt l’escouade Éclipse. « Avant Éclipse, le dialogue était meilleur. Depuis l'arrivée de ces policiers dans le quartier, les tensions ont monté. C'est délicat à dire, mais les interventions policières sont moins adéquates », affirma madame Linda Therrien, coordonnatrice du projet Un itinéraire pour tous qui regroupe les principaux organismes communautaires du secteur nord-est de Montréal-Nord. « On dirait que pour les policiers d'Éclipse, dès que t'es noir ou latino et que t'es dans la rue, tu fais forcément partie d'un gang. Désolé, mais c'est pas toujours le cas », déclara Imposs, membre de Muzion, un groupe hip-hop québécois. (17) « Les interventions répressives se sont intensifiées. Des jeunes disent qu'ils sont victimes de profilage », indiqua madame Christine Black, présidente de la Table de concertation jeunesse de Montréal-Nord. « Pour moi, ce n'est pas une réaction seulement à ce qui s'est passé samedi, mais à la répression policière dans le quartier. », ajouta monsieur Jethro Auguste, responsable du centre culturel Culture X, un service d'intégration jeunesse pour les 16-24 ans. « L'émeute témoigne du ras-le-bol collectif de la communauté de Montréal-Nord envers son service de police et les gens qui la desservent. », fit valoir monsieur Jean-Yves Sylvestre, travailleur social au collège Ahuntsic. Selon monsieur Harry Delva, coordonnateur des projets jeunesse à la Maison d'Haïti, l'attitude des policiers qui combattent intensivement les gangs de rue dans le secteur exacerbe les tensions avec les jeunes, « qui rongent leur frein depuis longtemps ». Même son de cloche du côté de monsieur Frantz Jean-Jacques, un travailleur social œuvrant dans le quartier depuis 30 ans. « C'était juste une question de temps avant que ça déborde », commenta-t-il. Les jeunes me rapportent qu'ils se font arrêter injustement, fouiller et interpeller sans raison valable. » (18) Notons que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) resta très discrète au cours des semaines qui suivirent l’émeute de Montréal-Nord. Ce n’est qu’en septembre, pratiquement un mois plus tard jour pour jour après l’événement, que la CDPDJ rappela qu’elle existait toujours par la publication d’une lettre d’opinion rédigée sous la plume de son président, monsieur Gaétan Cousineau, dans le quotidien Le Devoir. Nous nous permettons ici d’en citer quelques extraits :
En gros, monsieur Cousineau fit valoir que la CDPDJ avait adopté une définition du profilage racial de même que des lignes directrices. Ce que monsieur Cousineau ne dit toutefois pas, c’est que le SPVM a été plus rapide que la CDPDJ à adopter une définition du profilage racial. La définition du SPVM a en effet été adoptée le 22 mars 2004, dans le cadre de la « Politique d’intervention numéro 259-1, Le profilage racial et illicite ». Ce fut d’ailleurs la définition du profilage du SPVM qui fut présentée à l’Assemblée nationale, le lendemain, par la ministre des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, Michelle Courchesne, pour souligner le 21 mars, Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Quant à la définition de la CDPDJ, elle fut adoptée plus d’un an plus tard, soit le 10 juin 2005, lors de la 505e séance de la CDPDJ. (20) Dans sa lettre, M. Cousineau revendiquait également la participation de la CDPDJ à des groupes de travail ainsi qu’à des recours légaux, dont il se garda de bien de préciser quels en étaient les résultats. Avec un bilan aussi maigre en matière de lutte au profilage racial, on ne peut s’étonner que la CDPDJ ait choisi d’adopter un profil bas dans la presse écrite durant tout le mois qui suivi l’émeute du 10 août 2008. Mais le passage le plus frappant de la lettre de M. Cousineau est sans doute celui-ci :
Ce paragraphe mérite deux commentaires. D’abord, il laisse croire la CDPDJ attendit après l’émeute du 10 août 2008 pour se rendre à Montréal-Nord afin de prendre le pouls de la situation sur le terrain. C’est donc dire que la CDPDJ n’aurait rien vu venir puisqu’elle ignorait apparemment la situation qui régnait dans ce secteur de l’arrondissement, ce qui pourrait aider à comprendre son silence dans les semaines qui suivirent l’émeute. Ensuite, l’invitation du président de la CDPDJ envers le SPVM apparaît être d’une naïveté désarmante : aussi bien demander à un abuseur de mettre fin à l’abus lui-même ! Voilà qui trahit en lui-même toute la faiblesse du discours de la CDPDJ à l’égard du SPVM. La timidité du propos de monsieur Cousineau à l’égard du SPVM s’explique peut-être par le fait que la CDPDJ participe au Comité expert du SPVM sur le profilage racial et illicite… (21) Comme on l’a vu ci-haut, l’intervention policière qui coûta la vie à monsieur Fredy Villanueva est survenu dans un secteur de l’arrondissement de Montréal-Nord où de nombreuses personnes, en particulier des jeunes des communautés racisées, se montraient critiques à l’égard du comportement des forces de l’ordre. Lorsque le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, ordonna la tenue d’une enquête publique sur les causes et circonstances du décès de M. Villanueva, le 1er décembre 2008, on pouvait donc facilement prédire que la question du profilage racial allait figurer parmi les principaux enjeux de l’enquête. Par ailleurs, compte tenu de l’importante visibilité médiatique dont fait l’objet l’affaire Villanueva, il ne faisait aucun doute que l’enquête du coroner aurait un impact significatif sur la compréhension du public à l’égard de la notion du profilage racial. Dans cet ordre d’idée, il y a lieu de se demander pourquoi la CDPDJ n’a pas jugé opportun de demander au coroner à être reconnue comme personne intéressée à l’enquête publique sur le décès de M. Villanueva, comme l’on fait plusieurs organismes qui jouissent de moyens et de ressources beaucoup plus limitées qu’elle, comme la Ligue des droits et libertés, la Ligue des Noirs du Québec et la Coalition contre la répression et les abus policiers. Alors que la CDPDJ aurait pu facilement saisir l’opportunité de se positionner en tant qu’acteur incontournable dans le débat de société entourant la question du profilage racial, elle a plutôt choisi de briller par son absence dans l’un des principaux forums, sinon le principal forum, où ce problème de société est débattu. Au lieu de cela, la CDPDJ décida de tenir la présente consultation sur le profilage racial et ses conséquences. Sans enlever tout le mérite qui revient à une telle initiative, la Coalition contre la répression et les abus policiers ne peut faire autrement que de se questionner sur le contexte fort particulier qui prévalait au moment où la CDPDJ a annoncé son intention de tenir la présente consultation, en juin 2009. En effet, il faut se rappeler que l’enquête du coroner de M. Villanueva se trouvait alors dans une impasse. À ce moment-là, l’enquête publique faisait l’objet d’un boycott de la part de la famille Villanueva, des deux autres jeunes qui furent blessés par balles lors de l’intervention policière du 9 août 2008, mais aussi de la part d’organismes comme la Ligue des droits et libertés, la Ligue des Noirs du Québec, le Mouvement solidarité Montréal-Nord et ainsi que la Coalition contre la répression et les abus policiers, qui avaient tous été reconnus comme personne intéressée. Ce mouvement de boycott fut lancé plus tôt durant l’année 2009, lorsque des représentants du ministère de la Sécurité publique brisèrent une promesse qui avait été faite aux familles et avocats des principaux témoins civils d’assumer les frais de représentation légale à l’enquête publique de toutes les victimes de l’intervention policière fatidique, incluant les deux témoins-clés blessés par balles. Puis, tandis que le ministre Dupuis persistait dans son entêtement à refuser de défrayer les honoraires d’avocat de toutes les victimes de l’intervention policière, ce fut le mandat de l’enquête publique qui se mit à poser problème. Ainsi, lors d’une journée consacrée à l’audition de requêtes préliminaires tenue le 8 avril 2009, le juge Robert Sansfaçon, à l’époque coroner ad hoc, refusa de donner l’assurance que l’enquête publique allait aborder des questions plus larges, en particulier les problématiques du profilage racial et des conditions de vie socio-économiques prévalant dans certains secteurs de Montréal-Nord. C’est ainsi que plusieurs organismes et personnalités demandèrent l’intervention du premier ministre Jean Charest afin qu’il ordonne la mise sur pied d’une commission d’enquête publique au mandat large. C’est dans ce contexte que neuf des 15 parties inscrites comme « personnes intéressées » boycottèrent l’ouverture de l’enquête publique, le 25 mai 2009. Le lendemain, le coroner Sansfaçon annonça qu’il suspendait indéfiniment l’enquête publique. Le même jour, le ministre Dupuis décida de faire volte-face en acceptant d’assumer les frais de représentation légale de toutes les victimes de l’intervention policière du 9 août 2008. De son côté, la famille Villanueva et plusieurs de ses alliés réagirent le jour même en déclarant que la décision tardive du gouvernement d’assumer les honoraires d’avocats était bienvenue, mais ne réglait pas en soi le problème de l’étroitesse du mandat de l’enquête publique. C’est ainsi que le premier ministre Charest fut à nouveau interpellé afin qu’il décrète la tenue d’une commission d’enquête au mandat élargi. Dans ce contexte, l’enquête du coroner demeura suspendue. Cette impasse persistait encore lorsque monsieur Cousineau annonça que la CDPDJ avait l’intention de tenir une consultation sur le phénomène du profilage racial. « Le profilage racial est l’un de nos dossiers chauds en 2009 et on va rassembler cet été toutes les informations nécessaires pour une consultation », déclara le président de la CDPDJ en marge d’un colloque appelé Oser les droits et libertés ! Organisations et enjeux, qui se tenait à Montréal, le 15 juin 2009. (22) Plusieurs des personnes impliquées dans le dossier Villanueva furent étonnés d’apprendre que la CDPDJ ait choisit ce moment particulier pour annoncer la tenue d’une consultation sur le profilage racial. Surtout que la question du profilage racial est un thème récurrent de l’actualité québécoise depuis plusieurs années. Certains avaient même l’impression qu’il y avait anguille sous roche. Après tout, la CDPDJ lança cette annonce dans un contexte où le gouvernement québécois semblait être à court d’arguments pour convaincre la famille Villanueva et ses alliés de mettre fin à leur boycott de l’enquête publique. En annonçant une consultation sur le profilage racial au moment où ces derniers exigeaient que le profilage racial soit abordé dans une enquête publique, la CDPDJ ne venait-elle pas d’ouvrir une porte de sortie pour le gouvernement, qui en avait d’ailleurs bien besoin, s’interrogèrent certains ? Chose certaine, ce ne serait pas la première fois que le gouvernement fait appel à la CDPDJ pour qu’elle se penche sur la délicate question des relations entre la police et les communautés racisées. La Commission des droits de la personne s’était même vue confié deux mandats de ce genre pour la seule année 1987 par Herbert Marx, le ministre de la Justice de l’époque. Dans un premier temps, le gouvernement avait demandé à la Commission de produire un rapport sur l’étendue et la qualité des services offerts aux minorités visibles et ethniques dans les secteurs publics, parapublics et péripublics. Ce mandat avait été confié après que la Ligue des Noirs du Québec eut demandé une enquête publique sur le traitement des minorités par les autorités publiques. (23) L’intervention de la Ligue faisait elle-même suite à un incident lors duquel un jeune noir avait fait l’objet d’une arrestation musclée au terme d’une altercation avec un chauffeur d’autobus. Quelques mois plus tard, le ministre Marx fit à nouveau appel à la Commission des droits de la personne lorsque les tensions entre la police montréalaise et la communauté noire atteignirent un sommet suite au décès de monsieur Anthony Griffin, un jeune Noir non-armé abattu par un policier. Désireux de désamorcer une situation potentiellement explosive, le gouvernement mit sur pied un groupe de travail présidé par Me Jacques Bellemare pour enquêter sur les relations entre les corps policiers et les minorités visibles et ethniques. Au début de décembre 2009, un article publié à la une du journal Le Devoir révélait que les avocats de la Ville de Montréal et de son Service de police s’employaient à mettre des bâtons dans les roues de la CDPDJ en multipliant les requêtes préliminaires dans les dossiers de profilage racial. (24) Pendant ce temps, les retards dans l’audition des dossiers de profilage racial ne cessaient de s’accumuler. « Tout ça fait en sorte qu’on se promène du Tribunal à la Cour supérieure et à la Cour d’appel, avant de revenir au Tribunal. Dans certains cas, trois ans plus tard, on n’a toujours pas de décision », indiqua M. Dowd. (25) Des huit dossiers de profilage racial qui furent portés devant le Tribunal par la CDPDJ depuis 2003, aucun n’avait encore été entendu. « On a l'impression que c'est parfois un parcours de combattant », commenta le no.2 de la CDPDJ. Pendant ce temps, les retards ne cessent de s’accumuler. « Tout ça fait en sorte qu’on se promène du Tribunal à la Cour supérieure et à la Cour d’appel, avant de revenir au Tribunal. Dans certains cas, trois ans plus tard, on n’a toujours pas de décision », indiqua M. Dowd. Des huit dossiers de profilage racial qui ont été portés devant le Tribunal par la CDPDJ depuis 2003, aucun n’a été entendu. « On a l'impression que c'est parfois un parcours de combattant », commenta le no.2 de la CDPDJ. Responsable du contentieux à la Ville, Me Pierre-Yves Boisvert est le maître d’œuvre de ces tactiques dilatoires. S’il n’en tenait qu’à lui, la CDPDJ devrait attendre la fin des procédures pénales ou criminelles intentées contre un citoyen avant d’ouvrir des enquêtes sur les gestes de profilage racial reprochés au SPVM. Me Boisvert est également d’avis que la CDPDJ devrait perdre toute compétence pour étudier les questions de profilage à partir du moment où un citoyen est reconnu coupable des infractions découlant de la même intervention policière également à l’origine de la plainte. Au moment de la publication de l’article à la une du Devoir, la dernière « trouvaille » de Me Boisvert consistait en une requête en jugement déclaratoire demandant à la Cour supérieure du Québec de casser des citations à comparaître envoyées à 16 policiers du SPVM dans huit dossiers de profilage. « La Ville semble nous reprocher de faire notre travail, c'est-à-dire de faire des enquêtes », déclara Me Dowd. Pour M. Fo Niemi du CRARR, le véritable objectif recherché par la Ville se résume à « empêcher une confirmation juridique du profilage racial ». Lors d’un déjeuner-causerie organisé par le CRARR le 10 décembre suivant, monsieur Gaétan Cousineau s’exprima de la façon suivante à ce sujet :
La CDPDJ a tout à fait raison de déplorer les tactiques dilatoires des avocats de la Ville de Montréal et de son Service de police. Malheureusement, Me Boisvert et compagnie continueront à avoir recours aux tactiques dilatoires tant que ce type de manœuvre portera fruit. Et ce, en dépit du fait que l’article 2.05 du Code de déontologie des avocats stipule que les avocats doivent éviter tout procédé purement dilatoire et coopérer avec les autres avocats pour assurer la bonne administration de la justice. La CDPDJ ne devrait toutefois pas céder à la tentation d’utiliser les tactiques dilatoires de la Ville de Montréal pour expliquer sa propre sous-performance dans son action judiciaire en matière de lutte au profilage racial. S’il est indéniable que les manœuvres dilatoires de la Ville ont pour effet de contribuer à retarder l’audition des plaintes devant le Tribunal, il n’en demeure pas moins que la CDPDJ éprouve aussi ses propres problèmes de délais dans le traitement des plaintes. Bien que la question des délais a déjà été abordé dans la première partie du mémoire de la CRAP, nous nous permettons cependant de revenir sur cet aspect particulier de la sous-performance de la CDPDJ à la lumière du fait que ce problème afflige plus particulièrement les dossiers de profilage racial. C’est en effet ce qui est écrit noir sur blanc dans le rapport d’activités de la CDPDJ pour l’année 2007/2008. « Un nombre important de dossiers nécessitent un traitement plus long en raison de leur complexité et des problématiques nouvelles qu’ils soulèvent. Ainsi, 30 de ces dossiers sont liés à des questions d’équité salariale et 25 autres, au phénomène du profilage racial », lit-on. (27) Notons que la CDPDJ n’a pas invoquée les procédés dilatoires de la Ville pour expliquer la longueur des délais dans les dossiers de profilage racial. Le dossier du profilage racial dans les HLM du quartier de St-Michel figure parmi ceux qui accusaient un retard remarquable. Des jeunes résidents, âgés de 13 à 16 ans, portèrent plainte contre le SPVM à la CDPDJ pour profilage racial, en septembre 2003. Il fallut plus de quatre années d’enquête à la CDPDJ avant que celle-ci n’en vienne à la conclusion, en janvier 2008, que les policiers avaient fait preuve de comportements discriminatoires à l’égard des jeunes résidents de HLM. (28) Le processus fut si long que les jeunes plaignants avaient atteint l’âge adulte ! Et pourtant, ce n’était qu’un début... En effet, rien n’était encore réglé puisque la Ville de Montréal rejeta les conclusions de la CDPDJ, de sorte que le dossier de profilage racial dû être porté devant le Tribunal des droits de la personne, entraînant ainsi d’autres délais additionnels pour les plaignants qui durent encore une fois prendre leur mal en patience avant d’obtenir justice – s’ils finissent effectivement par obtenir justice un jour. Les tactiques dilatoires de la Ville conjuguées à la vitesse d’escargot inhérente à la CDPDJ font en sorte qu’aucun policier du SPVM n’a encore jamais été trouvé coupable de profilage racial jusqu’à présent. Les porte-parole du SPVM ne ratent d’ailleurs jamais une occasion de le rappeler, exploitant ainsi à leur avantage le doute qui prévaut déjà dans une portion de l’opinion publique quant à l’existence même du phénomène de profilage racial. « On a eu des plaintes, il y a eu médiation ou retrait de plaintes, mais on n'a aucun dossier précis de policiers reconnus coupables de profilage racial », souligna Jean-Guy Gagnon, directeur-adjoint du SPVM, lors d’un entretien avec la journaliste Katia Gagnon de La Presse, en avril 2009. (29) « Je tiens à rappeler qu'il n'y a jamais eu un seul policier de Montréal qui a été reconnu coupable de profilage racial à Montréal », affirma Paul Chablo, directeur des communications au SPVM, au Journal de Montréal, en juin 2009. (30) Chablo entonna à nouveau le même refrain lors d’un entretien avec madame Jennifer Guthrie, journaliste au journal Métro, en août 2009. « Jamais un policier n’a été reconnu coupable de profilage racial, lança-t-il. « Ce n’est pas parce que des dossiers sont retenus par la Commission que les policiers sont coupables », ajouta-t-il, en faisant allusion aux plaintes qui furent portées devant le Tribunal des droits de la personne par la CDPDJ. (31) Cela étant, il faut aussi noter que l’affirmation du SPVM à l’effet qu’il n’a jamais été trouvé coupable de profilage racial par aucun tribunal que ce soit est à demi-vraie, compte-tenu du jugement rendu par madame la juge Juanita Westmoreland-Traoré dans la cause de monsieur Alexer Campbell, en janvier 2005. Accusé de bris de condition et de possession de stupéfiants dans le but d’en faire le trafic, monsieur Campbell fut acquitté lorsque la juge Westmoreland déclara que la fouille exécutée par les policiers à son égard était illégale en raison du fait que son arrestation était fondée sur des motifs de profilage racial. (32) Il est donc inexact d’affirmer ou d’insinuer qu’aucun tribunal n’a jamais conclut que des policiers du SPVM avait eu recours au profilage racial. L’importance de rectifier le tir tient dans le fait que le discours disculpatoire véhiculé par les porte-parole du SPVM dans les médias risque de trouver une oreille complaisante, non seulement chez les citoyens qui entretiennent une vision stéréotypée des communautés racisées, mais aussi chez ceux qui ont des préjugés favorables envers la police. Les citoyens qui n’ont jamais eu la malchance de vivre de mauvaises expériences avec la force constabulaire sont en effet plus particulièrement susceptibles d’être réceptifs à un discours pro-policier dans lequel les agents de la paix se donnent le beau rôle. Les préjugés à l’effet que les minorités se plaignent pour rien (sic) risquent d’autant plus de prendre racine dans une partie significative de la population si on se fie au fait que le Québec accuse un certain retard dans la documentation du phénomène du profilage racial. « Le profilage racial est un phénomène bien documenté dans plusieurs pays occidentaux et au Canada. Toutefois, au Québec, peu de recherches à caractère scientifiques ont été menées et peu de causes ont été entendues par les tribunaux », peut-on effectivement lire dans le « Document de consultation sur le profilage racial » de la CDPDJ. (33) Dans ce contexte, le fossé d’incompréhension ne peut faire autrement que de se creuser entre ceux qui vivent le problème et ceux qui ne le vivent pas. Car, pour la victime de profilage racial, le doute qui pèse sur ses allégations ajoute l’insulte à l’injure : non seulement subit-elle le comportement discriminatoire de la part d’une personne en autorité censée la protéger, mais en plus on remet en question son honnêteté. Une telle situation ne peut faire autrement que de nourrir le sentiment d’exaspération chez les uns et de fatalisme chez les autres. occasion de faire un précédent Pour des raisons inexpliquées, la CDPDJ passa à côté d’une occasion inespérée de créer un précédent judiciaire dans la lutte contre le profilage racial lors d’une récente audition devant le Tribunal des droits de la personne. En effet, vers la fin du mois d’avril dernier, le Tribunal des droits de la personne procédait à l’audition d’un des plus anciens dossiers de profilage racial de la CDPDJ, soit la cause de monsieur Robert Lauture. L’affaire remonte au 27 septembre 2003, jour où M. Lauture fut arrêté puis relâché par deux policiers du SPVM qui enquêtait sur une histoire de vol. Le soir des événements, les agents Éric Lemieux et Robert Bowie répondaient à un appel d’urgence au sujet d’un vol de « bonbons et autres choses » survenu dans une station Ultramar de Ville d’Anjou. Dans son appel aux agents sur le terrain, le répartiteur précisait alors que l’homme recherché dans cette affaire était de « race noire, d’environ 18 ans, 5 pieds 6 pouces, mince mais costaud, porte un pantalon gris et une casquette à l’envers. Il n’y a aucune arme ». (34) Monsieur Lauture revenait de son travail à bicyclette au moment où il fut intercepté par les deux patrouilleurs. La couleur de peau de M. Lauture le rendait suspect aux yeux des deux policiers. Toutefois, la différence entre l’âge de M. Lauture et celle du suspect était d’environ vingt ans. Par ailleurs, non seulement M. Lauture nia-t-il être l’auteur du vol, mais qui plus est, il offrit aux policiers de leur fournir une preuve d’alibi sur le champ. « Ce n’est pas moi. Voulez-vous avoir le numéro de téléphone de mon travail pour vérifier que je viens de finir », lança-t-il aux deux agents. Or, au lieu de procéder à la vérification, les deux policiers décidèrent plutôt de mettre M. Lauture en état d’arrestation. Les agents arrachèrent le sac à main qu’il portait avant de le maîtriser à l’aide d’un contrôle articulaire pour le forcer à mettre ses mains sur le véhicule de patrouille. Les policiers étaient en train de procéder à la fouille de M. Lauture au moment où des camarades de travail qui passaient par la rue et confirmèrent que celui-ci avait bien un alibi puisqu’il se trouvait effectivement au boulot au moment du vol. Monsieur Lauture fut alors relâché. Trois jours après l’incident, M. Lauture porta plainte à la CDPDJ. L’enquête de la CDPDJ dura près de trois ans et conclua au bien-fondé de la plainte. La CDPDJ suggéra alors au SPVM le paiement d’une somme de 10 000 $ au plaignant pour dommages moraux, à titre de mesure de redressement. Depuis cette arrestation « abusive et humiliante », M. Lauture vit avec un sentiment de désarroi et d’impuissance. « Je ne circule plus à vélo de peur d’être de nouveau victime de discrimination fondée sur la race ou la couleur ». La Ville de Montréal refusa d’acquiescer à la mesure proposée par la CDPDJ. En novembre 2006, la CDPDJ déposa une action en dommages-intérêts demandant au Tribunal des droits de la personne de condamner la Ville de Montréal et les agents Lemieux et Bowie à verser une somme de 10 000 $ au plaignant. C’est alors que débutèrent une série d’escarmouches procédurales comme seul Me Pierre-Yves Boisvert, l’avocat de la Ville, en connaît le secret. En décembre 2006, Me Boisvert déposa une requête demandant au Tribunal des droits de la personne de rejeter l’action de la CDPCJ en invoquant les délais déraisonnables de son enquête. En janvier 2007, la juge Michèle Rivet du Tribunal des droits de la personne rendit une décision à l’effet qu’elle refusait de procéder à l’audition de la requête en rejet d’action de la Ville. Le Tribunal statua que la requête de la Ville pourrait être plus adéquatement traitée au procès car elle soulevait des questions mixtes de droit et de faits. Me Boisvert entreprit alors d’attaquer la décision de la juge Rivet en déposant une requête en mandamus demandant à la Cour supérieure du Québec de rendre une ordonnance obligeant le Tribunal des droits de la personne à entendre sa requête en rejet d’action. De son côté, Me Lysianne Clément-Major, l’avocate de la CDPDJ, déposa à son tour une requête en irrecevabilité de la requête en mandamus. En août 2007, le juge Roger E. Baker rejeta la requête en mandamus de la Ville. (35) La décision de la Cour supérieure fut ensuite portée en appel par Me Boisvert. En janvier 2009, les juges André Rochon, Louis Rochette et François Doyon de la Cour d’appel du Québec rejetèrent l’appel de la Ville à l’unanimité. (36) Le Tribunal des droits de la personne pouvait donc procéder à l’audition de l’action en dommages-intérêts de la CDPDJ dans la cause de M. Lauture. L’audition procéda devant la juge Rivet, le 27 avril 2010. En cours d’audition, la Ville de Montréal proposa une offre de règlement au plaignant. Selon toute vraisemblance, une somme d’argent, dont nous ne connaissons pas le montant exact, a probablement dû être proposé, comme c’est généralement le cas lorsqu’un règlement intervient dans une action en dommages-intérêts. Ces discussions, qui eurent lieu hors-cour, furent forcément fructueuses puisque les parties parvinrent à en arriver à un règlement, ce qui eut pour effet de mettre fin prématurément à l’audition du dossier de M. Lauture. De toute évidence, l’offre de règlement de la Ville réussit là où échouèrent les tactiques dilatoires de Me Boisvert. Nous avons obtenu une copie de l’enregistrement mécanique de la seconde moitié de la journée d’audition, alors que les représentants des parties attendaient le retour de la juge Rivet pour lui annoncer le règlement. À ce moment-là, la discussion avait prit une tournure informelle dans la salle d’audience, Me Boisvert faisant la conversation avec la greffière au sujet de ses études de droit en Roumanie. Puis, à un certain moment, Me Lysianne Clément-Major, l’avocate de la CDPDJ, décida soudainement d’étaler ses états d’âme devant tous, incluant Me Boisvert et l’agent Éric Lemieux, qui se trouvait également dans la salle d’audience à ce moment-là. « Ah, je ressens un terrible sentiment de déception désagréable », lança-t-elle. « Me semble que ça aurait été intéressant d’avoir au moins un jugement », ajouta Me Clément-Major. Durant la même conversation, Me Clément-Major évoqua ce qu’elle appelait elle-même son « envie personnelle d’avoir un bon jugement ». Puis, s’adressant au policier Lemieux, l’avocate de la CDPDJ ajouta ceci : « j’m’excuse, okay, j’vous en veux pas personnellement, c’t’un trip d’avocat, j’suis sûr que vous êtes content quand vous pognez un bandit-là ». Cette remarque provoqua un grand éclat de rire chez Me Boisvert. Me Clément-Major semblait s’être déjà remise de son « terrible sentiment de déception désagréable » puisque l’enregistrement mécanique permet de l’entendre rire en tandem avec l’avocat de la partie adverse. Un échange que nous considérons être particulièrement édifiant survint à un certain moment de la discussion. Un verbatim de cet échange a pu être retranscrit ci-dessous à partir de l’écoute de l’enregistrement mécanique :
C’est ainsi que le chat sorti du sac : en évoquant la probabilité d’un appel dans le dossier de M. Lauture, l’avocat de la Ville de Montréal et de son Service de police venait de reconnaître qu’il entrevoyait une défaite devant le Tribunal des droits de la personne. Cette analyse se trouve d’ailleurs à être confirmée par l’échange subséquent :
Autrement dit, Me Boisvert était confiant de l’emporter, mais devant un autre tribunal que celui des droits de la personne. De toute évidence, la Ville avait décidé de régler le dossier de M. Lauture parce qu’elle craignait de se retrouver avec un jugement déclarant que des policiers du SPVM étaient coupables de profilage racial. Voilà qui aurait constitué une grande première pour un dossier de profilage racial. Un tel jugement aurait également privé les porte-parole du SPVM de l’argument qu’ils utilisent couramment auprès des médias à l’effet qu’aucun de leurs policiers n’ont jamais été reconnu coupable de profilage racial. À la lumière de ceci, nous ne pouvons nous enlever de l’esprit que la victoire pouvait être à portée de la main pour la CDPDJ, quoique ce n’était manifestement pas l’analyse que faisait Me Clément-Major, elle qui concédait volontiers les « faiblesses » du dossier de M. Lauture qui, selon elle, n’était pas « gagné d’avance », tout en disant partager l’« évaluation » que faisait du dossier l’avocat de la partie adverse. La discussion entre avocats prit fin lorsque madame la juge Rivet fit son entrée dans la salle d’audience. Le tribunal fut promptement informé par Me Boisvert que les parties en étaient arrivés à un règlement. La juge Rivet demanda alors à M. Lauture de s’avancer devant elle. Après un petit préambule lors duquel elle fit la lecture des conclusions recherchées par l’action en dommages-intérêts intentée par la CDPDJ, la juge Rivet s’adressa à M. Lauture dans les termes suivants :
La question de la juge Rivet était simple et directe. Or, l’enregistrement mécanique de l’audition révèle que le plaignant éprouvait d’importantes difficultés à répondre de façon aussi simple et directe au tribunal. En effet, monsieur Lauture prit la parole après un long silence d’une durée de sept secondes, tel qu’indiqué par le minutage de l’enregistrement mécanique, ce qui donna ensuite lieu à l’échange ci-dessous :
S’en est alors suivi un autre long silence, celui-là d’une durée de quatorze secondes, suite à quoi M. Lauture répondit ceci :
Monsieur Lauture s’était exprimé d’une voix un peu brisée, sans grande conviction. À tel point que la juge Rivet ne semblait pas sûre d’avoir bien entendu sa réponse.
Non seulement l’enthousiasme n’était-il pas au rendez-vous, mais les hésitations de M. Lauture semblaient trahir l’existence d’un doute, ce qui nous amène à soulever la question suivante : le règlement aurait-il été accepté à contrecœur ? Seul le principal intéressé pourrait répondre… à la défense de droits offensive Le moins que l’on puisse dire, c’est que la CDPDJ n’a pas su se montrer à la hauteur dans sa lutte contre le profilage racial jusqu’à présent. Il s’agit-là d’un fait brutal. D’ailleurs, quand on entend des organismes de défense des intérêts des communautés racisées reprendre les mêmes critiques qui avaient été formulées en commission parlementaire et ailleurs, vingt ans plus tôt, à l’égard du travail de la Commission des droits de la personne, nous croyons qu’il y a lieu de se demander pourquoi la CDPDJ s’obstine-t-elle autant à refuser d’apprendre de ses erreurs. Dans son Document de réflexion et d’actions, produit en septembre 2009, dans le cadre de la présente consultation, la CDPDJ manifestait d’ailleurs une certaine ouverture relativement à la critique de son travail. « La Commission entend aussi faire son autocritique quant à son action dans le dossier de profilage », lisait-on. (37) Or, dans son Document de consultation sur le profilage racial, produit au mois de mars 2010, la CDPDJ se contentait de soulever uniquement le problème de la confiance du public envers le système de déontologie policière. « Comment assurer la confiance du citoyen dans le système du traitement des plaintes au Commissaire à la déontologie policière ? », demandait la CDPDJ. (38) Nous sommes d’avis qu’il est pour le moins curieux, voire étonnant, que la CDPDJ ait dressé la liste des « questions clés pour orienter la réflexion » (39) en choisissant de passer sous silence les problèmes entourant son propre système de traitement des plaintes pour se limiter à la seule et unique question de la confiance du public envers la déontologie policière. Ce silence est d’autant plus étrange compte tenu des critiques répétées à l’égard du travail de la CDPDJ. Nous ne pouvons faire autrement que de nous interroger sur ce qu’il est advenu de la volonté d’autocritique exprimée par la CDPDJ dans le Document de réflexion et d’actions… Si la présente consultation est sans doute un pas dans la bonne direction, elle demeure nettement insuffisante compte tenu de l’ampleur du phénomène que constitue le profilage racial. La CDPDJ doit éviter de donner l’impression qu’elle se satisfait de tenir une consultation. Elle doit faire comprendre qu’elle nourrit des attentes plus élevées quant à sa propre performance. Nous croyons qu’il est grand temps que la CDPDJ reconnaisse que sa sous-performance fait non seulement partie du problème du profilage racial, mais qu’elle contribue également au développement de ce fléau. Si la CDPDJ souhaite s’améliorer, elle doit commencer par reconnaître ses erreurs. Elle doit savoir faire preuve d’humilité et accepter de se regarder dans le miroir. Elle doit mettre les bouchées doubles de toute urgence pour renverser la vapeur au lieu d’essayer de trouver des excuses pour expliquer sa sous-performance. Nous croyons aussi que le CDPDJ aurait tout intérêt à profiter de la présente consultation pour faire part du bilan qu’elle tire de sa participation au Comité expert du SPVM sur le profilage racial. Nous pensons également que la CDPDJ devrait aussi partager les fruits de sa réflexion quant aux questions suivantes :
Contrairement à ce que semble penser le président de la CDPDJ, nous croyons que la lutte au profilage racial ne se résume pas à un problème de mentalité susceptible d’être résolu par le dialogue et une prise de conscience collective ; nous pensons plutôt que le développement d’un rapport de force avec le SPVM est crucial pour arriver à obtenir des gains concrets. Cet aspect, pourtant essentiel dans toute lutte, semble occulté dans le discours officiel de la CDPDJ. Nous ne devons jamais oublier que le SPVM est une puissante et redoutable machine, aux ramifications très étendues, défendue par des avocats chevronnés, pour ne pas dire zélés dans certains cas. La CDPDJ ne remportera jamais de victoire significative contre une telle organisation si elle ne fait pas preuve d’une réelle combativité ! Le législateur a confié à la CDPDJ le mandat d’être le chien de garde de la Charte des droits et libertés de la personne. Or, pour être efficace, un chien de garde doit savoir montrer ses dents et même mordre une fois de temps en temps s’il veut être craint et respecté. Qu’est-ce que la CDPDJ attend pour déclarer la guerre au profilage racial ? Une autre bavure policière tragique comme celle qui a coûté la vie à monsieur Fredy Villanueva ? Une autre émeute comme celle qui a eu lieu à Montréal-Nord au lendemain du décès de M. Villanueva ? Qu’est-ce que la CDPDJ attend pour se transformer en une police anti-discrimination ? Après tout, quand on parle de profilage racial, on parle d’un comportement illégal ! Et la loi, c’est la loi, ne l’oublions pas ! Si la CDPDJ veut être crédible auprès des victimes de profilage racial, elle va devoir hausser le ton, tant au niveau de son discours qu’au niveau de ses actions. Si elle veut faire une réelle différence, elle va devoir se retrousser les manches et se battre sans répit contre les policiers racistes en prenant fait et cause en la faveur des victimes de profilage discriminatoire ! Nous croyons que la CDPDJ doit intervenir vigoureusement et systématiquement sur tous les terrains occupés par le SPVM. Plus précisément, nous sommes d’avis que la lutte contre le profilage racial doit se mener simultanément sur plusieurs fronts : les fronts judiciaires, politiques, médiatiques et celui de l’espace public, car ils sont tous liés les uns aux autres. - Front judiciaire Nous sommes convaincus qu’une action judiciaire énergique et efficace est essentielle dans la lutte au profilage racial, à plus forte raison lorsque les auteurs d’actes de discrimination commis en violation de la Charte sont eux-mêmes des représentants de la loi qui jouissent d’importants pouvoirs afin de veiller à l’application du Code criminel, entre autres choses. Cela étant, s’il faut porter un jugement sur l’activité judiciaire CDPDJ en matière de profilage racial, alors jugeons-là par ses résultats. Or, force est de constater que l’absence de condamnation de la part du Tribunal des droits de la personne contre le SPVM en matière de profilage racial parle d’elle-même. L’échec de la CDPDJ sur le front judiciaire n’est pas sans conséquence sur la paix sociale car l’impunité policière nourrit le défaitisme et le sentiment d’impuissance chez les victimes d’abus policiers. Quand les organismes chargés de veiller au respect des droits de la personne n’arrivent pas à faire le poids face à la puissante machine policière, les recours légaux risquent de perdre de leur crédibilité au profit de recours plus musclés et, parfois, un peu moins légaux… Autrement dit, le sentiment de révolte pourrait un jour se substituer au sentiment d’impuissance. La sous-performance de la CDPDJ sur le front judiciaire contribue également à alimenter une perception négative de son travail parmi une portion significative des communautés racisées. La méfiance qui perdure au sein des communautés racisées à l’égard de la CDPDJ nuit forcément à la lutte contre le profilage racial. La meilleure façon de venir à bout de cette méfiance, c’est de donner tort aux nombreuses personnes qui continuent à mettre en doute la capacité de la CDPDJ de remporter des victoires judiciaires dans la lutte contre le profilage racial. Si elle souhaite l’emporter sur le front judiciaire, la CDPDJ doit manifester autant d’acharnement à défendre les intérêts des victimes de profilage racial que les avocats de la Ville de Montréal en démontrent à essayer de mettre des bâtons dans les roues de la CDPDJ dans le but d’empêcher celle-ci de faire son travail en matière de lutte au profilage racial. - Front médiatique Le SPVM met beaucoup d’efforts à essayer de projeter l’image d’un corps policier « ouvert à la différence » et « politiquement correct » auprès de l’opinion publique, alors que la réalité sur le terrain de la vie de tous les jours est souvent toute autre. Compte tenu du rôle important que jouent les médias d’information dans la société québécoise, nous croyons que la CDPDJ ne devrait pas demeurer silencieuse lorsque les porte-parole du SPVM se permettent de lancer des demi-vérités. Pour ces motifs, nous croyons que la CDPDJ devrait s’investir davantage sur le terrain médiatique afin de révéler au grand jour la face cachée du SPVM. - Front politique Si la CDPDJ n’arrive pas à s’acquitter de sa mission adéquatement par manque de ressources, alors il est de son devoir d’alerter à la fois le gouvernement et la population à ce sujet. Les gouvernements actuels et futurs vont continuer à omettre de fournir à la CDPDJ les moyens appropriés pour qu’elle puisse mener à bien sa mission tant et aussi longtemps qu’ils ne comprendront pas qu’il y a un coût politique à négliger la défense des droits et libertés de la personne. La CDPDJ ne doit pas hésiter à rappeler aux élus qu’il existe de lourdes conséquences à ne pas traiter les problèmes de société adéquatement et en temps utiles. Qu’on se le tienne pour dit : les problèmes de société négligés ne vont pas disparaître d’eux-mêmes, mais vont plutôt s’aggraver jusqu’au jour où ils menaceront sérieusement la paix sociale. L’escalade de tensions entre la police et les Première nations autochtones, qui atteignirent leur point culminant avec la Crise d’Oka, à l’été 1990, en est un exemple éloquent. La détérioration des relations entre la police et les communautés racisées à Montréal-Nord, qui donnèrent lieu à l’émeute du 10 août 2008, en est un autre. - L’espace public Les enquêteurs de la CDPDJ ne devraient pas craindre de sortir de leurs bureaux pour aller faire du travail de terrain. En fait, nous croyons qu’il serait dans l’intérêt de la lutte que la CDPDJ décide de dépêcher des enquêteurs chevronnés dans les espaces publics où on lui rapporte plusieurs cas de profilage racial. Ces enquêteurs pourraient mener des missions de surveillance, incognito ou non, afin de recueillir des éléments de preuve relativement à des interventions policières portant atteinte aux dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne. D’ailleurs, le simple fait que la CDPDJ annonce son intention de faire ce genre de travail de terrain pourrait avoir un effet dissuasif sur un certain nombre de patrouilleurs du SPVM. Notons à cet effet que le Comité de déontologie policière a récemment rendu deux décisions condamnant des policiers de la Ville de Québec relativement à deux événements distincts lors desquels deux citoyens avaient été arrêtés parce qu’ils filmaient simplement une arrestation. (43) Sources : (1) La Presse, « Dur coup aux gangs de rue haïtiens - Mais le mutisme de la communauté noire inquiète la police », Éric Trottier, 12 juillet 2000, p. A3. |
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