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[Chili] Appel à solidarité avec les prisonnier-e-s mapuche et leurs communautés

Anonyme, Jueves, Mayo 13, 2010 - 02:56

Au Chili, les Prisonnier-e-s Politiques Mapuche et leurs communautés ont besoin de toute la solidarité possible.

Les mapuches et le terrorisme de l’État chilien
9 mai 2010

“Maintenant, avec le Président Sebastian Piñeyra, les choses vont changer, nous allons prendre le contrôle sur vous tous, indiens de merde, délinquants, terroristes. On verra bien si ça vous donne encore envie de réclamer des terres. La prison et des balles, c’est tout ce qu’on vous donnera.” Ditter Villaroel, major de la prison d’Angol.

Au Chili, les Prisonnier-e-s Politiques Mapuche (PPM) sont 52, auxquels on peut aussi ajouter 22 autres devant se plier à des « mesures préventives », on peut ainsi se faire une idée de l’ampleur de la persécution judiciaire dont sont victimes les communautés luttant pour leur territoire et leur autonomie1. Le peuple mapuche originaire du sud de l’Amérique latine (Argentine et Chili) peut se vanter d’avoir été le seul peuple qui a tenu tête à l’invasion coloniale jusqu’au début du 19ème siècle. C’est seulement au moment de la formation des états indépendantistes chilien et argentin qu’ils furent finalement vaincus et ils connurent le sort funeste de tous les autres peuples originaires d’Amérique : génocide, déplacement de populations violentes pour les parquer dans des réserves, occupation de leur territoire pour le destiner à des fins capitalistes, esclavages, famines, maladies, tortures, viols, etc. Loin de s´être résigné-e-s au fil des siècles suivants, les mapuches, comme la majorité des autres peuples d’Amérique, ont conservé leur propre culture, et la conscience d´être un peuple oppressé obligé de lutter pour sa survie. La dictature militaire de Pinochet (1973-1989) ne les a pas non plus fait taire bien que plus de 300 des 5000 « détenu-e-s disparu-e-s » furent des militant-e-s mapuche2. Quand se produit enfin la transition démocratique, la Concertation (alliance de partis politiques de centre et de gauche) se retrouva immédiatement au pouvoir mais ne fut jamais à la hauteur des espérances. Tout d’abord, elle n’a même pas essayé de modifier la nouvelle constitution rédigée sous Pinochet, véritable bouclier légal contre d’éventuelles et souhaitables représailles judiciaires contre l’élite fasciste de la dictature. Au fil de ses différents mandats tantôt sous l’étiquette démocrate-chrétienne tantôt sous celle du socialisme, elle soutiendra et même fomentera tout type de projet capitaliste sur le Wallmapu (territoire mapuche) déjà bien saturé d’entreprises forestières3. Pour finir et bien faire, la Concertation, non contente de conserver également la législation antiterroriste héritée du même gouvernement militaire, la renforcera à deux reprises4. Depuis 2002 environ, l’opération policière nommé Patience qui s’est particulièrement fait remarquer pour sa grande capacité à construire des montages judiciaires à la fois tragiques et absurdes, est à l’origine du nombre sans cesse croissant de mapuches emprisonné-e-s. Les lois antiterroristes apportent les outils légaux nécessaires à ces montages en permettant aux procureurs de recourir à des témoins dits « sans visage » qui ne sont ni plus ni moins des témoins anonymes et bien souvent payés qui déclarent sous protection (pression) policière et n’apparaissent au tribunal que derrière un rideau, la voix distorsionnée. Les enquêtes peuvent rester secrètes pendant la majeur partie de l’investigation qui suit l’emprisonnement préventif des inculpé-e-s ce qui rend le travail de la défense simplement impossible. De plus, une condamnation pour conduite terroriste peut doubler la peine de prison et ne permet aucune remise ou aménagement de peine. L’autre astuce qui permet de garder les mapuches un maximum de temps en prison avant même qu’ils ou elles soient condamné-e-s est l’application de la justice militaire en plus de la justice civile, pratique illégale puisque la justice militaire existe pour juger les forces de l’ordre, ce qui permet de les juger deux fois pour un même fait lorsqu’il est de près ou de loin lié à ces mêmes forces de l’ordre. Cette justice étant beaucoup plus lente que la civile, il s’écoule parfois de longues années avant d’obtenir un verdict.

L’un des prochains gros procès.

Les procureurs et la police d’investigation ont bien fait leur travail : faire correspondre le début d’importants procès contre les mapuches5 au moment ou la droite est au pouvoir et que va débuter la coupe du monde de football. Il était tout à fait prévisible que la Concertation allait pour la première fois devoir quitter la présidence et que la droite allait prendre le relais. Celle-ci n’a jamais ne serait-ce que tenter de masquer son racisme et plus particulièrement sa haine sans fin pour les mapuches en lutte revendiquant leurs terres. Elle a toujours dénoncé la Concertation pour sa supposée faiblesse face aux mapuches, malgré la mort de trois d’entre eux assassinés par la police lors de récupérations de terre6. Elle a toujours appelé à appliquer toute la « rigueur de la loi » contre les mapuches et en particulier les loi anti-terroristes. Elle s’est toujours fait la voix défendant les intérêts économiques de celles et ceux qui combattent les mapuches sur leur territoire (latifundistes, multinationales…). Et elle soutient et protège un groupe para-militaire dénommé Trizano qui a déjà attaqué plusieurs fois des communautés mapuche et menacé de morts à plusieurs reprises des militant-e-s emblématiques de ces communautés. Il était donc évident que le nouveau président Piñeyra dont l’équipe de politicien-ne-s est tantôt liée à la dictature tantôt à des scandales financiers, n’allait pas laisser la Concertation remporter le championnat de la répression. Pendant que partout dans le monde, les millions d’yeux pourvus d’une télé seront fixés sur un ballon de foot, les victimes de la répression ne verront plus qu’eux-mêmes. Grâce aux cris de joies et de déceptions qu’occasionnera le championnat de foot, le verdict des juges contre les mapuches aura de fortes chances de ne résonner que dans les salles de tribunaux. Le 10 mai a commencé la préparation du procès de 19 mapuches appartenant presque tous à la communauté de Puerto Choque du lac Lleu Lleu. Cinq d’entre eux sont des militants de la très persécutée Coordinadora Arauco Malleco (CAM), organisation mapuche la plus radicale au Chili tant au niveau de ses idées que de ses actions. Anticapitaliste, elle n’a en plus jamais cédée aux propositions de négociations avec les autorités chiliennes. Elle est depuis ses débuts en 1999 jusqu’à aujourd’hui, la référence en termes d’actions directes et de fermeté quand à sa ligne politique. Une fois dans le passé, la justice chilienne a déjà essayé de la rendre illégale en essayant de démontrer son caractère terroriste, en vain. Aujourd’hui le procureur Andres Cruz tente de nouveau d’appliquer le schéma terroriste sur cette organisation et ses sympathisants, et va jusqu’à demander 103 ans de prison pour un des ses intégrants, d’autres tout aussi « chanceux » sont pourtant loin derrière avec des peines de 65 et 52 ans… Mais de quoi sont donc accusés ces mapuches pour mériter de mourir en prison ? Les chefs d’accusation sont les suivants : attentat contre un procureur, tentative d’homicide, association illicite terroriste, dommage crées aux biens de la police, dommages crées aux biens d’un procureur, incendies terroristes, vol avec intimidation.

Les 5 premières accusations concernent un seul et même fait : une intrusion policière de plus dans la communauté de Puerto Choque qui fut cette fois repoussée. Quelques mois auparavant, la communauté avait initié une récupération de terre sur la propriété d’une entreprise forestière entraînant une augmentation de la présence policière sur la communauté. Lasse des conséquences répressives systématiques de cette présence policière, la communauté a finalement réagit en légitime défense. Trois maisons secondaires du bord du lac Lleu Lleu, luxueuses propriétés de riches ont été incendiées ainsi qu’un campement forestier. Quant à la victime du supposé vol avec intimidation, il s’agit ni plus ni moins de Santos Jorquera, fasciste reconnu et dénoncé dans le dossier Valech sur la dictature, cet obscur personnage y est cité comme bourreau et collaborateur des militaires sur la communauté de Puerto Choque. Sa maison a été également utilisée comme prison et lieu de torture de campagne. Il a toujours activement collaboré avec les forces policières. Rien que ce supposé vol peut coûter plus de 15 ans aux inculpés parce qu’il aurait été commis par une association dite terroriste. Rien que pour ce procès, vaste successions d’accusations entremêlées, le ministère publique va faire comparaître 230 témoins et s’appuyer sur plus de 100 rapports d’experts et d’écoutes téléphoniques. Sans aller jusqu’à détailler les frauduleuses preuves qui accusent les mapuches inculpés, on peut néanmoins s’arrêter sur le cas d’un des (ex) accusés : Alcides Pilquiman aujourd’hui « disparu ». Ce jeune mapuche de 22 ans qui a rapidement « bénéficié » de la liberté surveillée après avoir passé quelques mois en prison préventive. C’est le ministère publique lui-même qui a demandé la révision de sa situation alors que les efforts des avocats dans ce sens sont en général inutiles. Originaire de Puerto Choque, ses amitiés l’ont amené à participer à la récupération de terre de sa communauté. Celles et ceux qui le connaissent se rappellent de lui comme un gars volontaire, ayant une bonne condition physique qui lui permettait de participer activement durant les affrontements avec la police lorsque celle-ci attaquait la communauté. Pourtant Elcides est probablement le principal témoin sans visage du prochain procès. Ses déclarations au fil de l’investigation ont peu a peu changé, se déclarant d’abord coupable puisque reconnaissant sa participation dans les faits dont on l’accuse, il se transforme ensuite un simple observateur dénonçant seulement les membres de la CAM. Lui-même est finalement innocenté. Elcides a évidement été victime de pressions et de tortures comme d’autres mapuches. Et cédant, il s’est transformé en collaborateur. Depuis six mois, ni sa famille ni son avocat ne savent oú il se trouve. La seule indication disponible est qu’il serait détenu dans un lieu secret et sous haute surveillance par la police d’investigation. Pour ne pas regretter sa collaboration et trahison ? Voilà qu’une fois de plus la démocratie n’a rien a envier à la dictature et les Prisonnier-e-s Politique Mapuches peuvent donc s’attendrent au pire.

Chaque fois plus de Prisonnier-e-s Politiques Mapuche.

« J’en pouvais plus (…) et un policier du GOPE (CRS) m’a visé avec son fusil et de nouveau il m’a insulté : « reste là enculé d’indien ! reste là ou je te tue ! ». Je ne pouvais rien faire alors je me suis rendu. Il m’a tordu le bras et m’a jeté à terre puis il m’a donné plusieurs coups de pieds. Il m’a frappé à la tête aussi. Il y avait un canal et ils m’ont mis dedans et ils m’ont dit : « allez couillon, tu vas bien te mouiller pour tomber malade », que des choses dans le style ils me disaient et ils me poussaient, ils m’ont tenu un sacré moment sous l’eau, j’en ai même avalé, j’étais tout crade, et la tête, pareil, toute mouillée. » Témoignage d’un jeune mapuche de 14 ans (F.P.M.).

La liste des PPM ne peut a elle seule refléter ni le nombre d’arrestations ni la répression quotidienne que les mapuches engagé-e-s ou non dans la résistance subissent. Il serait trop laborieux de vouloir ici en dresser une liste complète, et bien des pages se rempliraient pour ne dire qu’une seule chose : c’est une persécution systématique et souvent cruelle exercée de la part des forces de police comme des polices privées sur ce peuple. Pour illustrer ce propos, il suffit de se pencher sur quelques cas de détentions, pas plus tard que ces dernières semaines.

Juan Carlos Curinao Traipe : l’exemple de ce jeune mapuche, fils d’un longko appartenant à l’organisation Alliance Territoriale Mapuche (ATM) montre de manière indiscutable la détermination à emprisonner les mapuches même lorsqu’il est évident que les accusations qui pèsent contre eux sont absolument fausses et éhontées, même quand il semble impossible de pouvoir convaincre l’opinion publique de la véracité des accusations. Alors qu’il se rend à la prison de Ercilla, en octobre 2009, pour prendre des nouvelles du longko Juan Catrillanca fraîchement détenu, face a des caméras de télévision, plusieurs policiers le frappent à coups de pieds dans le visage. La nouvelle fit le tour du pays, et le visage complètement tuméfié, Curinao put témoigner face aux mêmes caméras de son agression sans d’autres raisons que la haine et le racisme. Le 16 avril dernier, alors que le tribunal militaire avait fait mettre en prison préventive trois des policiers agresseurs, la Cours Martiale les a absout de toute accusation. Quatorze jours plus tard, Curinao incarcéré pour dommages crées aux biens de la police en service et comme c’est maintenant la tradition au Chili, il sera jugé par la justice militaire. Pour comprendre cette détention absurde et injuste au-delà de l’évidente impunité dont bénéficient les forces de police, il est utile de préciser que l’ATM a déclaré il y a peu un ultimatum à Piñeyra, lui donnant un mois pour réagir avant de devoir affronter de nombreuses mobilisations. La nouvelle persécution envers le werken de cette organisation, Mijail Carbone, confirme qu’il s’agit bien là de la réponse de Piñeyra à l’ultimatum. Mijail Carbone est de nouveau recherché par la police pour une amende impayée qu’il a été condamné à payer suite à une supposée « usurpation violente » sur la propriété du très fasciste René Urban.

Mario Millanao et Bernabé Huenchullan : en avril, alors qu’ils recherchaient du bois de chauffage sur un chemin publique, un contingent policier fortement armé et deux civils retiennent leur véhicule. Sous la menace verbale et physique, Mario Millanao, son épouse Elvira Escobar, leurs deux jeunes enfants de 6 et 10 ans, la mère de Elvira, Elba Morales, et le neveu de Millanao, Bernabé Huenchullan Millanao se voient obligé-e-s de descendre de la camionnette. La police attache Mario et Barnabé et les deux civils les insultent, les accusent de vol, les menacent de meurtre et les frappent à coups de pierre. Les deux femmes tentant de s’interposer sont frappées à leur tour sous les yeux des enfants. Les deux civils sont René Urban et son fils. Urban n’en est pas à sa première agression envers les mapuches. Et ce n’est pas non plus la première fois que la police se fait complice. Urban est célèbre pour être un des ses descendants de colons qui apparaît volontier à la télé en pleurnichant comme saint innocent face aux supposées attaques dont il souffre. Riche propriétaire terrien, raciste revendiqué, membre du commando Trizano, il bénéficie de protection policière 24 heures sur 24 et voue une partie incroyable de son temps à persécuter les mapuches qui vivent dans les communautés voisines de « ses » terres. Suite à l’agression faite à Mario Millanao et sa famille, la police les a emmené au poste de police de Ercilla. Il y ont passé une bonne partie de la journée avant d’être conduit à un hôpital qui constatera leurs blessures. Mario Millanao a été admis immédiatement aux urgences pour 4 côtes féllées. Sa belle-mère est aussi restée à l’hôpital oú elle a été mise sous perfusion. Le reste de la famille a du attendre le 2 mai pour sortir du commisariat et aller à l’audience de formalisation des charges retenues contre Mario et Bernabé. Finalement accusés de dommages simples, ils n’ont pas écopé de prison préventive, ce qui a eu pour conséquence le renforcement de la présence policière dans leur communauté pour avoir à l’oeil ces « dangereux mapuches ».

F.P.M, 14 ans : l’histoire de cet adolescent est particulièrement effrayante et démontre justement la volonté de la répression chilienne à terroriser les mapuches ; d’une part parce qu’elle s’attaque chaque fois plus fort aux mineur-e-s en espérant mater la génération qui bientôt prendra les rênes de la résistance mapuche ; et d’autre part parce qu’elle fait resurgir les méthodes les plus emblématiques de la doctrine de la guerre contre la subversion, contre l’ennemi intérieur. Détenu alors qu’il fuyait la répression policière qui visait d’autres jeunes participant à une récupération de terre, cet adolescent a été torturé sur le lieu même de la détention. En essayant d’abord de se cacher, il reçut des impacts de balles dans la jambes, le coude et le dos. Puis courant sur près de trois kilomètres, il a finalement été rattrapé par un hélicoptère volant au ras du sol. Une arme sur la tempe, frappé, menacé de mort, il a en plus été maintenu entièrement sous l’eau d’un canal à plusieurs reprises. La police l’a ensuite attaché, l’obligeant à monter à bord de l’hélicoptère. Une fois en vol, l’adolescent a été couché au sol, la tête à l’extérieur et menacé d’être balancé dans le vide s’il ne donnait pas les noms des mapuches participant à la récupération de terre. « Et moi je leur disais que non, que je ne pouvais donner aucun nom, parce que je ne savais rien. Et ils me frappait encore plus. Ils me disaient « enculé d’indien, donne moi tous les noms des personnes qui étaient là si tu veux pas mourir. Sinon, on va te jeter dans le vide. ». À l’atterrissage, les médias l’attendaient, et à cet effet, la police lui a passé une cagoule sur la tête et lui a mis des pierres dans les mains. Au commissariat ou il a ensuite été emmené (à 25 km du commissariat qui correspondait à son lieu de détention), il a de nouveau été insulté par les policiers. Et à l’hôpital, le médecin n’a rien trouvé de mieux que d’approuver l’attitude policière. Pour comble, les policiers ont finalement tenté deux fois de faire signer au père de l’adolescent un document sans date stipulant l’accusation faite à son fils à savoir l’usurpation de terres.

Vania Queipul Millanao y Cristina Millacheo : âgées toutes les deux de 15 ans, elle sont respectivement les filles des longko Victor Queipul et Ciriaco Millacheo, ce dernier étant contraint à la clandestinité. Vania a été détenue par la police le 6 avril à son lycée pendant qu’elle déjeunait avec ses camarades. Remise en liberté le jour même, elle peut cependant depuis être arrêtée à tout moment. Cristina Millacheo a éte arrêtée dans les mêmes conditions le 27 avril dernier. Ces deux jeunes filles sont accusées de désordre sur la voie publique. Dans le cadre d’une mobilisation à Collipulli suite à l’assassinat de Jaime Collio en août 2009, les vitres du ministère publique avaient été brisées. Durant cette même journée, Vania Queipul et son amie Cristina Millacheo se dirigeaient à leur internat quand en pleine rue, loin des faits dont on les accuse, elle furent interpelées une première fois pour les contrôler puis laissées en liberté. N’est-il pas étrange que le seul témoin qui les accuse soit le procureur qui mène l’investigation ?

Contrairement aux dénonciations faite par le procureur Ljubetjic, autre procureur anti-mapuche, qui pointait du doigt le grand confort dont bénéficieraient les mapuches en prison, comme l’eau chaude par exemple, les mauvais traitements et violations des droits de l’homme sont coutumes. Il faut en effet préciser le fait que dans certaines prisons, il existe effectivement un système de visites spéciales pour les PPM, comme par exemple un jour supplémentaire ou des horaires plus étendues. Il est aussi possible de leur apporter des denrées alimentaires normalement interdites parce que la plupart des PPM refusent de s’alimenter avec la cuisine sauce bromure de la prison, et parce qu’il ne leur viendrait pas à l’idée de boire de la confiture fermentée, ni de fumer de la peau de banane. Mais n’allons pas croire qu’il s’agit là de privilèges. Même en prison, les mapuches s’organisent et ils et elles ont plus d’une fois du recourir à la grève de la faim pour dénoncer leurs conditions d’emprisonnement et les condamnations injustes qu’ils doivent endurer. Chaque petite amélioration de leur condition en prison a été obtenue par la lutte. Par ailleurs, ceci n’est rien de plus que de la poudre aux yeux puisqu’en réalité, les PPM ne cessent de dénoncer les mauvais traitements auxquels ils et elles sont soumis. Voici quelques exemples récents :

Angol, le 23 avril : Jorge Mariman et José Millacheo se sont retrouvés au mitard, isolés avec l’interdiction de s’alimenter et de recevoir des visites suite à une agression de la part d’un maton de la prison Ditter Villaroel. Pour humilier les prisonniers, celui-ci leur a demandé de répéter leurs noms à plusieurs reprises. Ces deux mapuches refusant de se prêter à ce jeu ridicule, furent immédiatement punis. Quatre jours plus tard, sans avoir prévenu personne, la gendarmerie a transféré Jorge Mariman directement depuis sa cellule de mitard à la prison de Victoria oú il lui a été de nouveau interdit de recevoir des visites.

Chol Chol, le 1er mai : les cellules de mineurs PPM ont été perquisitionnées à deux reprises, la première fois par la gendarmerie, la seconde par les CRS affectés à la prison. Brutalement jetés dehors de leurs cellules, ils ont ensuite été soumis à d’autres humilliations obligeant par exemple l’un d’entre eux à courir plié en deux. Est-ce un hasard si le rapport médical de ce mapuche lui interdit tout effort ou exercice à cause d’une greffe de peau dans la jambe ? En tous cas, il n’est pas du tout fortuit que cette course grotesque lui ait provoqué de nombreux malaises et douleurs.

La boucle est bouclée

Pour bien comprendre la situation du peuple mapuche, il est nécessaire de mettre l’accent sur sa complète marginalisation au sein de la société chilienne grâce au phénomène de la réduction (ou réserve indienne) qui aujourd’hui se dessine bien au-delà des simples limites géographiques de la communauté. Au moment de la colonialisation chilienne du territoire mapuche, des agences de voyages un peu spéciales ont importé des colons européens pour achever physiquement l’occupation du wallmapu. En s’accaparant les terres à coup de fusils et d’incendies systématiques, et avec l’aide matérielle apporté par le gouvernement chilien, ces colons se sont transformé en propriétaires terriens. Ils ont de cette manière étendu l’espace contrôlé par la colonisation initiale en maintenant les mapuches à distance. Les lof qui regroupaient une ou plusieurs familles furent alors déplacé violemment vers des terres moins fertiles et dans un espace restreint et contraignant. Ce fut une manière d’enfermer les survivants du génocide dans une prison gratuite, de s’assurer une main d’oeuvre à prix défiant toute concurrence, des femmes à l’occasion… Aujourd’hui, la réduction a pris le nom de communauté et est elle même défendue par les propres mapuches comme le point minimum irréductible oú survit plus ou moins la langue, et la tradition. C’est en quelque sorte, ce qu’il reste de territoire et le point d’expansion depuis lequel les mapuches peuvent organiser la résistance pour récupérer leur territoire. Le nouveau contexte politique de l’État chilien ne permet pas à son gouvernement de recourir à des moyens aussi radicaux qu’auparavant. Il a donc du inventé des ruses « démocratiques » pour contenir l’existence des mapuches dans l’espace limité de ces véritables tranchées culturelles que sont les communautés. Il a pour cela mis au point un autre système social spécifique pour les mapuches créant une autre forme de réduction, non plus seulement géographique mais aussi sociale. Suite à la dictature et prenant au pied de la lettre les revendications mapuches comme une lutte à la fois spécifique et totale puisque revendiquée non pas par un secteur social de la population chilienne mais en tant que peuple à part entier, l’État chilien va développer toute une série de mesures politiques et sociales traitant le « problème mapuche » à part mais ceci tout en niant son identité comme peuple7. Il créera pour commencer la CONADI, qui est une organisation gouvernementale spécialement dédiée aux peuples originaires et à leur revendications. C’est elle qui fut à charge par exemple d’acheter des terres à des familles mapuches ou de régler des litiges en relation avec des usurpations.

Cette organisation est censé être l’interlocuteur de l’État auquel doivent recourir les mapuches pour quoi que ce soit qui les concerne en tant que mapuche. Plus discret en terme diplomatique qu’une porte d’entrée différente de celle que les chiliens emprunteraient pour entrer en discussion avec le gouvernement, la CONADI n’est néanmoins qu’un couloir menant les mapuches, non pas à pouvoir prendre la parole d’égal à égal avec l’État chilien (de nation à nation), mais à l’apartheid social. La droite, à travers les médias a toujours fustigé cette administration supposément au service des mapuches en dénonçant le fait que ce serait une institution distribuant des privilèges à un secteur particulier de la population chilienne simplement pour avoir un nom d’origine indigène. Pourtant, un autre exemple de son activité, pas le moindre, est en relation avec les projets capitalistes sur le territoire mapuche. Un projet économique de grande ampleur pouvant créer un litige avec une communauté parce qu’entraînant de nouveau un déplacement de celle-ci ou parce que l’impact écologique serait funeste et devrait être approuvé d’abord par la communauté et par la CONADI. Sans l’accord de celles-ci, ce projet capitaliste ne pourrait en aucun cas voir le jour. Cependant comme cela a déjà été démontré par le passé, la Conadi a falsifiée des papiers et remplit un rôle actif dans la pression exercé sur les communautés par certaines entreprises pour pouvoir s’installer. En définitive, la CONADI est le paravent social de la politique chilienne contre les mapuches. En regardant derrière, on découvre les mêmes charognards survolant le territoire mapuche pour assouvir leur soif de pouvoir et d’argent. Qui ose les défier s’expose au plan B du gouvernement : la répression. Outre le fait que les communautés aient le « privilège » de voir défiler toutes les forces répressives possibles y compris militaires pour punir leur mécontentement et indiscipline, ils bénéficient en plus de tout un appareillage judiciaire spécialisé. Ils ont à leur « service » des procureurs spécialement dédiés au « conflit mapuche », et des avocats de la défense publique spécialement chargés de les représenter dans les procès.

Est-ce utile de rappeler que ces derniers travaillent donc pour le même État qui les accuse ? Les mapuches n’ayant pas les moyens de se payer un avocat se retrouvent donc enlacé-e-s dans les bras d’une justice machiavélique : une main les berce fermement pendant que l’autre les frappe. Le peuple mapuche ne cherche pas une insertion sociale au sein de la société chilienne, bien que différents secteurs politiques de ce peuple aient des revendications qui s’en rapprochent parfois. Mais il est une constante immuable de toutes ces revendications : l’affirmation de leur existence comme peuple et le droit à s’auto-organiser. Bien qu’enfermé-e-s dans les marges d’une société honteuse de leur existence comme peuple originaire non intégré à la vie occidentale chilienne et donc jugé-e-es comme arriéré-e-s, les mapuches ont su au cours de ces dernières années briser les liens d’une politique qui les contiennent dans une réduction sociale totalement discriminatoire. Le seul moyen qu’a donc trouvé le Chili pour lutter contre le maigre circuit informatif avec lequel peuvent compter les mapuches et continuer à faire bonne figure à l’étranger (au Chili, on ne viole pas les droits de l’homme et on respecte nos indigènes) est de mettre en place ce qui existe déjà en Europe, le fameux délit de solidarité. Toute personne non mapuche solidaire ou simplement jugée trop sympathisante peut faire les frais des mêmes montages judiciaires. Des chilien-ne-s sont perquisitionné-e-s voire inculpé-e-s et emprisonné-e-s parfois pour leur simple travail de journaliste ou documentaliste8. Des étranger-e-s sont en géneral arrêté-e-s, interrogé-e-s, une partie de leur affaires confisquée et sont ensuite expulsé-e-s. Ce n’est ni plus ni moins qu’une autre manière de réduire au minimum l’espace vital mapuche puisque on cherche à les couper du reste du monde par tous les moyens. Seule la solidarité avec leur lutte pour la récupération de leur territoire et l’autonomie peut briser les frontières de l’isolement que tente de leur imposer l’État chilien. Dors et déjà, les PPM et leurs communautés ont besoin de toute la solidarité possible ou que ce soit. Brisons le silence en informant, dénonçant et faisant pression de toutes les manières possibles : l’imagination et la radicalité n’étant pas de trop… du simple tract ou diffusion d’information plus étendue aux actions…

LIBERTÉ POUR LES PRISONNIER-E-S MAPUCHE

ABROGATION DES LOIS ANTI TERRORISTE

NON AU DOUBLE JUGEMENT CIVIL ET MILITAIRE

FIN L’OCCUPATION MILITAIRE DU WALLMAPU



CMAQ: Vie associative


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