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Lettre de Berlin / Ahmed, le rêveur…Anonyme, Viernes, Diciembre 12, 2008 - 19:19
Mohamed Nabil
Mohamed Nabil* Hier, j’ai reçu une missive inattendue d’un élève marocain, Ahmed, âgé de 17 ans, qui habite dans un village isolé au sud du Maroc. Il a déjà quitté l’école et commencera à travailler sous l’ordre de son père. Le message d’Ahmed m’a énormément bouleversé. Je l’ai reçu au moment où je finissais de feuilleter quelques pages de l’œuvre de Mohamed Choukri, «Visages ». L’amertume dans l’autobiographie de Choukri, et celle d’Ahmed, habitent le même panorama, comme si les deux subissaient le même sort. Maintenant, Ahmed est privé du plaisir d’aller à l’école. Il souligne dans sa lettre que Le Mqadem* de son village est la cause de sa souffrance. Il lui est interdit d’écrire une lettre en arabe destinée à sa maitresse, qui travaille comme bonne chez une famille riche. Le Mqadem lui a joué un mauvais tour en influençant le père d’Ahmed. Résultat : Ahmed doit cesser d’étudier… Mais Ahmed aime le cours de philosophie qui lui permet de poser davantage de questions à son professeur. Ahmed est maintenant si malheureux, dans un pays où la sagesse est devenue perturbante. Ahmed m’a confirmé qu’il est prêt malgré tout à traverser des kilomètres entre les montagnes, et à continuer de souffrir et rêver de se rendre à l’école. Le père d’Ahmed, qui n’a jamais eu accès à l’école, a décidé de se remarier et laissera Ahmed s’occuper de sa mère malade et ses trois petites sœurs : quel fardeau Ahmed portera sur ses épaules ! Le pauvre Ahmed n’aura pas eu l’occasion de savourer son aventure avec Fatima, qu’il admire follement. Il a déjà dressé un tableau idyllique de sa vie avec elle, mais voilà que, contre toute attente, Ahmed doit consacrer sa vie à sa famille en passant ses journées dans le moulin traditionnel de son père en regardant tourner l’âne. Ahmed a bien décrit dans sa lettre que sa vie est devenue pénible avec son père qui l’a rendu pâle et souffreteux comme un enfant maigrelet. Il voit son quotidien s’obscurcir, loin de l’école et des yeux de Fatima. Ahmed a commencé à faire d’affreux cauchemars. Je n’imaginais pas à quel point il est devenu mélancolique. Il a même osé écrire que ses voisins dans le village ressentaient fortement sa tristesse, ses larmes et son désespoir. Et la solitude a commencé à l’envahir, dans sa chambre remplie de nids et de trous. Quand j’ai terminé de lire les derniers mots de sa lettre, j’ai tout de suite appelé mes amis et me suis excusé de ne pas assister à leur soirée. J’ai décidé, tout simplement, de rentrer chez moi en ruminant le chagrin d’Ahmed. *Les yeux des autorités dans le village
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