A la naissance de nos nations après les guerres des indépendances, il est vrai, la plupart de ces nouveaux Etats africains, rêvaient de révolution, de restauration des valeurs traditionnelles, de retour aux sources . Agressivement nationalistes, ils formaient en même temps la nouvelle Internationale des exploités, selon Alain Finkielkraut(1). Mais quarante(40) ans plus tard, le syndicat des pauvres a laissé libre cours à une pratique anticolonialiste, l’unicité, l’homogénéité : Le gouvernement de parti unique. Dans l’esprit des dirigeants de l’époque, ce mode de pratique, est la traduction politique la plus adéquate du concept d’identité culturelle, qui devait soustraire l’épanouissement du droit, et favoriser l’uniformisation des consciences. Un seul chef, une seule voix et une seul parti. Cette indépendance de façade, a laissé apparaître une bourgeoisie autochtone, emprisonnée par les puissances européennes.
L’IDENTITE OU LA SERVITUDE
IL apparaît dans le syllogisme politique, des pratiques qu’on croyait oubliées, avec la fin des tensions entre l’Ouest et l’Est: la lutte des classes. Le combat de la survie met face deux concepts :le libre échangisme et l’asservissement d’une part, la religion et l’animisme d’autre part. Les puissances occidentales veulent s’imposer sur le marché du libre échange, celui –ci se traduit par l’assimilation politique, religieuse, économique. Face à ce colonialisme raffiné, les paysans et les jeunes laissées- pour-compte, se dressent en front anti européens, la xénophobie semble être l’arme idoine pour s’affirmer dans cette société où l’argent est le maître mot. Par conséquent, les mots d’ordre de désobéissance civique lancés Gandhi traduisent cette volonté des pays du tiers –monde de ne plus se laisser marcher sur les pieds. Jamais en Afrique le nationalisme n’a été autant exacerbé ces cinq dernières années. L’Afrique est devenue la nouvelle terre de recrutements de tous les illuminés, pour mener des guerres saintes :l’Armée de Résistances des Saigneurs en Ouganda, et La Guerre Sainte d’AL-Hajj Umar au Soudan. Ces adeptes , veulent imposer un nouvel ordre des choses, construire une société qui leur identique. Dans la nouvelle aspiration des classes dominées, il est notoire que leurs revendications s’appliquent à ce qu’elles retrouvent le statut de nations pauvres, mais libres de se prendre en main. Tant que l’occident ne lâchera pas du lest, il va sans dire que des tranchées vont se creuser, et un dialogue de sourds s’installera. Le fanatisme, la guérilla.
LUTTES DE POUVOIR
La fin d’année s’annonce chaotique, le gouvernement tremble sous l’imminence d’un remaniement ministériel. Paul Biya est mis au banc de la communauté internationale, avec la disparition d’un réfugié politique équato- guinéen , qui était sous la protection juridique et administrative du Cameroun. Maurice Kamto a échoué comme juge à la Cour Internationale de Justice, une bérézina pour le pouvoir en place. La fausse ou vraie prise d’otages des français ; démontre à la face du monde que Paul Biya n’est plus digne de confiance.
Les fins de règnes qui s’accompagnent de tous les positionnements possibles, engendrent une provocation à ciel ouvert, et certaines tensions perceptibles. Raison pour laquelle, l’aide de camp du président, sentant la fin proche, a voulu se faire la belle avec le pognon du roi ? On se demande au Cameroun, qui des grosses fortunes du parti au pouvoir, des militaires, de la tribu sortira vainqueur de ce combat? Qui célébra les défaites ou la victoire ? Nous savons ce que s’est produit dans ces Etats où des personnages s’identifiaient à leurs la nations :la Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny, le Zaïre de Mobutu, Le Togo d’Eyadema, les fins tragiques de ces thaumaturges ont laissé une insécurité et une barbarie dont le monde se serait passé. L’Etat de droit a donné place à l’Etat sauvage. Alors, d’ici une dizaine d’années, voire moins, que nous restera-t-il du Cameroun de Biya, du Gabon de Bongo, de la Guinée Equatoriale d’Obiang Nguema ? Un génocide que l’histoire n’ait jamais vécu, si un processus de transition démocratique n’est pas organisé en amont. Sous le faux prétexte de la non-ingérence, les organismes de préventions et de gestions de conflits du système des nations unies ne peuvent-ils pas nous éviter ces hécatombes ? Selon le Professeur Jean Marc Ela(2) : « Au-delà des schémas usés, il faut poser les rapports du monde occidental et des pays du Sud en termes de peuples vieux et de peuples jeunes dont l’irruption dans l’histoire est un mouvement irréversible à l’ère des nouvelles mobilités. Dans cette direction, aucun Etat, si puissant soit-il, ne peut échapper à la nécessité de se regarder lui-même afin d’exorciser les monstres qui l’habitent ». Michel Faucheux(3), dans son article qui s’intitule :célébrer les défaites ? Pose un problème crucial par rapport à ceux qui s’accrochent au pouvoir. La commémoration de leur passage au pouvoir sera-t-elle célébrer comme une exaltation où le peuple a senti une houle de bonheur, prospérité qui a soufflé sur lui, ou comme un déluge de braises qui l’a asphyxié ?
Les seuls souvenirs que les camerounais semblent retenir d’Ahidjo et de Biya, ce sont, la tyrannie d’une part, le délitement social, économique, d’autre part. Les camerounais dans leur ensemble vivront-ils la révolution souhaitée de tout leurs cœurs ?
DES DEFAITES A LA REVOLUTION ?
Nous n’avons pas à célébrer les défaites que nous ont infligées ce régime, malgré le ramdam des médias d’Etat :Plan d’ajustement structurel, braderies des entreprises publiques, admission au PPTE(pays pauvres très endettés) ; c'est que l'histoire désormais s'en chargera pour nous. L’histoire est le souvenir direct qu’on a sur l’action, et, l’action est le moyen pour l’homme de vivre ses rêves, de se projeter, d’espérer. Sans cette émulation qui traduit la prise de conscience, la vie ne saurait exister. C’est de notoriété publique que les camerounais ne se projettent plus, faute leadership, et de désamour total de la chose publique. Très peu croient à la politique, car le suffrage universel ,est la chose la mieux bafouée au Cameroun. Cela est peut-être valable, mais ,cela ne justifie pas aussi qu’on croit que la chose publique, c’est l’affaire des autres. Paul Biya a certes échoué dans sa politique, ce n’est pour cette raison que nous ne laisserons aucun testament philosophique et moral à la postérité. Ce combat est peut- être de longue haleine, il faudrait que nous nous inspirions de Waterloo et Austerlitz, en nous disant, l’histoire nous la ferons. Car, les défaites favorisent toujours les nouveaux départs.
Si le mot Révolution raisonne comme un clocher funèbre, il se trouve que face à toutes les figures qui se dessinent, c’est lui qui transformera notre civilisation en harmonie. Parler de révolution ne veut pas dire prendre les armes, mais c’est manifester chacun où il est, son vœu le plus cher, sa force la plus inhérente, son droit inaliénable :la liberté !
C’est fort de cela que Victor Hugo(4), déclarait : « Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos œuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, pour tout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures ».Seul l’espérance peut écrire l’histoire.
Aimé Mathurin Moussy, Paris
(1) Alain Finkielkraut in le portrait du décolonisé
(2) Jean Marc Ela in Regards africains sur la « première guerre du siècle »
(3) Michel Faucheux in Célébrer la Défaite ?
(4) Victor Hugo in extraits shakespeare 1864
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