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Cameroun:Vingt- Six Ans de Pouvoir, l’Après Biya se Dessine

Anonyme, Miércoles, Noviembre 5, 2008 - 19:52

AIME MATHURIN MOUSSY

L’humanité avait connu dans le passé des hommes d’Etats burlesques, qui ont eu des attitudes innommables, restées anecdotiques pour le commun des citoyens, en France on se souvient de « l’homme-qui-rit- dans –les-cimetières », c’était Raymond Poincaré, président du conseil dans les années 20. Le Cameroun à l’instar de la France, a son président qui « sourit- dans-la- grande- misère- et-les -crises –multiformes » : Paul Biya soixante quinze ans (75ans), ex premier ministre et successeur d’Ahidjo au trône de la « monarchie républicaine » depuis le 6 novembre 1982. Une révolution : ce messie, fils de catéchiste, n’avait plus jamais été à la une de la presse internationale depuis des décennies. Encore quelques kidnappings et Paul Biya naguère appelé « l’homme lion », se tordra de rire.
Loin de ces rires infâmes, il faut maintenant penser à l’après Biya.
L’état des lieux
S’il y a aujourd’hui un pays qui intrigue de par ses problèmes devenus endémiques, l’étendue des défis auxquels il a à faire face et la complexité, c’est-à-dire le degré de difficulté de ses problèmes, c’est bien le Cameroun. Alors que le Nigéria, l’Afrique du Sud et depuis quelques décennies le Maroc entrent dans le troisième millénaire avec fracas, le Cameroun patauge encore. Pour l’heure, le troisième millénaire est là et, le Cameroun est le grand absent, du moins pour l’instant. Certes il n’est guère trop tard et on ose espérer un réveil mais en attendant, en tout cas, l’heure est à la réflexion, à la mobilisation des énergies, des forces vives du Cameroun. Au lieu de se laisser distraire, par les festivités bidon que Paul Biya organise ce 6 novembre en mémoire de son accession au pouvoir. Cependant, des camerounais sont pris en otage par d’autres camerounais, sur la terre de leurs ancêtres.
Sur le problème du Cameroun, on rivalise à l’envi d’ingéniosité intellectuelle. D’aucuns pensent en effet que les problèmes du Cameroun appellent des solutions économiques. Pourtant les nombreuses politiques économiques ont été mises en place : du libéralisme le plus sauvage, de la privatisation tous azimuts à la centralisation et à la nationalisation les plus surannés. Quant aux Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), ils ponctuent désormais nos histoires nationales. Ils connurent leur âge d’or dès les années 90 alors que sévissait une crise économique sans précédent. Et même la communauté économique régionale, consécutive à ce qu’on a appelé la régionalisation économique internationale (UDEAC aujourd’hui CEEAC) n’a pas eu les effets escomptés. Plus d’une décennie après, le Cameroun est toujours à la case départ. D’autres avancent l’idée d’une refondation de l’Etat, une refondation institutionnelle somme toute : les maîtres mots en sont la décentralisation et sa conséquence la plus logique, la régionalisation politique ; quant aux fédéralistes, ils rêvent d’indépendantisme.
Pourquoi toutes ces tentatives n’ont-elles pas réussi à faire du Cameroun une puissance, au moins à créer une « entité » à la puissance économique et technologique sans précédent ? Pourquoi, les grandes théories économiques FMI, Banque mondiale (keynésianisme, malthusianisme, etc.) sont-elles vouées à l’échec au Cameroun, alors qu’ailleurs, bien qu’appliquées partiellement (en Tunisie), elles donnent des résultats probants ? Il est temps de repenser la politique au Cameroun : pour une « Bildung » à la camerounaise. Sa thérapie est la suivante : nous pensons qu’avant les grandes théories économiques, les grandes réformes de l’Etat, les grands chantiers sociaux, bref avant le développement économique, social et technologique, il importe d’opérer la révolution morale et culturelle dont l’Allemagne fut l’incarnation à travers sa « Bildung ».

Les camerounais veulent-ils écrire leur histoire ?

Nous entendons une révolution de l’état d’esprit, du rapport que le camerounais entretient avec l’histoire. Le travail à opérer, on le voit est plus abstrait qu’infrastructurel, plus « transcendant » que technologique ou économique. C’est toutes proportions gardées, l’opération morale et psychologique dynamique qu’a suggéré Marcien Towa dans une étude philosophique très importante. C’est dire peut-être que la refondation dont il est question de plus en plus devrait être une refondation de la superstructure idéologique et philosophique. Marcien Towa disait ceci en particulier :
« […] La décomposition de nos cultures résulte de la dépendance […]. L’essentiel, selon nous, n’est pas d’adopter ou de rejeter telle ou telle religion ou tout autre élément culturel mais de redevenir réellement créateurs. Pour mettre un terme à la longue série d’illusions et de désillusions de notre récente histoire, il nous faut rompre avec l’habitude de réagir seulement aux doctrines de nos dominateurs, de prendre conscience de nos besoins et de nos aspirations profondes et de nous constituer en centre autonome de conception, de décision et de réalisation pour toutes les sphères essentielles de notre vie. […] C’est seulement si nous devenons capables de concevoir, de décider et de réaliser nous-mêmes ce que nous voulons, si nous parvenons à nous constituer en monde non dominé, ayant lui-même son propre centre d’initiative et de création qu’il nous sera possible de sauver ce qui mérite de l’être » .
En d’autres termes, est-ce que nous voulons ? Les camerounais ont-ils une volonté ? Dans l’affirmative, nous devons être en mesure de dire distinctement ce que nous voulons être. Voulons-nous devenir nous aussi acteurs de l’histoire ou bien nous obstinons-nous à être passifs, dépendants des autres ? Comment un individu ou une formation politique donnée prennent-ils en charge le destin national, collectif et comment le mènent-ils à bien ? Les politiques camerounais, puisque c’est d’eux qu’il s’agit dans mon article, ont-ils la culture morale, philosophique pour comprendre l’intérêt de leur activité et de leur vocation à conduire les peuples ? Cette culture morale et philosophique du type « Bildung » à l’allemande ou de la nature d’une culture romantique française (dans les révolutions françaises de 1789, de 1830, 1848 et plus tard de 1968 par exemple) est-elle suffisamment forte pour concevoir l’idée de la transcendance de l’histoire collective sur l’histoire familiale, clanique ou tribale ?

Plaidoyer pour un Cameroun politique

Comme tous les domaines de la vie sociale camerounaise, la politique est un champ autonome ayant ses règles, c’est-à-dire : un ensemble de normes s’appliquant à un domaine d’activités particulier et définissant une légitimité qui s’exprime dans une charte ou un code. Pour emprunter une définition sociologique de l’institution ; il s’agit d’un métier à part entière qui obéit à une déontologie précise. Il faut préciser, d’ores et déjà, qu’on ne naît pas homme politique et qu’on le devient. Nous voudrions surtout interpeller – nous croyons aux vertus de la pédagogie et de la sensibilisation - l’opinion camerounaise, les jeunes camerounais, les instances dirigeantes (partis politiques, syndicats, associations, etc.) pour qu’ils mettent en pratique ce qui peut apparaître comme une boutade : apprendre à devenir homme politique tout comme on apprend – aussi trivial que cela puisse paraître – à devenir médecin. La question du comment devient-on homme politique se pose au Cameroun avec une particulière acuité. Il faut savoir que, comme le médecin des corps et des esprits, l’homme politique est le médecin des cités. Souvenons-nous que « politique » vient du grec « polis », la fameuse cité de la Grèce antique, l’homme politique étant celui dont la vocation - insistons sur le terme - est de gérer la cité. L’activité politique est donc un métier, un sacerdoce et implique une vocation tout comme le métier d’enseignant, de médecin, de pilote, etc. Le métier d’homme politique est un combat quotidien, une lutte de tous les jours en vue du bien-être des populations dont l’homme politique doit être le porte-parole. Ce qu’on considère aujourd’hui peut-être souvent de façon abusive comme les modèles de démocratie dont les formes les plus parfaites seraient les démocraties européenne (France, Grande Bretagne) et américaine (Etats-Unis) devrait susciter au sein de l’intelligentsia camerounaise quelques remises en cause. Pourquoi la politique camerounaise s’oppose-t-elle aux intérêts vitaux des populations camerounaises et gangrène-t-elle la nation ?

Aimé Mathurin Moussy, Paris



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