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De Griffin à Villanueva: Mise à jour sur les bavures policières et leur impunitéCOBP, Martes, Octubre 7, 2008 - 11:44
Le Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP)
COBP, 7 octobre 2008-Au Québec, l'été 2008 aura été marqué non seulement par la bavure policière ayant coûté la vie à Fredy Villanueva et blessé deux autres jeunes à Montréal-Nord (sans compter l'émeute du lendemain), mais aussi par de nombreux rebondissements dans au moins 5 autres cas de morts causées par la police (Quilem Registre, Claudio Castagnetta, Mohamed Anas Bennis, Michel Berniquez et Jean-Pierre Lizotte). Le COBP vous propose donc une brève mise à jour sur les bavures policières et le problème de l'impunité au Québec, qui va grandissant... De Griffin à Villanueva: Mise à jour sur les bavures policières et leur impunité COBP, 7 octobre 2008-Au Québec, l'été 2008 aura été marqué non seulement par la bavure policière ayant coûté la vie à Fredy Villanueva et blessé deux autres jeunes à Montréal-Nord (sans compter l'émeute du lendemain), mais aussi par de nombreux rebondissements dans au moins 5 autres cas de morts causées par la police (Quilem Registre, Claudio Castagnetta, Mohamed Anas Bennis, Michel Berniquez et Jean-Pierre Lizotte). Le COBP vous propose donc une brève mise à jour sur les bavures policières et le problème de l'impunité au Québec, qui va grandissant... AFFAIRE VILLANUEVA: un flic raciste et anti-jeunes, des policiers tout aussi dangereux, un syndicat paramilitaire et un procureur politique pro-flic! Premièrement, il y a bien entendu l'événement du samedi 9 août 2008 au cours duquel l'agent Jean-Loup Lapointe du Poste de quartier 39 a tiré quatre balles sur des jeunes qui jouaient aux dés à Montréal-Nord. Le COBP a appris que Lapointe, bien que policier depuis seulement quatre ans et demi, était déjà connu par les jeunes du quartier comme étant raciste et comme un flic qui aime harceler les jeunes dans les parcs. Ceci a été confirmé par un article de Mélanie Brisson dans le Journal de Montréal où elle écrit que Lapointe "se spécialisait dans les gangs de rue" et "intervenait souvent auprès d'eux". Pour cette raison, Lapointe "avait mérité la réputation de "baveux" auprès des jeunes du coin", qui "n'ont d'ailleurs pas caché leur haine à son égard après le drame."(1) D'ailleurs, ce n'est pas seulement Lapointe qui est raciste et "baveux" au poste 39. En effet, d'après François Bérard, un intervenant qui travaille depuis 20 à Montréal-Nord, "un petit groupe de patrouilleurs a un problème d'attitude". Cette fois encore, on parle d'arrogance (pas seulement envers les personnes de couleur) et aussi de racisme. D'après Bérard, "il y a peut-être des gens qui devraient être déplacés ou qui n'ont pas leur place dans la police". Le problème est tel que même le commandant du poste 39, Roger Bélair, "encourage la population à continuer de dénoncer ces situations et à prendre en note la date et l'heure de tels événements"! Sauf qu'il n'est pas recommandé de porter plainte contre des policiers dans un poste de police, contactez plutôt le COBP! Dans son texte, Brisson nous donne des frissons quand elle cite un agent du poste 39 qui défend Lapointe et sa collègue anonyme en disant que ce sont "de vrais bons policiers" et qu'il aurait "fait la même chose à sa place." Puis il ajoute: "On pense tous comme ça, ici". Brisson conclut sur une révélation-choc: un policier du poste 39 lui a "avoué que les relations sont actuellement tendues entre les policiers et les citoyens du quartier"...(2) Si on ajoute à cela le propos incendiaires du chef de la Fraternité des Policiers et Policières de Montréal (FPPM), Yves Francoeur, on s'en va droit vers d'autres bavures policières... et probablement d'autres émeutes! Non seulement la Fraternité a affirmé que "jamais nous ne laisserons tomber nos deux policiers" et que leur but est d'"appuyer les deux policiers qui ont été impliqués et défendre le professionnalisme de nos membres sur toutes les tribunes."(3) Mais en plus, Francoeur a osé dire aux médias que "la seule chose qu'on peut lui reprocher (à Lapointe), c'est d'avoir bien fait son travail." Pardon? Tenter une arrestation illégale au milieu d'un parc, puis dégainer et tirer pas une, pas deux, pas trois... mais bien quatre balles blessant 2 jeunes et en tuant 1. On ose appeler ça "BIEN FAIRE SON TRAVAIL"? C'est tout simplement scandaleux et Francoeur ne devrait pas s'étonner que la Fraternité et lui-même soient "les seuls à les supporter" (les deux agents impliqués)...(4) C'est ainsi que la Fraternité continue de tenter de justifier l'injustifiable en défendant jusqu'au bout les policiers assassins. On comprend mieux l'affirmation du "travail bien fait" quand Francoeur nous dévoile sa vision du métier de policier: "Notre boulot, à la police, c'est la répression. Nous n'avons pas besoin d'un agent sociocommunautaire comme directeur, mais d'un général. Après tout, la police est un organisme paramilitaire, ne l'oublions pas."(5) Le fait que les policiers portent maintenant des pantalons kaki reflète cette vision de la police malheureusement fort répandue parmi les policiers. Et quand il dit qu'il est "convaincu" que les policiers seront accusés "à cause des pressions sociales, des pressions politiques"(6), on aimerait bien le croire, mais tout nous porte plutôt à en douter. En effet, il n'est plus à démontrer que les policiers assassins bénéficient de l'impunité au Québec: sur les 43 personnes tuées par la police de Montréal depuis 1987, des accusations ont été portées seulement dans 4 cas (agents Griffin, McKinnon, Barnabé et Lizotte) et dans deux cas, les agents Gosset et Stante ont été acquittés. (7) Quant à la fameuse enquête confiée à la SQ, soi-disant dans un souci de "transparence" (alors que cette enquête se fait dans le plus grand secret), quelle ne fut pas notre surprise en apprenant que le procureur François Brière avait été nommé pour assister la SQ dans son enquête sur la mort de Fredy Villanueva. Dans son article "Un procureur d'expérience se joint aux enquêteurs", le journaliste de La Presse Jean-Paul Charbonneau prétend que la SQ espère que "l'arrivée d'un procureur d'expérience aura pour effet de calmer le jeu" face aux critiques de l'enquête confiée à la SQ. Pourtant, François Brière a été le procureur qui a décidé de ne porter aucune accusation contre les policiers qui ont tué Quilem Registre à Saint-Michel en 2007 (voir plus bas). Il n'y a donc rien là pour nous rassurer, bien au contraire. Et on se demande bien pourquoi Jean-Paul Charbonneau n'a pas trouvé utile d'inclure cette information dans son article, ni de faire suite à une lettre envoyée par le COBP que La Presse a refusé de publier sans donner d'explications. De plus, alors que Charbonneau parle de François Brière comme d’un procureur "chevronné", intègre et au "franc-parler", nos sources le décrivent plutôt comme "très arrogant" et ne démontrant aucun respect pour les familles de victimes...(8) Par ailleurs, la porte-parole du Bureau du directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec (qui est responsable de la nomination de Brière), Martine Bérubé, a affirmé au journal étudiant McGill Daily que Brière travaillait à St-Jérôme, ce qui lui permettrait d'approcher le dossier d'un point de vue "impartial". Il n'y a rien de plus faux car François Brière est en fait un procureur tout ce qu'il y a de politique, au sens qu'il défend le système et ses abus. En plus de l’affaire Quilem Registre, il a aussi été celui qui a tenté avec acharnement d'envoyer les Mohawks en prison après la Crise d'Oka en 1990 et encore après la soi-disant émeute du 12 janvier 2004 à Kanehsatake. AFFAIRE REGISTRE: pas d'accusations contre les policiers qui n'ont rien respecté Le 9 juin dernier, suite à l'enquête menée par la Sûreté du Québec sur les circonstances entourant la mort de Quilem Registre à St-Michel en octobre 2007, le gouvernement annonçait qu'aucune accusation ne serait portée contre les agents Thibert et Bordeleau. Le procureur François Brière était responsable de ce dossier. Rappelons que le 14 octobre 2007, les agents Thibert et Bordeleau du Centre Opérationnel Est ont arrêté Quilem Registre brutalement, lui administrant 6 décharges électriques de Taser gun. Tout cela parce que Quilem n'avait pas fait un arrêt en voiture. Quatre jours plus tard, il est décédé à l'hôpital. D'après le rapport du coroner qui a été rendu public seulement à la fin du mois d'août 2008, les agents Thibert et Bordeleau n'ont respecté aucune des directives et procédures du SPVM par rapport à l'utilisation du Taser. Ils n'ont même pas jugé utile de dire au personnel médical qu'ils avaient tasé Quilem six fois! Lors d'une conférence de presse tenue le 29 août 2008, la famille Registre a réitéré sa demande pour la justice et un moratoire sur l'utilisation du Taser.(10) Doit-on encore rappeler que le Taser a été impliqué dans pas moins de 376 morts en Amérique du Nord depuis 1999, dont 23 au Canada? Le dernier cas au pays étant Sean Reilly, 42 ans, mort à Brampton en Ontario le 17 septembre 2008. Pendant ce temps, la compagnie Taser Internationale a commandité une rencontre de chefs de police du Canada qui se tenait à Montréal à la fin août 2008. C’est un conflit d'intérêt de plus dans ce dossier, au même titre que les liens existant entre le gouvernement canadien de Steven Harper et les lobbyistes de la compagnie Taser Internationale. (11) AFFAIRE CASTAGNETTA: aucune accusation contre les policiers ou les gardiens de prison impliqués; les proches demandent une enquête publique et indépendante Dans ce contexte, c'est malheureusement sans surprise que nous avons appris en août 2008 que les agents de la police de Québec impliqués dans l'arrestation brutale de Claudio Castagnetta le 18 septembre 2008 n'ont reçu aucune accusation. Rappelons que des policiers avaient été appelés alors que Claudio, qui était pieds nus et semblait confus, refusait apparemment de quitter une épicerie. Des témoins ont vu les policiers utiliser le Taser jusqu'à trois ou quatre fois. Au lieu de l'amener à l'hôpital, les policiers ont amené Castagnetta au poste de police du parc Victoria. Selon un militaire qui était détenu en même temps que lui, Castagnetta était en crise et il se serait entre autres tapé la tête sur les murs. Le lendemain, au lieu de l'aider, les gardiens de la prison d'Orsainville qui l'ont emmené au palais de Justice de Québec ne lui auraient mis qu’un casque de hockey sur la tête et l'auraient laissé continuer à se taper la tête. Il est mort deux jours après son arrestation.(12) Pourtant, un an plus tard, le chef de la police de Québec Serge Bélisle a déclaré au Journal de Québec que Claudio Castagnetta aurait été atteint seulement par une décharge de Taser. Bizarrement, cette déclaration tardive arrivait à la veille d'une manifestation organisée par des proches de la victime et par plusieurs organisations de défense des droits des personnes avec des problèmes de santé mentale. Un collègue et ami de Castagnetta, Jesse Zimmer, a répondu "Si M. Bélisle est tellement sûr des faits, pourquoi ne l’a-t-il pas dit avant plutôt que de glisser un petit mot comme ça quelques jours avant notre manifestation?"(13) Environ 200 personnes ont participé à cette manifestation pour demander une enquête publique sur la mort de Claudio Castagnetta, un moratoire sur l'usage du Taser, la "révision des protocoles d'intervention à l'intention des policiers lorsque confrontés à des situations psychosociales" et "la mise en place d'une instance indépendante, composée de civils, lorsqu'un policier est visé par une enquête pouvant faire l'objet d'accusations criminelles". Il est à noter que même le Consulat Général d'Italie à Montréal, Francesco Paolo Vener, a endossé la demande d'une enquête publique sur la mort de Claudio Castagnetta. Une autre manifestation avait déjà eu lieu le 6 octobre 2007 devant le Parlement.(14) Lors de la manif du 20 septembre 2008, une lettre de la soeur de Claudio, Alessandra Castagnetta, a été lue. Dans la lettre, Alessandra, avec raison, remettait en cause l'impartialité du ministre Jacques Dupuis: "Le ministre Dupuis contrôle à la fois la Sécurité publique et la Justice et le procureur de la Couronne relève du ministre de la Justice. Son indépendance n’est donc pas garantie".(15) Le lendemain, Dupuis tenait à répondre pour tenter de défendre son apparence d'impartialité avec lui-même... Signe de la transparence du ministre, sa porte-parole n'est même pas nommée dans l'article de journal où elle affirme que "trois institutions ont été engagées dans cette affaire, soit la Direction des poursuites criminelles et pénales, un autre corps policier qui a enquêté sur les agissements de la police de Québec et le coroner. Les trois sont indépendants l’un de l’autre et indépendants du ministre"(16) Sauf que ce qu'elle ne dit pas, c'est que Dupuis est en pratique responsable premièrement du policier impliqué comme ministre de la Sécurité Publique, et ensuite responsable du procureur qui décide de ne pas l'accuser en tant que ministre de la Justice! On attend le rapport du coroner investigateur et docteur Jean Brochu dans quelques jours. En effet, il a déclaré :«La préparation du rapport avance très bien, a indiqué M. Brochu, lors d'une entrevue téléphonique. J'attends encore quelques rapports d'expertise pour compléter le travail, mais vraiment, je crois que nous pourrons publier ce document en octobre, après les élections fédérales.»(17) AFFAIRE ANAS: La déontologie rouvre le dossier et la Fraternité des policiers continue de faire tout son possible pour tenter de nous cacher la vérité! Le 21 avril 2008, le Commissaire à la déontologie policière Claude Simard rendait une décision suite à la plainte déposée par le père de Mohamed Anas Bennis, M. Mohamed Bennis. Dans cette décision, Simard concluait que les agents Yannick Bernier qui a tiré deux balles fatales sur Anas le 1er décembre 2005 à Côte-des-Neiges, et Jonathan Roy en dégainant et pointant son revolver, n'auraient pas "fait usage de leur arme de service de manière imprudente ou sans discernement." De plus, il rejetait la plainte comme quoi l'enquêteur de la police de Québec chargé de l'enquête, le sergent-détective Yves Pelletier, aurait fait une enquête incomplète.(18) Le 8 août 2008, suite à une demande de M. Bennis, l'avocat du Comité de déontologie policière Richard W. Iuticone ordonnait une révision de la décision de Claude Simard. Bien qu'il confirme le rejet de la plainte d'abus envers les agents Bernier et Roy, de même que la plainte d'enquête incomplète, Iuticone demande d'ordonner au commissaire de rouvrir son enquête dans un délai de 30 jours. Le motif est que comme Simard le mentionnait dans sa décision, "il se pourrait que l’omission par l’agent Roy, selon la prétention du demandeur en révision, de procéder à la maîtrise de M. Mohamed Anas Bennis, « par des moyens coercitifs intermédiaires », tel que mentionné par le Commissaire au paragraphe 84 de la décision, ait eu pour conséquence d’obliger l’agent Bernier à utiliser son arme de service." Il précise que "cette interrogation du Commissaire mérite d’être enquêtée plus profondément, entre autres, en obtenant l’opinion d’un expert en techniques d’utilisation de la force, afin de déterminer si le comportement de l’agent Roy peut constituer une omission et/ou une négligence d’agir."(19) Cette décision a été reçue comme une demi-victoire par la soeur de Anas, Najlaa Bennis, qui a déclaré que "la grande faille du comité de déontologie, c'est que les policiers ont le droit de refuser d'être interrogés dans le cadre de ces enquêtes."(20) Elle a ajouté qu'elle espérait qu'on en apprenne plus lors de l'enquête publique qui était prévue pour la fin du mois de septembre 2008.(21) C'est sûrement pour cela que la Fraternité des Policiers et Policières de Montréal (FPPM) a déposé à la fin août une poursuite contre la décision de la coroner en chef Louise Nolet, qui a ordonné l'enquête publique le 3 juin 2008. Cette poursuite, déposée au nom de la Fraternité et des agents Bernier et Roy par leur avocat, Me Pierre Dupras, vise à faire annuler l'enquête publique, prétendant qu'elle serait illégale car "trop tardive et inutile". Le COBP est parfaitement d'accord que la décision d'ordonner une enquête publique aurait dû être prise il y a longtemps déjà, ce que la coroner a tardé à faire et que le ministre de la Sécurité Publique Jacques Dupuis n'a jamais fait, bien qu'il en avait le pouvoir. Mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais. D'ailleurs le chef de la Fraternité ment (ou se trompe?) quand il prétend que ça va faire 4 ans que c'est arrivé en décembre ; ça fera en fait 3 ans. De plus, lorsqu’il dit que les policiers impliqués n'ont "plus le goût d'en entendre parler" et que "contrairement à ce que certains peuvent penser, ce n'est pas facile de vivre un événement comme celui-là», on lui fera remarquer que ça doit être encore plus dur pour la famille Bennis et que personne ne prétend que c'est facile pour les policiers. Francoeur tente de nous faire verser des larmes de crocodile quand il dit que "l'enquête publique annoncée mine le moral des troupes policières, et particulièrement celui du policier qui a été blessé au cou et à la jambe lors de l'incident."(22) On lui rappellera encore une fois que c'est Anas qui a été tué par le policier, et non l'inverse. Quant à la prétention que cette enquête publique serait "parfaitement inutile", il n'y a rien de moins vrai. Francoeur affirmait en juin que cette enquête était de "l'acharnement" et un "gaspillage" de fonds publics. Il clamait que les policiers avaient déjà été blanchis plusieurs fois et demandait "ça va prendre combien d'instances pour blanchir nos policiers?", comme si le seul but des instances était de blanchir les policiers et non pas de trouver la justice et la vérité. Comme nous l'avons déjà dit à maintes reprises, le fait que les policiers aient été blanchis ne veut pas dire qu'ils n'ont rien à se reprocher, mais plutôt que les policiers qui tuent bénéficient de l'impunité au Québec comme ailleurs. Et nous l'invitons à lire nos communiqués pour voir les nombreuses questions qui demeurent sans réponse près de trois ans plus tard, ce qui fait que cette enquête est non seulement "parfaitement" utile, mais aussi totalement nécessaire. Rappelons pour les gens qui veulent qu'on oublie, que cette enquête a été demandée par la famille ainsi que par une trentaine d'organisations.(23) Dans la poursuite, l'avocat Dupras allègue que " les causes du décès de M. Bennis sont bien connues: un policier (Bernier) a fait feu sur lui à deux reprises". Mais si les policiers disent qu'ils "ne veulent pas s'expliquer une nouvelle fois sur la mort de Mohamed Anas Bennis", le problème reste justement qu'ils n'ont jamais donné d'explication crédible. Même d'après leur avocat, "selon les témoignages rendus par les témoins oculaires, de façon soudaine, insensée et inexplicable, Mohamed Anas Bennis s'est précipité vers un policier qu'il a blessé à l'aide d'un couteau. Le policier a fait feu en légitime défense." Donc leur explication pour affirmer sur tous les toits que leur intervention était "parfaitement justifiée" est que Anas a agi de façon parfaitement "inexplicable". Enfin, comme s'ils n'étaient pas satisfaits de manquer totalement de considération et de respect pour Anas et pour la famille Bennis, la Fraternité ajoute l'insulte à l'injure en affirmant: "nul besoin d'une enquête publique pour formuler la seule recommandation évidente et possible" visant à mieux protéger la vie humaine (que le coroner doit faire à la fin de son enquête): "ne jamais attaquer un policier, et encore moins avec un couteau"! Ici, la Fraternité montre son vrai visage: elle ne se préoccupe aucunement de nos vies à nous, mais uniquement de la sécurité des policiers et de la protection de ceux qui tuent.(24) De son côté, Najlaa, la soeur de Anas, a réaffirmé "Cette enquête est nécessaire. On veut connaître les circonstances de la mort de mon frère. On veut aussi connaître les résultats de l'enquête des policiers, et savoir si les moyens utilisés par les agents étaient appropriés." La famille n'a jamais eu accès au rapport d'enquête de la police de Québec ni à la décision du procureur de ne porter aucune accusation contre les policiers. Elle ajoute: "Mais qu'est-ce qu'ils ont à cacher pour vouloir court-circuiter une enquête publique? La meilleure façon d'améliorer l'image des policiers est d'être transparent."(25) L'audience pour entendre la poursuite de la Fraternité a été fixée au 29 janvier 2009 à la salle 2, 16 du Palais d'Injustice de Montréal (1 Notre-Dame Est). AFFAIRE BERNIQUEZ: Le coroner condamne la victime, la déontologie blanchit les policiers et la Fraternité veut encore empêcher l'enquête publique! Le 5 juin 2008, la juge de la Cour Supérieure Jeannine M. Rousseau signait une décision qui aura un impact sur l'Affaire Anas car elle donnait raison à la Fraternité qui voulait faire annuler l'enquête publique sur la mort de Michel Berniquez. L'argument est le même : l'ordre donné par la coroner en chef de mener une enquête publique dans cette affaire serait "illégal parce que inutile". Comme dans l'Affaire Anas, c'est encore Me Pierre E. Dupras qui représente les agents impliqués: Linda SALVONI (matricule 5364), Josée COTTENOIR (4471), Erik LAVALLÉE (5036), Marc-André DUBÉ (3113), Sandro FABRICI (5073) et Claude GOULET (5026).(26) Rappelons que Michel Berniquez était décédé le 28 juin 2003 après s'être fait arrêter brutalement par 6 policiers sur le boulevard Henri-Bourassa Est, à Montréal-Nord. D'après le rapport du coroner Me Michel Ferland, signé le 28 juillet 2004, les policiers ont été appelés à un dépanneur un peu après 16h pour "un client bizarre et agité, qui refusait de payer sa consommation". Une heure plus tard, ils reçoivent un second appel pour une altercation dans un stationnement dans le même secteur. Ils tentent d'arrêter Michel Berniquez qui correspondrait au signalement. Celui-ci tente de s'enfuir en traversant la rue. Les policiers le poursuivent et quand il se retourne vers eux "en grognant, les charge et frappe l'un d'eux au visage", les policiers sortent leur matraque télescopique et le frappent. Ils appellent du renfort. Ils frappent encore Berniquez avec leur matraque télescopique, puis le jettent au sol et le menottent face au sol, non sans mal. Six policiers sont impliqués dans l'intervention brutale. Quand les ambulanciers arrivent enfin et retournent Berniquez, ils se rendent compte qu'il est en arrêt cardio-respiratoire. Son décès sera constaté à l'Institut de Cardiologie de Montréal a 18h05. Le coroner Ferland conclut à une mort "accidentelle secondaire à une consommation de drogue". Berniquez aurait consommé de la cocaïne et de la méthamphétamine, des drogues qui "contribuent à augmenter le rythme cardiaque et à provoquer un comportement agressif, violent et délirant", mais pas une dose mortelle. La cause du décès est une "arythmie cardiaque fatale". Berniquez était en plus "déjà porteur d'une maladie coronarienne". À l'autopsie, on note "différentes lésions compatibles soit avec des coups, l'utilisation de menottes, ou encore le frottement sur une surface rugueuse", qui témoignent de la brutalité de l'arrestation. En plus des coups de matraque "aux membres inférieurs, au dos et à la fesse gauche", Berniquez a des blessures au visage, mais d'après Ferland: "les contusions ecchymotiques au visage sont le résultat de frottement sur une surface rugueuse et non le résultat de coups gratuits"... Ferland conclut donc que "l'usage de la force était nécessaire dans les circonstances" et affirme que Berniquez "est décédé pendant une intervention policière et non pas à cause de celle-ci". Il note néanmoins que "l'activité physique déployée pendant l'arrestation, potentialise la sécrétion de catécholamines toujours présentes en grand nombre et lorsqu'on parvient à maîtriser le sujet, cette surcharge cardiaque peut provoquer une arythmie." Non content de blanchir les policiers, le coroner Ferland va jusqu'à condamner Berniquez d'être "l'artisan de son propre malheur parce qu'il était dans un état second, alors qu'il était sous l'influence de drogues". Citant le fait que Berniquez avait déjà été arrêté dans ces circonstances semblables en juillet 1999 et en mars 2003, Ferland le juge et le condamne à mort en le blâmant lui-même: "En prenant la décision de consommer cette journée, il devenait donc inévitable que son état entraînerait une réaction policière advenant le cas qu'il perde de nouveau le contrôle de lui-même, faisant craindre pour sa sécurité et celle d'autrui. Il ne pouvait l'ignorer puisqu'il en avait déjà fait l'expérience quelques mois auparavant. Il devait en accepter les conséquences." Il dit que les policiers n'avaient pas le choix de l'arrêter, mais que lui "avait le choix de ne pas consommer de substances provoquant chez lui des comportements violents et agressifs". Il affirme que "l'ennui, c'est que M. Michel Berniquez a eu un arrêt cardio-respiratoire à la fin de l'intervention. Les policiers ne pouvaient prévoir une telle tournure et ne la souhaitaient sûrement pas." Alors qu'il se permet lui-même de juger un mort, il en rajoute dans la défense des policiers: "Avant de juger sur la place publique le travail des policiers, il faudrait peut être attendre les résultats de l'investigation du coroner. Ce n'est pas parce qu'il y a eu mort d'homme pendant une intervention policière que c'est obligatoirement une bavure policière. La présente affaire en est un bon exemple."(27) Enfin, il dit qu'il ne recommande pas d'enquête publique dans cette affaire et qu'aucune recommandation ne s'impose pour mieux protéger la vie! Pourtant, la mère et la soeur de Michel Berniquez ont exprimé plusieurs fois dans les journaux que d'après elles, le rapport du coroner est incomplet et elles ont réclamé une enquête publique. Quand l'enquête publique a été annoncée le 28 septembre 2004, la famille était satisfaite et le Bureau du coroner avait mentionné "l'existence de plusieurs interrogations au sein du public et du désir d'informer le public davantage". La mère de Berniquez a aussi déposé une poursuite contre la Ville de Montréal de près de 70 000$. Le 6 juin 2007, le commissaire à la déontologie policière avait rejeté la plainte déposée par Yves Manseau du Mouvement Action-Justice (MAJ) comme quoi les policiers auraient "utilisé une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui leur était permis ou enjoint de faire". Dans sa décision, le commissaire prétend que "tous les témoins rencontrés, sauf une dame, ont déclaré de façon unanime qu'aucun des policiers impliqués n'a frappé l'homme lors de l'intervention" alors que ceci est contredit par le rapport du coroner. Cette témoin avait dit qu'une policière avait frappé sa tête sur le trottoir, mais le commissaire préfère dire que l'agent Érik Lavalée "s'est essentiellement occupé à sécuriser la tête de monsieur Berniquez"... On apprend que l'intervention policière "a duré tout au plus 14 minutes, dont environ 11 auraient été consacrées à la maîtrise au sol du suspect". Et alors qu'il était menotté face au sol, les policiers prétendent que Berniquez a continué "de se débattre violemment" et qu'il ne "serait devenu calme qu'au moment où il fut tourné sur le dos", alors qu'il était en arrêt cardio-respiratoire! Le commissaire admet que "selon les techniques enseignées, un individu doit être placé en position latérale de sécurité une fois qu'il est menotté et maîtrisé". Il ajoute que "la position ventrale, lorsque la personne maîtrisée est en état de crise et de panique, peut conduire à une asphyxie positionnelle ou provoquer le syndrome de mort subite". Il reconnaît que "monsieur Berniquez n'a pas été placé en position latérale de sécurité par les intimés". Pourtant, il conclut au contraire que "le Commissaire ne peut conclure de ce fait que les intimés ont été insouciants ou négligents à l'égard de la santé de monsieur Berniquez". Pour les excuser, il affirme "le Commissaire n'a pas de peine à croire que les intimés n'ont tout simplement pas eu le temps de recourir à cette technique avant l'arrivée des techniciens ambulanciers." D'après les ambulanciers, les policiers étaient en train de reprendre leur souffle quand ils sont arrivés alors que Michel Berniquez ne respirait plus. Et ils auraient été "tous surpris" quand l'ambulancier leur a dit qu'il était en arrêt cardio-respiratoire". C'est dire à quel point ils semblaient se préoccuper de son état de santé... Finalement, après avoir blanchi les policiers, le commissaire affirme quand-même qu'il est "important de souligner, afin d'éviter la répétition d'événements malheureux tels celui du (28 juin) 2003, l'importance de la formation académique et des mises à jour ponctuelles relatives aux interventions physiques auprès de personnes intoxiquées, en état de crise de panique ou en état de délirium agité". Il rejette malgré tout la plainte. Quant à l'enquête publique, dans sa décision du 5 juin 2008, la juge Rousseau reconnaît que "si une enquête est ordonnée, c'est parce qu'il faut entendre des témoins" et que les policiers visés par la plainte "n'ont pas participé à l'enquête du commissaire à la déontologie policière". Mais elle affirme que le commissaire "fut satisfait des rapports rédigés par ou avec ces policiers de façon contemporaine à l'intervention policière". Et elle conclut, sans tenir compte des demandes de la famille et du public mentionnées par la coroner en chef, à "l'absence d'utilité de l'enquête ordonnée pour répondre à des interrogations non identifiées". Donc, elle "annule la tenue de l'enquête ordonnée par la coroner en chef le 28 septembre 2004 eu égard au décès de Michel Berniquez". Le Bureau du coroner a porté cette décision en appel et on attend une date d'audience. Cet appel aura certainement un impact sur le sort de l'enquête publique pour Mohammed Anas Bennis. (28) AFFAIRE LIZOTTE: Près de 10 ans plus tard, la déontologie blâme les agents Stante et Fouquette pour négligence et l'avocat du diable défend encore son client... Le 13 août 2008, soit quatre jours après la mort de Fredy Villanueva à Montréal-Nord, le Commissaire à la déontologie policière Me Gilles Mignault rend une décision suite à une plainte déposée le 26 novembre 2004 par le Commissaire à la déontologie policière contre les agents Giovanni Stante (matricule 1226) et Sylvain Fouquette (0806). Il était reproché à Stante "d'avoir abusé de son autorité dans ses rapports avec M. Jean-Pierre Lizotte, en utilisant une force inappropriée", "de ne pas s'être comporté de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction, en démontrant de la négligence ou de l’insouciance lors de l’intervention auprès de M. Lizotte" et "de ne pas avoir respecté les droits de M. Lizotte alors qu’il était sous sa garde, en ayant été négligent ou insouciant à l’égard de sa santé et de sa sécurité". Quant à Fouquette, seuls les 2 derniers chefs d’accusation étaient retenus contre lui.(29) Il convient de rappeler les faits, près de 10 ans plus tard, de cette "Affaire" qui a fait couler beaucoup de sang et d'encre. C'est le 5 septembre 1999 vers 2h45 du matin que les agents Stante et Fouquette ont arrêté brutalement Jean-Pierre Lizotte en avant du Shed Café situé au 3515 sur la rue St-Laurent. La rue était alors fermée à la circulation automobile et les bars avaient sorti leurs tables et chaises sur le trottoir. Les policiers ont été appelés après que le gérant du Pizzédélic Jonathan Brien et le portier du Shed Café, Steeve Deschâtelets aient déjà tenté de chasser Lizotte de leur terrasse en le poussant et en le mettant à terre. Les agents de l'unité d'urgence 72 étaient chargés du " bon maintien de la paix et de l’ordre" à la fermeture des bars... Quand les policiers arrivent sur les lieux à bord du véhicule 72-18, Stante tente de "maîtriser" Lizotte en le frappant à coups de poings en pleine figure. Le portier du Shed Café Deschâtelets attrape Lizotte par derrière en passant ses bras sous ceux de Lizotte et en lui tenant la nuque vers le bas (une prise de lutte appelée "Full Nelson"). D'après les témoins, Stante donne entre 2 et 8 coups de poings au visage de Lizotte alors qu'il est retenu par derrière. Stante avoue 2 coups de poings "sur le côté gauche du visage pour le débalancer et le maîtriser." D'après un témoin, après l'avoir couché au sol et menotté, les policiers l'ont jeté dans l'autopatrouille "comme un sac de patates".(30) Dans la décision de la déontologie, on reproche aux policiers de ne pas avoir attaché la ceinture de sécurité de Lizotte qui était couché sur la banquette arrière. Les agents ont roulé sans se presser jusqu'à l'Hôpital l'Hôtel-Dieu où ils l'ont laissé à 3h15, en disant à l'infirmière "qu'il avait fait partie d’altercations", mais sans préciser qu'il avait reçu des coups de poings au visage et que ces coups venaient de l'agent Stante! L'infirmière note que Lizotte est reçu pour "intoxication à la cocaïne, agitation, agressivité et lacération au haut de la lèvre supérieure." Elle évalue le cas comme "semi-urgent". D'après les radiographies, Lizotte souffre de "fractures comminutives, peu déplacées de l'extrémité distale des os propres du nez" au niveau de la colonne cervicale, "il y a évidence d'une fracture luxation C7-T1 entraînant un important antélisthésis de C7. Ceci en faveur d'une fracture instable impliquant très certainement les postérieurs de…(illisible) et probablement de TL. Il faut certainement soupçonner une compression médullaire ce pourquoi l'investigation radiologique doit se poursuivre par tomographie et résonance magnétique." Le commissaire affirme que "au niveau déontologique, il n’y a pas de preuve et de lien à faire entre la paralysie et les séquelles au niveau des vertèbres et dorsales relativement aux agirs reprochés aux policiers Fouquette et Stante". Il affirme qu'il ne peut "pas d’établir de façon prépondérante qu’il s’agissait d’un véritable « Full Nelson » et que M. Lizotte était effectivement retenu, par derrière, au moment de recevoir des coups de poing à la figure". Pourtant, le Comité avait admis comme un expert-conseil en emploi de la force (brutalité policière), Ronald Bélanger, que "si l’agent Stanté a porté ou a continué de porter des coups de poing à la figure de M. Lizotte, alors que ce dernier était suffisamment limité dans sa liberté de mouvement pour permettre à l’agent et à son confrère de s’approcher en sécurité de M. Lizotte et lui saisir les bras, l’utilisation de ces coups est contraire aux valeurs véhiculées à l’École nationale de police du Québec dans la formation des policiers en emploi de la force et constitue, selon nous une utilisation de force excessive." Pourtant, le commissaire affirme que "la preuve dans son ensemble démontre de façon prépondérante que, au moment de recevoir ces coups de poing à la figure, M. Lizotte n’était pas suffisamment limité dans sa liberté de mouvement pour permettre aux policiers de s’approcher de lui et de lui saisir les bras en toute sécurité". Il cite des témoins qui disent avoir vu Lizotte "se débattre et donner des coups de pieds en direction de l’agent Stante" Le commissaire cite la Cour Suprême dans l'affaire Cluette c. la Reine qui définit le "degré de force à être employé par des agents de la paix (sic) pour l'exercice de leurs fonctions": "Les agents de police sont autorisés à employer la force qui est raisonnable, convenable et nécessaire pour exercer leurs fonctions, à la condition que ce soit sans violence inutile ou gratuite. Ce qui est raisonnable et convenable dans des circonstances particulières et dans une affaire particulière, est fonction de toutes les circonstances. Il n’est pas possible d’établir une règle rigide et stricte, à l’exception du critère du caractère raisonnable." Le Comité "est conscient du fait qu’il est difficile pour un citoyen d’accepter ou de comprendre qu’un policier puisse donner des coups de poing à la figure d’une personne", mais le justifie en disant que "cela ne doit pas pour autant le rendre dérogatoire et fautif si les circonstances le justifient puisqu’il est conforme aux enseignements de l’École nationale de police." Il dit aussi que le nombre de coups de poings (de 2 à 8 selon les témoins) n'était pas abusif non plus car "une fois le but atteint, l’agent Stante a immédiatement cessé de frapper M. Lizotte." Il conclut donc que Stante était "justifié de donner des coups de poing à la figure de M. Lizotte et ce, dans le respect d’une méthode d’intervention enseignée à l’École nationale de police du Québec. Le geste posé par l’agent Stante était raisonnable et il ne constitue pas un abus d’autorité au sens de la jurisprudence en cette matière". Par contre, le commissaire reproche aux agents Stante et Fouquette leur "inaction", alors qu'ils auraient dû d'arrêter Lizotte avant que la situation ne dégénère de la sorte. Il reconnaît donc Stante et Fouquette coupable de "négligence et d'insouciance (...) de nature à ne pas préserver la confiance et la considération du public dans la fonction policière." De plus, le Comité affirme que "la preuve offerte démontre avec prépondérance que les deux policiers ne se sont pas préoccupés de la santé et de la sécurité de M. Lizotte alors qu’il était sous leur garde, et ce, à deux occasions particulières : d’une part, en ne bouclant pas sa ceinture de sécurité et, d’autre part, en n’informant pas l’infirmière à l’urgence qu’il avait reçu des coups de poing à la figure." Bref, les coups de poing ne sont pas considérés comme des abus de pouvoir, mais Stante et Fouquette se voient reprocher leur négligence ou insouciance envers la santé et la sécurité de Lizotte durant son arrestation et sa détention.(31) Pour justifier le fait qu'ils n'ont pas informé l'infirmière des coups de poing et qu'ils n'ont pas non plus parlé de ces coups dans leur rapport, Fouquette explique : "ce que je me souviens, c’est que…, bon, évidemment, à prime abord, ce rapport-là avait été…l’avocat nous avait dit de rien écrire." Il parle de l'avocat que la Fraternité des policiers leur a offert sans délais, Me Canuel, un avocat en droit du travail qui leur a référé Me Schneider, un criminaliste. Il faut noter que Me Pierre E. Dupras est une fois de plus impliqué dans le dossier, aux côtés de Me Michael Stober, évidemment en défense des policiers. Fidèle à la tradition, la Fraternité a bien-sûr défendu les policiers sur toute la ligne, entre autres en déposant un grief pour "contester la décision de l'employeur d'invoquer la notion de faute lourde dans le dossier de l'agent Giovanni Stante".(32) La police de Montréal avait caché pendant 53 jours la nouvelle de la mort de Lizotte. Grâce aux témoignages dans les médias et à l'intervention du conseiller municipal Marcel Sévigny, la police a finalement dû reconnaître que ses agents avaient été impliqués dans l'arrestation brutale et fatale de Jean-Pierre Lizotte. L'agent Giovanni Stante a finalement été accusé d'homicide involontaire, de voies de fait graves et d'avoir causé des lésions corporelles. Le 1er août 2002, il a été acquitté de toutes les accusations après un procès devant juge et jury. Son avocat le défend encore 10 ans plus tard en écrivant des articles qui ont été publiés dans La Presse et la Gazette, dans lesquels il prétend que Lizotte n'a pas été une victime de brutalité policière! Comme si ça n'était pas assez, il rappelait le lourd dossier criminel de Lizotte qui a passé une bonne partie de sa vie d'itinérant entre la rue et la prison.(33) Comme l'a bien dit Jaggi Singh, "au procès de Stante, comme récemment dans ces pages (de La Presse et de la Gazette), l'avocat Stober fait le procès d'un homme mort qui ne peut plus se défendre. Jean-Pierre Lizotte assumait ouvertement qui il était. Il est simplement minable de tenter encore de réduire Jean-Pierre Lizotte, le résumant à un 'criminel' sans-abri ; au chapitre de la dignité humaine, il affichait pourtant une remarquable opulence." Lizotte avait été surnommé par ses amis Le Poète de la prison de Bordeau.(34) De son côté, Stante, qui travaille toujours au SPVM, s'est attiré le titre de Policier Assassin, comme de trop nombreux de ses collègues... CONCLUSION: Sans justice, il y aura encore d'autres morts et d'autres émeutes... Comme cette mise à jour nous l'indique, les bavures policières ne sont jamais des cas isolés ni des "aberrations", elles font partie des risques liés au travail policier, voire même elles font partie intégrante du travail policier "bien fait", pour reprendre les paroles absurdes du chef de la Fraternité Yves "Sanscoeur" Francoeur. Le fait que les policiers ne sont presque jamais accusés et encore moins souvent condamnés après avoir tué des gens démontre qu’ils bénéficient d'une immunité et qu'il y a bel et bien deux justices: une pour les policiers et une autre pour le reste de la population (sans compter les inégalités économiques et sociales qui font que la justice est plus accessible aux riches et que beaucoup de gens ne peuvent pas se payer ce luxe). Un exemple révoltant de ce que fait cette immunité: Dominic Chartier, un policier qui a tué Yvon Lafrance par balle en 1989 et a été blanchi grâce aux mensonges de l'enquête de la Sûreté du Québec, est encore aujourd'hui non seulement actif et encore abusif dans la police, mais en plus il est moniteur de tir depuis au moins 2004! Il montre donc aux jeunes policiers comment tuer. Ce n'est qu'un exemple, la plupart des policiers qui ont tué des gens sont toujours employés du SPVM et même continuent de patrouiller avec leurs armes. Le fait que le SPVM ne suspend même pas les policiers qui ont tué montre qu'il les soutiennent. Du côté de la Ville de Montréal, on a bien vu où est la loyauté du maire Gérald Tremblay qui n'a rien dit le lendemain de la mort de Fredy Villanueva, mais qui le lendemain de l'émeute disait "je ne tolèrerai pas qu'on s'en prenne aux policiers". Pareil pour le président de la Commission de la Sécurité Publique de la Ville qui défend tout le temps le "bon travail" des policiers, sans jamais dénoncer leurs abus ni rien faire contre. Le problème à Montréal-Nord et ailleurs est les abus policiers, la solution de la Ville? Plus de police! Ça ne va qu’amener plus d'abus et de problèmes. Les "politiques ministérielles" et les enquêtes de la SQ, du SPVM ou du SPVQ sur les incidents où des gens sont blessés grièvement ou tués par des policiers n'ont aucune crédibilité. En 1996, un ancien enquêteur de la SQ Gaétan Rivest a déclaré aux médias que "lorsqu'ils enquêtent l'un sur l'autre lors d'une mort d'homme impliquant un de leurs agents, les corps policiers du Québec sont invariablement de mèche pour 'orchestrer' les témoignages afin que leurs confrères puissent éviter les tribunaux." D'après Rivest, la Fraternité des policiers est "omniprésente" dans ce type de dossiers. Alors qu'il était membre de l'Unité des crimes sur la personne de la SQ, Rivest a lui-même été impliqué dans l'enquête sur la mort de Yvon Lafrance et il a "arrangé" les choses pour le policier impliqué Dominic Chartier. Alors que Chartier avait avoué avoir tiré à cause des "nerfs", Rivest a demandé l'aide d'un supérieur puis de la Fraternité pour que les policiers arrangent leurs versions afin d'éviter des poursuites criminelles. Rivest dit avoir "arrangé" les choses dans plusieurs autres dossiers de la même manière.(35) Rien n'indique que les choses ont changé, c'est toujours la loi du silence, l'Omerta bleue. Du côté de la déontologie policière, la plupart du temps elle ne fait que justifier la brutalité policière et confirmer la version policière des incidents. Tout au plus, elle remet légèrement en question la "négligence" des policiers (mais pas leur brutalité!) et pose au moins la question de pourquoi les policiers n'utilisent pas d'autres recours avant d'utiliser leurs revolvers. Comme les coroners, qui parlent systématiquement de "morts violentes, mais accidentelles" pour blanchir les policiers, et qui vont jusqu'à condamner les victimes en disant presque qu'elle méritait son sort comme dans l'affaire Berniquez! Pendant ce temps, Jacques Dupuis prétend qu'il est indépendant de lui-même et qu'il ne voit aucun conflit d'intérêt à être en même temps ministre de la Sécurité Publique et ministre de la Justice. Quand il était dans l'opposition et que Serge Ménard préparait sa loi sur la police de 2000, Dupuis avait déclaré "il ne faudrait pas qu'on dise que ce sont des amis qui enquêtent sur des amis"... Maintenant on peut dire que c'est le même ami qui est responsable du flic qui tue et du procureur qui blanchit ce flic! Ceci dit, bien qu'il faudrait changer la loi sur la police pour ne plus que la police police la police, le modèle ontarien des SIU (Special Investigation Unit ou Unité des Enquêtes Spéciales) n'est pas une solution, comme en témoignent les poursuites entreprises par des familles de victimes contre les SIU.(36) Ce qu'il faudrait au minimum, c'est que les policiers soient accusés comme tout le monde quand ils tuent des gens. Ainsi on aurait droit à leurs témoignages publiquement en cour et on pourrait les contre-interroger. Il faudrait les suspendre au moins et les renvoyer de la police pour ne pas qu'ils continuent à patrouiller armés et à être payés par nous. Et que les gens se rendent compte qu'on ne peut pas régler des problèmes sociaux avec la police. Évidement, le mieux serait de mettre fin immédiatement à la brutalité policière et à l'impunité, mais vu que les autorités et le système ne font rien d'autre que de protéger les policiers, il nous faudra nous mobiliser et lutter fort jusqu'à ce que les choses changent. *DERNIÈRE HEURE: La Presse affirme qu'il n'y aura pas d'accusations contre les agents impliqués dans la mort de Fredy Villanueva; l'anti-émeute se prépare! Le rapport de la SQ a été remis au Directeur des poursuites criminelles et pénales la semaine dernière. La Presse a annoncé le 3 octobre que d'après des sources dans le milieu de la justice à Québec et Montréal, aucune accusation ne serait déposée contre l'agent Lapointe, qui n'a même pas été interrogé comme suspect, mais juste comme témoin. Pendant ce temps, la police se tient prête et l'anti-émeute s'est entraînée en vue de la prochaine émeute...(37) *DERNIÈRE MINUTE: La police de Montréal tire un jeune de 18 ans à St-Michel! Cette fin de semaine, le SPVM a été impliqué dans pas moins de 2 incidents au cours desquels un agent a ouvert le feu sur des suspects. Le soir du vendredi 3 octobre vers 6h30, un agent du SPVM a ouvert le feu sur un suspect de vol de voiture qui a tenté de s'enfuir de la police à Hochelaga-Maisonneuve. D'après la porte-parole du SPVM Lynne Labelle, "un policier, qui avait possiblement peur pour sa vie, a tiré une balle vers la voiture, mais personne n'a été atteint".(38) Le lendemain, des agents du SPVM qui voulaient arrêter un jeune de 18 ans, Nashwan Abdullah, près des rues Everett et Pie-IX à St-Michel l'ont atteint d'une balle à l'abdomen. Juste avant, un agent s'était envoyé du poivre de cayenne dans les yeux à cause du vent... La police de Montréal a tout de suite commencé à salir la réputation de Nashwan en affirmant qu'il était recherché pour une tentative de meurtre, ce qui s'est avéré faux comme en témoigne un article dans la Gazette qui affirme qu'aucun mandat n'existe relativement à l'événement en question.(39) Alors que les policiers ont dit qu'il les a menacés avec un couteau et que les enquêteurs de la SQ ont dit avoir trouvé un couteau sur les lieux de son arrestation, des témoins ont déclaré qu'il n'était pas armé.(40) Le maire Tremblay a montré une fois de plus de quel côté il était entre la police et les montréalais: "Nous ne pouvons tolérer aucune violence envers nos forces de l'ordre (sic) et c'est pour cette raison qu'aucune excuse n'est de mise".(41) Et bien nous nous ne pouvons plus tolérer aucune violence policière envers les nôtres! ILS SAVENT QUE SANS JUSTICE, IL N'Y AURA PAS DE PAIX POSSIBLE! Le Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP) Pour plus d'informations: Notes: (1) "Le tireur défendu par ses collègues", Mélanie Brisson, Le Journal de Montréal, 15 août 2008, A6.
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