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Décès d'un résistant exceptionnel: Vassili B. Nesterenko

Anonyme, Miércoles, Agosto 27, 2008 - 16:48

Véronique Ratel secrétaire de l'association

Vassili B. Nesterenko (1934 - 25.08.2008)

Vice-président de l'association franco-biélorusse "Enfants de Tchernobyl Bélarus" Vassili Nesterenko vient de nous quitter. Physicien nucléaire du plus haut niveau en URSS, depuis 1986 il a résisté à la désinformation sur Tchernobyl. En 1990, il a fondé avec l'aide de Sakharov, l'institut indépendant de Radioprotection " Belrad ", pour enquêter sur la contamination radioactive et venir en aide aux populations touchées par la catastrophe, en particulier les enfants.

Le 27 mai dernier il était venu à Genève avec Yablokov et Goncharova faire la vigie aux portes de l'OMS , soutenant l'action d'Independent WHO

Voici ce qu'il avait déclaré :

« Je veux vous dire ceci : tant que les amis nous soutiennent, nous continuons à espérer que les victimes survivront. Je suis l’un des 800 000 liquidateurs blessés par Tchernobyl. Ce sont réellement des hommes oubliés dans nos pays. Des dizaines de milliers ont déjà quitté ce monde, ils ne pourront plus parler. Au nom des autres, je vous souhaite à toutes les vigies, du courage et une longue vie, afin que vous puissiez rester ici jusqu’à la victoire. Je vous souhaite à tous la bonne santé que nous avions, nous les liquidateurs, avant d’arriver sur le réacteur. Nous étions tous jeunes et pleins de force. Merci. »

On peut considérer que ces paroles étaient prémonitoires. Il parlait comme un de ces liquidateurs profondément atteint dans sa chair. Comme le dit Michel Fernex, Président des ENFANTS de TCHERNOBYL BELARUS :

« Pour nous, Vassily Nesterenko était un ami. Nous étions conscients que l'institut Belrad n'a survécu que grâce à son intelligence éblouissante qui lui avait permis de résister à mille embûches et attaques perfides dont il était victime. Le professeur Nesterenko dirigeait le célèbre Institut de physique nucléaire de Minsk, quand, en Ukraine, explosait le réacteur de Tchernobyl. Il décide dès lors de se consacrer à la protection des populations, et tout particulièrement celle de la santé des enfants victimes d'irradiation chronique. Il y a consacré sa vie. Avec cela, il néglige sa propre santé et se refuse trop souvent le repos dont il aurait tant besoin.»

Vassili Nesterenko était en train de réaliser un ATLAS du radiocésium accumulé dans l'organisme des enfants vivant dans les régions contaminées en utilisant toutes les données recueillies depuis 1990 dans son action de radioprotection et qu'il est sans doute le seul témoin de ce type concernant les suites de Tchernobyl. Il est donc nécessaire de poursuivre l'oeuvre de Vassili Nesterenko. L'institut Indépendant de Radioprotection "Belrad" doit survivre à ce grand homme courageux, d'une abnégation totale et qui a consacré sa vie pour la reconnaissance de la vérité et tenter de réparer et de limiter les dommages faits à l'homme de la plus grande catastophe nucléaire.

Parcours d'un résistant exceptionnel :

Dans les heures qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl en 1986, un homme s’est révolté contre le mensonge d’État au prix de sa carrière et de sa sécurité personnelle. Membre de l'Académie des Sciences du Belarus, physicien du plus haut niveau international, Vassili Nesterenko, avait accès en Union Soviétique aux villes interdites pour raisons militaires. Tchernobyl a bouleversé sa vie. Svetlana Alexievitch raconte(1) comment lors d’une conférence d’experts soviétiques il avait pris la parole pour souligner l'urgence d'évacuer la population à au moins 100 kilomètres à la ronde, de distribuer des dosimètres et des tablettes d'iode, de sauver les enfants" (2). Face à l’inaction et aux mensonges du gouvernement soviétique, par un geste d’une témérité inouïe, Nesterenko décida d'arrêter, sans le moindre aval de ses supérieurs, les travaux scientifiques de l'Institut de l'énergétique nucléaire de la Biélorussie, qu’il dirigeait. À la place, il mit tout son personnel à contribution pour étudier les conséquences de Tchernobyl et pour élaborer une politique d'aide aux populations sinistrées. Naturellement, il fut limogé et il a subi les pressions du KGB. Il a échappé à deux attentats.

En 1990, il crée avec le soutien d’Andrei Sakharov, A. Adamovitch et et A. Karpov l’Institut indépendant de radioprotection "Belrad" pour venir en aide aux enfants des territoires touchés par les retombées radioactives. Il forme à la radioprotection les médecins, les enseignants, les infirmières.

En 1994, L’Institut Belrad acquiert en Ukraine, avec l’aide d’ONG occidentales, des fauteuils mobiles pour l’anthropogammamétrie humaine qu’il perfectionne. Ces spectromètres mesurent la radioactivité dans le corps humain et sont reliés à un ordinateur qui enregistre les rayonnements gamma spécifiques des radionucléides incorporés : le césium 137, mais aussi le potassium. Les données stockées sont publiées régulièrement dans un document distribué aux autorités sanitaires nationales, régionales et locales ainsi qu’aux familles.

En 1996, Nesterenko adopte avec succès l'additif alimentaire à base de pectine de pommes recommandé par le Ministère de la santé ukrainien comme adsorbant du césium137 (Cs137). En un mois de traitement la charge en radionucléides de l'organisme de l'enfant peut baisser de 60-70%.

Nesterenko est le seul scientifique qui mesure systématiquement la radioactivité artificielle interne. Ses mesures ont révélé des contaminations huit fois plus élevées que celles que publie le Ministère de la santé biélorusse, qui a tenté de le bloquer dans son action. Son activité étant légale, il n'a pas réussi à le faire plier. Depuis des années l’Institut Belrad continue à fonctionner grâce à l’aide internationale et en particulier en France par le soutien financier de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus, mais aussi de France-Libertes, Les enfants de Tchernobyl…

Lui-même devait se battre contre les méfaits de la contamination radioactive, pour avoir survolé la centrale de Tchernobyl peu de temps après l’accident. Sa santé était devenue très précaire. Or, depuis 2007, les tracasseries administratives avaient redoublé après qu’il ait refusé l’offre qui lui avait été faite de diriger les travaux de la future centrale nucléaire au Belarus. Le 25 juin 2007, le président Loukachenko a signé une résolution adressée au Premier ministre Sidorsky : « Prendre les mesures nécessaires pour traduire en justice l’entreprise unitaire privée "Institut de radioprotection Belrad" et ses responsables pour violation de la législation dans le domaine de recherches sur la radioprotection et la diffusion des informations sur les résultats de ces recherches.»

Mais, Nesterenko connaissait les lois. Il s'est défendu avec une énergie surprenante. Après des contrôles quotidiens exténuants d'une commission du département fiscal du ministère des Finances, avec mission d'incriminer l'Institut Belrad, ce département a reconnu l'excellence du travail de l'institut et lui a fait ses compliments. Mais, cette dernière bataille a certainement contribué à venir à bout de sa résistance…

Heureusement l’Institut Belrad avec plus d'une trentaine de collaborateurs a construit une équipe dont son fils Alexey Nesterenko est prêt à prendre la direction pour relever le défi de la connaissance contre le mensonge et de l’aide aux enfants du Belarus qui continuent à subir les méfaits de la contamination radioactive.

- Communiqué de presse du 26 Août 2008 DE L'ASSOCIATION "ENFANTS DE TCHERNOBYL BELARUS"

20 rue Principale 68480 Biederthal
site internet : www.enfantsdetchernobylbelarus.doubleclic.asso.fr
e-mail: etch...@doubleclic.asso.fr
__________________

(1). " La salle était restée inerte, chacun jugeant qu'il exagérait. Il avait insisté, bataillé. L'auditoire était resté sceptique. Quand il avait vu que ses efforts étaient vains, que chacun faisait mine de croire à une situation "normale", comme le proclamait la propagande, des larmes de rage s'étaient mises à couler sur son visage... " Cet homme, il fallait que je le rencontre", conclut Svetlana Alexievitch. " La Supplication " (Lattès),

(2). Cité par Nathalie Nougayrède, Le Monde, 20 mai 2000

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