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La désobéissance civile en Espagne

goby, Lunes, Abril 21, 2008 - 14:50

L’Espagne c’est décidément l’Europe. Pour preuve, les actions de désobéissance civile qui se multiplient mais doivent supporter d’être taxées de terroristes. Et en Espagne c’est l’ETA qui porte le chapeau.

Revenons sur quatre actions d’éclats qui ont marqué l’Espagne l’année dernière.

La lutte anti-TAV (Train à grande Vitesse) en Euskadi se voit décoré des habits de l'ETA. Avec leur slogan "Inposaterik ez" , pas étonnant me direz-vous! A croire que l'organisation séparatiste est toute puissante, si l'on en juge par ABC qui écrit que le porte-parole de cette lutte est en réalité membre de Batasuna. El Correo parle des menaces de ETA" contre les entreprises basques qui s'engagent dans la construction de la ligne" Dans El Pais: "Les menaces de Batasuna n'altèrent pas les plans de la Y vasca". Anita del Blanco, terroriste notoire explique : "Comme en Italie, ici aussi ils parlent de cohésion territoriale, de developpement, de progrès, de prospérité; utilisant des mots vides…" Elle ajoute lors d'une marche de 20 000 guerilleros basques que "c'est un projet brutalement imposé qui s'oppose à la libre et légitime expression de la volonté populaire." La campagne consiste à ne pas payer le train en l’utilisant tout de même. Une idée déjà suggérée en France lors des conflits à la SNCF.

Mais déjà en 1996 les huit « Solidarios con Itoiz » en Navarre avaient été condamnés à cinq années de prison pour avoir coupés le câble d’une entreprise construisant une digue et retenus un gardien. Ils étaient venus avec des disqueuses radiales couper les câbles qui transportaient le ciment. Ce sabotage qui avait immobilisé le chantier durant des mois, les avait conduit alors à la clandestinité jusqu’ à cette année. Douze collectifs écologistes les soutenaient dans leur clandestinité après qu’ils furent condamnés à quatre années et dix mois de prison. Ils sont aujourd’hui libres.

Centre social occupé. Squat Okupado

Deux jeunes ont résisté dans leur squat à l’évacuation de la police au Centre social de Casas Viejas à Séville ; 37 heures, enchaînés dans un tunnel de quatre mètres de profondeur en décembre 2007 et expliquent que « Nous savions que les médias ne sont jamais un allié des mouvements sociaux » mais qui sont parvenus à être propulsé sur le devant de la scène médiatique. Pour les bibliothécaires on se remémorera le nom de Casas Viejas qui fut le symbole de la répression socialiste contre une commune qui avait eu l’idée saugrenue de proclamer le communisme libertaire en 1933 en Andalousie.

Pedro explique qu’ils auraient pu résister en jetant des pierres, de l’essence mais ils ont jugé cette forme d’action trop risquée. La prison les attendait derrière. Augustin lui croit à la ligne non violente et c’est par philosophie qu’il a choisi cette méthode. Il raconte : « Le tunnel est une idée reprise du mouvement contre les autoroutes au Royaume-Uni dans les années 80. »

Des manifestations spontanées ont ramené des gens avec des casseroles. Elles ont aussi attiré d’importantes forces de police qui s’en sont pris à la foule. La diffusion d’images violentes a provoqué une réprobation dans tout le pays.

Pendant ce temps les enchaînés, héros dostoieveskiens, diffusaient leurs images à partir de leurs téléphones portables. Ce conflit a été catapulté à la une des médias. Augustin et Ivan ont été inculpés de désobéissance grave et de désordre public. Il faut reconnaître que ces deux chefs d’inculpation sont rigoureusement exacts et vénérables.

En Euskadi le mouvement des occupations si fort à Donostia tente pour l’instant de se recomposer. Le squat le plus emblématique s’appelait Zapatari.

Une dernière forme inédite a vu le jour : celle qui consiste à brûler l’effigie des derniers Bourbons. A leur santé.

« Por qué no te callas » aurait ordonné Juan Carlos, le Roi d’Espagne à Hugo Chavez qui se permettait de qualifier de fasciste le chien de salon, l’ex premier ministre Aznar. Ce dernier avait soutenu le putsch de 2002 contre Chavez au Venezuela. Le journal La Vanguardia félicite son roi pour sa réplique qui a fait le tour du monde mais la réalité espagnole est plus contrastée. En témoignent les actes de désobéissance civile qui ont commencé en Catalogne et qu’on appelle les Quemas del Rey. Ca commence avec Jaime Roura et David Stern qui sont interpellés en septembre pour avoir brûlé l’effigie de l’héritier des Bourbons. Pas les whiskys, entiendes ! Ces deux indépendantistes avaient lancé une campagne fort bien reprise sur le thème : « Jo també soc antimonarquica » : Moi aussi je suis anti-monarchiste ! Les actes des Don Quichotte et Sancho Panza de la nouvelle Espagne ont été rejoints par des centaines de gestes similaires dans tout le pays. A Madrid, le cinq octobre 2007, cinquante personnes brûlèrent les photos des rois catholiques et clou du spectacle le logo de Burger King y passa aussi. La Reconquista se fit donc en marche arrière.

En Euskadi les tortures reprennent

Ainsi en Euskadi la moindre désobéissance peut vous valoir une arrestation et une séquestration sans que votre famille ne sache où vous êtes durant cinq jours. Nombre de militants de causes diverses sont ainsi arrêtés, « Et pas seulement des présumés membres d'ETA, loin de là, beaucoup plus de personnages politiques qui n'ont jamais pris les armes, voire des journalistes, des militants associatifs qui militent pour la non-violence... et tout ce monde est accusé de faire partie de l'entourage d'ETA". Plutôt fort! » déclare Mari Oxtandi lorsque nous évoquons les cas de tortures dénoncés par Amnesty International et qui concernent nombre de militants basques.

Récemment Gorka Lupiáñez a été torturé. Selon l’organisation Askatasuna, qui soutient les prisonniers basques, en janvier deux jeunes de Lesaka ont été arrêtés à Arrasate/Mondragon, village où eu leiu la manifestation imposante contre le TAV. L'un d’eux, Igor, a deux côtes cassées et un poumon perforé suite aux tortures subies durant les quelques heures d'incommunication, terme qui désigne cette « séparation forcée » que subissent les militants espagnols quant la police les « invite » à s’extraire de la société. « Elle concerne aussi nombre de militants de gauche de tout l'Etat espagnol » continue Mari. Alfredo Frías l’un des suspects de l’affaire du 18/98 a été arrêté au siège d'Eguzki [mouvement écologiste] et depuis la fin de la trêve il vaut mieux éviter de dire en pleine rue : « Besta Bai boroka ere bai ! »

Alors basque ou pas basque, en Espagne la police est à tes trousses.

Christophe Goby (mensuel CQFD Marseille) et Diagonal, périodique espagnol.



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