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Réflexions de Fidel Castro

Anonyme, Miércoles, Enero 2, 2008 - 20:50

Fidel Castro

Compañeros de l’Assemblée nationale

Votre travail est très dur. Face au cumul de besoins croissants que notre société a hérités de la néo-colonie yankee à compter du 1er janvier 1959, nous étions nombreux à rêver de créer un pays pleinement juste et totalement indépendant. A un moment donné, nous sommes restés seuls dans une lutte difficile et inégale.

A presque un demi-siècle de la victoire, nous pouvons être fiers à juste titre d’avoir résisté tout ce temps à l’Empire le plus puissant que l’Histoire ait connu. Aucun de vous n’a vu le moindre acte de népotisme ni d’usurpation des fonctions du parlement dans ma Communication au peuple cubain du 31 juillet 2006. Cette année-là, à la fois difficile et prometteuse pour la Révolution, l’unité du peuple, du parti et de l’Etat était une condition sine qua non pour aller de l’avant et contrecarrer la menace déclarée d’une intervention militaire de notre ennemi, les Etats-Unis.

Au cours de la visite qu’il a réalisée le 24 décembre dernier dans la commune qui m’a fait l’honneur de soutenir ma candidature au Parlement, le compañero Raúl s’est rendu compte que la totalité des nombreux candidats choisis par le peuple dans cette municipalité – qui était fameuse par le passé pour sa combativité, mais où le niveau scolaire était faible – était des diplômés de haut niveau, ce qui, comme il l’a raconté à notre télévision, l’a profondément ému.

Les cadres du parti, de l’Etat, du gouvernement et des organisations de masse font face à de nouveaux problèmes dans leurs relations avec un peuple intelligent, observateur et cultivé qui déteste les entraves bureaucratiques et les explications machinales. Chaque citoyen livre au fond sa propre bataille contre la tendance innée de l’être humain à suivre l’instinct de survie, cette loi naturelle qui régit la vie.

Nous naissons tous marqués par cet instinct que la science définit comme quelque chose d’élémentaire. Il est bon de s’y heurter, parce que cela nous conduit à la dialectique et à la lutte constante et désintéressée, nous rend plus martiniens et vraiment communistes.

Ce que la presse internationale a le plus souligné de la lettre que j’ai adressée le 17 au directeur de la Table ronde télévisée, c’est la phrase où je dis que je ne suis pas quelqu’un qui s’accroche au pouvoir. Je peux ajouter que je l’ai été à un moment donné par excès de jeunesse et carence de conscience quand je suis sorti tout seul, sans le moindre précepteur, de mon ignorance politique et me suis converti en socialiste utopique. C’était une étape où je croyais savoir ce qu’il fallait faire et souhaitais pouvoir le faire ! Qu’est-ce qui m’a fait changer ? La vie même, à mesure que j’ai mieux approfondi la pensée de Martí et celle des classiques du socialisme. Plus je me battais, et plus je m’identifiais à ces objectifs au point que je pensais, bien avant la victoire, que mon devoir était de lutter pour les atteindre ou de mourir au combat.

Par ailleurs, de grands dangers qui menacent l’espèce humaine nous guettent aussi. C’est quelque chose qui est devenu toujours plus évident pour moi dès le jour où, voilà plus de quinze ans, en juin 1992, j’ai prévenu pour la première fois à Rio de Janeiro qu’une espèce courait le risque de disparaître à cause de la destruction de ses conditions de vie naturelles. La quantité de gens qui comprennent ce risque réel ne cesse de croître ces derniers temps. Joseph Stiglitz, qui a été vice-président de la Banque mondiale et principal conseiller économique du président Clinton jusqu’en 2001, prix Nobel et best-seller aux Etats-Unis, a publié récemment un ouvrage qui apporte à cet égard des données actualisées irréfutables. Il dénonce que les Etats-Unis, qui n’ont pas souscrit le Traité de Kyoto, sont le principal émetteur de dioxyde de carbone dont ils lancent tous les ans six milliards de tonnes qui perturbent une atmosphère sans laquelle la vie est impossible. Ils sont par ailleurs le plus gros émetteur d’autres gaz à effet de serre.

Peu de gens connaissent ces données. Le système économique en soi, qui a imposé un gaspillage d’énergie insoutenable, empêche la diffusion du livre de Stiglitz ; sa magnifique édition se borne à quelques milliers d’exemplaires, juste bons pour assurer les profits, une exigence du marché sans laquelle les éditeurs ne pourraient exister.

On sait aujourd’hui que la vie sur la Terre a été protégée par la couche d’ozone, située sur un anneau extérieur entre quinze et cinquante kilomètres d’altitude, dans la zone connue comme la stratosphère, et servant de bouclier de la planète contre les rayons solaires qui peuvent être nocifs. Certains gaz à effet de serre, à pouvoir de réchauffement supérieur à celui du dioxyde de carbone, agrandissent au-dessus de l’Antarctique le trou de la couche d’ozone, laquelle perd à chaque printemps jusqu’à 70 p. 100 de son volume, un phénomène progressif de nature anthropique. Pour en avoir une idée claire, qu’il suffise de dire que le monde émet en moyenne 4,37 tonnes de carbone par habitant, mais que les Etats-Unis en émettent 20,14, soit presque cinq fois plus ; et que l’Afrique en émet 1,17 et l’Asie-Océanie 2,87.

Autrement dit, la couche d’ozone nous protège des rayons ultraviolets et calorifiques qui causent du tort au système immunologique, à la vue, à la peau, bref, à la vie des êtres humains. La destruction extrême de cette couche par l’homme affecterait toute forme de vie sur la planète.

D’autres problèmes sans rapport avec notre patrie ou n’importe lequel dans des conditions similaires nous menacent. Une contre-révolution victorieuse serait épouvantable et constituerait une tragédie pire que celle que souffrit l’Indonésie quand Sukarno, un dirigeant nationaliste qui, prenant des positions loyales à son pays, avait dirigé les guérillas qui se battirent contre les Japonais, fut renversée en 1967.

Le général Suharto, qui le renversa, avait été entraîné par les occupants japonais. A la fin de la Deuxième guerre mondiale, la Hollande, alliée des Etats-Unis, restaura sa domination sur ce territoire lointain, étendu et très peuplé. Suharto manoeuvra. Prit en main les drapeaux de l’impérialisme yankee. Commit un atroce massacre. On sait aujourd’hui que, sur instructions de la CIA, non seulement il tua des centaines de milliers de communistes, mais qu’il en emprisonna un million et les priva, eux et leurs descendants, de tout bien et de tout droit. Il entassa une fortune familiale de quarante milliards de dollars qui, aux cours actuels, équivaudraient à des centaines de milliards, fruit du bradage des ressources naturelles et du travail des Indonésiens. L’Occident paya. Le président des Etats-Unis était alors le Texan Lindon Johnson, successeur de Kennedy.

Les nouvelles qui nous parviennent aujourd’hui sur ce qui s’est passé au Pakistan sont un autre exemple des dangers qui menacent l’espèce : un conflit interne dans un pays doté d’armes atomiques. Tout ceci est la conséquence des politiques aventurières et des guerres déclenchées par les Etats-Unis pour s’emparer des ressources naturelles du monde.

Le Pakistan, impliqué dans un conflit qu’il n’a pas déclenché, s’est vu menacé d’être renvoyé à l’âge de la pierre. Les circonstances spéciales qui entourent le pays ont aussitôt influé sur les cours du pétrole et les actions en bourse. Aucun pays ni aucune région du monde ne peut échapper à ce genre de conséquences. Il faut être prêt à tout.

Je n’ai cessé d’apprendre un seul jour de ma vie.

Martí nous a appris que « toute la gloire du monde tient dans un grain de maïs ». J’ai dit et répété bien des fois cette véritable maxime morale contenue dans à peine onze mots.

Les Cinq Héros cubains prisonniers de l’Empire sont des paradigmes que les nouvelles générations doivent imiter.

Heureusement, les conduites exemplaires se multiplient toujours dans la conscience des peuples, et il en sera ainsi tant que notre espèce existera.

Je suis convaincu que de nombreux jeunes cubains feraient pareil dans leur lutte contre le Géant aux bottes de sept lieues. On peut tout acheter avec de l’argent, hormis l’âme d’un peuple qui ne s’est jamais agenouillé.

J’ai lu l’allocution brève et concrète que Raúl m’a envoyée au préalable. Il faut continuer d’aller de l’avant sans s’arrêter un instant. Je lèverai ma main en même temps que les vôtres pour la soutenir.

Fidel Castro Ruz
27 décembre 2007
20 h 35

Michael Walsh
site du journal cubain
www.granma.cu


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