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La police tue et le gouvernement pue

COBP, Lunes, Diciembre 31, 2007 - 17:04

Collectif Opposé à la Brutalité Policière

La mort tragique d’Yvon Lafrance illustre bien la corruption et l’hypocrisie de notre système de justice. Car au delà du meurtre policier et du mensonge juridique, cette histoire révèle aussi comment des ministres, des juges et des coroners se ferment les yeux devant des crimes horribles

Le 3 janvier 1989, une dispute éclate entre Yvon Lafrance et Ian Mc Donald au sujet du volume de la musique dans leur appartement situé au 1576 rue Champlain dans le quartier gay à Montréal. La querelle se poursuit jusque dans la station service à deux pas de chez eux. Inquiète, l’employée de la station service téléphone à la police. Aussitôt arrivés sur les lieux de la dispute, des flics plaquent Mc Donald sur une voiture de police pendant que les autres cherchent Lafrance à l’intérieur de l’appartement. Quelques minutes plus tard, il recevait une balle en plein cœur tirée par l’agent Dominic Chartier du poste 33.

Selon la version policière relatée dans les journaux le lendemain matin, lorsque Chartier a tiré, le défunt fonçait sur lui et ses collègues avec un couteau. Pourtant, selon un témoin, la vérité serait bien différente. Pour Stéphane Hénault, un voisin qui a tout vu de sa fenêtre, lorsque Chartier a tiré, Lafrance était immobile et inoffensif. Hénault raconte aussi que par la suite, les flics ont trainé le corps du défunt torse nu dans la neige et le froid. Tout porte à croire qu’il s’agit là d’une autre bavure policière. Cet incident survenu à la même époque ou le SPCUM se livrait fréquemment à des descentes et des arrestations arbitraires dans le quartier gay en dit long sur la tendance homophobe de la police.

Comme il est de mise depuis l’affaire Griffin en 1987, un autre corps de police devait s’occuper du dossier d’enquête pour déterminer dans quelles circonstances un homme à été tué ce soir là. Yvon Lefebre et Gaëtan Rivest, enquêteurs de la Sureté du Québec, ont été chargés de mener cette enquête. Mais nous retrouverons plus tard Gaëtan Rivest et verrons que l’histoire nous prouve que le fait de transférer l’enquête à un autre corps de police ne garantit pas l’impartialité et la transparence, bien au contraire.
Bien que dès le lendemain, pour le coroner chargé du dossier, Claude Paquin, il s’agissait d’un cas de légitime défense de la part du policier Chartier, le témoignage du voisin réveilla l’opinion publique. Le 6 janvier 1989, le coroner en chef Jean Grenier ordonnait donc la tenue d’une enquête publique.

Les audiences qui débutèrent au mois de mai de la même année furent une vraie supercherie. Un ancien flic supposé spécialiste d’arts martiaux est venu prétendre que lorsque Chartier a tiré, il était en légitime défense. Une série de témoins ont été convoqués pour ternir la réputation du défunt. On alla même jusqu’a prétendre que Lafrance avait du mal à supporter son orientation sexuelle, qu’il était dépressif et que cette altercation avec les policier était pour lui une forme de suicide déguisée.
Il est aussi intéressant de se questionner sur le fait que la version des faits du voisin et des policier était différente sur plusieurs points. A savoir la distance entre la victime et les agents, la position dans laquelle était Lafrance de même qu’une série d’autres détails. Mais le témoignage de Hénault fut rejetté pour des raisons techniques a-t-on dit. Pourtant, lors des audiences Gianfranco Cavallo, responsable de la section balistique judiciaire au Laboratoire de police scientifique à démontré que même si elles comportaient des contradictions, les deux versions étaient possibles. C’est quand même bête que dans cette affaire, la cour préfère croire des policiers solidaires de leur collègue plutôt qu’un témoin indépendant. Quoi que avec une soit disant enquête comme celle là, peut-on vraiment s’étonner de la conclusion selon laquelle Chartier était en légitime défense?

Bien que totalement injuste et inacceptable, ce dénouement ne nous surprend guère. A chaque année, des civils tombent sous le coup des bavures policières. 42 personnes tuées par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en 21 ans, au moins 53 morts causées par la police au Québec depuis 2005. C’est sans compter le reste du Canada et du monde. Et c’est toujours la même chose, on commence par monter une campagne de salissage contre la victime. On fait tout un plat de son dossier judiciaire quand cela n’a rien avoir avec les incidents. Tout ca pour monter la population ait peur de la victime et qu’elle se sente bien protégée par des flics à la gâchette facile. Puis, avec l’aide du système de justice et des autres corps policiers, on blanchit les flics-assassins. Mais leur cassette commence à être usée, tout comme notre patience.

Cette histoire aurait pu tomber dans l’oubli comme toutes les autres si Gaëtan Rivest, enquêteur de la SQ dans le dossier de Lafrance, n’avait pas avoué avoir triché en 1989. En effet, lors d’une conférence de presse organisé par le COBP en 1996, Rivest raconte comment il a trafiqué l’ enquête au profit de Chartier. Il explique que lors du premier interrogatoire, le policier lui avait dit ne pas avoir senti sa vie ou celle de ses collègues menacée parce que le suspect était beaucoup trop loin. Et que s’il avait tiré, c’est qu’il était tendu. Après de telles réponses, il est allé voir un officier du poste pour qu’il « aide » les trois agents impliqués dans le dossier à faire des déclarations moins gênantes. Devant le refus de cet officier, ce fut un membre de la Fraternité des policiers qui serait venu leur expliquer comment faire. L’ex-caporal de la SQ affirme que c’est une pratique courante dans les histoires de morts aux mains des flics et que les corps policiers sont invariablement de mèche pour orchestrer les témoignages afin que leurs collègues puissent éviter les tribunaux. Rivest mentionne aussi que dans ce genre de dossiers, la Fraternité des policiers et policières est omniprésente pour mettre de la pression sur les enquêteurs.

Par la suite, Rivest a même continué sa croisade jusqu’au ministre de la justice de l’époque, Serge Ménard, avec qui il a parlé des illégalités policières dans le dossier Lafrance et dans plusieurs autres. Rivest était d'ailleurs revenu sur cette affaire lors de son témoignage devant la commission Poitras, chargée de faire la lumière sur les enquêtes criminelles à la SQ. Malgré la preuve accablante de la culpabilité de Chartier, le système de justice Québécois n’a pas bougé d’un poil. Le 13 février 2000, le Mouvement Action Justice demandait à Serge Ménard d’ouvrir une enquête publique sur la gestion administrative d’une série de décès aux mains du Service de police de la communauté urbaine de Montréal (SPCUM), y compris celui d’Yvon Lafrance. Appel qui demeura lettre morte. Devant ce refus de l’administration de la justice d’assumer ses responsabilités, le MAJ décide d’intenter une plainte criminelle privée pour entrave à la justice contre Gaetan Rivest. Un an plus tard, il fut reconnu coupable, mais obtenu l’absolution.
A la lumière de toutes ces informations, et après la reconnaissance de la culpabilité de Rivest, aucune démarche n’a été entreprise afin de rendre justice aux proches d’Yvon Lafrance. Dominic Chartier continue de patrouiller avec son arme meurtrière et son histoire est la preuve que l’impunité policière donne l’impression aux flics que tout leur est permis. Depuis le meurtre qu’il a commis en 1989, il ne s’est pas calmé. Dans le centre-ville de Montréal, il était connu des gens de la rue sous le nom du «bulldozer» pour son comportement agressif avec les itinérantEs . Il est aussi important de mentionner qu’il était aux côtés du constable Michel Garneau lorsqu’il a tué Martin Suazo en 1995. Et qu’à la déontologie policière, 7 plaintes ont été déposées contre lui concernant des abus de force et de pouvoir, entre autres sur des personnes âgées. Mais tous ces accrocs ne semblent bel et bien pas faire peur à ses supérieurs, puisqu’ils l’ont récemment nommé moniteur de tir.

Cette histoire illustre bien que lorsqu’il s’agit de couvrir des flics assassins, les organisations policières, juridiques et gouvernementales sont prêtes à tout : corruption, mensonges, . Bref, un cover up total. Bien sur cette histoire n’est pas la seule mais la loi du silence du milieu policier fait en sorte que bien peu se rendent jusqu’à nos oreilles. Mais même après toutes ces années, il n’est pas trop tard pour exiger la vérité et la justice.

Aujourd’hui plus que jamais, nous demandons que des accusations de meurtre soient portées contre le policier du SPVM Dominic Chartier matricule 1373.

cobp


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