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Gratuité scolaire: poursuivons la lutte sur des bases révolutionnaires

Eric Smith, Domingo, Diciembre 2, 2007 - 19:30

Le Drapeau rouge-express

Au cours de la semaine du 11 novembre, le mouvement étudiant québécois a repris le chemin de la lutte. Malgré l'échec de la campagne de mobilisation menée par l'ASSÉ (l'Association pour une solidarité syndicale étudiante), qui souhaitait déclencher une grève générale dès cet automne contre le dégel des frais de scolarité universitaires et en faveur de la gratuité scolaire, un certain nombre d'associations étudiantes se sont mobilisées, principalement dans la région de Montréal.

À l'UQAM, cinq des sept associations facultaires ont fait grève durant toute une semaine, pour protester à la fois contre le dégel et le «plan de redressement» de l'institution, qui propose de faire payer les étudiantEs pour les malversations financières commises sous l'ancienne administration du recteur démissionnaire, le trotskiste Roch Denis. Les médias ont largement fait état des interventions policières musclées qui ont eu lieu à l'UQAM et au Cégep du Vieux-Montréal, tout en en imputant la responsabilité au «radicalisme» des manifestantes et manifestants. Bien peu ont pris la peine de s'intéresser aux enjeux soulevés par les grévistes, qui défendaient le droit du peuple à l'éducation et s'opposaient à un système d'éducation de plus en plus élitiste et orienté en fonction des besoins stricts des capitalistes.

Le 15 novembre, au moins 2 000 étudiantes et étudiants ont répondu à l'appel de l'ASSÉ et ont manifesté dans le froid et sous la pluie au centre-ville de Montréal. Une semaine plus tard, elles et ils étaient moins d'un millier à participer à la manifestation nationale convoquée également à Montréal par les deux grandes fédérations étudiantes inféodées au PQ et à l'appareil d'État, la FECQ et la FEUQ. Sans vouloir faire une bataille de chiffres et entrer dans une querelle peut-être inutile à savoir qui possède la plus grande capacité de mobilisation, on notera quand même l'ironie de la chose: c'est que les responsables des deux fédérations avaient fait des gorges chaudes du fait que l'ASSÉ n'avait pu mobiliser «que 2 000 étudiantEs», sur les quelque 40 000 membres qu'elle regroupe. Pour eux, cela «prouvait» que l'ASSÉ est «déconnectée» des étudiantes et étudiants, parce que «trop radicale». Mais la mobilisation d'à peine 1 000 étudiantEs à la manifestation des «fédés», alors que ces dernières revendiquent un membership quatre fois supérieur à celui de l'ASSÉ (185 000 membres!) en dit long quant à savoir qui est vraiment «déconnecté»...

Cela dit, les prétentions des uns et des autres montrent très clairement à quel point l'idée même d'un mouvement étudiant uni autour d'une même stratégie et d'un seul corpus revendicatif ne correspond pas à la réalité.

Les étudiantes et étudiants maoïstes ont participé à la mobilisation étudiante sous la bannière du Mouvement étudiant révolutionnaire (MER) -- une initiative de notre parti, qui vise à faire valoir le point de vue révolutionnaire prolétarien en milieu étudiant. Nous publions ici des extraits du deuxième numéro du bulletin de combat du MER-PCR, Révolutionnaires maintenant!, qui a été largement diffusé dans le cadre des actions étudiantes. (Pour plus d'info sur cette initiative, écrivez à m...@pcr-rcp.ca).

Le Drapeau rouge-express

* * *

Surmonter les difficultés

À l'évidence, le mouvement de grève a fait face à des obstacles importants, et un premier bilan non exhaustif de la mobilisation permet de faire ressortir des éléments qui permettent de mieux illustrer les difficultés rencontrées par le mouvement de grève.

Par exemple, la stratégie initiale à l'effet d'appliquer la grève au plus vite, si elle avait pour origine la volonté réelle d'amener le mouvement étudiant dans la lutte, n'a pas assez tenu compte de la faiblesse actuelle de ce dernier, incarnée par des associations locales souvent inopérantes. Il ne suffit pas d'être pour la grève, d'avoir des mandats: encore faut-il s'appuyer sur la réalité du mouvement pour la déclencher. Il ne faut pas oublier que le moyen qu'est la grève ne doit pas occulter la fin, c'est-à-dire la victoire.

Évidemment, si nous menions uniquement les combats avec la certitude à 100% de remporter la victoire, nous ne mènerions que peu de luttes. Nos plans peuvent être bien conçus, nous pouvons prendre toutes les précautions, bien organiser nos forces, rassembler les ressources nécessaires, déployer un important travail d'agitation, etc., et malgré tout, il n'en demeure pas moins que la lutte peut ne pas réussir.

Dans le cas présent, ce qui apparaît comme un «détour» sur le chemin de la lutte pour la gratuité scolaire fait ressortir les contradictions profondes et les nombreux enjeux de classe qui traversent le mouvement étudiant et sa composante «syndicaliste», qui sont loin d'être unanimement et automatiquement, des acteurs favorables au changement social.

La situation actuelle exige un important travail de reconstruction et de réorientation politique du mouvement étudiant, qui permettrait de donner des perspectives plus larges et à plus long terme. La première étape de ce travail est d'approfondir nos connaissances du mouvement étudiant, des forces qui le composent et des contradictions qui le traversent.

Le mouvement étudiant divisé

La limite fondamentale des regroupements étudiants et du mouvement étudiant en général est de voir le groupe formé par les étudiantEs comme un groupe social homogène composé d'indivduEs partageant majoritairement des conditions de vie et des perspectives similaires.

Même s'il est vrai que les étudiantEs peuvent, dans certaines conjonctures, avoir des intérêts sociaux communs (on n'a qu'à penser à la grève de 2005), il n'en demeure pas moins que de façon générale, ils et elles demeurent liéEs et à leur classe de provenance et qu'ils et elles défendent des perspectives différentes.

En temps normal, l'intérêt commun rend vaguement perceptible, de l'extérieur du mouvement, les intérêts de classes divergents. C'est un peu comme s'ils disparaissaient, qu'ils étaient temporairement suspendus à l'intérieur des écoles et universités.

Pourtant, cette façon de voir les étudiantEs comme un groupe homogène est l'aspect principal qui a miné et qui continue à miner l'action de nombreux groupes oeuvrant dans le mouvement étudiant. En fait, la négation volontaire ou involontaire de la division en classes constitue la base de toutes les limites dans les analyses et les actions du mouvement étudiant.

Trop longtemps, les militantEs étudiantEs se sont représentéEs le mouvement étudiant comme divisé entre le mouvement étudiant collaborationniste, vendu aux intérêts de la bourgeoisie, et le mouvement étudiant honnête et combatif de gauche.

Cette représentation «gauche/droite» dans le mouvement étudiant ne doit pas nous guider en priorité. C'est une représentation réductrice dans la mesure où elle est fluctuante et où elle est tributaire de l'état des forces dominantes dans le mouvement étudiant dans son ensemble. Lors de certaines conjonctures, la «gauche» peut être relativement proche des positions prolétariennes de lutte de classes. Dans d'autres conjonctures, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même et n'offre rien de plus qu'une version parmi d'autres de ce qui constitue l'orientation réformiste dominante.

Ce perpétuel déplacement entre des positions à «gauche» et à «droite» trouve sa source dans le fait que le mouvement étudiant demeure essentiellement un mouvement traversé par les classes sociales et la lutte des classes. Dans la société de classes, un mouvement qui ne soit pas traversé par la lutte des classes et qui ne reflète pas les différents intérêts de classe de la société, aussi combatif soit-il, cela n'existe pas. Ainsi, dans le mouvement étudiant dans son ensemble, à l'ASSÉ tout comme dans la FECQ et la FEUQ, il y a des étudiants et des étudiantes dont les intérêts divergent.

D'un côté, on retrouve des étudiantEs provenant de milieux bourgeois et destinéEs à devenir les futurEs gestionnaires du capitalisme, qui accueillent favorablement l'exclusion des institutions scolaires d'un nombre de plus en plus grand d'étudiantEs les plus pauvres. On retrouve aussi des étudiantEs gagnéEs à l'idéologie dominante, qui voient dans les augmentations de frais un sacrifice nécessaire.

De l'autre, les étudiantEs d'origine prolétarienne qui se trouvent actuellement au cégep ou à l'université ne partagent aucun intérêt avec leurs soi-disant «confrères et consœurs». Ils et elles sont en réalité bien plus proches des milliers d'étudiantes et d'étudiants des écoles secondaires, dont bon nombre n'iront pourtant jamais au cégep et encore moins à l'université, et de la jeunesse prolétarienne exploitée à petit salaire, qui court d'un emploi précaire à l'autre sans jamais arriver à se bâtir un avenir.

En fait, l'éducation sous le capitalisme suit fidèlement le modèle des classes sociales qui se perpétuent. Dans chaque association étudiante, on retrouve ces différents groupes aux intérêts divergents et il n'est donc pas surprenant que lors de la récente mobilisation, d'une assemblée à l'autre, les résultats aient traduit cette division.

Construire le camp révolutionnaire

Le MER-PCR croit qu'on ne peut faire l'économie de la lutte. Mais pour mener la lutte, il faut avant tout une stratégie à long terme qui mette en lumière les divisions qui existent dans le mouvement étudiant. En effet, c'est une des caractéristiques de la société capitaliste, caractéristique à laquelle le mouvement étudiant n'échappe pas, de maintenir des espaces qui favorisent l'absence de limites définies entre les différents intérêts présents.

Dans le mouvement étudiant, cela se manifeste par une tendance lourde à vouloir «cacher» les divisions de classes, «alléger» les revendications afin de «grossir le mouvement». Cette tendance, il faut résolument la combattre car l'accepter, ce serait oublier ce fait fondamental: si on ne défend pas une ligne prolétarienne, on développe ou on laisse développer une ligne bourgeoise.

Le point de départ du MER-PCR, c'est la mobilisation des masses étudiantes et de la jeunesse prolétarienne à partir des intérêts de son noyau prolétarien. Mettre nos énergies au service du peuple et mettre de l'avant la politique révolutionnaire: tel est notre défi aux forces bourgeoises et petites-bourgeoises qui tentent d'arrêter la lutte dès qu'apparaissent les difficultés ou bien qui tentent de la faire déboucher sur des réformes en deçà des besoins des masses.

En opposition à la bourgeoisie et au courant réformiste dominant dans le mouvement étudiant, nous opposons la construction de l'autre camp, celui de la jeunesse prolétarienne qui constitue la base de la pyramide de l'exploitation. Cette jeunesse est exclue de plus en plus de l'éducation ou alors endettée et promise à des salaires de misère. Cette jeunesse, on la retrouve à la base du mouvement étudiant de toutes les associations étudiantes dans les cégeps et universités mais aussi dans les usines et la rue.

C'est avec cette jeunesse que nous pourrons construire la seule perspective d'avenir qui pourra vraiment changer le sort de la majorité: mettre à bas le système exploiteur et les capitalistes qui l'organisent, tant à l'école, dans les usines qu'au gouvernement.

Dans l'immédiat, les étudiants et étudiantes révolutionnaires doivent organiser des actions qui viseront concrètement l'ennemi principal en ciblant la bourgeoise, son état-major au parlement bourgeois et ses partis politiques bourgeois. Il faut s'en prendre à ces gérants et gérantes du capitalisme dans les petites actions comme dans les actions de masse, c'est contre eux et elles que nous devons massivement porter notre réplique.

Plus concrètement, les militantEs étudiantEs sincères, anticapitalistes, doivent s'organiser dans les cégeps et universités et plutôt de que de se soumettre aux réformistes et aux bourgeois, ils et elles doivent apprendre à lutter pour faire durablement apparaître et grandir le mouvement étudiant révolutionnaire.

La lutte pour nombre d'étudiantEs peut sembler terminée, mais tel n'est pourtant pas le cas. Seulement, pour l'instant elle prend une forme différente qui exige que nous mettions de l'avant nos propostions et perspectives. C'est seulement en osant lutter, en menant les actions révolutionnaires nécessaires et en débordant du mouvement étudiant pour sortir de l'enclos dressé pour nous par la bourgeoisie, que nous progresserons réellement pour arracher de nouvelles victoires.

La jeunesse prolétarienne est en colère!
Pour un mouvement révolutionnaire étudiant!

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 162, le 2 décembre 2007.
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