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Annapolis: un "horizon" bouché pour les PalestinienNEs

Eric Smith, Lunes, Noviembre 26, 2007 - 23:54

Le Drapeau rouge-express

(D'après A World to Win News Service.) «Franchement, le temps est venu d'établir un État palestinien.» Voilà ce que Condoleezza Rice a déclaré à la mi-octobre, au moment où elle a annoncé l'intention de l'administration Bush de tenir le sommet qui aura lieu cette semaine à Annapolis, dans l'État du Maryland (Le Devoir, le 16 octobre 2007).

La secrétaire d'État des États-Unis, et le gouvernement qu'elle représente, sont connus pour tout, sauf leur sens de l'humour. Mais de tels propos ne peuvent susciter qu'un rire amer.

Une «feuille de route» vers nulle part

Le peu d'enthousiasme suscité par le sommet d'Annapolis auprès des différents acteurs moyen-orientaux qui ont été invités à y participer, a contraint l'administration Bush à diminuer les attentes et à présenter l'événement comme une simple «réunion de travail», plutôt qu'un sommet en bonne et due forme. Personne ne s'aventure à prédire qu'une nouvelle étape pourrait être franchie dans la mise en application de la fameuse «feuille de route» décrétée par les États-Unis il y a de ça quatre ans. Et encore, celle-ci ne constituait qu'une version pâlotte et réduite à bien peu de choses du «plan de paix» qui avait été esquissé lors de la réunion de Camp David en l'an 2000. Au mieux, les plus optimistes espèrent que la réunion d'Annapolis permettra simplement de «relancer les négociations»... une fois de plus.

Depuis l'an 2000, la seule chose qui ait vraiment bougé sur le terrain, c'est l'État d'Israël, qui s'est éloigné de plus en plus des dispositions du plan de paix élaboré à l'initiative des États-Unis. La position israélienne se résume en deux temps: d'une part, Israël doit jouir de la paix; d'autre part, les intérêts de l'État sioniste passent et passeront toujours au-dessus de quelque autre considération. C'est ainsi que les restrictions les plus modérées à l'expansionnisme sioniste, proposées dans la «feuille de route» de 2003 -- qui demandait notamment qu'Israël cesse d'implanter de nouvelles colonies dans les zones où un éventuel «mini-État» palestinien pourrait être mis en place -- ont été écartées d'emblée par les dirigeants israéliens. La question qui est en jeu à Annapolis est de savoir si on pourra convaincre les PalestinienNEs d'accepter un règlement encore moindre que ce qui était envisagé dans la feuille de route de George W. Bush.

Pour mettre les choses en perspective -- cela, peu importe ce qui se négociera à Annapolis -- il est bon de se rappeler que même si Israël devait accéder à chacune des revendications proposées par le négociateur palestinien désigné (le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas), et même à celles mises de l'avant par le Hamas (que les États-Unis n'ont pas daigné inviter à la rencontre), Israël garderait la mainmise sur l'équivalent de 78% de ce qui était autrefois la Palestine. À combien des quelque 22% du territoire restant les Palestiniennes et Palestiniens pourraient-elles et ils avoir droit et surtout, à quelles conditions? Ce sont là les deux seules questions qui seront posées dans le cadre de la rencontre d'Annapolis.

Le gouvernement israélien a quant à lui déjà fixé ses exigences minimales, qui se résument ainsi:

• Dans les faits, sinon au terme d'un accord formel, la Cisjordanie demeurera coupée en deux, littéralement, par les colonies israéliennes implantées sur les terres les plus fertiles.

• De manière explicite, tout accord devra formellement exclure le droit au retour des Palestiniennes et Palestiniens sur le territoire de ce qui est désormais l'État d'Israël, et dont ils et elles ont été chasséEs.

• Implicitement, l'ensemble du territoire qui serait éventuellement assigné aux PalestinienNEs demeurera soumis au contrôle perpétuel d'Israël.

En violation flagrante de la fameuse «feuille de route», qui prévoyait le démantèlement des colonies israéliennes installées au-delà de la frontière établie suite à la guerre de 1967, Israël a continué à développer ses colonies de peuplement. Selon un récent rapport publié par l'organisation israélienne Peace Now (http://www.peacenow.org.il), le nombre de colons illégaux («illégaux» tant aux termes de la «feuille de route» qu'en vertu du droit international) a augmenté de 5,8% par année depuis l'initiative américaine.

Dans les faits, l'impact négatif des colonies de peuplement dépasse largement ce seul pourcentage. Ces colonies sont concentrées dans le secteur situé à l'est de Jérusalem, que les Israéliens appellent Ma'ale Adumin. Les habitations qu'on y retrouve, accessibles à une dizaine de minutes à peine de la soi-disant «capitale» israélienne, font bien plus que d'assurer une vie confortable et banlieusarde aux colons qui les occupent. Elles viennent couper les quartiers palestiniens (ceux qui n'ont pas encore disparu, suite au nettoyage ethnique réalisé à Jérusalem-Est) des zones de la Cisjordanie où on permet encore aux PalestinienNEs de rester; en outre, elles ont aussi pour effet de couper la Cisjordanie elle-même en deux, entre le nord et le sud. Bien que les colonies ne s'étendent pas encore vers l'est jusqu'au Jourdain, elles occupent stratégiquement les régions les plus peuplées où le réseau routier s'est développé sur l'axe nord-sud.

Comme l'écrit l'organisation Peace Now, «sans contiguïté territoriale et sans accès à Jérusalem-Est, il sera impossible d'établir un État palestinien viable et ainsi, de conclure un accord mettant fin au conflit». Le conflit israélo-palestinien, cependant, est bien plus vaste que les seules questions de la Cisjordanie et de l'éventuelle intégration d'une partie de Jérusalem-Est au sein d'un «mini-État» palestinien. Le débat sur le droit au retour des Palestiniennes et Palestiniens illustre à quel point des questions encore plus fondamentales sont en jeu.

De façon tout à fait ironique, les discussions préparatoires à la rencontre d'Annapolis ont porté non pas sur les sujets dont on souhaitait discuter, mais sur ceux qu'il fallait exclure de l'ordre du jour. Ainsi, Mahmoud Abbas tenait à ce qu'il n'y ait aucune discussion susceptible de donner lieu à un accord spécifique sur le droit de retour des millions de PalestinienNEs qui ont été contraintEs de s'exiler lorsque Israël a été établi en 1948-49. Cela, parce qu'il sait très bien que la seule chose qu'Israël pourrait accepter, ce serait un accord interdisant leur retour, définitivement. Israël, de son côté, insiste pour que cette question soit à l'ordre du jour... À l'inverse, les Israéliens ne veulent pas entendre parler d'un accord qui fixerait les frontières définitives d'un éventuel «mini-État» palestinien; cela, pour la simple et bonne raison qu'Israël ne cesse d'élargir ses frontières. Pour Abbas, les frontières du futur État palestinien constituent au contraire le point le plus important à discuter à Annapolis...

Un bref regard sur la situation qui prévaut dans la Bande de Gaza nous donne une bonne idée de ce à quoi un «mini-État» palestinien pourrait ressembler. À la différence de la Cisjordanie, l'armée israélienne n'occupe plus la Bande de Gaza. Pourtant, Israël y a resserré son étau d'une manière encore plus étroite. L'État d'Israël contrôle en effet tout le territoire de Gaza -- la mer, l'air et la totalité de ses voies d'accès terrestres. Et il le fait d'une manière particulièrement dure, parce qu'il considère Gaza comme une «entité hostile». Israël et les États-Unis, on le sait, refusent de reconnaître le gouvernement qui y a été élu, formé par le Hamas.

Cela dit, peu importe qui gouverne la Bande de Gaza (qu'il s'agisse d'un gouvernement qu'elles jugent hostile ou amical), les autorités israéliennes ont clairement laissé entendre qu'elles ne permettront jamais aux Palestiniennes et aux Palestiniens de se déplacer librement entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie -- y compris même dans le cadre d'un mini-État palestinien qui pourrait être constitué.

La question fondamentale, qui demeure, est qu'Israël souhaite avoir le dernier mot sur tout ce qui concerne la Bande de Gaza, que ce soit aux niveaux économique, politique ou militaire. S'il s'y passe quelque chose qui leur déplaît, les Israéliens vont continuer à envoyer leurs troupes, comme ils le font déjà, et à mener des opérations ou des incursions militaires de plus en plus massives avec leurs véhicules blindés. Cela, tout en maintenant une surveillance aérienne permanente, avec leurs drones, leurs bombardiers, leurs missiles de croisière, leurs tirs d'artillerie, etc. -- sans parler des armes atomiques dont ils disposent.

Le blocus auquel la Bande de Gaza est soumise a déjà causé la mort de plus de 4 000 Palestiniennes et Palestiniens, qu'Israël a refusé de laisser passer et qui n'ont pu, conséquemment, obtenir les traitements médicaux requis. À peu près personne n'est autorisé à sortir du territoire de Gaza, tandis que la plupart de ceux qui souhaitent y retourner s'en voient désormais interdire l'accès. En outre, Israël vient d'annoncer qu'il interrompra l'approvisionnement en électricité.

Plus d'un million et demi de personnes se retrouvent donc dans une situation qui équivaut à une assignation à domicile, en violation des règles de droit international qui interdisent les représailles collectives. La capacité d'Israël de maintenir une telle situation, avec l'appui des États-Unis et des grandes puissances occidentales, montre bien qu'un éventuel mini-État palestinien ne lui sera pas moins subordonné. Un tel «État» ne serait souverain que de nom.

La réunion d'Annapolis: pourquoi?

Qu'est-ce que les États-Unis cherchent donc avec cette rencontre?

La plupart des observateurs considèrent qu'il y a bien peu de chances qu'une décision le moindrement substantielle y soit prise. Les États-Unis, on le sait, se gardent toujours de critiquer l'intransigeance israélienne; cela, parce que l'existence de l'État d'Israël constitue la pierre angulaire de leur domination sur tout le Moyen-Orient. Leur objectif, au fond, n'est peut-être pas tant d'en arriver à une solution quelconque concernant la Palestine, mais de continuer à faire vivoter ces «négociations sur les négociations», qui visent à en arriver, un de ces jours, à une solution basée sur la coexistence de deux États distincts (dont l'un dominerait l'autre). Cela permet de garder hors du décor la seule solution viable, qui permettrait de résoudre le «problème palestinien» dans l'intérêt de l'ensemble des populations concernées: à savoir le remplacement de l'État juif par un État séculaire et multinational.

Un apologiste bien connu de George W. Bush, David Brooks, a écrit récemment (International Herald Tribune, le 7 novembre 2007) que la rencontre d'Annapolis avait peut-être plus à voir avec l'Iran qu'avec Israël ou la Palestine. Ainsi, le fait de donner l'impression qu'ils souhaitent «faire quelque chose» pour la Palestine pourrait aider les Américains à construire une «coalition des modérés», qui pourrait éventuellement soutenir leur offensive contre le régime iranien.

En tout cas, s'il fallait que la conférence d'Annapolis échoue, les conséquences s'avéreront encore plus désastreuses, pour les États-Unis, que s'ils n'avaient pas pris l'initiative de la convoquer. Un tel dénouement affecterait négativement leur capacité de contrôler la situation et de faire avancer leur projet hégémonique, dans la région comme à l'échelle internationale. Cela encouragerait aussi les forces regroupées autour de l'Iran, et le fondamentalisme islamique de manière plus générale. Les risques sont donc élevés.

En même temps, si les États-Unis ne font rien au sujet de la Palestine, cela encouragera également leurs adversaires et minera leur capacité d'imposer leur volonté. Ainsi, peu importe de quel angle on analyse la situation, celle-ci apparaît insoutenable pour l'impérialisme US -- cela, en dépit de sa force considérable.

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Article paru dans Le Drapeau rouge-express, nº 161, le 25 novembre 2007.
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