De: ALIM HAYATOU

Excellence,

L'envie ne me manque pas, à l'instar de Parménide, de me mettre en congé d'athéisme. Non pas changer de conviction, mais écrire sur d'autres sujets, même dans cette rubrique. Nous autres matérialistes, ne sommes pas terre à terre pour autant. L'imagination humaine nous intéresse, à condition qu'il n'y ait pas de duperie à la clé, comme nous pouvons le voir en ce moment.

Je ne sais pas à quelle sauce nous allons être mangés, mais la cuisine est déjà prête. Les ingrédients nous sont amenés délicatement, un par un, en un bourrage de crâne insidieux. Visiblement tous ceux qui sont à la solde de Paul Biya sont à cours d’arguments. Quant à nous, il nous faut sans cesse protester, dénoncer avec nos faibles moyens, tant que les journaux nous donnent un peu d'air.

Tour à tour, les journaux nationaux titrent respectivement leurs couvertures, sur une éventuelle modification de la Constitution. Vous, en vos qualités de : chef traditionnel, Secrétaire d’Etat, et peut-être ministre de culte, vous enfoncez le clou, dans le journal «La nouvelle expression» du 16 novembre 2007: « C’est Dieu qui a choisi Paul Biya pour présider aux destinées du Cameroun depuis vingt cinq ans. ».

La tangente divine que vous avez prise, laisse abasourdi les démocrates. Car, à vouloir regarder de près la Constitution, le Cameroun est un Etat laïc. Par ailleurs, ramener les questions purement matérialistes et temporelles à la messianité divine est une violation de la Constitution qui stipule dans son préambule:« L’Etat est laïc. La neutralité et l’indépendance de l’Etat vis-à-vis de toutes les religions sont garanties ...».

Vos contorsions de prêtre égyptien, honorable Lamido, me font penser aux demoiselles de petite vertu qui autrefois se refaisaient une virginité en devenant dames patronnesses sur leurs vieux jours. L’hirsute Lamido Alim Hayatou est devenu bien pensant. Que tout le monde le sache !

Si Paul Claudel a rencontré Dieu derrière un pilier de Notre-Dame (de Paris), le Lamido Alim Hayatou a dû rencontrer d'abord le pilier ! Si vous désirez revenir à la religion de vos ancêtres: les croisades, les conquêtes, les fatwa, les djihads… faites-le, mais sans nous. Dans le contexte politique, la religion n’a pas de frontière. Le musulman Alim vient au secours du chrétien Paul….

Sur 475.000 km2 ne voit –on que des brebis ? Vous nous dites : « Toute autorité vient de Dieu ».Comment sommes-nous censés le comprendre? Puisque Dieu est parfait, tout ce qui découle de lui doit être parfait. D'après vos déclarations, vous nous démontrez par l'absurde, que les camerounais sont sur le chemin de Damas (paupérisme, malnutrition, analphabétisme, précarité). A force d'abnégation et de réélections, notre Paul Biya pourra être frappé du saint esprit pour être le meilleur exégète de la démocratie, à l’image de Saül de Tarse qui fut d’abord le plus grand persécuteur des chrétiens, avant de devenir le docteur de la foi que l’on sait.
Peut-être excellence, vous croyez-vous revenu à cette époque où, le pouvoir suprême était dévolu aux chefs traditionnels. Le Cameroun n'est pas un Lamidat, et les citoyens encore moins vos sujets.

Il est affligeant de voir que le quotidien des camerounais n’ait pas su guider votre inspiration. Bravant votre obligation de réserve, vous ne faites plus de distinguo dans la séparation des pouvoirs. Il ressort de votre magistère, une menace pour la liberté de conscience.

Faudra-t-il encore attendre quarante ans, pour entrer dans la terre promise, comme les israélites pendant leur traversée du désert ?

Nos dirigeants, avec votre aide éclairée de Lamido, font le pari de la sottise sur l'intelligence.

Nous, républicains, sommes au contraire, pour le partage de l'intelligence dans des institutions dignes de ce nom. Vous, très élitaire magicien, à force de théories compassionnelles, ne voyez même plus que le Cameroun se dirige vers son apocalypse.

Salutations païennes

Aimé Mathurin Moussy, Paris

(1)Lamido : chef traditionnel et guide religieux qui se trouve à la tête d’un vaste empire et vit principalement en zone foulbé au Nigeria et au Cameroun