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Cinq Dreyfus. Multiplions Emile Zola au XXIème siècle

Anonyme, Martes, Octubre 9, 2007 - 10:47

Guillermo Cabrera �?lvarez*

( Envoyé par Stéphane Chénier )

Cinq Dreyfus. Multiplions Emile Zola au XXIème siècle

Guillermo Cabrera �?lvarez*

Une histoire honteuse pour la France de la fin du XIXème siècle - et pour le
monde -, fut la condamnation, en 1894, du Capitaine Alfred Dreyfus accusé
d'espionnage. L'injustice dura jusqu'en 1906, douze années de captivité
sanglante dans le pénitencier de l'Ile du Diable, en Guyane française.

Une histoire honteuse pour les Etats-Unis de la fin du XXème siècle - et pour le
monde : celle de cinq combattants antiterroristes enfermés depuis 1998, accusés,
comme par enchantement politique, de conspiration en vue de commettre un acte
d'espionnage. Voilà déjà neuf ans qu'ils subissent un emprisonnement injuste.

Les preuves dans l'affaire Dreyfus : aucune. Un morceau de papier manuscrit,
trouvé par le Service des renseignements dans une poubelle à la porte de
l'ambassade allemande, destiné à l'attaché militaire et signé « D », suffit à le
faire condamner.

Les preuves dans le cas des cinq Cubains : aucune. En juin 1998, le gouvernement
de la République de Cuba, remet aux autorités étasuniennes - par l'intermédiaire
du Prix Nobel de Littérature Gabriel Garcia Marquez -, de nombreuses pages de
documents compromettants, huit heures de cassettes audio et vidéo qui apportent
les preuves d'actes hostiles contre les Etats-Unis eux-mêmes.

Les preuves étaient si claires qu'elles donnaient l'alerte au sujet de groupes
terroristes en Floride, au moment même où s'entraînaient dans cette zone
certains des pilotes qui transformèrent des avions de passagers en missiles de
guerre pour attaquer le World Trade Center.

Le FBI ne fit rien avec les preuves présentées par Cuba. Presque trois mois
après l'alerte cubaine, cinq révolutionnaires furent arrêtés, alors qu'ils
cherchaient certainement des informations pour protéger la vie de leurs
compatriotes. Aucun d'entre eux ne cherchait ou n'avait obtenu de données
militaires. Leur unique objectif était de connaître les mouvements de
terroristes qui agissent contre Cuba - dans l'impunité et la complaisance -,
depuis Miami.

L'abondante information transmise est restée lettre morte.

Pour que leurs activités soient considérées comme de l'espionnage, le
gouvernement des Etats-Unis doit reconnaître - avant tout - que le terrorisme
contre Cuba est une affaire de défense nationale, et que les terroristes basés à
Miami qui ont avoué, appliquent des instructions militaires et sont à leur
service.

Les cinq Dreyfus cubains subissent aujourd'hui des condamnations
impressionnantes allant de peines de quinze ans jusqu'à la réclusion à
perpétuité. Leurs conditions de détention sont aussi brutales que celles connues
par Dreyfus, et on ne peut que les comparer au traitement infligé aux
prisonniers dans le cône sud-africain durant l'Apartheid.

Le paradoxe de cette affaire : ceux qui donnent l'alerte sont arrêtés, ceux qui
conspirent pour assassiner, et assassinent, sont libres. Dans leur combat contre
le terrorisme, les Cubains faits prisonniers ont travaillé en faveur du peuple
étasunien. Le gouvernement des Etats-Unis, avec un total manque d'éthique, a
rejeté les informations révélatrices fournies par Cuba et a poursuivi,
emprisonné et condamné les informateurs.

Ce même gouvernement a rendu leur liberté aux deux terroristes d'origine
cubaine, Luis Posada Carriles et Orlando Bosch, responsables d'horribles crimes,
dont l'explosion d'un avion de Cubana de Aviacion avec 73 passagers à bord, en
1976. Dans le cas de l'affaire Dreyfus, le véritable espion, le capitaine
Esterhazy, a été innocenté lors d'un procès burlesque. Un siècle plus tard,
l'infamie se répète.

La meilleure preuve de la double morale de la justice étasunienne, ce sont les
propos de la juge Joan Lenard, qui dans la rédaction de la sentence de l'un des
cinq combattants, précise tout naturellement :
"Comme une condition à une mise en liberté surveillée, cet accusé n'a pas
l'autorisation de s'associer ni de rendre visite à des groupes terroristes ou
similaires ni d'aller dans les lieux que l'on sait fréquentés par ces groupes. »

Le plus dramatique de ce texte n'est pas son culot, mais le fait qu'il ait été
rédigé trois mois après le fatidique 11 septembre.

On reconnaît le travail qu'ils ont accompli contre des terroristes, mais on leur
interdit de s'associer à nouveau avec eux pour qu'ils ne puissent plus obtenir
davantage d'informations et que les criminels poursuivent leurs « exploits »,
sous la protection du gouvernement étasunien.

L'opinion publique

Chaque fois que l'on étudie la formation de l'opinion publique, on cite comme
exemple le plaidoyer publié par le légendaire écrivain français Emile Zola. Le
fameux « J'accuse » bouleversa la France de l'époque ; il est indispensable de
bouleverser l'humanité progressiste avec un nouveau « Nous accusons ».

L'auteur de « Germinal » a uni sa vie à celle de Dreyfus. Il est nécessaire de
faire la même chose avec les cinq Dreyfus cubains.

Depuis des années, on prétend sensibiliser l'opinion publique internationale,
mais les portes des grands médias demeurent hermétiquement closes. L'histoire se
répète comme dans d'autres cas d'injustices perpétrées par des tribunaux
étasuniens : Sacco et Vanzetti, les époux Rosenberg, et tant d'autres.

Dreyfus, devant le tribunal illégitime qui le jugea, a dit : « Je ne suis pas
dépossédé de tous mes droits, je conserve le droit de tout homme de défendre son
honneur et de faire proclamer la vérité. »

L'un des cinq Cubains emprisonnés, René González, a affirmé devant le tribunal
corrompu : « Nous continuerons à faire appel au penchant du peuple étasunien
pour la vérité, avec toute la patience, la foi et le courage que le crime d'être
dignes peut nous inspirer. »

Le tribunal français de l'époque ne voulut pas reconnaître son erreur. Un siècle
plus tard, à Atlanta, plusieurs juges étasuniens, dignes professionnels, ont
prononcé des sentences qui ont été déboutées.

De même, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies,
après un rigoureux examen des documents du procès, a conclu qu'en raison de la
gravité des violations commises contre eux, la privation de liberté de ces cinq
hommes était un fait illégal.

Le Miami d'aujourd'hui ressemble à la France du XIXème siècle, par son climat
pervers, désordonné, assombri par la presse à scandales menée par le Nuevo
Herald, dont il a été révélé que plusieurs rédacteurs touchaient et touchent un
salaire du gouvernement pour écrire contre Cuba.

Comme à l'époque d'Emile Zola et de son célèbre « J'accuse », il faut répéter :
« Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. »

Le monde ne peut être complice ni observer tranquillement le crime.

La presse de Miami correspond tout à fait au qualificatif donné par Zola : « Et
c'est un crime encore que de s'être appuyé sur la presse immonde ». Il ajoute :
« C'est un crime d'égarer l'opinion, d'utiliser pour une besogne de mort cette
opinion qu'on a pervertie jusqu'à la faire délirer. »

La vérité est en marche et rien ne l'arrêtera

Cette authentique déclaration de principes « La vérité est en marche et rien ne
l'arrêtera », formulée par l'auteur des Rougon-Macquart, exprime la foi dans les
valeurs des êtres humains qui ne permettront pas l'injustice.

Des intérêts inavouables ont mis au point le mensonge. La vilenie ne change pas
avec le temps, les mêmes injustices se répètent : il n'y a pas eu de procès
juste ni à Paris ni à Miami.

Dans les deux cas, les détenus ont été maintenus dans l'isolement. Aucune preuve
n'a été montrée, au cours d'un procès où la partialité du tribunal et des jurés
était de mise.

On a menti. Menti. Menti.

Le monde a une responsabilité collective et ne peut faire preuve d'indifférence
face à ce crime. Que la barbarie de l'affaire Dreyfus, aujourd'hui multipliée
par cinq, ne se répète pas.

Pensons et agissons comme Emile Zola, et que ses paroles ouvrent la voie de la
lutte : « Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui
a tant souffert et qui a droit au bonheur ».

Chaque jour d'enfermement des cinq Dreyfus qui passe est un outrage pour le
monde civilisé. Que ceux qui sont en faveur de l'innocence se lèvent ! Qu'ils se
lèvent comme le ferait Emile Zola. Comme dans l'affaire Dreyfus, on ne gagnera
pas ce procès dans un tribunal, mais dans la rue.

Ce n'est qu'en resserrant les rangs que nous pourrons faire céder les cinq
verrous qui enferment cinq innocents, prisonniers non pas sur l'Ile du Diable,
mais entre les mains du Diable en personne.

Guillermo Cabrera �?lvarez. Ancien directeur de l'Institut International de
Journalisme "José Marti", La Havane.
© La Revue Commune. N° 47. Paris, septembre-octobre 2007.

Traduit par Karine Alvarez
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